ARRET No
du 15 octobre 2007
R. G : 06 / 01324
X...
c /
Y...
Y...
AH
Formule exécutoire le :
à : COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE- 1o SECTION
ARRET DU 15 OCTOBRE 2007
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 30 Mars 2006 par le Tribunal de Grande Instance de TROYES,
Mademoiselle Annie X...
...
10000 TROYES
COMPARANT, concluant par la SCP SIX- GUILLAUME- SIX avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me Jean- Philippe HONNET, avocat au barreau de TROYES
INTIMES :
Monsieur Ali Y...
Chez M. Mohamed Y...
...- ...
10600 LA CHAPELLE SAINT LUC
Comparant, concluant par la SCP GENET- BRAIBANT, avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me Christian CHEVALOT SYLVESTRE, avocat au barreau de TROYES.
Mademoiselle Tareira Y...
Chez M. Mohamed Y...
...-
10600 LA CHAPELLE SAINT LUC
N'AYANT PAS CONSTITUE AVOUE bien que régulièrement assignée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur VALETTE, Premier Président
Madame SOUCIET, Conseiller
Madame HUSSENET, Conseiller
GREFFIER :
Madame Francine COLLARD, adjoint administratif, faisant fonction de Greffier lors des débats et du prononcé.
DEBATS :
A l'audience publique du 13 Juin 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Septembre 2007, prorogé au 15 Octobre 2007
ARRET :
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 Octobre 2007 et signé par Monsieur Bernard VALETTE, Premier Président, et Madame Francine COLLARD, adjoint administratif, faisant fonction de Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
Par acte sous seing privé du 10 juillet 1999, Mademoiselle Annie X... a conclu avec Monsieur Ali Y... une convention d'occupation précaire d'un local à usage commercial sis à TROYES, 2 rue Linard Gonthier, et ce, pour une durée de 23 mois à compter du 1er septembre 1999, par dérogation expresse au décret du 30 septembre 1953.
Mesdemoiselles D...et E...Y... se sont portées cautions solidaires de leur frère Ali Y....
Mademoiselle X... a fait délivrer congé à Monsieur Y... par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 novembre 2000, puis par acte extra judiciaire du 24 janvier 2001.
Elle a également fait délivrer congé du chef de cette convention, à la SARL La Pause, occupante effective des lieux, le 30 mars 2001 par LRAR, puis le 31 mai 2001, par exploit d'huissier.
Constatant que les locaux n'avaient pas été libérés dans les délais, Mademoiselle X... a fait procéder à un état des lieux le 6 août 2001, en présence du représentant de la SARL La PAUSE, puis par acte délivré le 18 mars 2004, elle a fait assigner en référé ladite société aux fins de voir constater la résiliation du bail et ordonner l'expulsion du locataire.
Par ordonnance rendue le 26 mai 2004, le juge des référés s'est déclaré incompétent eu égard à l'existence d'une contestation sérieuse.
C'est dans ces conditions que par exploit du 31 août 2004, Mademoiselle X... a fait assigner respectivement Monsieur Y... et Mademoiselle Tareira Y... par- devant le Tribunal de Grande Instance de TROYES à l'effet de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- constater la résiliation du bail et ordonner l'expulsion sous astreinte de Monsieur Y... et de tous occupants de son chef,
- condamner Monsieur Y... à lui payer la somme de 24 770, 32 € avec intérêts au taux légal, augmentée de 12 % à titre de clause pénale conformément aux dispositions contractuelles,
- condamner Mademoiselle Y... à lui verser la somme de 8 038, 26 € au titre de son engagement de caution,
- condamner Monsieur Y... au paiement, en outre, d'une indemnité pour frais irrépétibles de 2 000 €, ainsi qu'aux dépens, comprenant les frais relatifs aux actes accomplis par la SCP d'huissiers de justice intervenue dans le cadre de la procédure.
Mademoiselle X... portait finalement à 32 208, 32 € le montant de sa demande en paiement au titre de l'indemnité d'occupation.
Monsieur Y... concluait en réponse au débouté des prétentions adverses, faisant valoir qu'il n'était plus le locataire des lieux, la SARL La Pause lui ayant succédé, ce que selon lui savait et admettait parfaitement la bailleresse. Il observait que la mention " agissant en tant que gérant de la société La Pause ", figurant sur l'exemplaire du contrat de bail produit par la partie adverse, était d'une encre différente de celle utilisée par les parties pour le reste du contrat, mettant ainsi en cause l'authenticité de cet acte.
Par jugement du 30 mars 2006, le tribunal de TROYES a :
- constaté que le contrat de bail conclu entre Mademoiselle X... et Monsieur Y... le 10 juillet 1999 avait pris fin à son terme le 31 juillet 2001,
- débouté Mademoiselle X... de sa demande tendant à voir ordonner l'expulsion du locataire,
- débouté Mademoiselle X... de sa demande en paiement de la somme de 32 208, 32 € en principal, outre les intérêts et la clause pénale, ainsi que de sa demande dirigée contre Mademoiselle Tareira Y...,
- condamné Mademoiselle X... à verser à Monsieur Y... la somme de 500 € au titre des frais irrépétibles,
- débouté la demanderesse de sa réclamation du même chef,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné Mademoiselle X... aux dépens.
Annie X... a relevé appel de cette décision le 15 mai 2006.
Au terme de ses dernières conclusions, notifiées le 4 juin 2007, elle poursuit l'infirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a reconnu Monsieur Y... comme s'étant engagé personnellement en qualité de locataire, et demande à la Cour, statuant à nouveau pour le surplus, de :
- ordonner l'expulsion du susnommé et de tous occupants de son chef, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard, au besoin avec le concours de la force publique,
- condamner Monsieur Y... à lui payer la somme de 53 966, 46 € avec intérêts au taux légal, augmentée de 12 % au titre de la clause pénale contractuelle,
- condamner Mademoiselle E..., Y... caution solidaire, à hauteur de 8 038, 26 € constituant la limite de son engagement,
- débouter Monsieur Y... de ses prétentions contraires,
- les condamner au paiement d'une indemnité de 3 000 € du chef des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens, avec pour ceux d'appel, droit de recouvrement direct au profit de la SCP d'avoués SIX GUILLAUME F....
Elle fait valoir au soutien de ses prétentions que Monsieur Y... s'est toujours présenté comme agissant pour le compte de la société La Pause, alors en formation, ainsi qu'il résulte de la mention figurant sur les deux exemplaires du contrat, ajoutant qu'elle a tenté par la suite une régularisation de la situation et la reprise par la SARL dudit contrat, en vain, de sorte qu'elle a décidé d'émettre en double tous les actes. Elle reproche à Monsieur Y... et à la SARL La Pause de jouer sur la confusion. Elle considère qu'à juste titre les premiers juges ont retenu que le contrat de bail précaire s'était achevé le 31 juillet 2001, mais insiste sur le fait que l'occupation s'est poursuivie ensuite, et que, Monsieur Y... étant la seule personne avec laquelle elle est liée contractuellement, il lui appartient d'assurer la libération des locaux de tous occupants de son chef, outre, dans cette attente et depuis la fin du bail, le paiement d'indemnités d'occupation.
De son côté, Monsieur Ali Y..., intimé, dans ses dernières écritures notifiées le 22 janvier 2007, sollicite la confirmation du jugement entrepris, et la condamnation de Mademoiselle X... au paiement de la somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles, outre les dépens, dont la distraction est requise au bénéfice de la SCP GENET BRAIBANT.
Il souscrit aux conclusions des premiers juges, lesquels ont estimé que l'occupation des lieux litigieux sans droit ni titre postérieurement au terme de la convention n'était pas démontrée, Il soutient encore que l'appelante a toujours fait la distinction entre le bail conclu avec lui, et un autre bail conclu avec la SARL La Pause, puisqu'elle a opéré une double facturation, même si aucun exemplaire de la convention n'a jamais été remis à ladite SARL. Il affirme que la mention de sa qualité de gérant sur le bail conclu le 10 juillet 1999 n'a jamais été approuvée par les parties au moment de la signature, observe qu'elle est rédigée dans une encre différente, et que les cautions ne se sont engagées qu'à l'égard de Monsieur Y..., et non de la SARL, ajoutant que le fait que Melle X... ait recommencé la procédure de congé à l'égard de La Pause démontre qu'elle considérait bien cette société comme sa véritable locataire. Il indique au surplus que l'est la SARL qui a réglé divers loyers, et fait l'objet d'un avis à tiers détenteur de la part du Trésor Public de TROYES, à l'encontre de la bailleresse.
Il soutient ainsi que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il était lui- même resté locataire jusqu'au terme de la convention, dès lors qu'il ressort des éléments produits que Melle X... avait cessé de le considérer comme tel bien avant cette échéance, mais suggère que dans l'hypothèse où la Cour ferait sienne l'appréciation des premiers juges sur ce point, elle confirme le jugement dont appel, qui a rejeté les demandes en paiement formées par la partie adverse.
Mademoiselle Tareira Y... n'a pas constitué avoué. En son absence, l'assignation ayant été déposée à l'étude de l'huissier instrumentaire, et la preuve de ce que l'intimée en aurait eu connaissance n'étant pas rapportée, il sera statué par défaut, conformément aux dispositions de l'article 474 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile.
Sur ce, la Cour :
Attendu qu'il n'est pas discuté devant la cour que la bail en date du 10 juillet 1999 a fait l'objet d'un congé sans offre de renouvellement
et par suite a pris fin le 31 juillet 2001, ainsi que l'ont constaté les premiers juges ;
Attendu qu'il n'est pas davantage contesté que Monsieur Y... a, par acte du 30 juin 2000 versé aux débats, cédé à Monsieur Hocine G...la totalité des 500 parts lui appartenant dans la Société LA PAUSE, représentant la totalité du capital social de ladite société, Monsieur G...accédant du même coup aux fonctions de gérant ;
Attendu toutefois qu'il résulte des dispositions de l'article L 210 al. 2 du code de commerce que les personnes ayant agi au nom d'une société en formation avant que celle- ci ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits, lesquels sont alors réputés, rétroactivement, avoir été souscrits dès l'origine par la société ;
Or attendu que le bail conclu le 10 juillet 1999, dont chacune des parties verse aux débats l'exemplaire en sa possession, les deux documents ne faisant apparaître aucune différence, porte expressément, ensuite du nom de Monsieur Y... Ali, la précision " Restaurateur, agissant en tant que gérant de la société LA PAUSE " ;
Que l'argument tiré de la couleur de l'encre utilisée pour la rédaction de cette mention est sans pertinence si l'on considère que, plus généralement, l'ensemble du contrat supporte en réalité plusieurs encres de couleurs différentes sans qu'il en soit tiré aucune conséquence quant aux autres rubriques, d'une part, que d'autre part, l'exemplaire produit par Monsieur Y... lui- même est parfaitement identique à celui versé aux débats par Mademoiselle X... ;
Que l'authenticité dudit contrat ne saurait dans ces conditions être remise en cause ;
Attendu qu'à la date de la signature de la convention, la société LA PAUSE était en cours de constitution, laquelle est intervenue le 22 octobre 1999 ;
Qu'il est au demeurant clairement indiqué dans le contrat que les lieux loués seraient exploités à usage de restauration rapide et sandwicherie, activité de la société LA PAUSE ;
Qu'il n'est pas justifié par Monsieur Y... de ce que ladite société une fois régularisée aurait repris à son compte l'engagement litigieux ;
Attendu qu'il s'ensuit qu'il est indifférent que le susnommé ait cessé d'exercer les fonctions de gérant de la société LA PAUSE à la date de délivrance du congé ;
Qu'en application des dispositions de l'article L 210-6 du code de commerce sus rappelées, il doit être déclaré tenu solidairement des conséquences du bail convenu par lui- même au cours de la période de formation de la société ;
Or attendu que les locaux objet de la convention ayant continué d'être occupés postérieurement à la date de prise d'effet du congé, soit le 31 juillet 2001, Mademoiselle X... est fondée à solliciter, outre l'expulsion de Monsieur Y... et de tous occupants de son chef, le paiement d'une indemnité d'occupation jusqu'à libération effective, égale à ce qu'aurait été le montant du loyer indexé et des charges si le bail s'était régulièrement poursuivi, le tout justifié à hauteur de 37 189, 94 € selon décompte arrêté au 1er juin 2007 ;
Que des seules pièces exploitables produites par l'appelante- celles afférentes à la taxe foncière, excepté pour l'année 2004, étant illisibles- il ressort au surplus que la dette locative est augmentée, au titre des charges, des sommes de :
950, 90 € pour l'exercice 2000 / 2001
742, 17 € pour 2002
330, 46 € pour 2003
550, 94 € pour 2004
363, 17 € pour 2005 et
265, 60 € pour 2006,
Soit un total de 3 203, 24 €, auquel il convient d'ajouter 822, 73 € au titre des impôts fonciers pour 2004 ;
Que c'est en conclusion au paiement d'un total de 41 215, 91 € qu'il convient de condamner Monsieur Y..., augmentée de 12 % au titre de la clause pénale prévue au contrat, le surplus réclamé n'étant justifié par aucune pièce ni même seulement explicité par un quelconque décompte ;
Attendu que le jugement entrepris sera réformé en ce sens ;
Attendu ensuite que Mademoiselle Tareira Y... s'était engagée en qualité de caution solidaire de son frère Ali, notamment " pour le paiement des loyers éventuellement révisés, indemnités d'occupation, charges récupérables (...) pour une durée de vingt- trois mois, à concurrence de 52 727, 50 francs " ;
Que cet engagement visait à garantir le paiement des loyers et de ses accessoires durant la totalité de la durée du bail ;
Que toutefois, en l'absence de précision sur le montant réclamé au titre de l'arriéré de charges avant la date d'expiration du bail, comme de justificatif d'un éventuel arriéré de loyer dans cette même limite, la demande en paiement formée à l'encontre de Mademoiselle Y... devra être rejetée ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser supporter par Mademoiselle X... les frais irrépétibles engendrés par les procédures de première instance et d'appel ; qu'une indemnité complémentaire de 2 000 € lui sera versée par Monsieur Y... de ce chef ;
Que ce dernier, partie succombante, verra sa demande du même chef rejetée et sera tenu des entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par défaut,
Infirme le jugement entrepris, et statuant à nouveau,
Ordonne l'expulsion de Monsieur Ali Y... ainsi que de tous occupants de son chef du local objet du bail en date du 10 juillet 1999 portant sur les locaux sis à TROYES, 2 rue Linard Gonthier, au besoin avec le concours de la force publique ;
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;
Condamne Monsieur Ali Y... à payer à Mademoiselle Annie X... la somme de 41 215, 91 € augmentée de 12 % au titre de la clause pénale ;
Déboute Mademoiselle Annie X... de sa demande en paiement dirigée contre Mademoiselle Tareira Y... ;
Condamne Monsieur Ali Y... à verser à Mademoiselle Annie X... la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Rejette sa demande du même chef ;
Le condamne aux entiers dépens, en admettant la SCP SIX GUILLAUME F..., pour ceux d'appel, au bénéfice de l'article 699 précité.
LE GREFFIER, LE PREMIER PRESIDENT,