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07/05/2008 | FRANCE | N°544

France | France, Cour d'appel de reims, Ct0173, 07 mai 2008, 544


ARRÊT N o

du 07/05/2008

AFFAIRE No : 07/02931

BS/VB

Alain X...

C/

S.A.S.P. ESPERANCE SPORTIVE TROYES AUBE CHAMPAGNE (L'ESTAC)

Formule exécutoire le :

à :COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 07 MAI 2008

APPELANT :

d'un jugement rendu le 12 Juillet 2006 par le Conseil de Prud'hommes de TROYES, section encadrement

Monsieur Alain X...

...

88600 BEAUMENIL

Représenté par la SCP BERTRAND et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS,

INTIMÉE :

S.A.S.P. ESPERANCE S

PORTIVE TROYES AUBE CHAMPAGNE (L'ESTAC)

...

BP 801

10158 PONT STE MARIE

Représentée par Maître François KLEIN, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA ...

ARRÊT N o

du 07/05/2008

AFFAIRE No : 07/02931

BS/VB

Alain X...

C/

S.A.S.P. ESPERANCE SPORTIVE TROYES AUBE CHAMPAGNE (L'ESTAC)

Formule exécutoire le :

à :COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 07 MAI 2008

APPELANT :

d'un jugement rendu le 12 Juillet 2006 par le Conseil de Prud'hommes de TROYES, section encadrement

Monsieur Alain X...

...

88600 BEAUMENIL

Représenté par la SCP BERTRAND et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS,

INTIMÉE :

S.A.S.P. ESPERANCE SPORTIVE TROYES AUBE CHAMPAGNE (L'ESTAC)

...

BP 801

10158 PONT STE MARIE

Représentée par Maître François KLEIN, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Monsieur Bertrand SCHEIBLING, Président

Madame Christine ROBERT, Conseiller

Madame Claire CHAUX, Conseiller

GREFFIER lors des débats :

Mademoiselle Marguerite DAVERAT, Greffier en Chef

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Mars 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 Avril 2008, prorogé au 07 Mai 2008

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Bertrand SCHEIBLING, Président, et par Madame Françoise CAMUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Alain X... a été engagé le 5 novembre 2001 par la société ESPERANCE SPORTIVE TROYES AUBE CHAMPAGNE (dite ci après ESTAC) en qualité d'entraîneur de football pour une durée de quatre saisons sportives, soit jusqu'au 30 juin 2005.

Suivant contrat du même jour, il était prévu qu'il assumerait également les fonctions de Manager Général du club.

Par ailleurs, aux termes d'un avenant signé également le même jour, les parties sont convenues que "si monsieur Alain X... cesse volontairement ses fonctions telles que décrites dans le contrat no 100082-100060 et l'avenant No1-VI avant le terme prévu le 30 juin 2005, celui-ci s'engage à verser à L'ESTAC une somme correspondant à l'intégralité des salaires bruts hors prime devant être perçus pendant la période non exécutée".

La relation de travail a cessé le 1er juillet 2002.

Par acte du 6 avril 2005, L'ESTAC a saisi le Conseil de Prud'hommes de TROYES aux fins d'obtenir paiement d'une somme de 1.148.094 € à titre d'indemnité de rupture anticipée du contrat à durée déterminée, en application de l'avenant du 5 novembre 2001.

Par jugement du 12 juillet 2006, le Conseil de Prud'hommes a :

- condamné Alain X... à payer à L'ESTAC la somme de 1.154.250 €

- dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 mai 2003.

- ordonné la capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil

- condamné Alain X... à payer à L'ESTAC la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Alain X... a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Vu les conclusions déposées le 3 mars 2008 par Alain X... et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles celui-ci demande essentiellement à la cour de

A titre principal :

- constater que l'avenant portant le no2 daté du 5 novembre 2001 comportant une clause pénale n'a pas été homologué

- constater en tout état de cause que les dispositions dudit avenant sont contraires à la Charte du Football Professionnel

- en conséquence, déclarer nul et de nul effet ledit avenant

Subsidiairement

- constater que la clause pénale est contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L-122-3-8 du Code du Travail

- en conséquence, déclarer nul et de nul effet la clause pénale

Plus subsidiairement encore

- constater que le contrat de travail a été résilié d'un commun accord, suivant un avenant no2 daté du 30 novembre 2002

- en conséquence, débouter l'ESTAC de ses demandes

- à défaut, dire que la clause pénale est manifestement excessive et la réduire à 1 €

- condamner e tout état de cause L'ESTAC à payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Vu les conclusions déposées le 21 janvier 2008 par l'ESTAC et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles celle-ci demande à la cour de confirmer le jugement et de lui allouer une somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la validité de l'avenant du 5 novembre 2001

a) au regard de la charte du football professionnel

Attendu que l'article 678 de la Charte du Football Professionnel, ayant valeur de convention collective, prévoit que tout avenant au contrat d'un éducateur doit, comme le contrat lui-même, être adressé dans le délai de 15 jours à la Ligue Professionnelle de Football pour homologation ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que l'avenant en cause n'a pas été transmis pour homologation à la LFP ;

Attendu cependant, que l'alinéa 3 du texte précité prévoit principalement des sanctions financières à l'encontre du club ou de l'éducateur et ajoute que la nullité n'est encourue que "si les conventions.. sont contraires aux dispositions de la présente convention collective" ;

Qu'en l'espèce et contrairement à l'analyse du salarié, aucune disposition de la Charte du Football Professionnel ne prohibe empressement les clauses stipulant le versement d'une indemnité en cas de rupture anticipée du contrat d'un éducateur, l'article 112 invoqué par Alain X... concernant les joueurs et non les entraîneurs de football ;

Attendu que l'acte n'est donc pas contraire aux dispositions de la Charte du Football Professionnel ;

b) au regard du Code du Travail

Attendu qu'aux termes de l'article L-122-3-8 du Code du Travail, sauf accord entre les parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure ; qu'en cas de résiliation anticipée par le salarié, l'employeur a droit à une indemnité en fonction du préjudice subi ;

Attendu qu'il résulte de ces dispositions d'ordre public que le salarié ne peut par avance accepter une rupture du contrat par l'employeur pour d'autres causes que celles prévues par le texte ni convenir d'une indemnisation supérieure à celle résultant de ces dispositions ;

Or attendu qu'en l'espèce en stipulant que "si Alain X... cesse volontairement ses fonctions, il s'engage à verser..." l'avenant du 5 novembre 2001 autorise implicitement Alain X... à rompre prématurément le contrat à durée déterminée moyennant le versement des salaires restant à courir ;

Qu'il ajoute ainsi un motif de rupture - la cessation volontaire des fonctions moyennant contrepartie financière- aux causes légales limitativement énumérées par le texte précité ;

Attendu par ailleurs et en tout état de cause, que la clause par laquelle Alain X... s'engage à verser "une somme correspondant à l'intégralité des salaires bruts hors prime devant être perçus pendant la période non exécutée", s'analyse en une clause pénale au sens des articles 1152, 1226 et 1229 du Code Civil ;

Qu'une telle clause a pour objet de sanctionner forfaitairement le manquement d'une partie à ses obligations, sans que son bénéficiaire ait à justifier du préjudice subi ;

Que cette indemnisation forfaitaire, prédéterminée par les parties, est nécessairement contraire à l'exigence d'une réparation souverainement fixée par le juge en fonction du préjudice effectivement subi par l'employeur, résultant des dispositions d'ordre public de l'article L-122-3-8 du Code du Travail ;

Que cette clause est d'autant plus condamnable qu'elle aboutit à sanctionner le salarié de la même manière qu'est sanctionné par la loi l'employeur, alors que le législateur a prévu un mode d'indemnisation différent, plus favorable pour le salarié que pour l'employeur ;

Attendu qu'il convient en conséquence de prononcer la nullité de l'avenant en cause, contraire aux dispositions d'ordre public précitées ;

II- Sur la demande d'indemnité

Attendu que la demande d'indemnisation formée par L'ESTAC repose exclusivement sur l'application de l'avenant et de la clause pénale du 5 novembre 2001, précédemment déclarés nuls par la Cour ; qu'il n'est pas demandé à titre subsidiaire une indemnisation pour rupture prématurée en fonction du préjudice subi ; qu'en toute hypothèse, à supposer qu'une telle demande soit dans le débat, celle-ci n'est pas fondée ;

Attendu qu'en effet, il est constant que les parties ont régularisé le 30 juillet 2002 un avenant ainsi rédigé : "conformément à l'article 30 du statut des Educateurs de football et en complément du contrat intervenu entre les soussignés à la date du 1er juillet 2001, (l'ESTAC et Alain X...) ont convenu et arrêté ce qui suit : le contrat est résilié à la date du 1er juillet 2002" ;

Que cet avenant est signé par les deux parties et a régulièrement été envoyé par le club à la Ligue de Football Professionnel ;

Qu'il ne comporte aucune réserve ni référence à l'avenant du 5 novembre 2001 ; qu'il exprime ainsi sans ambiguïté l'accord des parties pour la résiliation anticipée du contrat ;

Qu'en vain, L'ESTAC invoque t-elle les déclarations faites dans la presse par Alain X... et le dirigeant du club avant la rupture, l'avenant précité se suffisant à lui-même sans qu'il soit besoin de l'éclairer par des éléments extérieurs ;

Attendu qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de débouter L'ESTAC de ses demandes ;

Attendu que l'équité commande d'allouer à Alain X... la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de TROYES le 12 juillet 2006.

Statuant à nouveau,

Déboute la société ESPERANCE SPORTIVE TROYES AUBE CHAMPAGNE de ses demandes.

Condamne la société ESPERANCE SPORTIVE TROYES AUBE CHAMPAGNE à payer à Alain X... la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne la société ESPERANCE SPORTIVE TROYES AUBE CHAMPAGNE aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Formation : Ct0173
Numéro d'arrêt : 544
Date de la décision : 07/05/2008

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Il résulte des dispositions d'ordre public de l'article L122-3-8 du Code du travail que le salarié ne peut par avance accepter une rupture du contrat par l'employeur pour d'autres causes que celles prévues par le texte ni convenir d'une indemnisation supérieure à celle résultant de ces dispositions. La clause autorisant un salarié à rompre prématurément un contrat à durée déterminée moyennant le versement des salaires restant à courir: - ajoute un motif de rupture et doit donc être déclaré nul au regard du Code du travail même s'il n'est pas contraire aux dispositions conventionnelles ( charte du football professionnel) - doit s'analyser en une clause pénale au sens des articles 1152, 1226 et 1229 du code civil; une telle indemnisation forfaitaire, prédéterminée par les parties et fixée en fonction des salaires est contraire aux dispositions d'ordre public résultant de l'article L122-3-8 du code du travail prévoyant un mode d'indemnisation spécifique plus favorable au salarié.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Troyes, 12 juillet 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2008-05-07;544 ?
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