R. G : 07 / 01605
ARRET No
du : 09 mai 2008
MJR / EN
Claire X...
née XX...
C /
Philippe
X...
Formule exécutoire le :
à :
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-SECTION FAMILLE
ARRET DU 09 MAI 2008
APPELANTE :
Madame Claire X...née Y...
...
51100 REIMS
COMPARANT, concluant par la S. C. P. SIX-GUILLAUME-SIX avoués à la Cour, et ayant pour conseil Maître Florence Z..., avocat au barreau de REIMS
Appelante d'une décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de REIMS le 25 Octobre 2006
INTIME :
Monsieur Philippe X...
...
51100 REIMS
Comparant, concluant par la S. C. P. GENET-BRAIBANT, avoués à la Cour, et ayant pour conseil la S. E. L. A. R. L. GILLARD-CULLOT et KOLMER-IENNY, avocats au barreau de REIMS.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame ROUVIERE Marie-Josèphe, CONSEILLER faisant fonction de Président de Chambre en l'absence du titulaire régulièrement empêché, désignée par ordonnance du Premier Président en date du 9 Janvier 2008
Madame LEFEVRE Anne : CONSEILLER
Monsieur ALESANDRINI Etienne : CONSEILLER
GREFFIER D'AUDIENCE :
Madame Nicole A..., Adjoint Administratif faisant fonction de Greffier lors des débats et Madame Maryline THOMAS, Greffier lors du prononcé,
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 29 Février 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Avril 2008, successivement prorogée au 09 Mai 2008, sans opposition de la part des conseils des parties et en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, Madame ROUVIERE, a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la Cour dans son délibéré,
ARRET :
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Marie-Josèphe ROUVIERE, Conseiller, et par Madame Maryline THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision lui a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'appel formé par Madame Claire X...née Y... à l'encontre d'un jugement rendu le 25 octobre 2006 par le Juge aux Affaires Familiales près le Tribunal de Grande Instance de REIMS qui a notamment :
- Prononcé le divorce pour altération définitive du lien conjugal de Monsieur Philippe X...et de Madame Claire X...née Y...,
- Fixé les effets du jugement de divorce dans les rapports entre les époux en ce qui concerne leurs biens à la date du 15 mars 2005,
- Débouté Madame Claire X...née Y... de sa demande au titre de l'usage du nom marital,
- Condamné Monsieur Philippe X...à payer à Madame Claire X...née Y... une somme de 1. 500 € au titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- Rejeté la demande de Madame Claire X...née Y... au titre du préjudice matériel,
- Fixé la prestation compensatoire due par Monsieur Philippe X...à Madame Claire X...née Y... à la somme en capital de 168. 000 € payable selon 96 mensualités de 1. 750 € sur une durée de 8 ans,
- Confirmé les termes de l'ordonnance de non-conciliation du 15 mars 2005, s'agissant des effets du divorce concernant l'enfant commun Corentin,
- Condamné Monsieur Philippe X...aux entiers dépens.
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur Philippe X...et Madame Claire Y... se sont mariés le 4 juillet 1992 à BESANÇON (DOUBS), sans contrat préalable.
Un enfant est né de cette union : Corentin le 24 septembre 1993.
Le 18 janvier 2005 Monsieur Philippe X...a déposé une requête en divorce et par ordonnance de non-conciliation du 15 mars 2005 le Juge aux Affaires Familiales a organisé la vie séparée des époux : mettant à la charge de Monsieur Philippe X...une pension alimentaire au titre du devoir de secours de 1. 820 € par mois et une contribution à l'entretien et l'éducation de Corentin dont la résidence était fixée chez sa mère de 500 € par mois.
Elle prévoyait également un droit de visite et d'hébergement pour le père et l'exercice conjoint de l'autorité parentale.
Cette ordonnance a été confirmée en toutes ses dispositions par arrêt de cette Cour du 10 novembre 2005.
Entre temps, par exploit du 19 avril 2005, Monsieur Philippe X...a assigné son épouse en divorce sur le fondement de l'article 237 du Code Civil, demandant la confirmation des mesures relatives à l'enfant.
Madame Claire X...née Y... s'en est rapportée sur la demande en divorce de son époux, a sollicité à titre reconventionnel, l'autorisation de conserver l'usage du nom marital, la condamnation de celui-ci à lui régler sur le fondement des articles 266 et 1382 du Code Civil une somme de 30. 000 € à titre de dommages et intérêts outre celle de 436. 800 €
à titre de prestation compensatoire, la reconduction des mesures fixées dans le cadre de l'ordonnance de non-conciliation pour Corentin.
Au dernier état de la procédure, Monsieur Philippe X...a conclu au rejet de la demande relative à l'usage de son nom, de celle tendant à l'octroi de dommages et intérêts, à ce que son offre de verser à Madame Claire X...née Y... une prestation compensatoire de 45. 000 € en capital payable en 45 mensualités de 1. 000 € avec indexation soit déclarée satisfactoire, la confirmation des mesures relatives à Corentin.
C'est dans ces circonstances qu'a été rendu le jugement dont Madame Claire X...née Y... a relevé appel principal et Monsieur Philippe X..., appel incident.
L'affaire a été radiée par ordonnance du 29 mai 2007 en application de l'article 915 du Code de Procédure Civile, faute par l'appelante d'avoir conclu.
Vu les conclusions de Madame Claire X...née Y... du 12 décembre 2007 et les conclusions récapitulatives de Monsieur Philippe X...du 7 février 2008 ;
Vu l'ordonnance de clôture du 15 février 2008 ;
SUR CE
Attendu que par conclusions l'appelante a limité son appel principal au montant de la prestation compensatoire et à ses modalités de paiement et l'intimé son appel incident à ce même montant et à la condamnation à des dommages et intérêts ;
Sur la prestation compensatoire
Attendu que Madame Claire X...née Y... reprend sa demande de paiement d'un capital de 436. 800 € et Monsieur Philippe X...son offre de paiement d'un capital de 45. 000 € mais payable en 45 mensualités de 1. 000 € avec indexation, demandant subsidiairement au cas où le montant serait différent de son offre de le payer par versements mensuels indexés dans la limite de 8 ans ;
Attendu que le Premier Juge a exactement rappelé qu'aux termes de l'article 271 du Code Civil la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible et qu'à cet effet il y a lieu de prendre en considération un certain nombre de critères non exhaustifs visés par ce texte ;
Attendu que le Premier Juge a exactement analysé les documents produits dont il résulte que :
* le mariage a duré 14 ans, qu'à la lecture des actes d'état civil, à l'époque, l'épouse était agent administratif et lors de la naissance de l'enfant, Corentin, elle était sans profession et s'est consacrée à son nouveau foyer et à l'éducation de ses deux fils dès la fin de l'année 1992 jusqu'à aujourd'hui,
* Madame Claire X...née Y... est esthéticienne diplômée de formation ; elle a créé son propre institut dans l'orléanais et exercé ainsi sa propre activité artisanale d'octobre 1981 à décembre 1989
comme en atteste le relevé de carrière d'AVA du 7 mars 1990 mentionnant 33 trimestres validés au titre de la retraite,
* Monsieur Philippe X...a débuté ses études de médecine à BESANÇON, et effectué des gardes dans le cadre de l'internat au C. H. U. de BESANÇON et de SAINT RÉMY ; il justifie des revenus perçus sur la période d'août 1989 à octobre 1994 à hauteur de 37. 236 F au total,
* le couple a souscrit un prêt étudiant fin juillet 1992 de 80. 000 F pour lequel les parents de Madame Claire X...née Y... se sont portés caution et des attestations émanant de chacun des parents de Madame Claire X...née Y... et Monsieur Philippe X...viennent établir que des aides financières leur ont été apportées ;
Attendu qu'il a alors exactement considéré que :
- Madame Claire X...née Y... ne peut donc alléguer avoir assumé seule la charge financière du couple dans les premiers temps de l'union dans la mesure où elle ne travaillait pas,
- Le couple est ensuite venu s'établir à REIMS en novembre 1994 pour les besoins professionnels du mari et l'épouse a souhaité s'investir dans l'activité associative locale, tout en assurant la gestion de son foyer et l'éducation de ses deux fils, l'aîné étant issu d'une précédente union,
- S'il est vrai que l'épouse a suivi son mari de BESANÇON à REIMS, il n'est pas démontré par celle-ci qu'elle aurait eu à subir d'autres mutations professionnelles au profit de ce dernier, étant observé qu'ensuite de l'installation de son époux en qualité de médecin hospitalier au C. H. U. de REIMS, elle avait toute latitude de reprendre une activité professionnelle dans l'esthétique dont les techniques, si elles évoluent, ne sont cependant pas en profonde mutation ou dans un autre domaine en suivant une formation spécifique,
- Il ne peut donc être légitimement prétendu par l'épouse qu'elle aurait sacrifié sa carrière professionnelle au détriment de celle de son époux,
- Madame Claire X...née Y... ne s'est inscrite à l'A. N. P. E. qu'en août 2003,
- Si l'épouse a subi une grave dépression par suite de l'abandon de son mari, qui l'a certes fragilisée, le certificat médical du Docteur B...mentionne une régularité dans le suivi médical entrepris mais n'établit pas une incapacité pour elle d'exercer une quelconque activité professionnelle,
- Madame Claire X...née Y... a travaillé au sein d'un commerce à REIMS du 8 juin au 1er octobre 2004 et perçu un salaire moyen mensuel de 90 €,
- L'épouse a validé 33 trimestres pendant ses 8 ans d'activité artisanale et bénéficiera donc de droits à retraite en rapport avec cette période d'activité ; ses droits à retraite seront ainsi limités,
- Il est vrai de plus que l'absence d'activité professionnelle pendant plusieurs années rendra sa recherche d'emploi difficile,
- Agée de 46 ans à la date du divorce, elle devra encore consacrer plusieurs années à l'éducation de Corentin, âgé de 13 ans, surtout si l'enfant poursuit des études ;
Attendu qu'elle ne justifie d'aucune recherche d'emploi, ni avoir tant soit peu travaillé depuis 2004 ayant juste effectué un stage d'initiation à l'informatique de 66 heures du 14 mars 2007 au 14 juin 2007 concrétisé par un certificat du 2 juillet 2007 ;
Attendu qu'elle doit faire face aux charges habituelles de la vie courante dont celles d'habitation et s'est délivrée à elle-même une attestation de versement de 200 € par mois à son fils Guillaume C...né d'une 1ère union à l'égard duquel Monsieur Philippe X...n'a aucune obligation alimentaire ;
Attendu que c'est justement que le Premier Juge n'a pas retenu au titre des charges incompressibles seules à prendre en considération, dans la mesure où elles sont fixes, les frais d'entretien de véhicule et de téléphone portable ;
Attendu qu'en cours de procédure devant la Cour Madame Claire CLAIR née XX... a acheté un véhicule PEUGEOT d'occasion selon la pièce no 1 produite devant la Cour d'un prix de 15. 000 € financé par son père pour 13. 475 € à titre de prêt et un crédit de 1. 525 € remboursable en 48 échéances de 52. 96 € et 12 échéances de 51, 13 € du 5 juillet 2007 au 5 juillet 2011 ;
Attendu qu'à la date de souscription de ce crédit la Cour observe qu'elle a déclaré 2. 300 € par mois de revenus familiaux et 627 € de charges mensuelles ;
Attendu que Monsieur Philippe X..., médecin O. R. L., âgé de 41 ans a effectué une carrière professionnelle brillante qui évoluera de toute évidence encore dans les années à venir, celui-ci n'hésitant pas d'ailleurs à parfaire sa formation médicale ;
Attendu qu'il exerce depuis le 1er décembre 2005 une activité partagée entre le C. H. U. de REIMS et le Groupe Hospitalier Sud-Ardennes ;
Attendu que son avis d'imposition 2005 établit un revenu annuel de 69. 357 €, soit un revenu mensuel moyen de 5. 779, 75 € ;
Attendu que selon avis d'imposition sur le revenu Monsieur Philippe X...a perçu en 2006 un salaire moyen mensuel net imposable de 5. 772, 66 €, revenus ayant généré un impôt de 2. 814 € soit 234, 50 € par mois ;
Attendu qu'en 2007 selon bulletin de paie de décembre son salaire a été de 5. 681, 77 € par mois ;
Attendu qu'il doit également faire face aux charges habituelles de la vie courante dont celles d'habitation partagées avec sa compagne et qu'il y a lieu d'ajouter ses frais professionnels pour 142, 33 € par mois et la contribution payée pour l'entretien et l'éducation de Corentin de 500 € par mois ;
Attendu qu'au regard de ces éléments, il convient de réduire le montant de la prestation compensatoire à 60. 000 € en capital ;
Attendu que Monsieur Philippe X...ne disposant pas d'un patrimoine lui permettant de verser ce capital, il convient de lui permettre en application de l'article 275 du Code Civil de s'en acquitter par versements mensuels de 1. 000 € conformément à sa proposition, avec indexation, pendant 5 ans ;
Sur les dommages et intérêts
Attendu que l'appel porte uniquement sur les dommages et intérêts à titre de préjudice moral dont Madame Claire X...née Y... demande de confirmer le montant sans reprendre sa demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel tandis que Monsieur Philippe X...conteste devoir des dommages et intérêts ;
Attendu que devant la Cour, comme devant le Tribunal Madame Claire X...née Y... fonde sa demande à la fois sur les articles 266 et 1382 du Code Civil alléguant d'un préjudice moral causé par l'abandon de la famille par son époux et par l'existence d'une relation adultère de laquelle sont nés deux enfants outre par le manque d'égard de Monsieur Philippe X...à son encontre durant la procédure ;
Attendu qu'elle invoque la dépression qu'elle a subie suite à cette rupture douloureuse et d'un point de vue matériel la perte d'une situation sociale liée à la profession de son mari ;
Attendu que Monsieur Philippe X...conteste ces allégations et prétend que Madame Claire X...née Y... présentait préalablement à leur union une fragilité psychologique et qu'elle n'a volontairement jamais voulu retravailler pour profiter de ses revenus ;
Attendu que le Premier Juge a exactement considéré que :
- La fragilité psychologique préexistante à l'union de l'épouse et son suivi psychiatrique par le Docteur D...n'est corroborée que par les déclarations de Madame E...-X..., la mère du mari, aucun certificat médical ou autre élément objectif ne vient la confirmer,
- Elle ne pourra donc être retenue,
- En revanche, la dépression de Madame Claire X...née Y... consécutive au départ de son mari est largement établie par les témoignages d'amies ou personnes de la connaissance de l'épouse, et particulièrement par F...GEORGES qui révèle la tentative de suicide de celle-ci en août 2000 et son hospitalisation à la maison de santé de MERFY qui s'en est suivie du 24 août au 20 septembre 2000,
- Les certificats médicaux rédigés les 6 juillet 2005 et 22 mars 2006 par le Docteur B...confirment que Madame Claire X...née Y... a été traitée pour son syndrome dépressif majeur lié à la rupture de son couple et qu'elle est suivie médicalement depuis le 21 août 2000,
- Par ailleurs, le comportement du mari après son départ du domicile l'existence d'une union adultère et la naissance d'un enfant en cours de procédure sont des éléments qui seront nécessairement retenus pour l'appréciation du préjudice moral subi par Madame Claire X...née Y...,
- En revanche, Madame Claire X...née Y... ne peut nullement reprocher à son mari son manque d'égard dans la mesure où Monsieur Philippe X...a, dès l'origine, assumé financièrement sa responsabilité d'époux en versant à son épouse une somme mensuelle de 1. 830 € pour son entretien et celui de son fils ;
Attendu que le préjudice moral de Madame Claire X...née Y... certes ainsi établi s'est avéré limité puisqu'il résulte des attestations produites par Monsieur Philippe X...devant le Premier Juge qui les a passées sous silence, que Madame Claire X...née Y... avait un amant dès l'été 2000 après départ de son époux du domicile conjugal ce dont elle ne se cachait pas ;
Attendu en conséquence que son préjudice moral a été justement évalué à 1. 500 € ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement, après débats en Chambre du Conseil ;
Déclare les appels, principal et incident, recevables ;
Infirme dans la mesure utile le jugement rendu le 25 octobre 2006 par le Juge aux Affaires Familiales près le Tribunal de Grande Instance de REIMS ;
Statuant à nouveau ;
Condamne Monsieur Philippe X...à payer à Madame Claire X...née Y... une prestation compensatoire en capital de 60. 000 € (SOIXANTE MILLE EUROS) par mensualités de 1. 000 € (MILLE EUROS) pendant 5 ans ;
Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions compris sur l'indexation et les dépens ;
Condamne les parties à supporter les dépens d'appel par moitié avec possibilité de recouvrement direct au profit des S. C. P. SIX-GUILLAUME-SIX et GENET-BRAIBANT conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,