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22/10/2007 | FRANCE | N°803

France | France, Cour d'appel de reims, Chambre civile 1, 22 octobre 2007, 803


ARRET No

du 22 octobre 2007

R.G : 06/01122

SOCIETE AXA FRANCE IARD

c/

SOCIETE PACIFICA

YM

Formule exécutoire :

à :COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1o SECTION

ARRET DU 22 OCTOBRE 2007

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 15 Février 2006 par le Tribunal de Grande Instance de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

La SOCIETE AXA FRANCE IARD

26 rue Drouot

75009 PARIS

COMPARANT, concluant par la SCP SIX - GUILLAUME - SIX avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SCP A.C.G. et ASSOCIES, avocats au

barreau de REIMS

INTIMEE :

La SOCIETE PACIFICA

91/93 boulevard Pasteur

75015 PARIS

Comparant, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET - CA...

ARRET No

du 22 octobre 2007

R.G : 06/01122

SOCIETE AXA FRANCE IARD

c/

SOCIETE PACIFICA

YM

Formule exécutoire :

à :COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1o SECTION

ARRET DU 22 OCTOBRE 2007

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 15 Février 2006 par le Tribunal de Grande Instance de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

La SOCIETE AXA FRANCE IARD

26 rue Drouot

75009 PARIS

COMPARANT, concluant par la SCP SIX - GUILLAUME - SIX avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SCP A.C.G. et ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

INTIMEE :

La SOCIETE PACIFICA

91/93 boulevard Pasteur

75015 PARIS

Comparant, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET - CAULIER-RICHARD, avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me Alain ROCH, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées ; en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur MAUNAND, Président de Chambre

Monsieur ALESANDRINI, Conseiller

Monsieur MANSION, Conseiller

GREFFIER :

Madame Maryline THOMAS, Greffier lors des débats et Madame Francine COLLARD, adjoint administratif, faisant fonction de Greffier lors du prononcé

DEBATS :

A l'audience publique du 24 Septembre 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 Octobre 2007,

ARRET :

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 Octobre 2007 et signé par Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, et Madame Francine COLLARD, adjoint administratif, faisant fonction de Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*

* * Le 22 août 2001, Bruno Z..., son épouse et leurs deux enfants, Steven et Fiona, âgés de 11 et 4 ans, se sont rendus sur les bords de la Marne en compagnie de deux autres enfants, Jérémie et Freddy A..., âgés de 11 et 8 ans.

Trois des enfants, qui se baignaient, ont été emportés par le cours d'eau et Bruno Jacquier, qui pêchait, s'est jeté à l'eau pour tenter de les sauver alors qu'il ne savait pas nager.

Avec l'aide de son épouse, Bruno Z... a pu sortir les enfants de l'eau, mais il a lui-même été emporté par le courant et son corps a été retrouvé par les pompiers le 24 août 2001.

La S.A. Pacifica, assureur des époux Z... en vertu d'une "garantie des accidents de la vie privée" a indemnisé les ayants droit de la victime au titre de leurs préjudices moraux et économiques et des frais d'obsèques.

Subrogée dans les droits des ayants droit de Bruno Z..., la S.A. Pacifica a tenté un recours amiable auprès de la S.A. Axa Assurances, assureur de la famille A..., sur le fondement de la convention d'assistance bénévole ayant existé entre Bruno Z... et Freddy A....

Par lettre du 1er août 2002, confirmée le 28 novembre 2002, la S.A. Axa Assurances a refusé de rembourser les sommes payées par la S.A. Pacifica à ses assurés au motif de la faute commise par Bruno Z... qui a laissé de jeunes enfants se baigner sans surveillance dans un endroit dangereux.

Par acte du 1er septembre 2005, la S.A. Pacifica a fait assigner la S.A. Axa Assurances devant le Tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne afin de voir juger que Bruno Z... n'a commis aucune faute et condamner la défenderesse à lui rembourser une somme totale de 142.957,08 euros, outre intérêts au taux légal.

Par jugement du 15 février 2006, le Tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne a :

- dit que Bruno Z... avait le 22 août 2001 sauvé l'enfant Freddy A... de la noyade dans le cadre d'une convention d'assistance bénévole ;

- dit que le décès consécutif de Bruno Z... devait être indemnisé par la compagnie d'assurance de l'assisté en l'absence de toute faute pouvant lui être reprochée à l'occasion de l'exécution de la convention, le fait de ne pas savoir nager ne constituant pas une faute d'imprudence inexcusable ;

- dit que sont inopérantes les fautes d'imprudence ou de surveillance qu'aurait pu commettre Bruno Z... antérieurement à l'état de nécessité, cause de son décès ;

- condamné la S.A. Axa Assurance à rembourser à la S.A. Pacifica la somme globale de 142.957,08 euros correspondant au règlement suivant :

. 50.551,94 euros à Mme Valérie Z... pour préjudice personnel suivant quittance subrogative du 18 décembre 2001 ;

. 18.719,37 euros à Mme Valérie Z... en qualité d'administratrice légale de son fils Steven Z... selon quittance subrogative du 18 décembre 2001 ;

. 18.719,37 euros à Mme Valérie Z... en qualité d'administratrice légale de son fils Jason Z... selon quittance subrogative du 18 décembre 2001 ;

. 21.057,17 euros à Mme Valérie Z... en qualité d'administratrice légale de sa fille Fiona Z... selon quittance subrogative du 18 décembre 2001 ;

. 20.176,32 euros à Mme Valérie Z... en qualité d'administratrice légale de son fils Brandon Z... selon quittance subrogative du 18 décembre 2001 ;

. 1.829,39 euros chacun à Mmes Brigitte Z... épouse B... et Lequement et MM. Laurent, Fabrice et Dominique Z... selon quittances subrogatives des 26 et 27 décembre 2001, 4, 8 et 16 janvier 2001 ;

. 4.573,47 euros à Mme Jacqueline Z... selon quittance subrogative du 27 décembre 2001 ;

- dit que les intérêts légaux porteront sur chacune de ces sommes à compter de la date de la quittance subrogative susvisée ;

- débouté la S.A. Pacifica de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

- rejeté la demande de la S.A. Pacifica tendant au prononcé de l'exécution provisoire ;

- débouté la S.A. Axa Assurances de ses demandes fondées sur les articles 696, 699 et 700 du nouveau code de procédure civile ;

- condamné la S.A. Axa Assurances au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens.

La S.A. Axa France IARD, venant aux droits de la S.A. Axa Assurances, a relevé appel de ce jugement le 20 avril 2006.

Par dernières conclusions notifiées le 8 mars 2007, la S.A. Axa France IARD poursuit l'infirmation du jugement déféré et demande à la Cour de :

- à titre principal, constater l'irrecevabilité du recours subrogatoire de la S.A. Pacifica ;

- à titre subsidiaire, constater l'absence de convention d'assistance bénévole et que, en toute hypothèse, les fautes commises par Bruno Z... constituent une cause d'exonération de responsabilité de nature à la décharger de toute obligation de réparer ;

- en conséquence, débouter la S.A. Pacifica de ses prétentions et la décharger des condamnations prononcées à son encontre ;

- à titre infiniment subsidiaire, réduire de manière drastique le montant des sommes sollicitées par la S.A. Pacifica ;

- condamner cette dernière au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 23 août 2007, la S.A. Pacifica poursuit la confirmation du jugement déféré et le débouté des prétentions de la S.A. Axa France IARD et sa condamnation au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR

Attendu que la S.A. Axa France IARD soulève l'irrecevabilité du recours subrogatoire formé à son encontre par la S.A. Pacifica en faisant valoir que le contrat dont s'agit relève de la catégorie des assurances de personnes et que l'article L. 131-2 du code des assurances dispose que, dans les assurances de personnes, l'assureur après paiement de la somme assurée ne peut être subrogé aux droits du contractant ou du bénéficiaire contre des tiers à raison du sinistre ;

Mais attendu qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 131-2 du code des assurances, dans les contrats garantissant l'indemnisation des préjudices résultant d'une atteinte à la personne, l'assureur peut être subrogé dans les droits du cocontractant ou des ayants droit contre le tiers responsable pour le remboursement des prestations à caractère indemnitaire prévues au contrat ;

Qu'en l'espèce, l'appelante ne conteste pas que les prestations versées par l'intimée aux ayants droit de la victime présentent un caractère indemnitaire dès lors que leur calcul n'a pas été effectué en fonction d'éléments prédéterminés par les parties indépendamment du préjudice subi ;

Que le jugement déféré sera, par conséquent, confirmé en ce qu'il a déclaré recevable le recours subrogatoire de la S.A. Pacifica, les motifs du présent arrêt se substituant cependant à ceux retenus par les premiers juges ;

Attendu que la S.A. Axa France IARD soutient qu'il n'y a pas, en l'espèce, de convention d'assistance bénévole dès lors que cette dernière suppose une volonté de s'obliger et une rencontre de volonté des parties contractantes alors que la spontanéité de l'aide apportée par Bruno Z... est inconciliable avec la notion d'engagement contractuel ; que l'appelante estime que la victime n'a fait qu'exécuter une obligation légale, à savoir celle de porter secours à une personne en péril, et qu'il n'y a pas de rencontre des volontés quand l'assistant intervient dans une situation de péril ; qu'elle fait, par ailleurs, observer que les faits contredisent la thèse de la convention d'assistance dans la mesure où Bruno Z... s'est jeté à l'eau pour sauver les enfants, mais c'est Mme Z... qui a sauvé Freddy A... en le remontant sur la berge ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu de relever le consentement exprès de l'assisté dès lors que l'offre est faite dans son intérêt exclusif et que son destinataire est présumé l'avoir accepté ;

Qu'en l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats, notamment de l'enquête diligentée par la brigade de gendarmerie de Vitry-le-François, que voyant que les enfants, qui se baignaient en amont de l'endroit où il pêchait, étaient emportés par le courant, Bruno Z... s'est jeté à l'eau pour leur porter assistance, est parvenu à ramener un des enfants à proximité de la rive, puis a été lui-même emporté par le courant ; que la S.A. Axa France IARD ne démontre pas que, dans ces circonstances, les trois enfants, dont le jeune Freddy A... qui ne savait pas nager, qui avaient manifesté leur détresse en passant devant lui auraient refusé l'offre faite par Bruno Z... de leur porter secours ; que, contrairement à ce que soutient l'appelante, Bruno Z... s'est jeté à l'eau pour venir en aide aux trois enfants en difficulté, dont le jeune Freddy A... ; que, par ailleurs, Mme Z... n'a pas indiqué aux gendarmes avoir sauvé Freddy A..., mais l'avoir seulement aidé à remonter sur la berge ;

Que, dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu l'existence d'une convention d'assistance bénévole ;

Attendu que la S.A. Axa France IARD conteste l'existence d'une obligation de réparer le préjudice subi par les ayants droit de la victime en faisant valoir que la S.A. Pacifica ne précise pas s'il s'agit d'une obligation de moyen ou de résultat alors que les conséquences sont radicalement différentes ; qu'elle rappelle que si l'on retient une obligation de moyen, il faut rapporter la preuve d'une faute causale de l'assisté, ce que ne fait pas l'intimée dans la mesure où il n'y a, en l'espèce, aucun manquement de la part du jeune Freddy A... qui était sous la surveillance des époux Z... qui ont failli à leur mission ; que si l'on retient une obligation de résultat, il lui appartiendrait d'apporter la preuve de l'absence de participation causale de son assuré, à savoir le caractère pour lui imprévisible et irrésistible du dommage ; qu'elle estime qu'en l'espèce, le fait de se jeter à l'eau sans savoir nager dans un endroit où il y avait un fort courant constitue une faute de la victime présentant le caractère de la force majeure, laquelle constitue une cause d'exonération de responsabilité pour l'assisté ;

Mais attendu que la convention d'assistance bénévole emporte pour l'assisté l'obligation de réparer les conséquences des dommages corporels subis par celui auquel il a fait appel, sauf s'il prouve une faute de l'assistant ayant concouru à la réalisation du dommage ;

Qu'en l'espèce, la S.A. Axa France IARD ne démontre pas qu'un défaut de surveillance puisse être opposé à Bruno Z... dès lors que c'est avec Mme Z... que se baignaient les enfants et non avec la victime qui pêchait deux cents mètres en aval de la rivière, que Mme Z... est sortie de l'eau car sa fille Fiona avait peur et qu'elle a laissé les trois enfants qui se trouvaient à proximité immédiate de la berge, à un endroit où ils avaient pied et où un tronc d'arbre barrait l'accès au lit de la rivière ; que le fait que Mme Z... ait décidé de rejoindre son mari qui pêchait un peu plus loin ne peut pas être reproché à la victime ; que l'appelante ne peut pas davantage opposer à la demande de la S.A. Pacifica la circonstance selon laquelle le maire de Bignicourt-sur-Marne avait pris le 25 septembre 1978 un arrêté interdisant la baignade dans la Marne sur le territoire de la commune dans la mesure où l'arrêté prévoyait, dans son article 2, que l'interdiction devait être signalée sur les lieux par la présence d'une pancarte placée près de la passerelle de Bignicourt et que la preuve n'est pas rapportée que cette information ait été portée à la connaissance du public selon les modalités que prévoyait l'arrêté ou, le cas échéant, par tout autre moyen ; qu'enfin, il ne peut pas davantage être tenu pour faute à l'encontre de Bruno Z... d'avoir sauté à l'eau sans savoir nager alors que ce geste procède d'une réaction instinctive et légitime de la part d'un père de famille voyant trois enfants en bas âge emportés par le courant et en train de manifester leur détresse ;

Attendu qu'en matière d'assistance bénévole, l'assisté a l'obligation de réparer les conséquences des dommages corporels subis par celui à qui il a fait appel et, en cas de décès de l'assistant, de réparer les préjudices subis par ses ayants droit ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que la S.A. Axa France IARD, qui succombe dans ses prétentions devant la Cour, sera condamnée aux dépens d'appel ; qu'elle ne peut donc pas prétendre à l'indemnité qu'elle sollicite au titre de ses frais de procédure non compris dans les dépens ;

Que l'équité commande sa condamnation au paiement de la somme supplémentaire de 1.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

Condamne la S.A. Axa France IARD à payer à la S.A. Pacifica la somme supplémentaire de 1.500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Rejette la demande d'indemnité de procédure formée par la S.A. Axa France IARD et la condamne aux dépens d'appel ; admet la SCP Delvincourt Jacquemet Caulier-Richard, avoués, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 803
Date de la décision : 22/10/2007
Type d'affaire : Civile

Analyses

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Assistance - Convention d'assistance - Dommage subi par l'assistant - Obligations de l'assisté - Réparation - / JDF

La convention d'assistance bénévole emporte pour l'assisté l'obligation de réparer les conséquences des dommages corporels subis par celui auquel il a fait appel, sauf s'il prouve une faute de l'assistant ayant concouru à la réalisation du dommage. Ne démontre pas une telle faute de l'assistant, l'assureur qui invoque un défaut de surveillance des enfants assistés alors qu'ils étaient en compagnie, non de l'assistant mais de son épouse et qu'aucune pancarte ne signalait la dangerosité du lieu


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne, 15 février 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2007-10-22;803 ?
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