COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE SOCIALE ARRÊT N° AFFAIRE N° : 98/01469 AFFAIRE VIGREUX C/ S.A.R.L. SOCIETE HOTELIERE DE L'ILE DE FRANCE AFFAIRE C/ un jugement rendu le 23 Avril 1998 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS
ARRÊT DU 07 MARS 2001
APPELANT : Monsieur Francis Z... ... Comparant, concluant et plaidant par la SCP A.C.G - ASSOCIES, avocats au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE, INTIMÉE : S.A.R.L. SOCIETE HOTELIERE DE L'... Comparant, concluant et plaidant par Me X... avocat au barreau de VAL DE MARNE COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : Monsieur Daniel MARZI, Président Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Conseiller Monsieur Luc GODINOT, Conseiller GREFFIER :
Madame Geneviève Y..., adjoint administratif principal faisant fonction de greffier lors des débats et Madame Geneviève Y...,
adjoint administratif principal faisant fonction de greffier lors du prononcé, DÉBATS : A l'audience publique tenue le 24 Janvier 2001, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 Mars 2001, sans opposition de la part des conseils des parties et en application des dispositions des articles 939 et 945-1 du nouveau code de procédure civile, Madame Catherine BOLTEAU SERRE entendu les avocats des parties en leurs explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour dans son délibéré. ARRÊT : Prononcé par Madame Catherine BOLTEAU SERRE, conseiller, à l'audience du 07 Mars 2001, qui a signé la minute avec le greffier présent lors du prononcé. Francis Z... a été engagé à compter du 1er décembre 1971 par la société NORD-EST ALIMENTATION en qualité de traiteur ; son contrat de travail a été repris par la société HOTELIERE DE L'ILE DE FRANCE à partir du 1er janvier 1983. Par lettre en date du 2 avril 1997 remise en mains propres, Francis Z... a été licencié pour faute grave au motif d'une insuffisance professionnelle. Le 3 avril 1997, une transaction a été conclue entre les parties aux termes de laquelle l'employeur s'engageait à verser au salarié une indemnité transactionnelle de 20.000 F. Contestant la validité de la transaction et la légitimité du licenciement, Francis Z... a saisi le Conseil de Prud'hommes de REIMS pour voir prononcer la nullité de la transaction et condamner la société HOTELIERE DE L'ILE DE FRANCE à lui payer diverses sommes liées à la rupture de son contrat de travail. Par jugement en date du 23 avril 1998, le Conseil de Prud'hommes a dit que les articles 2044, 2052 et 2053 du code civil ont été respectés et que le protocole de transaction a été établi conformément à la loi et ne peut être annulé, a débouté Francis Z... de l'ensemble de ses demandes et a mis les éventuels dépens à sa charge. Par déclaration en date du 13 mai 1998, Francis Z... a interjeté appel de cette décision. Vu les conclusions de Francis Z... en date du 3 avril 2000, reprises
oralement à l'audience du 24 janvier 2001 par l'appelant lequel demande à la cour d'annuler la transaction en date du 3 avril 1998, de dire et juger que le licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse ni faute grave, de condamner la société HOTELIERE DE L'ILE DE FRANCE au paiement des sommes suivantes : -
1.327,71 F. à titre de rappel de salaires correspondant à la mise à pied, -
22.778,96 F. à titre d'indemnité de préavis, -
2.277,89 F. à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, -
40.503,76 F. à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, -
136.674 F. à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement de condamner la société HOTELIERE DE L'ILE DE FRANCE au paiement de la somme de 11.389,48 F. à titre d'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière, de lui donner acte qu'il accepte la déduction sur les sommes allouées de la somme de 20.000 F., de condamner la société HOTELIERE DE L'ILE DE FRANCE au paiement de la somme de 5.000 F. en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. Vu les conclusions de la société HOTELIERE DE L'ILE DE FRANCE en date du 14 décembre 2000, reprises oralement à l'audience du 24 janvier 201 par l'intimée laquelle demande à la cour de confirmer en tous points la décision entreprise, de déclarer irrecevables les demandes de Francis Z..., de le condamner au paiement de la somme de 10.000 F. en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. A l'audience du 24 janvier 2001, Francis Z..., sur interrogation, affirme que les lettres de mise à pied, de licenciement, de contestation et le protocole transactionnel ont été établis et signés le même jour soit le 3 avril 1998. MOTIFS DE LA DECISION 1.
sur la transaction Attendu que la transaction est valablement conclue lorsque le consentement des deux parties est libre et éclairé et lorsque l'accord consacre des concessions réciproques de chacune des parties ; Qu'en l'espèce, le salarié affirme que l'ensemble des courriers datés des 1er, 2 et 3 avril 1997 et la transaction du 3 avril 1997 ont été signés le même jour soit le 3 avril 1997 ; Que si Francis Z... n'apporte pas de preuve irréfutable de ce qu'il avance, notamment le témoignage d'un tiers confirmant ses dires, les éléments dont il se prévaut, sont en faveur de l'argumentation qu'il développe ; Qu'en effet, la lettre de convocation à l'entretien préalable en date du 21 mars 1997, ne prévoit que l'éventualité d'une sanction et non, précisément d'un licenciement ; qu'ainsi, lorsqu'il a pris connaissance de la lettre de licenciement, Francis Z... n'était pas informé d'une telle mesure depuis une dizaine de jours, comme l'indiquent à tort les premiers juges ; Que cette lettre de licenciement en date du 2 avril 1997 a été remise en mains propres et non adressée au salarié par lettre recommandée avec accusé réception ; que ce courrier n'indique pas la date à laquelle Francis Z... en a pris connaissance ; que celui-ci affirme que cette lettre lui a été remise le 3 avril 1997, soit le jour où la transaction a été signée par les parties ; Qu'il en résulte ainsi, l'employeur n'apportant pas la preuve contraire, que le salarié a pris connaissance des motifs de son licenciement le jour même où était établie et signée la transaction ; Qu'en outre, force est de constater que la lettre de mise à pied de 1er avril, la lettre de licenciement du 2 avril et la lettre de l'employeur du 3 avril accusant réception d'un courrier du salarié également en date du 3 avril et proposant à ce dernier un rendez-vous devant se dérouler le même jour, comportent des numéros qui se suivent (97/398, 97/399, 97/400) laissant supposer que l'employeur a établi ses trois courriers le même jour ; Que par
ailleurs, le salarié affirme que le courrier susmentionné en date du 3 avril 1997 aux termes duquel Francis Z... conteste la mesure de licenciement, a en fait été établi par l'employeur lui-même ; Qu'il convient en effet de constater que Francis Z... était absent de l'entreprise depuis le 1er avril suite à la mesure de mise à pied prononcée ; que ce courrier n'a donc pas été remis en mains propres mais envoyé par voie postale comme le reconnaît l'employeur dans sa réponse du 3 avril nous avons bien reçu votre courrier du 3 avril 1997. ce qui suppose que ce courrier a été de façon surprenante, reçu le jour même où il a été envoyé ; Qu'enfin, le chèque du montant de la transaction est daté du 1er avril 1997, alors que le salarié est censé n'avoir contesté son licenciement et sollicité un accord que deux jours plus tard ; Qu'il résulte de l'ensemble de ses constatations des présomptions suffisantes pour affirmer que la transaction n'a pas été conclue dans des conditions permettant au salarié de donner un consentement libre et éclairé à un accord soumis à sa signature dans le même temps qu'il prenait connaissance de la lettre de licenciement pour faute grave ; Attendu qu'en outre, la transaction pour être valablement conclue doit comporter des concessions réciproques de la part des deux parties ; Qu'en l'espèce, l'employeur s'est borné à verser à un salarié ayant 26 ans d'ancienneté, la somme de 20.000 F. à titre d'indemnité transactionnelle définitive, globale et forfaitaire ; Qu'une transaction portant sur un tel montant ne peut se concevoir qu'en présence d'une faute grave ; Que pour déterminer le caractère réel ou non des concessions contenues dans la transaction, le juge peut, sans heurter l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction, restituer aux faits énoncés dans la lettre de licenciement leur véritable qualification ; Qu'en l'espèce, l'employeur invoquant la faute grave, reproche au salarié son insuffisance professionnelle ;
Que cependant, l'insuffisance professionnelle qui exclue un comportement fautif du salarié, ne peut constituer une faute grave ; Que les faits mentionnés dans la lettre de licenciement ne sont que l'illustration de cette insuffisance supposée et ne caractérisent pas en eux-mêmes une faute du salarié ; Qu'il en résulte que l'employeur n'a consenti aucune véritable concession puisque compte tenu du motif allégué à l'encontre du salarié, seule la cause réelle et sérieuse pouvait être invoquée obligeant ainsi l'employeur à régler outre le préavis de deux mois d'un montant équivalent à l'indemnité transactionnelle, une indemnité de licenciement d'un montant double de l'indemnité transactionnelle ; Qu'il convient en conséquence pour l'ensemble de ces motifs de déclarer nulle et de nul effet la transaction conclue le 3 avril 1997 entre les parties ; Que le jugement entrepris sera donc infirmé ; 2.
sur le licenciement Attendu que l'insuffisance professionnelle constitue une cause légitime de licenciement ; que cependant l'insuffisance alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation subjective de l'employeur ; Qu'en l'espèce, l'employeur mentionne dans la lettre de licenciement divers faits illustrant l'insuffisance professionnelle alléguée tels des commandes fournisseurs mal définies, la méthode utilisée par le groupe non utilisée (trop d'achats ou pas assez), le mécontentement des clients, des pertes de marchandises par négligence ou inattention, la direction et le contrôle sous les ordres du salarié non assurés ; Que cependant, l'employeur ne justifie pas de la réalité et du sérieux de ces griefs, notamment par des notes de service, des réclamations des clients, des attestations du personnel ; Qu'eu égard à l'ancienneté de Francis Z... au sein de l'entreprise (26 ans au total dont 14 ans au sein de la société HOTELIERE DE L'ILE DE FRANCE) et à l'absence d'avertissement
préalable récent adressé au salarié, le licenciement fondé sur une insuffisance professionnelle, ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ; 3.
sur les demandes de Francis Z... -
rappel de salaire, indemnité de préavis et congés payés y afférents, indemnité de licenciement Attendu qu'en l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement, il convient de faire droit aux demandes du salarié à ces différents titres, l'employeur n'en contestant pas le quantum ; Qu'en conséquence, la société HOTELIERE DE L'ILE DE FRANCE sera condamnée au paiement des sommes suivantes : -
1.327,71 F. à titre de rappel de salaires correspondant à la mise à pied, -
22.778,96 F. à titre d'indemnité de préavis, -
2.277,89 F. à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, -
40.503,76 F. à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, -
indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse Attendu qu'eu égard à l'ancienneté du salarié au sein de l'entreprise, des circonstances ayant entouré son licenciement, de ses difficultés pour la recherche d'un nouvel emploi dont il est justifié, il convient d'allouer à Francis Z... la somme de 136.674 F. à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Que Francis Z... sera débouté de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement formée à titre subsidiaire, cette indemnité ne pouvant en l'espèce, se cumuler avec celle pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée par ailleurs au salarié ; Qu'en tant que de besoin, la compensation entre les sommes auxquelles la société HOTELIERE DE L'ILE DE FRANCE est condamnée et le montant de l'indemnité transactionnelle que doit restituer le salarié, sera ordonnée ; 1.
sur les frais irrépétibles et les dépens Attendu que l'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Que la société HOTELIERE DE L'ILE DE FRANCE sera condamnée au paiement de la somme de 5.000 F. à ce titre ; Que succombant sur ses prétentions, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. PAR CES MOTIFS La Cour, Statuant publiquement et contradictoirement, Déclare Francis Z... recevable et fondé en son appel, Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 avril 1998 par le Conseil de Prud'hommes de REIMS, Statuant à nouveau, Annule la transaction conclue le 3 avril 1997 entre Francis Z... et la société HOTELIERE DE L'ILE DE FRANCE, Dit et juge sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à l'encontre de Francis Z..., Condamne la société HOTELIERE DE L'ILE DE FRANCE à payer à Francis Z... les sommes suivantes : -
1.327,71 F. à titre de rappel de salaires correspondant à la mise à pied, -
22.778,96 F. à titre d'indemnité de préavis, -
2.277,89 F. à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, -
40.503,76 F. à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, -
136.674 F. à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Déboute Francis Z... de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, Ordonne la compensation entre les sommes auxquelles la société HOTELIERE DE L'ILE DE FRANCE est condamnée et la somme de 20.000 F., montant de l'indemnité transactionnelle dont Francis Z... doit restitution, Déboute la société HOTELIERE DE L'ILE DE FRANCE de l'ensemble de ses demandes, Ordonne d'office le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des allocations chômage qui ont pu être servies à Francis
Z... dans la limite de six mois, Condamne la société HOTELIERE DE L'ILE DE FRANCE à payer à Francis Z... la somme de 5.000 F. en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Condamne la société HOTELIERE DE L'ILE DE FRANCE aux dépens de première instance et d'appel. LE GREFFIER
LE PRESIDENT