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04/10/2007 | FRANCE | N°535

France | France, Cour d'appel de reims, Ct0200, 04 octobre 2007, 535


R.G : 06/02150

ARRET No

du : 04 octobre 2007

JB/AL

X...

Bernard

C/

Y...

Rémy

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL

CHAMBRE CIVILE - SECTION FAMILLE

ARRET DU 04 OCTOBRE 2007

APPELANT :

Monsieur Bernard X...

...

51520 SARRY

COMPARANT, concluant par la SCP THOMA - LE RUNIGO - DELAVEAU - GAUDEAUX avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SCP SELAS CABINET DEVARENNE ET ASSOCIÉS, avocat au Barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE

Appelant d'une décision rendue par l

e Tribunal de Grande Instance de CHALONS EN CHAMPAGNE le 05 Juillet 2006

INTIME :

Monsieur Rémy Y...

Le Moulin

48500 BANASSAC

Comparant, concluant par Maître Estel...

R.G : 06/02150

ARRET No

du : 04 octobre 2007

JB/AL

X...

Bernard

C/

Y...

Rémy

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL

CHAMBRE CIVILE - SECTION FAMILLE

ARRET DU 04 OCTOBRE 2007

APPELANT :

Monsieur Bernard X...

...

51520 SARRY

COMPARANT, concluant par la SCP THOMA - LE RUNIGO - DELAVEAU - GAUDEAUX avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SCP SELAS CABINET DEVARENNE ET ASSOCIÉS, avocat au Barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE

Appelant d'une décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de CHALONS EN CHAMPAGNE le 05 Juillet 2006

INTIME :

Monsieur Rémy Y...

Le Moulin

48500 BANASSAC

Comparant, concluant par Maître Estelle Z..., avouée à la Cour, et ayant pour conseil Maître Henri A..., avocat au barreau de MILLAU.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

PRESIDENT : Madame Chantal COLLOT

CONSEILLER : Madame Odile MARZI

CONSEILLER : Madame Anne LEFEVRE

GREFFIER D'AUDIENCE :

Madame Jacqueline BALDI, Greffier lors des débats et du prononcé.

DEBATS :

En chambre du Conseil du 22 Juin 2007, où l'affaire a été mise en délibéré à l'audience du 4 Octobre 2007 sans opposition de la part des conseils des parties et en application des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, Madame Anne LEFEVRE, a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la Cour dans son délibéré,

ARRET :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile, et signé par Madame Odile MARZI, Conseiller et par Madame Jacqueline BALDI, Greffier, auquel la minute de la décision lui a été remise par le magistrat signataire.

2

Statuant sur l'appel formé par M. Bernard X... du jugement rendu le 5 juillet 2006 par le Tribunal de Grande Instance de Châlons-en-Champagne, qui a notamment :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation, partage de la succession de Mme Simone X... née B... et désigné pour y procéder M. le Président de la Chambre des Notaires de la Marne, avec faculté de délégation à tout autre notaire de son choix, excepté Maître C...,

- désigné le Vice-Président chargé de la Chambre civile, première section, pour contrôler lesdites opérations,

- dit que la vente réalisée entre Mme QUIN B... et son fils Bernard X... est une donation déguisée et ordonné le rapport à la succession de l'immeuble litigieux,

- dit que M. X... et sa mère, aujourd'hui décédée, se sont rendus coupables du délit civil de recel successoral, et qu'en conséquence, Bernard X... ne pourra faire valoir aucun droit sur l'immeuble objet du recel,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné M. Bernard X... à verser à M. Rémy Y... la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- condamné M. Bernard X... aux dépens de l'instance et à ceux de la procédure de référé, en ce compris les frais d'expertise.

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme Simone B... et M. Paul X..., mariés sous le régime de la communauté, ont été séparés de corps et de biens par jugement du 10 mai 1943. Un état liquidatif de communauté a attribué à Mme Simone X... un immeuble sis à Sarry (Marne). M. X... est décédé le 15 mars 1968 et Mme X... le 20 mars 2002.

De leur union sont nés Bernard X... et Michèle X... épouse Y... décédée en juin 1998. Mme Simone X... avait pour héritiers réservataires son fils Bernard X... et son petit fils Rémy Y..., par représentation de sa mère.

M. Y... a appris que quelques mois après le décès de sa mère, sa grand-mère, Mme Simone X..., avait selon deux actes authentiques du 20 novembre 1998, d'une part vendu à son fils Bernard l'immeuble sis à Sarry au prix de 350.000 F, partiellement payé pour 200.000 F hors comptabilité du notaire, le solde étant réglable en 10 échéances annuelles, d'autre part légué à son fils la quotité disponible de la succession.

Considérant qu'il s'agissait d'une donation déguisée de l'immeuble, M. Y... a fait désigner en référé un expert judiciaire.

Il a demandé au tribunal d'ordonner l'ouverture des opérations de partage de la succession de Mme Simone X..., de juger que la vente du 20 novembre 1998 est une donation déguisée, d'ordonner le rapport à la succession de l'immeuble dont s'agit et de dire que M. Bernard X... est coupable de recel successoral et doit être privé de tout droit sur l'immeuble. Subsidiairement, il a sollicité la réduction de la donation déguisée, en retenant que, selon l'expert, la maison valait lors de la cession 560.000 F (85.372 euros) et non 350.000 F.

3

M. Bernard X... a souhaité voir désigner Maître C... pour notaire instrumentaire, a sollicité le partage en nature des immeubles ruraux de la succession dans la proportion d'1/3 pour son neveu et 2/3 pour lui-même, et a contesté l'existence d'un recel successoral au motif que des traces de mouvements de fonds importants sur les comptes de Mme X... et des attestations de sa main de versements en espèces avaient été retrouvées. Il a seulement reconnu devoir 50.000 F pour solde de sa dette.

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement déféré.

Aux termes de conclusions déposées le 4 décembre 2006, auxquelles il est fait ici expressément référence, M. Bernard X... reprend devant la Cour ses demandes initiales, et entend que soient rejetées toutes les prétentions adverses, notamment celles tendant au constat d'une donation déguisée et à l'application du délit civil de recel successoral.

Selon écritures déposées le 4 janvier 2007, expressément visées ici, M. Y... conclut à la confirmation du jugement entrepris dans son intégralité, souhaitant que les droits de M. Bernard X... soient uniquement des 2/3 de la valeur des terres agricoles fixées par l'expert à la somme de 99.450 euros en 2002 et des 2/3 des avoirs bancaires. Subsidiairement, il souhaite la réduction de la donation déguisée et la fixation comme suit de l'évaluation des biens immobiliers :

. pour déterminer le calcul de la réserve :

valeur de la maison proposée par l'expert, soit 85.372 euros en 1998

valeur des autres biens au jour du décès

. pour le calcul de l'indemnité de réduction :

valeur 2005 de la maison :115.252 euros

valeur 2005 des terres : 119.340 euros.

Enfin, il réclame condamnation de M. Bernard X... au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 juin 2007.

SUR CE :

Sur la valeur de l'immeuble du 37 grande rue à Sarry (Marne) :

M. Bernard X... soutient que la valeur retenue par l'expert et entérinée par le tribunal ne tient pas suffisamment compte de l'état de la maison, qui se trouve dépourvue des éléments de confort actuel.

A l'appui de sa contestation, il produit trois devis établis en décembre 2006, correspondant aux coûts de l'installation du chauffage central au gaz pour 6.963 euros, de l'isolation de la maison pour 5.820 euros, et à la rénovation électrique complète pour 7.156,29 euros.

Le premier juge a cependant relevé avec pertinence que l'expert avait retenu dans son appréciation de la valeur de l'immeuble en 1998 que celui-ci présentait des inconvénients susceptibles de faire baisser le prix moyen de 6.500 F au m² habitable, et avait alors énoncé la faible valeur des matériaux, la médiocrité des équipements, la nécessité de procéder à des travaux importants, tels que l'installation du chauffage, de l'eau chaude, d'une isolation. De ce fait, l'expert a réduit de 975.000 F à 700.000 F son estimation du prix de la maison libre de toute occupation, puis a chiffré à 560.000 F le prix à proposer, après abattement de 20 % pour le droit d'occupation que s'était réservé Mme X... jusqu'à son décès.

4

Il s'ensuit que M. Bernard X... ne justifie nullement d'une erreur d'évaluation commise par l'expert et par le premier juge.

Sur les règlements effectués par M. Bernard X... :

M. Bernard X... fait valoir que des justificatifs de mouvements de fonds importants sur les comptes de Mme X... ont été retrouvés, notamment lors de son adhésion à des contrats d'assurance vie, corroborant le fait qu'elle a bel et bien employé le prix de vente réglé par son fils.

L'acte authentique contenant vente du 20 novembre 1998 indique un prix de vente de 350.000 F, sur lequel l'acquéreur a payé comptant dès avant ce jour et hors la comptabilité du notaire une somme de 200.000 F, dont le vendeur lui consent quittance. "Quant aux 150.000 F de surplus, l'acquéreur s'oblige à les payer dans un délai de 10 ans sans intérêts, par fractions annuelles de 15.000 F, la première venant à échéance le 15 janvier 1999."

M. Bernard X... verse aux débats trois attestations manuscrites signées par Mme X..., par lesquelles elle reconnaît avoir reçu de M. Bernard X... le règlement en espèces des sommes de 15.000 F le 20 février 1999, de 15.000 F le 12 février 2000 et de 70.000 F le 15 mars 2001, au titre de l'achat de la maison de Sarry.

Or, l'expert s'est fait remettre les relevés de compte auprès du Crédit Lyonnais et du Crédit Agricole de Mme X... et de M. Bernard X... à compter du 1er janvier 1998 jusqu'au 30 mars 2002. Il s'est fait communiquer les relevés des différents comptes et contrats d'assurance-vie de ces deux personnes, a étudié les virements et opérations par eux effectués, avant de conclure très nettement que "le dépouillement de tous les documents concernant les comptes de Mme X... et de son fils ne révèle aucune écriture pouvant correspondre à des règlements de prix par celui-ci à sa mère." L'expert ajoute que le patrimoine de M. Bernard X..., bien que géré avec prudence et opportunité, "ne lui permettait pas de verser à sa mère la totalité du prix de vente" et "les liquidités dont il disposait n'ont pas été consacrées à des versements d'acompte."

Il est ainsi largement démontré que les prétendus versements à hauteur de 100.000 F n'ont pas existé, d'autant que M. Bernard X... n'apporte aucun élément nouveau à opposer à l'expertise qu'il critique.

La quittance d'une somme payée en dehors de la comptabilité du notaire ne fait foi que jusqu'à preuve contraire. Les comptes des parties ayant été examinés à partir de janvier 1998, et l'acte de "vente" étant de novembre 1998, l'expertise judiciaire démontre suffisamment que le versement des 200.000 F prétendument payés comptant dès avant le 20 novembre 1998 n'a pas davantage existé.

Il est clairement établi en conséquence que l'ensemble de l'immeuble objet de la "vente" du 20 novembre 1998 a fait l'objet d'une donation déguisée.

Sur le recel successoral :

Constitue un recel toute manoeuvre dolosive, toute fraude commise sciemment dans le but de rompre l'égalité du partage, quels que soient les moyens utilisés pour y parvenir.

Le caractère concomitant des deux actes du 20 novembre 1998, la vente fictive de la maison qui constituait une partie importante de l'actif successoral, la signature par Mme X... des quittances remises à son fils qui ne correspondaient à aucun versement effectif, l'opposition de M. Bernard X...

5

à la mesure d'expertise judiciaire démontrent la réalité des manoeuvres concertées commises par Mme X... et son fils pour sortir de l'actif successoral l'immeuble sis à Sarry, au détriment du petit fils M. Y....

Le jugement déféré doit donc être approuvé en ce qu'il a dit que M. Bernard X... et sa mère étaient coupables de recel successoral, et que M. Bernard X... ne pourra faire valoir aucun droit sur l'immeuble objet du recel.

Sur les autres demandes :

Maître C... est intervenu dans l'acte de vente litigieux du 20 novembre 1998. Le premier juge a, avec prudence et sagesse, désigné M. le Président de la Chambre des notaires, avec faculté de délégation à tout autre excepté Maître C..., pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage, par souci d'un déroulement serein des opérations hors de toute suspicion à l'égard du notaire instrumentaire. La décision combattue doit dès lors être confirmée de ce chef.

M. Bernard X... succombe en son recours et sera condamné aux dépens d'appel.

L'équité commande de le condamner à payer à M. Y... une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement et publiquement,

Confirme en toutes ses dispositions, y compris en celles relatives aux dépens, le jugement du Tribunal de Grande Instance de Châlons-en-Champagne du 5 juillet 2006,

Y ajoutant,

Condamne M. Bernard X... à payer à M. Y... une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne M. Bernard X... aux dépens d'appel, avec possibilité de recouvrement direct au profit de Maître D... conformément aux dispositions de l'art. 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Formation : Ct0200
Numéro d'arrêt : 535
Date de la décision : 04/10/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne, 05 juillet 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2007-10-04;535 ?
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