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17/05/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006951017

France | France, Cour d'appel de reims, Chambre sociale, 17 mai 2006, JURITEXT000006951017


ARRÊT N o du 17/05/2006 AFFAIRE No : 05/00095 JFK/GP André X... C/ Francis Y... Formule exécutoire le : à :COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 17 MAI 2006

APPELANT : d'un jugement rendu le 06 Décembre 2004 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS section agriculture Monsieur André X... Z... de la Gare 51330 LE VIEIL DAMPIERRE Représenté par Mme Barbara A... - Délégué syndical ouvrier, INTIMÉ :

Monsieur Francis Y... 1 Route d'Onrezy 51390 BOUILLY Comparant, concluant et plaidant par Maître LABEAU BETTINGER, avocat au barreau de REIMS COMPOSITION DE LA COUR

lors des débats et du délibéré : Monsieur Bertrand SCHEIBLING Président M...

ARRÊT N o du 17/05/2006 AFFAIRE No : 05/00095 JFK/GP André X... C/ Francis Y... Formule exécutoire le : à :COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 17 MAI 2006

APPELANT : d'un jugement rendu le 06 Décembre 2004 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS section agriculture Monsieur André X... Z... de la Gare 51330 LE VIEIL DAMPIERRE Représenté par Mme Barbara A... - Délégué syndical ouvrier, INTIMÉ :

Monsieur Francis Y... 1 Route d'Onrezy 51390 BOUILLY Comparant, concluant et plaidant par Maître LABEAU BETTINGER, avocat au barreau de REIMS COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur Bertrand SCHEIBLING Président Madame Anne LEFEVRE Conseiller Monsieur Jean-Philippe KUNLIN Conseiller B... lors des débats : Madame Bénédicte C..., adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier DÉBATS : A l'audience publique du 15 Mars 2006, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Mai 2006, ARRÊT : Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile et signé par Monsieur Bertrand SCHEIBLING, Président et par Madame Françoise CAMUS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Rappel des faits et de la procédure

Monsieur André X... a été embauché le 9/1O/2OOO suivant contrat à durée indéterminée par Monsieur Francis Y... , agriculteur , en qualité d'ouvrier qualifié ; après un entretien préalable du 12 novembre 2OO3 , Monsieur X... s'est vu notifié son licenciement pour cause économique par une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 novembre 2OO3 ;

Peu de temps après la notification de son licenciement , Monsieur

X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de REIMS le 16/12/2OO3 d'une demande tendant à voir sanctionner l'irrégularité de son licenciement qui aurait été prononcé en méconnaissance de son statut de salarié protégé , sollicitant la condamnation de Monsieur Y... au paiement des sommes suivantes: - 53.699,7O ç à titre de dommages et intérêts pour licenciement prononcé en méconnaissance de son statut protecteur , - 5.4OO ç à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive , - 8,23 ç à titre de rappel de salaires ( du 1er au 31/O8/2OO2 ) - 149,53 ç au titre des heures supplémentaires - 15,78 ç au titre des congés payés y afférents , - 3OO ç au titre de l'article 7OO du Nouveau Code de Procédure Civile , outre la remise du document visé à l'article 38 de la Convention Collective applicable ;

Suivant jugement prononcé le 6 décembre 2OO4 , le Conseil de Prud'hommes de REIMS a débouté Monsieur X... de ses demandes indemnitaires formées tant au titre de l'irrégularité de son licenciement au regard de son statut protecteur que au titre de la rupture abusive de son contrat de travail ; toutefois le premier juge a condamné Monsieur Y... l'employeur à verser à son ancien salarié les sommes suivantes : - 8,23 ç à titre de rappel de salaire pour la période du 1er au 31/O8/O2 , - 149,53 ç au titre des heures supplémentaires - 15,78 ç au titre des congés payés y afférents outre la remise du document visé à l'article 38 de la Convention Collective applicable , les dépens étant partagés par moitié entre les deux parties ;

Le 31/12/2OO4 , Monsieur X... a régulièrement relevé appel du jugement précité , sollicitant à hauteur de Cour l'infirmation de la décision entreprise et la condamnation de l'intimé au paiement des sommes suivantes : - 53.699,7O ç à titre d'indemnité pour licenciement prononcé en méconnaissance de son statut protecteur , - 5.4OO ç à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive , - 8,23 ç à titre de rappel de salaires ( du 1er au 31/O8/2OO2 ) - 149,53 ç au titre des heures supplémentaires - 15,78 ç au titre des congés payés y afférents , - 3OO ç au titre de l'article 7OO du Nouveau Code de Procédure Civile , outre les entiers dépens ;

Monsieur X... soutient que c'est à tort qu'il a été débouté de ses demandes indemnitaires par le premier juge dans la mesure où il était conseiller prud'homme à la date du licenciement et que l'employeur avait notifié la rupture sans avoir au préalable sollicité et obtenu de l'inspection du travail l'autorisation de licencier;

Estimant par ailleurs qu'il n'avait pas à informer son employeur de son mandat de conseiller prud'homal , et soutenant en outre que Monsieur Y... ne pouvait ignorer son statut protecteur , Monsieur X... ne sollicite pas sa réintégration dans l'entreprise mais fait valoir qu'il aurait subi un important préjudice financier du fait de ce licenciement illicite ;

Monsieur Y... , intimé , a , quant lui , conclu au rejet de l'appel principal et à la confirmation partielle du jugement en ses dispositions relatives au débouté des demandes que le salarié avait formé tant au titre de l'irrégularité de son licenciement en méconnaissance de son statut protecteur que au titre de la rupture abusive de son contrat ; l'employeur a relevé par ailleurs appel incident et conclu au débouté de l'ensemble des demandes formées par Monsieur X... , sollicitant la condamnation de l'appelant au paiement de la somme de 5OO ç au titre de l'article 7OO du Nouveau

Code de Procédure Civile outre les dépens ;

L'intimé relève en premier lieu que le salarié n'a pas contesté les motifs économiques de son licenciement et fait par ailleurs valoir qu'il n'avait pas eu connaissance du statut protecteur de Monsieur X... à la date du licenciement, estimant avoir été victime d'une fraude et d'une manoeuvre déloyale de la part du salarié , ce dernier s'étant volontairement abstenu de faire état de son mandat lors de l'entretien préalable du 12/11/2OO3 ;

Estimant qu'il appartenait au salarié d'informer son employeur de son statut protecteur , Monsieur Y... attire l'attention de la Cour sur le fait qu'il demeurait à l'époque des faits à plus de 45 kilomètres de l'exploitation agricole où Monsieur X... était salarié et que ce dernier disposait d'une grande liberté quant à ses horaires de travail et l'organisation de celui-ci ; Vu les pièces régulièrement produites et les conclusions en date du 26/O1/2OO6 pour l'appelant et du 15/O3/2OO6 pour l'intimé , reprises lors du débat oral , auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé du litige et des moyens et arguments respectifs des parties , SUR CE , LA COUR , Sur la nullité du licenciement : Considérant en premier lieu que la Cour n'a pas été saisie par le salarié d'une contestation portant sur la réalité et le sérieux des motifs économiques énoncés dans la lettre de licenciement notifiée en date du 14 novembre 2OO3 ; Considérant en effet que Monsieur X... a fondé exclusivement ses demandes sur le caractère illicite de son licenciement qui aurait été prononcé par l'employeur en

méconnaissance de son statut protégé , le salarié étant effectivement à la date son licenciement , soit le 14/11/2OO3 , conseiller prud'homme installé auprès du Conseil de Prud'hommes de Châlons -en- Champagne ;

Considérant que le salarié ne sollicite pas sa réintégration mais demande à la Cour de sanctionner la nullité du licenciement pour défaut d'autorisation préalable de l'inspection du travail et de condamner Monsieur Y... à une indemnité équivalente à trente mois de salaires représentant le montant de sa rémunération jusqu'à la fin du délai de protection légale ; qu'en outre , selon le salarié , l'irrégularité du licenciement aurait pour conséquence que la rupture du contrat de travail présenterait un caractère abusif , cette circonstance justifiant l'octroi de dommages et intérêts supplémentaires ;

Considérant qu'il résulte de l'analyse des pièces de la procédure et des débats que les prétentions de Monsieur X... ne sauraient prospérer ; qu'en premier lieu, il est établi que l'employeur ignorait à la date du licenciement le fait que son salarié avait été élu puis installé dans ses fonctions de conseiller prud'homme auprès du Conseil de Prud'hommes de Châlons -en- Champagne ; que l'employeur a eu connaissance de l'existence du statut protégé de son salarié après le licenciement et à l'occasion de la procédure introduite le 16/12/2OO3 par Monsieur X... devant le Conseil de Prud'hommes ;

Considérant en effet que Monsieur André X... , salarié , a été élu conseiller prud'homme titulaire lors des élections du 11 décembre 2OO2 ; qu'il n'est pas contesté que ce salarié a été installé dans ses fonctions auprès du Conseil de Prud'hommes de Châlons -en- Champagne , section agriculture , à une date de l'année 2OO3 qui n'a pas été communiquée à la Cour ;

Considérant que au stade de la candidature de Monsieur X... , il

n'est pas justifié du respect de la procédure d'information de l'employeur au visa de l'article L 513-4 du Code du Travail ;

Considérant par ailleurs qu'en application de l'article R 513-116 du Code du Travail il est prévu que dans les huit jours de l'installation d'un salarié comme conseiller prud'homme ,le greffier en chef du Conseil de Prud'hommes doit adresser à son employeur un courrier l'informant de la date d'entrée en fonction du dit conseiller ;

Considérant qu'il n'est pas justifié de l'accomplissement de cette formalité , le Conseil de Prud'hommes de Châlons -en- Champagne n'ayant pas cru devoir répondre à la lettre recommandée avec accusé de réception qui lui a été adressée en date du 5 janvier 2OO4 par le conseil de l'intimé , ce dernier invitant la juridiction prud'homale à lui justifier de l'envoi du courrier d'information prévu par l'article R 513-116 du Code du Travail ;

Considérant par ailleurs que rien n'établit que l'employeur ait pu avoir connaissance des absences du salarié liées à l'exercice de son mandat , les pièces de la procédure ayant mis en évidence : - le climat de confiance existant entre Monsieur Y... et son salarié , - la liberté et l'autonomie dont disposait le salarié quant à l'organisation de ses horaires de travail et la gestion de ses tâches , Monsieur X... étant le seul salarié affecté à l'exploitation agricole de PROSNES , - aucune mention ne figure sur les relevés d'heures transmis par le salarié à l'employeur concernant les absences au poste de travail justifiées par l'exercice d'un mandat prud'homal en 2OO3 , - l'éloignement du lieu de travail de Monsieur X... , à savoir l'exploitation de PROSNES , distant de plus de 45 kilomètres du domicile de l'employeur ,

- Considérant enfin que tout salarié est tenu pendant l'exécution de son contrat de travail à une obligation de loyauté à l'égard de son

employeur ; que dans les circonstances de l'espèce , l'exigence de bonne foi formulée par l'article 1134 alinéa 3 du Code Civil , aurait du conduire le salarié à ne pas masquer volontairement à Monsieur Y... l'existence de son mandat lors de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement , Monsieur X... connaissant en effet les conséquences légales qui s'attachent au non-respect par l'employeur de la procédure spécifique applicable en cas de licenciement d'un conseiller prud'homme ;

Considérant que l'analyse du procès verbal établi à l'issue de l'entretien préalable du 12/11/2OO3 fait apparaître que Monsieur X... , assisté d'un conseiller du salarié , s'est délibérément abstenu d'évoquer son statut de salarié protégé , alors même que la retranscription de la conversation entre l'employeur et le salarié témoigne d'un échange approfondi de vue et d'information sur le projet de licenciement économique pendant une durée de 5O minutes ;

Considérant ainsi que Monsieur X... , en sa double qualité de salarié et de conseiller prud'homme , savait au moment de l'entretien préalable à son licenciement, que son employeur ne respectait pas , du fait du silence qu'il avait volontairement gardé , les dispositions des articles L 514-2 et L 412-18 du Code du Travail ; qu' ainsi en dissimulant son statut protégé le salarié a agi délibérément et de mauvaise foi à l'égard de son employeur , en laissant se poursuivre une procédure de licenciement qu'il savait irrégulière et donc susceptible d'entraîner de lourdes condamnations à l'encontre de son employeur lequel ignorait l'existence de son mandat de conseiller prud'homme ;

Considérant ainsi que le salarié a pu , moins d'un mois après la notification de son licenciement , saisir le Conseil de Prud'hommes pour faire valoir l'irrégularité de procédure qu'il s'était abstenu volontairement de dénoncer lors de l'entretien préalable, sollicitant

la condamnation de Monsieur Y... au paiement de substantielles indemnités au seul motif que l'employeur n'avait pas sollicité l'autorisation préalable de l'inspection du travail et que cette erreur entraînerait de facto la nullité du licenciement ; qu' il sera par ailleurs rappelé par la Cour que le salarié n' a jamais contesté les motifs économiques de son licenciement et qu'il n'a formé aucune demande de réintégration ;

Considérant que les circonstances décrites ci-dessus caractérisent un manquement du salarié à l'exécution de bonne foi du contrat de travail ; qu'en conséquence le comportement déloyal caractérisé de Monsieur X... lui interdit de revendiquer les dispositions du statut protecteur dont il réclame l'application ; qu'il s'ensuit que le salarié sera débouté de ses demandes en paiement d'indemnités formées tant au titre du licenciement prononcé en méconnaissance de son statut protecteur que au titre de la rupture abusive de son contrat de travail ; Sur les rappels de salaires et les heures supplémentaires :

Considérant que les parties ne font que reprendre devant la Cour leurs moyens de première instance ; qu'en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciati , la Cour estime que le premier juge , par des motifs pertinents que la Cour approuve , a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties ;

Considérant qu'il suffit d'ajouter que le premier juge sera approuvé pour avoir rappelé que la simple production par l'employeur de bulletins de paie ne vaut pas présomption de paiement au profit du salarié ; qu'en outre , le premier juge a relevé dans sa décision que lors de l'audience de plaidoiries " les calculs produits par Monsieur X... " n'étaient pas contestés malgré la production par l'employeur " des bulletins de paie dont l'effet libérateur n'est pas établi précisément ";

Considérant en conséquence que les dispositions du jugement entrepris relatives au paiement des rappels de salaires et des heures supplémentaires majorées des congés payés y afférents seront confirmées par la Cour , l'employeur étant débouté de son appel incident ;ent ; Sur les dépens et l'article 7OO du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire droit à la demande d'indemnité formée tant par Monsieur X... que par Monsieur Y... au titre de l'article 7OO du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Considérant qu' en raison de la solution donnée au litige par la Cour , il y a lieu de partager par moitié les dépens de première instance et d'appel à charge de Monsieur X... et de Monsieur Y... ; PAR CES MOTIFS La Cour , Statuant publiquement et par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi , Reçoit les appels principal et incident comme réguliers , Au fond , Rejette l'appel principal de Monsieur André X... et l'appel incident de Monsieur Francis Y... , Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions , Déboute l'appelant et l'intimé de leurs demandes formées au titre de l'article 7OO du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Partage par moitié les dépens de première instance et d'appel à charge de André X... et de Francis Y... ; LE B...,

LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006951017
Date de la décision : 17/05/2006
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL

Tout salarié est tenu pendant l'exécution de son contrat de travail à une obligation de loyauté à l'égard de son employeur. Ne remplit pas en l'espèce l'exigence de bonne foi énoncée à l'article 1134 alinéa 3 du Code civil, le salarié qui a vonlontairement caché à son employeur l'existence de son mandat de conseiller prud'hommes dès le début de la procédure de licenciement alors que son employeur, du fait du silence du salarié, n'a pas sollicité l'autorisation préalable de l'inspection du travail. Le salarié a, au contraire, laissé se poursuivre une procédure de licenciement qu'il savait irrégulière et donc susceptible d'entraîner de lourdes condamnations à l'encontre de son employeur, sans jamais contester par ailleurs, auprès de la juridiction prud'homale compétente, les motifs économiques de son licenciement ou formé une demande de réintégration. Par cette attitude, le salarié a manqué à l'exécution de bonne foi de son contrat de travail et ne peut dès lors, en conséquence de son comportement déloyal caractérisé, revendiquer les dispositions du statut protecteur dont il réclame l'application


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2006-05-17;juritext000006951017 ?
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