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18/12/2006 | FRANCE | N°648

France | France, Cour d'appel de reims, Chambre civile 1, 18 décembre 2006, 648


ARRET KI*60)

du 18 décembre 2006

R.G : 05/00733

X...

cl

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1º SECTION

ARRET DU 18 DECEMBRE 2006

APPELANT:

d'un jugement rendu le 09 Février 2005 par le Tribunal de Grande Instance de CHALONS-EN-CHAMPAGNE,

Monsieur Hervé X... ...

69500 BRON

Y...

VERLET COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET CAULIER-RICHARD avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me Anny Z..., avocat au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE,

INTIMES :

Monsieur Pascal Y...


...

51320 DOMMARTIN LETTREE Madame Edith A... épouse Y...

...

51320 DOMMARTIN LETTREE

COMPARANT, concluant par la SCP SIX - GUILLAUME - SIX, ...

ARRET KI*60)

du 18 décembre 2006

R.G : 05/00733

X...

cl

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1º SECTION

ARRET DU 18 DECEMBRE 2006

APPELANT:

d'un jugement rendu le 09 Février 2005 par le Tribunal de Grande Instance de CHALONS-EN-CHAMPAGNE,

Monsieur Hervé X... ...

69500 BRON

Y...

VERLET COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT - JACQUEMET CAULIER-RICHARD avoués à la Cour, et ayant pour conseil Me Anny Z..., avocat au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE,

INTIMES :

Monsieur Pascal Y...

...

51320 DOMMARTIN LETTREE Madame Edith A... épouse Y...

...

51320 DOMMARTIN LETTREE

COMPARANT, concluant par la SCP SIX - GUILLAUME - SIX, avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SCP BILLY, avocats au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame BRETON, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre Madame SIMON-ROSSENTHAL, Conseiller

Monsieur CIRET, Conseiller

BC

Formule exécutoire le

GREFFIER :

Madame Maryline THOMAS, Greffier lors des débats et du prononcé. DEBATS :

A l'audience publique du 30 Octobre 2006, oÿ l'affaire a été mise en délibéré au 18 Décembre 2006,

ARRET:

Prononcé le 18 Décembre 2006 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile, signé par Madame BRETON, Conseiller, et Madame THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision lui a été remise par le magistrat signataire

2

FAITS ET PROCEDURE

Suivant compromis en date à CHALONS SUR MARNE du 21 juin 1994, Mlle Yveline X..., M. Hervé B..., Mme Eliane X... et M. Michel X... ont vendu à M C... ERRE et à Mme Edith A..., son épouse, l'immeuble ainsi désigné : Commune de DOMMARTIN-LETTREE (Marne):

Un ancien corps de ferme sis à DOMMARTIN LETTREE, rue Hanchelin, n 9, comprenant

Couloir d'entrée desservant une cuisine, un séjour salon, une salle de bains, W.C., quatre chambres,

Grenier au dessus dans lequel une pièce

Chaufferie (chaudière bois et fuel)

Grange - écuries

Cour,

Parc

L'ensemble cadastré lieudit "HANCHELIN" section ZV nºs :

- 57, "..." pour 11 a 40 ca

- 162 "HANCHELIN" pour 31 a 66 ca

soit ensemble : 43 a 06 ca.

Cet immeuble, qui est actuellement cadastré Y0 18, jouxte la parcelle YO 8, qui a été attribuée à M. Hervé X... à la suite d'un partage successoral et que ce dernier avait agrémentée d'un grillage pour la séparer du fonds des époux Y....

Exposant.qu'en revenant de vacances le 15 août 2000, ils ont eu la surprise de constater que M. X... avait fait construire un mur en parpaings à la place du grillage et au droit de leurs fenêtres, les époux Y... ont obtenu en référé l'institution d'une expertise, confiée à M. D... par ordonnance du 14 mai 2002.

Invoquant les conclusions expertales, selon lesquelles la clôture en parpaings "masque totalement la vue" dont ils jouissaient, les époux Y... ont, par acte du 30 mars 2004, assigné M. Hervé X... devant le Tribunal de grande instance de CHALONS EN CHAMPAGNE aux fins de voir, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, ordonner la démolition du mur édifié par leur voisin, sous astreinte de 100 € par jour de retard, passé un délai de deux mois à compter de la signification de la décision à intervenir. Demandant, en outre, la condamnation du défendeur à leur payer la somme de 10 000 € pour trouble de jouissance. Ils ont requis l'exécution provisoire et ont réclamé l'allocation d'une indemnité de 1 200 pour frais irrépétibles.

Soutenant que le mur litigieux a été construit dans le respect des prescriptions réglementaires et qu'il "n'a fait qu'user de son droit légitime de se clore", M. X... a conclu au débouté et a sollicité reconventionnellement condamnation des demandeurs à lui payer les somme de 5 000 € en dommages-intérêts pour procédure abusive et de 2 000 € pour frais non taxables.

3

Par jugement en date du 09 février 2005, le Tribunal de grande instance de CHALONS EN CHAMPAGNE a :

- ordonné la démolition du mur de parpaings édifié en limite séparative des propriétés X... et Y..., aux frais de M. X... et dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement, passé lequel il sera dû une astreinte de 50 € par jour de retard

- condamné M. X... à verser à M. et Mme Y... la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance, outre 700 € pour frais irrépétibles

- débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes

- ordonné l'exécution provisoire du jugement et condamné M. X... aux dépens, en ce compris les frais d'expertise.

Il estimait que :

- l'expert a mis en évidence la gêne importante par perte d'ensoleillement qui résulte de l'édification litigieuse pour les époux Y..., dont la maison, d'un seul niveau, présente en effet 4 fenêtres en façade côté mur SACQUE, dont 3 font désormais directement face à ce mur, situé à quelques mètres seulement

- les pièces concernées sont le salon et la salle-à-manger, indéniablement privés de la vue champêtre qui s'offrait auparavant et, plus généralement, de la lumière, puisque le niveau supérieur du mur se situe à un niveau supérieur de celui du plancher de la maison, de 1,9 m à 1,5 m.

M. X... a interjeté appel de ce jugement le 8 mars 2005.

MOYENS DES PARTIES

En l'état de ses dernières conclusions déposées le 29 septembre 2006, M. X... sollicite l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, car l'expert D... n'a pas fait mention d'une perte d'ensoleillement dans son rapport définitif, laquelle "ne peut qu'être imaginaire dès lors que les fenêtres concernées de l'immeuble appartenant aux époux Y... sont orientées au Nord et qu'elles étaient donc déjà privées d'ensoleillement". Il ajoute que sa parcelle,"constituée d'un grand parc, est de nature constructible", que "la vue dont jouit un propriétaire depuis sa maison n'est pas un droit susceptible en lui-même de protection" et que l'intention de nuire qui lui est reprochée ne repose sur aucun élément probant. Subsidiairement, si un trouble anormal du voisinage était retenu, celui-ci ne saurait entraîner l'obligation de démolir le mur en l'absence de servitude de vue ou de mauvaise foi de sa part. Ayant, faute d'avoir obtenu l'arrêt de l'exécution provisoire, démoli son mur en exécution du jugement déféré, il demande la condamnation des intimés à lui payer une somme de 19 789,67 € représentant les coûts de démolition et de reconstruction de cet ouvrage. Il réclame, en outre, l'allocation de la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et d'une indemnité de 4 000 € pour frais irrépétibles.

4

Par écritures déposées le 16 mars 2006, les époux Y... concluent à la confirmation de la décision entreprise. Selon eux, "les planches photographiques annexées au rapport d'expertise permettront à la Cour de comprendre la réalité du préjudice esthétique" qu'ils ont subi "du fait de l'édification du mur" litigieux. Ils ajoutent que ce mur est édifié à un niveau supérieur à celui du plancher de leur maison et est "particulièrement horrible". Les époux Y... sollicitent la condamnation de M. X... à leur payer la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 3 000 € pour frais non taxables.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 23 octobre 2006.

SUR CE,

*. SUR LE TROUBLE DE VOISINAGE ALLEGUE

Attendu que les époux Y... fondent leur action en démolition sur le trouble de voisinage qu'ils estiment subir du fait de l'élévation du mur de clôture litigieux, dont la hauteur moyenne est de 1,95 mètre à 2 mètres sur une longueur de 36,70 mètres, alors que quatre fenêtres de la façade de leur maison se trouvent à une distance de celui-ci qui va de 2,30 mètres à 6 mètres, ce qui entraîne, selon eux, un préjudice de vue et d'ensoleillement ;

Attendu que, si nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage (Civ. 2º, 19 nov. 1986 : Bull. civ. Il, nº172), la mise en jeu d'une telle responsabilité doit s'apprécier objectivement en fonction de la situation créée et non en fonction de l'avantage qui est perdu ;

Attendu que l'article 647 du Code civil consacrant le droit de se clore, tout propriétaire doit s'attendre à perdre un avantage de vue sur la propriété voisine de la sienne - fût-ce un parc arboré, comme en l'espèce - du fait de la construction d'un mur séparatif en limite parcellaire ;

Qu'ainsi, l'ensoleillement et la vue dont bénéficient une maison ne sont pas des droits acquis ;

Attendu qu'aux termes de sa mission, rappelée dans son rapport, l'expert D... devait déterminer si ledit mur "génère un dommage pour les propriétaires du fonds voisin, principalement au regard du préjudice esthétique ou de l'accroissement du taux d'humidité" ;

Que M. D... n'avait donc pas pour mission de caractériser en quoi le mur édifié par M. X... affecte l'ensoleillement de la propriété des époux Y... et qu'il ne l'a d'ailleurs pas fait ;

5

Attendu, en effet, que M. D..., répondant à la question qui lui était posée, a indiqué qu'il "est indéniable que la construction du mur apporte un préjudice esthétique important" et qu'elle "a une conséquence limitée sur l'éventuel accroissement de l'humidité dans la zone séparative mur de clôture/maison de Monsieur ERRE" ;

Que ce technicien a toutefois précisé que "cette très faible augmentation de l'humidité ne constitue pas un préjudice" ;

Attendu que l'expert D... n'a donc pas procédé à une étude d'ensoleillement de la maison des époux ERRE (qui "ne comporte qu'un rez-de-chaussée") portant sur l'éventuelle nuisance résultant du remplacement d'une clôture"constituée d'un grillage métallique type NYLOFER MEDIUM" par un mur en maçonnerie de parpaings de deux mètres de hauteur, "construit dans 'l'emprise du terrain de Monsieur X..." ;

Que, pour caractériser un éventuel assombrissement des quatre fenêtres de la maison des époux ERRE en "façade Nord Ouest", "située à peu près parallèlement au mur de clôture, à une faible distance", l'expert D..., si mission lui en avait été donnée, aurait dû procéder à des observations

- en période d'équinoxe (équinoxe de printemps vers le 21 mars et équinoxe d'automne vers le 21 septembre)

- au solstice d'hiver (vers le 21 décembre)

- au solstice d'été (vers le 21 juin, jour le plus long de l'année) ;

Qu'en l'absence d'une telle étude d'ensoleillement, c'est donc manifestement à tort que les premiers juges ont affirmé que "l'expert a mis en évidence la gêne importante par perte d'ensoleillement qui résulte de l'édificatior litigieuse, pour les époux Y..." ;

Attendu que les premiers juges ne pouvaient pas davantage retenir que "les pièces concernées", à savoir, le salon et la salle-àmanger, sont privées "de la lumière, puisque le niveau supérieur du mur se situe à un niveau supérieur de celui du plancher de la maison, de 1,9 ni à 1,5 m", alors que les photographies prises par M. D..., annexées au rapport d'expertise, qui sont des "vues depuis (le) salon (et la) salle-à-manger (du) pavillon ERRE", montrent que le mur litigieux n'occulte que la moitié basse des fenêtres de ces pièces ;

Qu'ainsi les époux Y..., qui ne rapportent pas la preuve du trouble de voisinage qu'ils allèguent, ne peuvent qu'être déboutés de leurs demandes en démolition et en dommages-intérêts ;

Attendu que le jugement déféré sera encore infirmé en ce qu'il a condamné M. X... aux dépens et fait application des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile au profit des époux Y... ;

6

*. SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE

Attendu que, le 22 septembre 2005, Maître E..., huissier de justice associée à la résidence de VITRY-LE-FRANCOIS, a constaté, à la requête de M. X..., que le mur litigieux était "entièrement démoli, détruit" ;

Que M. X... sollicite la remise en état des lieux dans leur état antérieur et la condamnation des époux Y... "à lui payer le coût de la démolition du mur et de la reconstruction à l'identique de celui qui existait", qu'il chiffre ainsi qu'il suit :

- coût de la démolition

10

213,84

- coût de la reconstruction

6

975,83

- coût de la fourniture de peinture (estimation)

1

400,00

- coût de la main d'oeuvre de peinture (estimation)

1

200,00

TOTAL

19

789,67

€ ;

Attendu que les coûts de démolition et de reconstruction dont fait état M. X... résultent de devis établis le 03 mars 2005, qui ne. sauraient être retenus en raison de leurs montants qui sont, sans aucune justification, totalement disproportionnés par rapport aux évaluations proposées par l'expert D... le 27 octobre 2003;

Que la Cour fera donc siennes celles-ci, à savoir, 2 000,00 € pour frais de démolition et 60,00 € par mètre carré pour réalisation d'un nouveau mur en parpaings (incluant la mise en peinture, étant d'ailleurs rappelé que seule la face du mur du côté de la propriété de M. SACOTTE était peinte), soit 4 404,00 € (36,70 x 2 x 60) de ce dernier chef ;

*. SUR LES DEMANDES ANNEXES

Attendu que, succombant à titre principal, les époux Y... seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel et ne sauraient donc voir prospérer leurs demandes en dommages-intérêts pour procédure abusive et pour frais irrépétibles d'appel;

Attendu que le mal fondé des prétentions des époux Y... ne suffit pas à conférer à celles-ci le caractère abusif prétendu par l'appelant, d'oÿ il suit qu'il n'y a pas lieu d'accorder à ce dernier des dommages-intérêts pour procédure injustifiée ;

Que l'équité conduit néanmoins à allouer à M. X... une indemnité de 1 000,00 € en compensation de ses frais non taxables, étant précisé que cette somme comprend le coût du procès-verbal de constat établi le 22 septembre 2005 par Maître E..., ledit constat n'entrant pas dans la liste des dépens limitativement énumérés par l'article 695 du Nouveau code de procédure civile, mais dans celle des frais nécessaires au procès;

PAF CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 09 février 2005 par Tribunal de grande instance de CHALONS EN C HAM PAG N E.

Et, statuant à nouveau,

Déboute M C... ERRE et Mme Edith A... épouse Y... de leurs demandes en démolition et en dommages-intérêts pour trouble de jouissance.

Condamne in solidum M C... ERRE et Mme Edith A... épouse Y... à payer à M. Hervé X... la somme de SIX MILLE QUATRE CENT QUATRE EUROS (6 404,00 E) pour travaux de démolition du mur litigieux et de reconstruction d'Aile clôture en maçonnerie de parpaings de deux mètres de hauteur.

Déboute M. Hervé X... de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.

Déboute les époux Y... de leurs demandes en dommages-intérêts pour procédure abusive et pour frais irrépétibles d'appel.

Condamne in solidum M C... ERRE et Mme Edith A... épouse Y... à payer à M. Hervé X... la somme de MILLE EUROS (1 000,00 E) pour frais irrépétibles d'appel.

Condamne in solidum M C... ERRE et Mme Edith A... épouse Y... aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP DELVINCOURT JACQUEMET CAULIER-RICHARD, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 648
Date de la décision : 18/12/2006
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne, 09 février 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2006-12-18;648 ?
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