ARRÊT N o1299 du 13/12/2006 AFFAIRE No : 05/01036 OM/GP Guy X..., Y..., Solange PETIT épouse X... Z.../ Françoise A... veuve X... B... exécutoire le : à :COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2006
APPELANTS : d'un jugement rendu le 11 Mars 2005 par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de TROYES, Monsieur Guy X... ... 10000 TROYES Madame Y..., Solange PETIT épouse X... ... 10000 TROYES Comparant, concluant et plaidant par la SELAS CABINET DEVARENNE ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS, INTIMÉE : Madame Françoise A... veuve X... ... 10280 RILLY STE SYRE Comparant, concluant et plaidant par la SCP GEORGE - CHASSAGNON, avocats au barreau de TROYES, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur Jean-Philippe KUNLIN, Président Monsieur Guy LECUYER, Conseiller Monsieur Olivier MANSION, Conseiller GREFFIER lors des débats : Madame Françoise CAMUS, Greffier DÉBATS : A l'audience publique du 30 Octobre 2006, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Décembre 2006, ARRÊT : Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile et signé par Monsieur Guy LECUYER, conseiller, en remplacement du Président empêché et par Madame Françoise CAMUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 22 avril 2004, M et Madame Guy X... ont fait délivrer congé à Madame veuve X... à effet du 31 octobre 2004 pour un contrat de bail portant sur une parcelle sise sur le territoire de la commune de Rilly Saint Syre lieu dit le gros chemin et cadastrée section ZL no21.
Par jugement du 11 mars 2005, le Tribunal paritaire des baux ruraux
de Troyes a annulé ce congé.
Après notification du 16 mars 2005, M et Madame X... ont interjeté appel le 7 avril suivant. Ils soutiennent que, s'agissant d'une parcelle ayant une superficie inférieure au maximum retenu par l'arrêté préfectoral du 4 décembre 1987 pris en application de l'article L 411-3 du Code rural, il n'y a pas lieu de délivrer congé conformément aux dispositions de l'article L 411-47 du Code rural mais à celle de l'article 1736 du Code civil. Par ailleurs, cet arrêté en prévoyant que le statut du fermage est accordé au preneur de toute parcelle d'une superficie inférieure au seuil fixé par ce texte mais dont les limites sont communes pour les 3/5 au moins à des parcelles qu'il cultive déjà, serait illégal en ajoutant une dérogation non prévue à l'article L 411-3 précité. Il est donc sollicité de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse du tribunal administratif à la question préjudicielle devant lui être posée. A titre subsidiaire, les parcelles entourant la terre litigieuse seraient exploitées par des preneurs distincts à savoir M Nicolas X... fils de l'intimée notamment pour la parcelle ZL no23, d'où demande de validation de congé et expulsion du locataire sous astreinte.
Madame veuve X... rappelle que la parcelle louée est d'une superficie inférieure au maximum arrêté par l'acte du 4 décembre 1987 mais qu'elle bénéficie du statut protecteur du fermage en ce que ses limites sont communes au moins pour les 3/5ème à des parcelle qu'elle cultive à travers un GAEC du guet au profit duquel les parcelles ZL no20 et 23 ont été mises à disposition. Enfin l'exception d'illégalité portant sur l'arrêté préfectoral serait inopérante car en cas d'annulation, et donc à défaut d'arrêté, le statut du fermage s'appliquerait à toutes les parcelles quelle que soit la surface en cause. Il est donc demandé la confirmation du jugement querellé.
Il sera renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et demandes des parties aux conclusions des 1er juillet 2005 et 25 octobre 2006, respectivement pour les appelants et l'intimée, et ce telles que reprises à l'oral à l'audience du 30 octobre 2006.
MOTIFS
Sur la validité du congé :
L'article L 411-3 du Code rural dispose qu'après avis de la commission consultative des baux ruraux, des arrêtés du commissaire de la République du département fixent, en tenant compte des besoins locaux ou régionaux, la nature et la surface maximum des parcelles de terres ne constituant pas un corps de ferme ou des parties essentielles d'une exploitation agricole pour lesquelles une dérogation peut être accordée aux dispositions des articles L 411-4 à L 411-7, L 411-8 (al.1), L 411-11 à L 411-16 et L 417-3. Il en résulte que les parcelles inférieures aux maxima prévus dans l'arrêté préfectoral ne sont pas soumises au statut prévu à l'article L 411-1 du même code, sauf dérogation légale, mais au droit commun du louage de choses des articles 1713 et suivants du Code civil.
En l'espèce, la parcelle litigieuse exploitée par Madame veuve X... possède une superficie de 52 ares et 16 centiares, soit inférieure au maximum prévu à l'article 9 de l'arrêté du 4 décembre 1987 portant application du statut du fermage dans le département de l'Aube ici de 1,50 hectares pour la quatrième catégorie "autres cultures". Cet article ajoute : " En outre, le bénéfice de l'ensemble des dispositions du statut du fermage est accordé au preneur de toute parcelle d'une superficie inférieure aux seuils définis ci-dessus,
lorsque les limites de cette parcelle sont communes, pour les 3/5 au moins, à des parcelles qu'il cultive déjà". Parce que la validité du congé délivré le 22 avril 2004 avec effet au 31 octobre 2004 est subordonnée à l'application ou non du statut du fermage, la question préjudicielle de la légalité de l'article 9 de l'arrêté du 4 décembre 1987, dans sa partie contestée, doit être posée uniquement si cette dérogation a vocation à s'appliquer. Ici, la parcelle rectangulaire ZL no21 est, selon le relevé cadastral, entourée sur toute ses deux longueurs par les parcelles ZL no20 et 23, et sur ses deux largeurs par des chemins ruraux. Ici la parcelle ZL no20 est louée à Madame veuve X... par M Guy X... selon contrat écrit du 11 octobre 1985 et la parcelle ZL no23 est donnée à bail à M Nicolas X..., fils de Madame Veuve X..., par Madame Berlot. C... deux parcelles ont été mises à disposition du GAEC du guet au sein duquel sont associés Madame X..., son fils et M Paris. D... en résulte qu'à défaut de dissocier les terres affectées au GAEC, Madame veuve X... cultive, en participant à l'exploitation du GAEC, des parcelles ayant des limites communes à la parcelle ZL no21 pour au moins les 3/5.
A suivre l'article 9 de l'arrêté précité, la parcelle ZL no21 serait donc soumise au statut du fermage ce qui rendrait nul le congé délivré par les époux X... le 22 avril 2004, lequel ne respecte pas les dispositions de l'article L 411-47 du Code rural.
Aussi, en soulevant l'illégalité de la disposition susvisée de l'article 9, les appelants sont bien fondés à solliciter saisine, par question préjudicielle, de la juridiction administrative seule compétente pour connaître de cette question à défaut de voie de fait invoquée.
Les premiers juges ne pouvaient en effet, sauf à ne pas répondre à l'argument, se contenter de relever l'absence de procédure administrative engagée pour obtenir l'annulation de l'arrêté, ni
arguer du fait que les dispositions de l'article L 411-3 du Code rural n'ont pas de caractère d'ordre public alors que le préfet doit prendre les arrêtés visés par cet article, ni, enfin, l'absence du caractère sérieux de l'exception alors que celle-ci conditionne la solution du litige.
En conséquence, il sera sursis à statuer sur toutes les demandes dans l'attente de la réponse par la juridiction compétente, à savoir celle qui aurait été compétente pour se prononcer sur la validité de l'acte contesté par voie d'action principale, de la question préjudicielle ci-après formulée dans le dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS La cour statuant après débat public et par décision contradictoire :
- Reçoit, en la forme, l'appel interjeté par M et Madame Guy X... contre le jugement rendu par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Troyes en date du 11 mars 2005, Avant dire droit :
- Renvoie à la juridiction administrative compétente, soit le tribunal administratif de Châlons en Champagne, la question préjudicielle suivante : "Au regard des dispositions de l'article L 411-3 du Code rural, l'article 9 de l'arrêté préfectoral du 4 décembre 1987 pris par le préfet de l'Aube et portant application du statut du fermage dans ce département est-il entaché d'illégalité pour avoir, après détermination de la superficie maximale dispensée de bail écrit et en dessous de laquelle ne joue pas le droit de préemption du preneur pour les parcelles ne constituant pas un corps de ferme ou une partie essentielle de l'exploitation agricole selon quatre types de culture, prévu que le bénéfice de l'ensemble des
dispositions du statut du fermage est accordé au preneur de toute parcelle inférieure aux seuils définis ci-dessus, lorsque les limites de cette parcelle sont communes, pour les 3/5 au moins, à des parcelles que ce preneur cultive déjà, ajoutant ainsi une condition non prévue aux dispositions de l'article L 411-3 précité ä ",
- Rappelle que le renvoi par question préjudicielle n'a pas pour effet de saisir le juge administratif, cette initiative incombant aux parties,
- Sursoit à statuer sur toutes les demandes dans l'attente de la réponse à la question préjudicielle posée,
- Dit qu'après réponse définitive donnée, l'instance sera reprise à l'initiative de la partie la plus diligente ou d'office par la présente cour.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT