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06/03/2002 | FRANCE | N°1999/00483

France | France, Cour d'appel de reims, Chambre sociale, 06 mars 2002, 1999/00483


COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE SOCIALE ARRET N° : 34 AFFAIRE N° :

99/00483 AFFAIRE Nicole X... / CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'AUBE, S.A. NERIA PRODUCTIONS C/ une décision rendue le 02 Août 1996 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de l'Aube. ARRÊT DU 06 MARS 2002 APPELANTE Madame Nicole X... 2 rue Fourche 10400 ST AUBIN Comparant, concluant et plaidant par Me Guy-Charles HUMBERT, avocat au barreau de PARIS, INTIMÉES CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'AUBE Cité Administrative 113 rue Etienne Pédron, BP 500 10030 TROYES CEDEX Comparant, concluant et

plaidant par la SCP COLOMESVANGHEESDAELE, avocat au barreau de ...

COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE SOCIALE ARRET N° : 34 AFFAIRE N° :

99/00483 AFFAIRE Nicole X... / CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'AUBE, S.A. NERIA PRODUCTIONS C/ une décision rendue le 02 Août 1996 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de l'Aube. ARRÊT DU 06 MARS 2002 APPELANTE Madame Nicole X... 2 rue Fourche 10400 ST AUBIN Comparant, concluant et plaidant par Me Guy-Charles HUMBERT, avocat au barreau de PARIS, INTIMÉES CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'AUBE Cité Administrative 113 rue Etienne Pédron, BP 500 10030 TROYES CEDEX Comparant, concluant et plaidant par la SCP COLOMESVANGHEESDAELE, avocat au barreau de TROYES S.A. NERIA PRODUCTIONS Immeuble le Barjac 1 boulevard Victor 75015 PARIS comparant, concluant et plaidant par Me Claire ROBERTI, avocat au barreau de Paris COMPOSITION DE L A COUR lors des débats et du délibéré Monsieur Daniel MARZI Président Madame Catherine BOLTEAU-SERRE Conseiller Monsieur Luc GODINOT Conseiller GREFFIER Mme Bénédicte Y..., agent administratif faisant fonction de greffier lors des débats ayant prêté le serment de l'article 23 du décret du 30 avril 1992 et Mme Geneviève Z..., adjoint administratif principal faisant fonction de greffier ayant prêté le serment de l'article 32 du décret du 20 juin 1967. DEBATS A l'audience publique du 21 Janvier 2002, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Mars 2002, ARRÊT :

Prononcé par Monsieur Daniel MARZI, Président de Chambre à l'audience publique du 06 Mars 2002, qui a signé la minute avec le greffier présent lors du prononcé.

Roland X... a été embauché à compter du 7 ao t 1995 par contrat durée déterminée en qualité de Directeur de la photographie par la S.A. NERIA PRODUCTIONS pour participer au tournage d'un téléfilm réalisé CUBA.

Hospitalisé le 18 décembre 1995 dans un établissement hospitalier de LA HAVANE, le salarié y est décédé, apr s plusieurs interventions

chirurgicales le 28 décembre 1995.

L'autopsie a conclu la survenue d'une mort naturelle par suite d'une gangr ne de Fournier développée partir d'un abscès péri-anal.

Estimant que le déc s devait tre pris en charge au titre de la législation professionnelle, Nicole X..., veuve du salarié, a saisi la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'AUBE (la C.P.A.M.) qui a refusé de reconnaître un caract re professionnel ce déc s.

La Commission de Recours Amiable, en sa séance du 2 ao t 1996, a confirmé ce refus de prise en charge, considérant qu'il n'y avait pas de fait accidentel précis et qu'il s'agissait d'une mort naturelle.

Saisi par Madame X..., le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TROYES apr s avoir ordonné une expertise confiée au Docteur A..., a par jugement du 26 janvier 1999, débouté Nicole X... de toutes ses prétentions en estimant que l'existence d'un lien entre les conditions de travail et l'infection dont avait été victime Roland X... n'était pas établie et qu'il n'y avait donc lieu de retenir la qualification d'accident du travail.

Madame X... a réguli rement relevé appel de cette décision le 17 février 1999.

Aux termes de ses conclusions déposées au secrétariat-greffe de la Cour le 30 juillet 2001, et développées oralement l'audience du 21 janvier 2002 par son avocat, l'appelante fait valoir que la décision du 26 janvier 1999 du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TROYES doit tre totalement infirmée, le Tribunal ayant fait une application erronée de la présomption d'imputabilité, imposant, m me s'il ne s'agit que d'une présomption simple, la preuve la demanderesse alors que, ni l'expert judiciaire ni encore moins l'organisme social n'ont rapporté la preuve que le déc s de Monsieur Roland X... était totalement étranger au travail ;

Qu'en l'absence de détermination précise de la cause de l'abcès ayant

entraîné la gangr ne de Fournier et le déc s de Monsieur X..., le Tribunal ne pouvait en déduire que le travail n'a eu aucun effet sur la survenance dudit déc s ;

Qu'ainsi, la décision entreprise sera totalement infirmée, conformément la jurisprudence relative la présomption d'imputabilité au sens des dispositions de l'article L.411-1 du Code de la Sécurité Sociale et Madame Nicole X... sera recevable et bien fondée, en sa qualité d'épouse et d'ayant droit de Monsieur Roland X..., prétendre aux droits, prestations et indemnités prévus par les dispositions des articles L.431-1 et L.434-1 du Code de la Sécurité Sociale ;

Que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'AUBE devra tre condamnée payer Madame X..., au titre des frais irrépétibles qu'elle a d exposer, tant en premi re instance que devant la Cour, et sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, au paiement de la somme de 40.000 F H.T. ainsi qu'aux entiers dépens, comprenant notamment les frais d'expertise, de m me qu'au paiement d'une somme de 30.000 F titre de dommages-intér ts, en réparation du préjudice tant matériel que moral causé par l'acharnement de la C.P.A.M. méconnaître les principes régissant la preuve contre la présomption d'imputabilité de l'article L.411-1 du Code de la Sécurité Sociale.

Subsidiairement, l'appelante demande la Cour d'ordonner une contre-expertise, de désigner alors tel médecin expert spécialiste de ce type de pathologie qu'il plaira la Cour, avec notamment pour mission, apr s avoir pris connaissance du rapport d'expertise de Monsieur le Professeur GALLOT, du dossier médical, de tous les certificats médicaux et documents pouvant tre produits par les parties, de déterminer, si sur les lieux du travail et dans les conditions qui étaient les siennes, l'affection péri-anale qui s'est

soudainement développée et qui a conduit la contamination fatale, constitue un accident de travail.

Pour sa part la Société intimée a développé et repris oralement l'audience par son avocat des conclusions aux termes desquelles elle demande la Cour : "- vu l'article L.411-1 du Code de la Sécurité Sociale, - vu les jugements des 27 mars 1997 et 26 janvier 1999 du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TROYES, - vu les pi ces versées aux débats selon bordereau joint, - en sa qualité de partie mise en cause, la Société NERIA PRODUCTIONS se joint la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'AUBE pour solliciter de la Cour qu'elle :

. adjuge la Société NERIA PRODUCTIONS le bénéfice des conclusions de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'AUBE en ce non contraires aux présentes,

. confirme le jugement du 26 janvier 1999 en toutes ses dispositions et déboute ce faisant Madame Nicole X... en toutes ses demandes, fins et conclusions en cause d'appel,

. condamne Madame Nicole X... lui payer la somme de 2.500 ä sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

. la condamne aux entiers dépens".

La C.P.A.M. représentée par son conseil a déposé et développé oralement devant la Cour des conclusions dont le dispositif est ainsi libellé : "- vu les pi ces versées aux débats selon le bordereau joint, - vu les jugements rendus par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale le 25 mars 1997 et le 26 janvier 1999, - confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 janvier 1999 en ce qu'il a débouté Madame Nicole X... de son recours contre la décision de la Commission de Recours Amiable de la C.P.A.M. de l'AUBE refusant la prise en charge du déc s de son époux Roland X... survenu CUBA le 28 décembre 1995 au titre de la législation

professionnelle, - débouter Madame Nicole X... de sa demande de nouvelle expertise, - la débouter bien évidemment de ses demandes de dommages et intér ts et du bénéfice de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - s'entendre en revanche Madame X... condamner payer la C.P.A.M. de l'AUBE la somme de 10.000 F (soit 1.524,49 ä) titre de dommages et intér ts pour résistance abusive, - déclarer l'arr t intervenir commun la Société NERIA PRODUCTIONS, - s'entendre enfin Madame X... condamner payer la C.P.A.M. de l'AUBE la somme de 10.000 F (soit 1.524,49 ä) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et la condamner aux entiers dépens".

SUR CE, LA COUR,

Attendu qu'apr s plusieurs semaines de tournage dont les conditions difficile sont décrites sans ambigu té dans les attestations de Messieurs B..., SCHWARTZ et BARSKY, respectivement, Ingénieur du son, Cadreur, Directeur de la photographie qui parlent de conditions climatiques difficiles, d'horaires de tournage longs et variables, du retard accumulé et des tensions et stress qui s'ensuivaient, Roland X..., se plaignant de douleurs anales vers le 10 décembre 1995, a continué de travailler tout en se soignant par automédication jusqu'au 13 décembre date laquelle il a consulté le médecin de l'hôtel o il séjournait qui apr s avoir évoqué le diagnostic de thrombose hémorro daire, lui a prescrit un traitement antalgique et laxatif et du repos ; que poursuivant néanmoins ses taches malgré une intense fatigue et des capacités physiques diminuées remarquées par Messieurs B... et SCHWARTZ ainsi que par Christiania REALI qui l'atteste, le salarié a fini par garder la chambre le 17 décembre avant d' tre hospitalisé le 18 décembre dans un hôpital de LA HAVANE, au service proctologie pour un abc s péri-anal opéré le lendemain par incision-drainage ; que c'est le 20 décembre lors d'une nouvelle

intervention chirurgicale qu'a été évoquée la gangr ne de Fournier qui devait emporter le malade le 28 décembre 1995 4 heures 20, malgré son placement en salle de soins intensifs et deux nouvelles interventions ;

Attendu que l'autopsie pratiquée le m me jour l'institut médico-légal de CUBA a conclu une mort naturelle causée par : mal multiviscéral, gangr ne inguino-crurale et péri-anale, abc s péri-anal ;

Que l'expert A... désigné par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TROYES, et l'expert GALLOT intervenant dans une autre procédure mais dont le rapport est produit aux débats et discuté par les trois parties se rejoignent pour confirmer que Roland X... est bien décédé de la gangr ne de Fournier ;

Attendu qu'en application de l'article L.411-1 du Code de la Sécurité Sociale doit tre considéré comme accident du travail, l'accident survenu par le fait ou l'occasion du travail toute personne salariée moins qu'il ne soit établit que la cause de l'accident est totalement étrang re au travail ;

Attendu que la mort de Roland X... est bien survenue au temps et au lieu de travail CUBA pendant le tournage du film auquel il participait comme Directeur de la photographie ;

Qu'il ressort des certificats médicaux produits par sa veuve et également de l'appréciation des experts A... et GALLOT que Monsieur X... était en parfaite santé et n'était porteur d'aucune affection d'évolution lente avant la prise de ses fonctions CUBA au mois d'ao t ;

Que l'expert A... constate par ailleurs que Roland X... victime d'une maladie d'évolution rapide, a présenté sous forme de phlegmon péri-ano-rectal une lésion caract re violent et soudain qu'il ne consid re toutefois pas comme un accident du travail faute de pouvoir en déterminer la cause extérieure ; qu'il ajoute cependant que s'il

ne peut affirmer scientifiquement que le fait d'avoir été transplanté CUBA ait été la cause permettant le développement particulier du germe intestinal et encore moins pouvoir affirmer qu'il s'agisse du mécanisme qui a créé l'abc s, il ne peut pas non plus affirmer l'inverse, savoir, dire que rien ne se serait passé si Monsieur X... n'avait pas fait ce déplacement, concluant enfin que l'assimilation un accident du travail de l'affection péri-anale dont a été atteint Roland X... échappait sa compétence ;

Attendu qu'il ressort de ces éléments et constatations que Roland X... est décédé d'une gangr ne de Fournier dont l'expert n'a pu déterminer les causes précises ce qui l'a amené conclure, non sans tre dubitatif, qu'il n'avait pu tre établi de lien de causalité ou de circonstances étiologiques précises susceptibles de rattacher le déc s au travail effectué par la victime ;

Attendu qu'il doit en définitive tre observé que l'abc s péri-anal et la gangr ne de Fournier qui en a été la suite ont une cause demeurée inconnue ; qu'aucune indication n'est fournie sur l'existence de causes d'ordre pathologique qui seraient antérieures et totalement étrang res au travail et qui auraient pu entraîner le déclenchement subi du mal dont a été atteint Roland X..., antérieurement déclaré en bonne santé et indemne de toute affection avant son arrivée CUBA ;

Attendu d s lors qu'il apparaît qu'en raison du doute subsistant au sujet de l'origine de la gangr ne de Fournier cause du déc s, la présomption d'imputabilité dont bénéficie la veuve de la victime n'est pas détruite par la Caisse ou la Société NERIA auxquelles il appartient de rapporter la preuve de ce que le déc s avait une cause enti rement étrang re au travail ;

Qu' à défaut, le décès de Roland X... doit tre considéré comme un accident du travail et sa veuve en qualité d'ayant-droit peut

prétendre aux prestations et indemnités de la législation professionnelle ;

Attendu qu'en affirmant sa position juridique et en la soutenant devant les juridictions, la C.P.A.M. n'a commis aucun abus de pouvoir, mais a au contraire agi dans le cadre de ses prérogatives ; que la demande en paiement de la somme de 30.000 F - soit 4.573,47 ä - titre de dommages-intér ts présentée par Madame X... sera rejetée ;

Attendu que la Caisse et la Société qui succombent doivent tre déboutée de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour la seconde, sur une prétendue résistance abusive de la veuve pour la premi re ;

Que l'équité commande de faire participer la C.P.A.M. au paiement de partie des frais irrépétibles exposés par Madame X... devant le Tribunal et devant la Cour hauteur de 600 ä ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare recevable et bien fondé l'appel de Madame Nicole X... ;

Infirme le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TROYES du 2 ao t 1996 ;

Statuant nouveau,

Dit que le déc s de son époux Roland X... doit tre considéré comme un accident du travail et que l'appelante pourra bénéficier des prestations de la législation professionnelle ;

Déboute Madame X... de sa demande de dommages-intér ts ;

Déboute la Société NERIA PRODUCTIONS de sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile, et la C.P.A.M. de l'AUBE de sa demande de dommages-intér ts pour résistance abusive ;

Condamne la C.P.A.M. de l'AUBE qui succombe verser Nicole X... une somme de SIX CENTS EUROS (600 ä) en application de ce m me

article 700. LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de reims
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 1999/00483
Date de la décision : 06/03/2002
Type d'affaire : Sociale

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL

1-2) SECURITE SOCIALE, ACCIDENTS DU TRAVAIL :Accident - Définition - Action soudaine et violente - Affection provenant d'évènements à action / rapide - Preuve - Cause du décès entièrement étrangère (non) - Maladie mortelle d'origine inconnue (oui). 1) Dès lors qu'un doute subsiste au sujet de l'origine d'une maladie cause du décès, la présomption d'imputabilité dont bénéficie la veuve de la victime n'est pas détruite par la Caisse primaire de maladie ou l'employeur auxquels il appartient de rapporter la preuve de ce que le décès avait une cause entièrement étrangère au travail ; qu'à défaut d'une telle preuve, le décès doit être considéré comme un accident du travail, et la veuve en qualité d'ayant-droit peut prétendre aux prestations et indemnités de la législation professionnelle. Tel est le cas, lorsqu'il ressort des certificats médicaux produits par la veuve d'un salarié, dont la mort est survenue à l'étranger pendant le temps et sur le lieu de travail ; et également de l'appréciation des experts, que l'intéressé était en parfaite santé avant la prise de ses fonctions et n'était porteur d'aucune affection d'évolution lente, et que les causes de la gangrène de Fournier dont il est décédé sont restées inconnues.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.reims;arret;2002-03-06;1999.00483 ?
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