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29/10/2007 | FRANCE | N°832

France | France, Cour d'appel de reims, Chambre civile 1, 29 octobre 2007, 832


ARRET No
du 29 octobre 2007

R. G : 06 / 00476

NICAISE
X...

c /

O...
Y...
Y...
Y...

OM

Formule exécutoire le :
à : COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRET DU 29 OCTOBRE 2007

APPELANTS :
d'un jugement rendu le 04 Janvier 2006 par le Tribunal de Grande Instance de CHALONS-EN-CHAMPAGNE,

Madame Sylvie Z... épouse X...
Hautefeuille
51210 MONTMIRAIL
Monsieur Bruno X...
Hautefeuille
51210 MONTMIRAIL

COMPARANT, concluant par la SCP THOMA-LE RUNIGO-DELAVEAU-GAU

DEAUX avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me A..., avocat au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE

INTIMES :

Madame Jeannine B... épouse Y...
....

ARRET No
du 29 octobre 2007

R. G : 06 / 00476

NICAISE
X...

c /

O...
Y...
Y...
Y...

OM

Formule exécutoire le :
à : COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1o SECTION
ARRET DU 29 OCTOBRE 2007

APPELANTS :
d'un jugement rendu le 04 Janvier 2006 par le Tribunal de Grande Instance de CHALONS-EN-CHAMPAGNE,

Madame Sylvie Z... épouse X...
Hautefeuille
51210 MONTMIRAIL
Monsieur Bruno X...
Hautefeuille
51210 MONTMIRAIL

COMPARANT, concluant par la SCP THOMA-LE RUNIGO-DELAVEAU-GAUDEAUX avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me A..., avocat au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE

INTIMES :

Madame Jeannine B... épouse Y...
...
83380 LES ISSAMBRES

Comparant, concluant par la SCP DELVINCOURT-JACQUEMET-CAULIER-RICHARD, avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me C..., avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Madame Brigitte Y... épouse JUCHAT
...
83600 FREJUS
Monsieur Bruno Y...
...
Appt 5D-100-14 NEW YORK (USA)
Monsieur Franck Y...
...
83380 LES ISSAMBRES

Comparant, concluant par la SCP SIX GUILLAUME D..., avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me E..., avocat au barreau de GRASSE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur MAUNAND, Président de Chambre
Madame SOUCIET, Conseiller
Monsieur MANSION, Conseiller

GREFFIER :

Madame Maryline THOMAS, Greffier lors des débats et Madame Francine F..., adjoint administratif, faisant fonction de Greffier lors du prononcé,

DEBATS :

A l'audience publique du 02 Octobre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 Octobre 2007,

ARRET :

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 Octobre 2007 et signé par Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, et Francine F..., adjoint administratif, faisant fonction de Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Le 28 juin 1996, Madame Jeanine Y..., en qualité d'usufruitière, a consenti à Madame X... un bail précaire sur un immeuble sis à Montmirail, cette dernière renonçant à la " propriété commerciale ". Ce contrat a été renouvelé à trois reprises puis s'est poursuivi par tacite reconduction. Souhaitant céder ce commerce, Madame X... a sollicité la conclusions d'un bail commercial ce qui a été refusé par Madame Y....

Sur saisine du Tribunal de grande instance de Châlons en Champagne par les époux X..., cette juridiction a, par jugement du 4 janvier 2006, dit que les conventions passées entre les parties s'analysent en simples conventions d'occupation précaire n'emportant pas transfert de la propriété commerciale, dit que Madame Y... en sa qualité d'usufruitière avait pouvoir de consentir de telles conventions et qu'elle n'a pas agi en fraude des droits du preneur ni des nus-propriétaires, a rejeté toutes les demandes formées par les époux G...et MM Bruno, Franck Y..., Madame Y... épouse Juchat, condamné les demandeurs à payer à Madame Y... 1 800 € pour frais irrépétibles,600 € pour chacun des nus-propriétaires et les dépens.

Les époux X... ont interjeté appel le 13 février 2006.

Ils soutiennent que Madame X... est titulaire d'un bail commercial depuis le 1er mars 1998 et, en tout état de cause, depuis le 1er mars 2004 et que les consorts Y... seront tenus à régulariser par devant Me H..., notaire, un bail commercial, à leurs frais exclusifs. Ils réclament, de plus, aux consorts Y... 76 225 € en réparation d'un préjudice commercial,10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée et 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Ils ajoutent qu'aucun des quatre baux ne répond à la définition de conventions précaires faute de clause laissant apparaître le motif justifiant que soit écarté le droit à renouvellement, ou encore la qualité d'usufruitière de Madame Y..., cette dernière se comportant comme la propriétaire des lieux, ce qu'elle était avant 1993, et sans qu'il soit établi une information claire et de bonne foi à ce titre.

Si le bail de 1996 était bien un bail précaire, les autres renouvelés entre les mêmes parties n'en sont pas, à tout le moins depuis le renouvellement par tacite reconduction. Enfin, le préjudice commercial résulterait de l'absence d'un bail commercial pour faciliter le vente du fonds.

Madame Y... conclut à la confirmation du jugement dont appel et sollicite le paiement de 5 000 € pour frais irrépétibles. Elle soutient que le motif de la précarité réside dans sa qualité d'usufruitière ce que Madame X... ne pouvait ignorer en sa qualité d'employée de

l'ancien preneur, auquel elle a succédé neuf jours après son décès sans acquérir de droit au bail et sans notification de l'acte à l'usufruitière. De plus, elle a indiqué renoncer à la propriété commerciale dans les contrats litigieux.

MM Bruno, Franck Y... et Madame I...réclament la confirmation de la décision querellée et le paiement à chacun de 5 000 € en vertu de l'article 32-1 du nouveau code de procédure civile,1 500 € pour frais irrépétibles, subsidiairement l'inopposabilité des actes accomplis par l'usufruitière et leur annulation.

Ces intimés soulignent qu'il s'agit de baux précaires, que Madame X... n'ignorait pas la qualité d'usufruitière de Madame Y... notamment au regard du rôle de taxe foncière de 1997 à 2003, et que les condamnations demandées ne peuvent concerner les nus-propriétaires.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et demandes des parties aux conclusions des 24 août 2006,2 avril et 5 juin 2007, respectivement pour les appelants, Madame Y... et les autres intimés.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 septembre 2007.

MOTIFS

Sur la demande principale :

1o) Pour bénéficier des dispositions de l'article L. 145-5 alinéa 1er du code de commerce et conclure des baux de courte durée les parties doivent limiter leur engagement contractuel à une durée inférieure ou égale à deux années, le seule mention de cette durée suffisant à écarter le statut des baux commerciaux, sans qu'il y ait besoin de déterminer dans le contrat la cause de cette dérogation, dès lors que l'engagement des parties est dépourvu de toute équivoque sur ce point.

La succession de baux précaires concernant les mêmes parties et pour les mêmes locaux n'est pas permise, car faisant ainsi échec à l'application du statut des baux commerciaux, sauf si, entre deux contrats, les locaux sont effectivement délaissés.

Si l'article 595 du code civil exclut expressément la possibilité pour l'usufruitier de donner à bail un immeuble à usage commercial, cette prohibition ne concerne pas le bail de courte durée.

En l'espèce, Madame Y... a loué à Madame X... un bâtiment à usage commercial sis à Montmirail pour une durée de 23 mois entre le 1er juillet 1996 et le 31 mai 1998, puis par succession de contrats de même durée du 1er juin 1998 au 30 avril 2000, du 1er mai 2000 au 31 mars 2002, du 1er avril 2002 au 28 février 2004, enfin par tacite reconduction à compter de cette date.
La mention apposée sur tous les contrats par Madame X... " renoncement à la propriété commerciale " est, comme le soulignent les premiers juges, superfétatoire et ne modifie en rien le nature commerciale du bail accordé dès le 1er juin 1998, et non le 1er mars 1998 comme le soutient Madame X..., dès lors que la succession de ces contrats met en relation les mêmes parties pour un local identique exploité de façon continue.

Au surplus, si la qualité d'usufruitier du bailleur, connue ou non du preneur, peut constituer une cause objective de précarité et donc caractériser un bail précaire, elle ne saurait justifier une succession de contrats de cette nature pour échapper au statut des baux commerciaux.

Ainsi, Madame X..., même en n'ignorant pas la qualité d'usufruitière de Madame Y... au regard des rôles des taxes foncières de 1997 à 2003 de l'acte de cession d'éléments résiduels de fonds de commerce du 11 septembre 1996 et du bail précaire conclu avec le précédent locataire, alors son employeur, est bien fondée à voir qualifier le contrat litigieux en bail commercial.

En conséquence le jugement dont appel sera infirmé.

2o) L'existence d'un litige sur la nature du bail a nécessairement causé un préjudice à Madame X... dès lors que des acquéreurs potentiels ont toujours refusé de racheter le fonds sans être certain de bénéficier d'un bail commercial. Les courriers de Mmes J..., K...et L..., comme de M M...vont dans ce sens.

Par ailleurs, le fait pour Madame Y... d'avoir outrepassé les prérogatives qu'elle détenait de sa qualité d'usufruitière n'a aucune incidence sur le préjudice allégué à partir du moment où elle a maintenu une situation précaire illicite.

Toutefois, Madame X... ne peut réclamer à ce titre une indemnisation de 76 225 € pour préjudice économique, alors que cette somme ne repose sur aucun justificatif et correspond environ à la valeur du fonds, mais seulement la réparation de la perte de chance de céder un bail commercial.

Une juste évaluation sera retenue à hauteur de 15 000 €, ce montant étant dû par Madame Y... à Madame X..., seule titulaire du bail à l'exclusion de son époux.

Sur la demande des nus-propriétaires :

1o) Les dispositions précitées de l'article 595 du code civil permettent aux nus-propriétaires d'obtenir la nullité, et non l'inopposabilité, du bail conclu en fraude de leurs droits.

Il y sera fait droit, en l'espèce, dès lors que la locataire ne peut valablement invoquer la qualité de propriétaire apparent de Madame Y....

2o) Parce que le bail est nul à l'égard des nus-propriétaires, Madame X... ne peut obtenir régularisation devant notaire de ce contrat, de façon forcée, sans l'accord des intéressés.

Sur les autres demandes :

1o) Les appelants ne démontrent pas la résistance abusive et injustifiée reprochée aux intimés. Leur demande en paiement de 10 000 € à titre de dommages et intérêts sera donc rejetée.

2o) Les consorts Y... sont irrecevables à demander l'application de l'article 32-1 du nouveau code de procédure civile à leur profit pour procédure abusive, en effet seule la juridiction est compétente pour apprécier l'opportunité d'une condamnation à une amende civile en cas de procédure abusive.

3o) Madame Y... paiera à Madame X... une somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles et verra sa propre demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile rejetée. La prétention des consorts Y... pour frais irrépétibles dirigée contre les époux X... sera également rejetée.

Madame Y... supportera les dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice, pour ceux d'appel, des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile pour les SCP Six et associés, Thoma et associés, avoués.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant après débat public et par décision contradictoire :

-Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Châlons en Champagne en date du 4 janvier 2006,

Statuant à nouveau :

-Dit que Madame X... est titulaire d'un bail commercial depuis le 1er juin 1998 sur le local à usage commercial de 160 m ² sis à Montmirail,4 place Rémy-Petit,

-Dit que ce bail est nul à l'égard des seuls nus-propriétaires MM Bruno, Franck Y..., Madame Y... épouse Juchat,

-Condamne Madame Jeanine Y... à payer à Madame X... une somme de 15 000 € en réparation de la perte de chance subie,

-Rejette les demandes en régularisation d'acte devant notaire et en paiement de dommages et intérêts,

Y ajoutant :

-Condamne Madame Jeanine Y... à payer à Madame X... la somme de 3 000 € en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

-Dit MM Bruno, Franck Y... et Madame Y... épouse Juchat irrecevables à demander application à leur profit des dispositions de l'article 32-1 du nouveau code de procédure civile,

-Rejette toutes les autres demandes,

-Condamne Madame Y... aux dépens de première instance et d'appel, avec bénéfice, pour ceux d'appel, des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile pour les SCP Six et associés, Thoma et associés, avoués.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 832
Date de la décision : 29/10/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne, 04 janvier 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2007-10-29;832 ?
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