La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/04/2008 | FRANCE | N°245

France | France, Cour d'appel de reims, Chambre civile 1, 21 avril 2008, 245


ARRET No

du 21 avril 2008

R.G : 07/02858

S.C.P. X...

c/

Y...

OM

Formule exécutoire le :

à :COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1o SECTION

ARRET DU 21 AVRIL 2008

APPELANTE :

d'une décision rendue le 08 Novembre 2007 par Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats près le Tribunal de Grande Instance et la Cour d'Appel de REIMS,

S.C.P. X...

... dans le Fer

51100 REIMS

Ayant pour conseil Maître A..., avocat au barreau des Ardennes,

INTIME :

Monsieur Raymond Y...>
...

51320 SOUDE

COMPARANT EN PERSONNE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur MAUNAND, Président de Chambre

Madame SOUCIET, Conseill...

ARRET No

du 21 avril 2008

R.G : 07/02858

S.C.P. X...

c/

Y...

OM

Formule exécutoire le :

à :COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1o SECTION

ARRET DU 21 AVRIL 2008

APPELANTE :

d'une décision rendue le 08 Novembre 2007 par Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats près le Tribunal de Grande Instance et la Cour d'Appel de REIMS,

S.C.P. X...

... dans le Fer

51100 REIMS

Ayant pour conseil Maître A..., avocat au barreau des Ardennes,

INTIME :

Monsieur Raymond Y...

...

51320 SOUDE

COMPARANT EN PERSONNE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur MAUNAND, Président de Chambre

Madame SOUCIET, Conseiller

Monsieur MANSION, Conseiller

GREFFIER :

Madame Maryline THOMAS, Greffier lors des débats et du prononcé,

DEBATS :

A l'audience publique du 11 Mars 2008, où l'affaire a été mise en délibéré au 21 Avril 2008,

ARRET :

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 Avril 2008 et signé par Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, et Madame THOMAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Me Y... salarié de la SCP d'avocats Philippe X... (la SCP) à compter du 17 mai 2004, a été licencié par courrier en date du 25 juillet 2007, présenté le lendemain, pour faute lourde après mise à pied à titre conservatoire le 30 juin 2007.

Contestant cette décision, Me Y... a saisi le Bâtonnier de l'ordre des avocats près le Tribunal de grande instance et de la Cour d'appel de Reims qui, par décision du 8 novembre 2007, a dit que ce licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, a ordonné à la SCP X... de payer à Me Y... les sommes de 20 000 € à titre de dommages et intérêts, 1 956,90 € au titre de la mise à pied, 195,69 € au titre des congés payés afférents à cette mise à pied, 6 783,99 € à titre de préavis, 678,39 € de congés payés sur préavis, 961,06 € d'indemnité de licenciement, 4 247,84 € à titre de congés payés, 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour l'absence de prise des jours RTT et de récupération et 300 € pour frais irrépétibles, a ordonné la rectification des documents sociaux, des bulletins de salaire à compter de juillet 2007, du certificat de travail et de l'attestation ASSEDIC sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de cette décision, a débouté le demandeur de ses autres prétentions, a constaté que le salaire moyen mensuel sur les trois derniers mois est de 2 261,33 € et a rappelé l'exécution provisoire de droit au titre des rémunérations dans la limite maximale de 9 mois de salaire.

La SCP a interjeté appel le 20 novembre 2007.

Par ordonnance du 23 janvier 2008, le Premier Président de cette cour a rejeté la demande d'arrêt d'exécution provisoire de droit formée par la SCP.

Me Y... conclut le 12 février 2008 principalement à l'infirmation de la décision en raison de la nullité alléguée du licenciement lequel serait intervenu à la suite et en réaction d'une condamnation du 28 juin 2007 de la SCP X... à lui payer une somme de 4 000 €, ce en violation des droits fondamentaux de l'intimé de saisir une juridiction pour faire trancher un contentieux. Il est donc demandé la résiliation judiciaire du contrat pour faute lourde de l'employeur, ladite résiliation devant s'analyser en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse prenant effet à la date du prononcé de la décision et paiement des sommes de 2 261,33 € par mois à titre de salaire entre le 1er juillet 2007 et la date du prononcé de la résiliation, 27 135,96 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les congés payés afférents à la mise à pied et à la durée du contrat jusqu'à la date de la résiliation judiciaire, 7 350,29 € au titre du préavis et congés payés afférents, l'indemnité de licenciement en prenant en compte la fin du préavis, 4 287,84 € au titre des congés payés restant dus au 30 juin 2007, les jours RTT dus depuis le 1er janvier 2007 et congés payés afférents, 2 000 € de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de visite médicale de reprise, 2 261,33 € de dommages et intérêts pour violation de la procédure de licenciement, 30 000 € de dommages et intérêts pour préjudice distinct (circonstances humiliantes et discrédit particulier attachés à la procédure), la rectification des documents sociaux, l'affichage pendant un mois dans le hall d'entrée de la maison de l'avocat et sur le panneau d'affichage du cabinet, 1 500 € pour frais irrépétibles.

Subsidiairement, les mêmes demandes sont formulées au titre d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse sauf à ajouter les sommes de 2 172,16 € au titre de la mise à pied et des congés payés afférents, 4 134,24 € au titre des jours RTT dus depuis le 1er janvier 2007 avec congés payés, 287,01 € au titre de deux jours de récupération avec congés payés afférents et la confirmation pour le surplus à savoir au titre de l'indemnité de licenciement 961,06 € et des congés payés restant dus au 30 juin 2007 pour 4 247,84 €. L'intimé conteste les dénigrements reprochés formulés en décembre 2005 lors d'une audience de référé devant le conseil de prud'hommes de Château-Thierry devant un confrère et son client en mettant en doute les compétences juridiques et l'honnêteté intellectuelle de Me X... et le 3 juillet 2007 lors d'une rencontre dans un café avec Me B..., pendant sa mise à pied, en incitant un élève avocat, M C..., à ne pas venir travailler aux côtés de Me Brun en raison de son incompétence professionnelle, de sa volonté d'exploiter les jeunes avocats, ce qui serait notoirement connu du barreau de Reims, et en lui affirmant que Me X... faisait travailler ses propres enfants au sein de la SCP sans déclaration d'embauche. Il ajoute que le premier grief antérieur à la mise à pied n'est pas démontré et concerne un dossier suivi par un autre avocat, Me D... , et que le second concerne une cause tirée de la vie privée du salarié n'ayant pas entraîné de trouble objectif caractérisé au sein de l'entreprise, au surplus contesté par l'intéressé et survenu alors que la procédure de licenciement était engagée, ladite discussion portant sur tout autre sujet. De plus, les griefs du second dénigrement auraient été attribués par Me X... à Me B... dans un courrier du 26 juillet 2007. Enfin, chacune des autres demandes pécuniaires est motivée.

La SCP X... recherche l'infirmation de la décision sauf en ce qu'elle a rejeté la demande en annulation du licenciement et de la résiliation judiciaire du contrat de travail et soutient, au fond, que la faute lourde est avérée. Il est indiqué que les dénigrements reprochés en ce qui concerne la compétence de Me X..., son honnêteté intellectuelle à l'égard des clients et son éthique à l'égard de ses collaborateurs sont établis par un courrier de M E... client concerné par la procédure de référé devant le conseil de prud'hommes et par l'élève avocat stagiaire.

La nullité du licenciement ne pourrait prospérer faute de démontrer la violation d'un droit fondamental, le précédent litige ayant donné lieu à décision reçue postérieurement à la convocation à l'entretien préalable.

Enfin, au titre des jours RTT et des congés payés il est relevé que la convention collective applicable renvoie au code du travail et que si un avenant du 7 avril 2000 prévoit un décompte dans le cadre d'un forfait jour annuel pour certains avocats, aucun accord particulier entre l'employeur et le salarié n'est intervenu ici sur ce point ce qui implique rémunération forfaitaire couvrant au besoin les heures supplémentaires.

La rémunération de l'intimé serait au surplus supérieure au minimum conventionnel pour un avocat à temps plein, alors que Me Y... exerçait à temps partiel.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et demandes des parties aux conclusions des 19 décembre 2007 et 12 février 2008, respectivement pour l'appelante et l'intimé et ce telles que soutenues à l'audience du 11 mars 2008.

MOTIFS

Sur la procédure

1o) Me Y... soutient que la copie de la lettre de M E..., client mécontent de ses services, n'aurait pas été communiquée alors qu'elle est invoquée à l'appui du premier grief fondant la décision de le licencier. Cependant, force est de constater que le passage de ce courrier mettant en cause Me Y... a été reproduit in extenso dans les conclusions de la SCP, page 6, et qu'au surplus, l'intimé n'ignorait pas ce fait débattu lors de l'entretien préalable selon le compte rendu du 10 juillet 2007 opéré par M Lauretta, conseiller du salarié.

En conséquence, cette pièce sera prise en considération dans le cadre du présent litige.

2o) L'intimé invoque également la violation de la procédure de licenciement en deux points : le changement de type de licenciement, faute grave lors de l'entretien préalable et faute lourde in fine dans la lettre de licenciement, et la présence injustifiée d'une salariée auprès de l'employeur lors de cet entretien.

Sur le premier point, il y a lieu de relever que la lettre de licenciement fixe les limites du litige en application de l'article L.122-14-2 du code du travail et que seuls les griefs énoncés dans ce document sont à analyser, peu important qu'ils aient été ou non invoqués lors de l'entretien préalable et de leur qualification alors donnée par l'employeur.

Sur le second point, et au regard de l'article L.122-14 du code du travail, l'entretien préalable au licenciement revêtant un caractère strictement individuel, il est exclu que le salarié concerné soit entendu en présence d'un ou d'autres salariés sauf s'ils assistent l'employeur. Dans ce cas, il incombe au salarié se prévalant d'une telle présence irrégulière de démontrer que cette assistance avait pour but de détourner la procédure d'entretien de son objet.

Ici, il est avéré que Me X... a conduit l'entretien en présence de Madame F..., hôtesse d'accueil du cabinet, alors que, spécialiste en droit du travail, l'employeur n'avait pas a priori besoin d'être assisté surtout par une de ses salariés dont la compétence professionnelle ne l'amenait pas de façon évidente à participer à un tel entretien si ce n'est à le détourner de sa finalité en assurant une certaine publicité au conflit l'opposant à Me Y....

En conséquence, l'intimé est bien fondé à se prévaloir d'une procédure irrégulière ouvrant droit à indemnité qui sera évaluée à un mois de salaire soit 2 261,33 €

Enfin, il n'est pas établi que les droits fondamentaux du salarié n'ait pas été respecté lors de l'entretien dès lors que Me Y..., en présence d'un conseiller choisi par ses soins, a pu s'expliquer sur les deux griefs allégués et que cet entretien n'est pas soumis au principe du contradictoire avec échange préalable des pièces et arguments.

Sur la rupture du contrat de travail :

1o) L'intimé ne démontre pas une relation de cause à effet entre la condamnation de son employeur obtenue devant le bâtonnier le 28 juin 2007 et se traduisant par l'octroi de 4 000 € à titre de dommages et intérêts et la procédure de licenciement présentement contestée initiée par une lettre de convocation à un entretien préalable expédiée le 30 juin 2007, la proximité des dates n'étant pas à elle seule probante.

En conséquence, la nullité du licenciement pour atteinte au droit fondamental d'accès au juge ne peut prospérer.

2o) Il incombe à l'employeur à l'origine d'un licenciement pour faute lourde d'établir une intention de nuire de la part de son ancien salarié. A défaut, la rupture du contrat de travail peut éventuellement être requalifiée en licenciement pour faute grave si le fait ou l'ensemble de faits reprochés au salarié constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

En l'espèce, la lettre de licenciement datée du 25 juillet 2007 contient deux griefs précis qui seront examinés successivement :

a) Lors d'une audience de référé devant la Conseil de prud'hommes de Château-Thierry il est reproché à Me Y... sur la base d'une lettre du 1er juin 2007 émanant de M E..., client concerné par cette procédure, d'avoir fait part à ce dernier : "de votre opinion sur l'absence de clairvoyance, de pertinence et d'intelligence de Maître X... dans le cadre des arguments développés et de la procédure choisie au soutien de ses intérêts. Il nous précisait également que vous lui aviez fait part de ce que, à l'évidence, votre présence au Conseil de prud'hommes de Château-Thierry en sa formation des référés était une perte de temps, le dossier ainsi constitué étant perdu d'avance".

La SCP en déduit l'existence d'un dénigrement intervenu sciemment auprès d'un client du cabinet et portant tant sur les compétences juridiques que sur l'honnêteté intellectuelle de l'employeur en laissant entendre que seuls les honoraires sollicités avaient pu guider Me X... à choisir la procédure mise en oeuvre. En outre, ce comportement aurait terni l'image du cabinet.

Le courrier susvisé de M E... indique : "Si je peux me permettre, je vous informerai d'un seul désagrément dont Maître Raymond Y... a été la cause ; en effet, dès l'audience de référé de décembre 2006 (sic), il m'a fait part en présence de la partie adverse de son désaccord sur cette procédure avec vous, la prétextant "inutile". Son comportement à l'audience m'a déplu car il ne connaissait pas son dossier. Cette information n'a d'autre but que de vous faire part de certains comportements déplacés qui sont mal perçus par un client dans l'inquiétude".

Cette lettre n'établit pas un dénigrement mais relate simplement l'attitude de Me Y... estimant, dans le cadre du dossier, le référé inutile et ce en présence du client du cabinet, sans que cette appréciation ne soit péjorative ou insinuant une quelconque incompétence ou malhonnêteté de la part de Me X....

Par ailleurs, Me de Préville, avocat de la partie adverse, ajoute dans une lettre à l'attention de Me Y..., datée du 29 août 2007, que : "Même si les faits sont anciens, je me souviens très bien de la teneur de nos échanges la seule fois où je vous ai rencontré...En sortant de l'audience , vous m'avez indiqué que vous vous faisiez peu d'illusion sur la décision qui serait rendue compte tenu de l'attitude et des propos des conseillers. Je ne peux que confirmer qu'à aucun moment, lors de nos brefs échanges, vous n'avez évoqué notre confrère Philippe X.... Je ne vous ai jamais entendu le dénigrer, ni émettre une quelconque opinion sur sa compétences ou ses qualités. En revanche, j'ai le souvenir précis que Monsieur E... n'avait pas l'air satisfait de la façon dont l'audience s'était déroulée".

Cet élément vient confirmer l'absence de dénigrement caractérisé lors de cette audience, l'impression de M E... étant confortée par l'ordonnance prise par la suite disant n'y avoir lieu à référé en raison d'une contestation sérieuse.

b) La lettre de licenciement se poursuit comme suit : "Par ailleurs, le 2 juillet 2007, la mesure de mise à pied à titre conservatoire qui vous avait été notifiée prenait effet. Le lendemain, le 3 juillet 2007, Maître B... prenait attache avec Monsieur Mustapha C..., élève avocat alors en stage au sein du cabinet, afin qu'il vous rejoigne dans la café situé à l'angle de la rue des Elus. A son arrivée, vous lui avez fait part de ce que vous entreteniez des relations conflictuelles avec Maître X... et vous lui précisiez qu'il était préférable de ne jamais exercer à ses côtés en raison de son incompétence professionnelle, de sa volonté d'exploiter les jeunes avocats, ce qui était notoirement connu au Barreau de Reims. Vous ajoutiez qu'en outre, Maître X... faisait travailler ses enfants au sein de la SCP X... sans la moindre déclaration d'embauche".

Sur ce point, l'intimé soutient qu'il s'agit d'un comportement issu de la vie privé. Si, en effet, cette conversation s'est déroulée dans un lieu destiné à accueillir du public et en dehors du temps de travail puisque Me Y... était alors placé en invalidité temporaire depuis le 17 avril 2007 et s'est donc déroulée à titre privé, elle s'inscrit toutefois dans l'environnement du travail en ce que le dénigrement reproché se rattache directement à l'activité professionnelle et à la déontologie correspondante, et peut donc éventuellement caractériser un comportement fautif justifiant un licenciement s'il apporte un trouble objectif caractérisé à l'entreprise.

Les deux témoins de cette conversation attestent en sens contraire.

Me B..., dans un témoignage écrit du 20 août 2007, rappelle que l'entretien du 3 juillet portait sur la mise en place d'une action humanitaire concernant une petite fille sénégalaise et qu'il a été fait appel à M C..., d'origine sénégalaise, pour qu'il intervienne avec un de ses amis, avocat dans ce pays pour faciliter ladite action. Il ajoute : "Lors de cette entrevue nous n'avons tenu aucun propos tendant à dénigrer Maître X... ou son cabinet, ni conseillé à Monsieur C... de ne pas intégrer la SCP X.... En outre, nous n'avons abordé à aucun moment le travail des enfants de Maître X... au sein de la SCP X... attendu que nous n'avons pas parlé des enfants de Maître X.... Par ailleurs, une telle conversation ne pouvait avoir lieu attendu que Monsieur C... a précisé à plusieurs avocats de la SCP X... qu'il voulait le titre d'avocat pour intégrer la fédération française de football, considérant que ledit titre serait un gage de son intégration, mais ne voulait pas exercer en tant qu'avocat seul ou dans un cabinet".

Pour sa part, M C... affirme que Me B... est venu le chercher "discrètement" au cabinet de la SCP pendant ses heures de stage "soit disant pour dire au revoir à Maître Raymond Y...". Arrivé sur place, Maître Y... l'a informé du litige existant avec Me X... et lui a conseillé de : "ne jamais travailler chez Maître X... au cas où ce dernier me proposerait quelque chose et ce pour trois raisons : 1-Maître Brun est incompétent. En plus, il exploite les jeunes avocats. 2- Le cabinet de maître Philippe X... est le lieu où il ne faut jamais mettre les pieds pour un jeune avocat et c'est d'ailleurs connu dans le barreau de Reims. 3- Maître Philippe X... embauche ses enfants au noir au sein du cabinet".

L'attestation de Me B... est cependant intervenue postérieurement à sa démission le 10 juillet 2007, avec litige subséquent l'opposant à Me X... comme le démontre sa lettre du 30 juillet 2007 (pièce no20). Elle n'est donc pas de nature à entraîner la conviction de la cour. Le fait que M X... ait également reproché la même conversation à Me B... dans un courrier du 26 juillet 2007 (pièce no21) suite à la démission de l'intéressé n'est pas contradictoire avec le grief présentement invoqué contre Me Y..., les deux avocats participant à la conversation incriminée, dont la teneur, dépourvue d'ambiguïté, est rappelée par M C....

Le témoignage de M C..., dont la crédibilité ne peut être remise en cause par l'article de presse produit par l'intimé et dans lequel il est désigné à tort par le journaliste comme avocat, confortant le dénigrement invoqué, il reste à apprécier si ce comportement à entraîné un trouble objectif caractérisé pour la SCP. Cette dernière n'apporte aucun élément en ce sens et le seul fait que M C... ait été témoin direct du dénigrement ne permet pas de retenir un tel trouble alors qu'il était élève avocat au sein de ce cabinet et qu'il n'entendait pas exercer cette profession selon, notamment, l'attestation de Me G..., avocate au sein de la SCP, en date du 30 septembre 2007.

En conséquence, le licenciement étant dépourvu de cause réelle et/ou sérieuse la décision du Bâtonnier sera confirmée.

3o) Les conséquences du licenciement abusif :

La réparation du licenciement abusif doit être égale au préjudice subi en application de l'article L.122-14-5 (la SCP ayant moins de 10 salariés) et en l'espèce sera justement chiffrée à 20 000 €, ce qui permet le cumul avec l'indemnisation pour procédure irrégulière et l'indemnité de licenciement retenue pour 961,06 € selon le calcul prévue à l'article 9.2 de la convention collective applicable (avocat salarié, 17 février 1995). En tant que de besoin, il convient d'ordonner à la SCP de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement payées au salariés du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent arrêt et dans la limite de six mois d'indemnité de chômage.

Les congés payés restant dus au 30 juin 2007 à hauteur de 44 jours ouvrables, selon le bulletin de paie de ce mois, donnent lieu à indemnisation pour 4 287,84 €.

Il est dû au titre de la mise à pied et des congés payés afférents la somme globale de 2 152,59 €.

Le préavis de trois mois et les congés payés en découlant ouvrent droit à indemnisation pour 6 783,99 € et 678,39 €, la somme supplémentaire de 67,83 €, soit 10 % sur les congés payés, n'étant pas justifiée.

M Y... ne démontre pas la réalité d'un préjudice distinct né d'une volonté d'humiliation au sein du cabinet et d'un discrédit à l'égard des autres avocats du barreau.

A l'encontre de ses clients, l'attestation de Madame H... précise, alors qu'elle venait rechercher son dossier défendu par Me Y... dans les locaux de la SCP, que Me X... lui avait justifié le licenciement de ce dernier par son manque de travail et de sérieux et que la situation était inadmissible. Ce témoignage suffit à établir un tel préjudice qui sera réparé par l'octroi d'une somme de 1 000 €.

La rectification des documents bulletins de salaire, attestation ASSEDIC et certificat de travail sera ordonnée en adéquation avec la présente décision.

Enfin, il n'y a pas lieu d'ordonner l'affichage de la décision dans les lieux spécifiés par la demande de Me Y... dès lors que cette sanction ne présente pas d'utilité en l'espèce au regard du préjudice distinct très limité ci-avant retenu.

Sur les autres demandes :

1o) L'intimé prétend que son employeur, en violation des dispositions régissant la médecine du travail, ne l'a pas informé de la date de visite médicale de reprise alors qu'il faisait l'objet d'une inaptitude temporaire depuis le 17 avril 2007 et qu'il connaissait la date de cette visite le jour de l'entretien préalable au licenciement.

Le Dr I..., médecin du travail, note dans un courrier en date du 21 août 2007 que la SCP averti par téléphone le 10 mai 2007 a répondu que Me Y... était toujours en arrêt de travail. Elle ajoute que lors de la convocation faite pour le 10 juillet 2007, l'intéressé ne s'est pas présenté.

Ce document ne démontre pas que la SCP a sciemment caché à Me Y... la date de convocation ni qu'elle l'ait reçue, ce qui rend la demande en paiement de dommages et intérêts infondée.

2o) L'intimé sollicite une indemnisation pour des jours RTT et congés payés, pour un montant de 4 134,24 €.

Appartenant à la catégorie dite des cadres intermédiaires au sens de l'article L.212-15-3 du code du travail et alors que le contrat de travail ne prévoyait qu'une rémunération forfaitaire en dehors du nombre de jours travaillés ou d'un accord sur un forfait jour, il convient au regard de la convention collective précitée et de son avenant no7 du 7 avril 2000 en son § II B 1 de relever que le nombre de jours travaillés pour exécuter la mission confiée aux avocats relevant de l'article précité du code du travail est fixé à 217 jours et que pour les avocats salariés ayant une activité réduite sur une année civile complète, les parties doivent convenir d'un jour forfait inférieur à 217 jours, cet avocat bénéficiant à due proportion des mêmes droits et avantages que l'avocat salarié à temps complet.

En conséquence, l'absence d'accord sur des forfaits jours exclut la prise en compte d'heures supplémentaires et le contrat de travail s'est borné à déterminer la rémunération due pour le nombre d'heures travaillées, soit pour un contrat à 80 % d'un temps complet à 173,6 jours par an. Toutefois, Me Y... procède par affirmations non étayées en soutenant avoir travaillé du mardi au vendredi chaque semaine pour un total annuel de 188 jours, ce qui implique rejet de sa demande.

3o) L'intimé demande paiement correspondant à 2 jours de récupération et congés payés afférents pour avoir travaillé les 5 (demi-journée), 7 et 11 juillet 2007 (demi-journée), le travail étant repris en dépit de l'incapacité temporaire. Pour le 7, il est justifié paiement par l'employeur des frais de déplacement et les autres jours correspondent à un rendez-vous et une audience. La somme de 278,01 € sera donc accordée.

4o) La SCP paiera à Me Y... une somme de 1 200 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCP supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débat public et par décision contradictoire :

- Confirme la décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats près le Tribunal de grande instance et de la Cour d'appel de Reims rendue le 8 novembre 2007 sauf en ce qu'elle a condamné la SCP d'avocats Philippe X... à payer à Me Y... la somme de 3 000 € de dommages et intérêts pour absence de prise de jours de RTT et a rejeté les demandes de dommages et intérêts pour préjudice distinct, d'indemnisation pour procédure irrégulière et d'indemnisation pour deux jours de récupération avec congés payés afférents,

Statuant à nouveau :

- Condamne la SCP d'avocats Philippe X... à payer à Me Y... les sommes de 1 000 € pour préjudice distinct, 2 261,33 € pour réparation du préjudice causé par une procédure de licenciement irrégulière et de 278,01 € à titre d'indemnisation pour deux jours de récupération avec congés payés afférents,

- Rejette la demande de Me Y... pour absence de prise de jours de RTT,

Y ajoutant :

- Dit qu'en tant que de besoin, la SCP d'avocats Philippe X... remboursera aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement payées à Me Y... du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent arrêt et dans la limite de six mois d'indemnité de chômage,

- Rappelle que la SCP d'avocats Philippe X... devra délivrer à Me Y... les documents suivants : certificat de travail, attestation ASSEDIC et bulletins de salaire, tels que rectifiés en tenant compte du présent arrêt,

- Condamne la SCP d'avocats Philippe X... à payer à Me Y... la somme de 1 200 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejette les autres demandes,

- Condamne la SCP d'avocats Philippe X... aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 245
Date de la décision : 21/04/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2008-04-21;245 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award