MHD/LD
ARRET N° 418
N° RG 21/02771
N° Portalis DBV5-V-B7F-GLY5
S.A.R.L. [8]
C/
URSSAF DES PAYS
DE LA LOIRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 29 AOÛT 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 septembre 2021 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de LA ROCHE-SUR-YON
APPELANTE :
S.A.R.L. [8]
N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 3]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 6]
Représentée par Me Cyrille BERTRAND de la SELAS NEOCIAL, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON, substitué par Me Samuel VIEL de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉE :
URSSAF DES PAYS DE LA LOIRE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Et dont l'adresse de correspondance est :
[Adresse 12]
[Localité 5]
Représentée par Me Sabrina ROGER de la SARL SABRINA ROGER AVOCAT, avocat au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 28 mai 2024, en audience publique, devant :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère
Monsieur Nicolas DUCHATEL, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile que l'arrêt serait rendu le 4 septembre 2024. Les parties ont été avisées que le délibéré était avancé au 29 août 2024.
- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La S.A.R.L [8] ' qui exploite une activité de gros oeuvre, sise [Adresse 13] à [Localité 6] ' a sous-traité le lot de gros oeuvre relatif au chantier de la SCI [9], [Adresse 11] à [Localité 6] à la société [7], spécialisée dans les activités de travaux de maçonnerie générale et gros oeuvre de bâtiment, domiciliée [Adresse 1] à [Localité 4] (44), inscrite au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 790 764 922 depuis le 11 mars 2013.
Le 8 avril 2014, le chantier a fait l'objet d'un contrôle ' dans le cadre de la recherche d'infraction de travail dissimulé des services de l'URSSAF ' mené conjointement par deux inspecteurs du recouvrement, Messieurs [M] et [R].
Le 14 avril suivant, l'URSSAF a informé la S.A.R.L. [8] de l'existence d'une situation de travail dissimulé impliquant la société [7] son sous-traitant et lui a demandé d'enjoindre à celui-ci de faire cesser cette situation sans délai.
Le 24 avril 2014, la S.A.R.L. [8] a adressé à l'URSSAF une copie du courrier qu'elle avait envoyé à son sous-traitant.
Le 9 juillet 2014, la S.A.R.L. [7] a été placée en liquidation judiciaire.
Le 18 août 2014, relevant le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi de salariés, Monsieur [R], inspecteur du recouvrement, a établi à l'encontre de la S.A.R.L. [7] un procès-verbal de travail dissimulé qui a été transmis au procureur de la République de Nantes le 18 août 2014.
A la suite de la vérification et de l'étude de la relation de sous-traitance entre la S.A.R.L. [7], sous-traitant, et la S.A.R.L. [8], donneur d'ordre qui a démontré que la S.A.R.L. [8] ne s'était jamais assurée de la régularité de la situation de la S.A.R.L. [7] pour les 14 contrats de sous-traitance conclus durant la période du 30 mai 2013 au 25 février 2014, et s'était abstenue de se faire remettre les documents mentionnés à l'article D 8222-5 du code du travail, l'URSSAF a mis en oeuvre une procédure de solidarité financière à l'encontre de la S.A.R.L. [8] en lui adressant :
- le 15 octobre 2014, une lettre d'observation rédigée et signée par Monsieur [R] à la suite de la procédure de travail dissimulé diligentée à l'encontre de la S.A.R.L. [7] prévoyant un redressement d'un montant de 84.294,00 € au titre de l'année 2013 et 2014,
- le 4 mars 2015, une lettre d'observation rédigée et signée par Monsieur [R] indiquant que les exonérations dites ' Fillon' étaient annulées dans la continuité de la mise en 'uvre de la solidarité financière à l'encontre du donneur d'ordres d'un sous-traitant verbalisé pour travail dissimulé et prévoyant en conséquence un redressement d'un montant de 10.361,00 € au titre de l'année 2013 et 2014.
Les 13 et 14 octobre 2015, l'URSSAF a notifié deux mises en demeure à la S.A.R.L. [8] d'un montant total de 94.655,00 €, à savoir 84.294,00 € pour les chefs de redressement notifiés le 18 août 2014 et 10.361,00 € pour les chefs de redressement notifiés le 04 mars 2015.
La S.A.R.L. [8] a contesté ces mises en demeure de la façon suivante :
- le 27 octobre 2015, devant la commission de recours amiable de l'URSSAF des Pays de la Loire laquelle par décision du 23 avril 2019, notifiée le 16 juillet 2019, a confirmé la régularité de la procédure, le bien fondé de la mise en oeuvre de la solidarité financière et de l'annulation des exonérations de charges sociales,
- le 4 avril 2018, devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale de La Roche-Sur-Yon lequel devenu pôle social du tribunal judiciaire de La Roche-Sur-Yon a par jugement du 3 septembre 2021 :
° débouté la société [8] de son recours ;
° validé la mise en demeure du 13 octobre 2015 délivrée au titre de la mise en 'uvre de la solidarité financière pour un montant de 94 634 € et la mise en demeure du 14 octobre 2015 délivrée au titre de l'annulation des exonérations Fillon pour un montant de 11 658 €.
° condamné la société [8] à payer à l'URSSAF des Pays de la Loire la somme de 106 292 € ;
° débouté la société [8] de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
° condamné la société [8] aux dépens.
Par courrier du 23 septembre 2021, la S.A.R.L. [8] a interjeté appel de tous les chefs de cette décision.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions en date du 14 mai 2024 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la S.A.R.L. [8] demande à la cour de :
- réformer le jugement attaqué en ce qu'il a validé les 2 actions en recouvrement contestées
- statuant à nouveau,
* vu les dispositions de l'article R133-8 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à l'époque du contrôle contesté
* vu les dispositions de l'article R243-59 du code de la sécurité sociale
* vu les dispositions des articles L8222-2 et L8222-3 du code du travail,
* vu l'article 16 de la DDHC du 26 août1789,
- juger que la lettre d'observations du 29 octobre 2014 est nulle et de nul effet, en raison du défaut de signature par le directeur de l'URSSAF lui-même.
- subsidiairement, juger que la lettre d'observations du 29 octobre 2014 est nulle et de nul effet, en raison du défaut de signature par les 2 inspecteurs ayant conduit le contrôle du 8 avril 2014.
- très subsidiairement, juger que cette lettre d'observations est nulle en raison du défaut de notification au cotisant de l'avis de contrôle préalable prévu par l'article R423-59 alineas 1 et 2 du code de la sécurité sociale.
Dans les 3 cas, juger que l'action en recouvrement fondée sur la solidarité financière du donneur d'ordre, qui a été mise en oeuvre au moyen de la mise en demeure du 13 octobre 2015, est nulle.
- très subsidiairement, juger que l'URSSAF ne démontre pas autrement que par ses seules affirmations que les conditions légales de mise en oeuvre de la solidarité financière prévue par l'article L8222-2 du code du travail sont réunies, pas plus qu'elle ne justifie de l'exactitude du montant des sommes mises en recouvrement, et rejeter l'action tendant au paiement d'une somme totale de 106.292 € de ce chef.
* vu les dispositions des articles R133-8 et R133-8-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à l'époque du contrôle contesté
* vu les dispositions de l'article R243-59 du code de la sécurité sociale,
* vu les dispositions de l'article L133-4-5 du code de la sécurité sociale,
* juger que la lettre d'observations du 4 mars 2015 est nulle et de nul effet, en raison du défaut de signature par le directeur de l'URSSAF lui-même.
- subsidiairement, juger que la lettre d'observations du 4 mars 2015 est nulle et de nul effet, en raison du défaut de signature par les 2 inspecteurs ayant conduit le contrôle du 8 avril 2014.
- très subsidiairement, juger que cette lettre d'observations est nulle en raison du défaut de notification au cotisant de l'avis de contrôle préalable prévu par l'article R423-59 alinéas 1 et 2 du CSS.
Dans les 3 cas, juger que l'action en recouvrement fondée sur l'annulation des exonérations de cotisations sociales dite ' réduction Fillon', qui a été mise en oeuvre au moyen de la mise en demeure du 14 octobre 2015, est nulle.
* vu les dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile,
* réformer les dispositions du jugement dont appel en ce qu'il a débouté la SARL [8] de la demande formulée à ce titre et, statuant à nouveau, condamner l'URSSAF des Pays de la Loire au paiement d'une somme de 2.000,00 € au titre des frais irrépétibles engagés en première instance.
- condamner l'URSSAF des Pays de la Loire au paiement d'une somme de 2.000,00 € au titre des frais irrépetibles engagés à hauteur d'appel, outre au paiement des entiers dépens de l'instance.
Par conclusions en date du 19 avril 2024 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, l'URSSAF des Pays de la Loire demande à la cour de :
- confirmer le jugement attaqué ;
- valider la mise en demeure en date du 13 octobre 2015 au titre de la mise en 'uvre de la solidarité financière pour un montant global de 94.634 euros ;
- valider la mise en demeure en date du 14 octobre 2015 au titre de l'annulation des exonérations dites « Fillon » pour un montant de 11.658 euros suite à la mise en 'uvre de la solidarité financière ;
- confirmer le redressement opéré par l'URSSAF des Pays de la Loire pour un montant total de 106.292 € ;
- condamner la Société SARL [8] au paiement de la somme totale de 106.292 euros restant due suite aux mises en demeure des 13 octobre 2015 et 14 octobre 2015, sans préjudice des majorations restant à courir jusqu'à complet paiement ;
- rejeter la demande formée par la Société [8] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la Société [8] aux dépens.
SUR QUOI
Sur la nullité du procès-verbal relevant le délit de travail dissimulé :
En application des articles :
* L8222-1 du code du travail : ' Toute personne vérifie lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant s'acquitte :
1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;
2° de l'une seulement des formalités mentionnées au 1°, dans le cas d'un contrat conclu par un particulier pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants.
Les modalités selon lesquelles sont opérées les vérifications imposées par le présent article sont précisées par décret.'
* L8222-2 dudit code : 'Toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé :
1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ;
2° Le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié ;
3° Au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l'emploi de salariés n'ayant pas fait l'objet de l'une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche et L.3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie.'
Il en résulte que le donneur d'ordre qui méconnaît les obligations de vigilance énoncées à l'article précité, est tenu solidairement au paiement des cotisations obligatoires, pénalités et majorations dues par son sous-traitant qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé.
Par ailleurs, en application de l'article R 133-8 alinéa 1 du code de la sécurité sociale pris dans sa version applicable à l'espèce : ' Lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du présent code ou de l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, tout redressement consécutif au constat d'un délit de travail dissimulé est porté à la connaissance de l'employeur ou du travailleur indépendant par un document daté et signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. ..'
Il en résulte qu'à défaut de signature du procès-verbal par le directeur de l'organisme de recouvrement, la procédure est nulle et de nul effet.
Il est acquis que par décision n° 2015-479 QPC du 31 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 8222-2 du code du travail précité, sous réserve qu'elles n'interdisent pas au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure, le bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquelles il est tenu.
Par arrêt en date du 23 juin 2022, la Cour de cassation a tiré les conséquences de la décision du Conseil Constitutionnel en jugeant :
- que le donneur d'ordre peut invoquer, à l'appui de sa contestation de la solidarité financière, les irrégularités entachant le redressement opéré à l'encontre de son cocontractant du chef du travail dissimulé.
- que si la mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre n'est pas subordonnée à la communication préalable à ce dernier du procès-verbal pour délit de travail dissimulé, établi à l'encontre du cocontractant, l'organisme de recouvrement est tenu de produire ce procès-verbal devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document.
Il en résulte également, dans le droit fil de ces principes que le donneur d'ordre peut soulever pour défaut de signature par le directeur de l'URSSAF la nullité du procès-verbal de délit de travail dissimulé dressé à l'encontre du sous- traitant.
***
En l'espèce, la S.A.R.L. [8] soutient en substance :
- que si un procès-verbal constatant une infraction de travail dissimulé est dressé par l'URSSAF à l'issue du contrôle, le redressement consécutif n'a pas pour finalité le recouvrement des cotisations, en sorte que la procédure de contrôle est soumise au régime de l'article R.133 - 8 du code de la sécurité sociale,
- qu'en l'espèce, il n'est pas sérieusement contestable que le contrôle mené par l'URSSAF le 8 avril 2014 est intervenu dans le cadre de la recherche d'une infraction de travail dissimulé en application des dispositions des articles L.8271-1 et suivants du code du travail comme l'établit la lettre de l'URSSAF du 14 avril 2014 qui expose que la démarche s'inscrit dans le cadre du travail dissimulé et de l'article L8222-5 du code du travail,
- que cependant, l'agent chargé du contrôle n'a pas mis en oeuvre la procédure spécifique de l'article R133-8 du code de la sécurité sociale en soumettant la signature de son procès-verbal au directeur de l'URSSAF lui-même.
- qu'il en résulte donc que ce procès-verbal est nul et de nul effet,
- que cette nullité entraîne celle de tous les actes subséquents.
En réponse, l'URSSAF objecte pour l'essentiel :
- que par un arrêt en date du 30 juin 2020, la cour d'appel de Rennes a jugé que ' les dispositions de l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale invoquées ne se rapportent qu'à l'employeur auteur du délit de travail dissimulé et non à la mise en 'uvre de la solidarité financière qui se rattache au donneur d'ordre' (9ème Chambre de la Sécurité Sociale, RG n° 17/05665).
- que par conséquent, la cour ne pourra que rejeter les arguments adverses comme non fondés relatifs aux dispositions de l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale, la Société SARL [8] ne faisant pas elle-même l'objet d'un redressement pour travail dissimulé.
- que par un arrêt du 13 octobre 2011 (Société [10] c/ URSSAF du Loiret, pourvoi n° 10-19.386), la Cour Suprême a jugé que pour la mise en 'uvre de la solidarité financière au titre du défaut d'obligation de vigilance : « l'URSSAF a pour seule obligation, avant la décision de redressement, d'exécuter les formalités assurant le respect du principe de la contradiction par l'envoi de la lettre d'observations, sans être tenue de joindre à celle-ci le procès-verbal constatant le délit ['] ».
- que par d'autres arrêts - (C.Cass. Civ. 2ème 21 décembre 2017, pourvoi n° 16-23.672 et C.Cass. Civ. 2ème 26 novembre 2015, pourvoi n° 14-23.851) - la Cour de Cassation a jugé que ' la mise en 'uvre de la solidarité à laquelle est tenue le donneur d'ordre ['] est subordonnée à l'établissement d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé à l'encontre du co-contractant',
- que dans un souci de confidentialité, elle n'est pas tenue de communiquer au donneur d'ordre le procès-verbal de constatation du travail dissimulé établi à l'encontre du sous-traitant,
- qu'ainsi, elle n'avait pas à le communiquer à la S.A.R.L. [8],
- que le jugement doit donc être confirmé de ce chef.
***
Cela étant :
1 ) - il convient de relever :
** - que les parties s'accordent - comme l'a relevé le premier juge - pour reconnaître que le contrôle diligenté par l'URSSAF des Pays de la Loire le 8 avril 2014 est intervenu dans le cadre d'une recherche d'infraction de travail dissimulé en application des dispositions de l'article L 8271-1 et suivants du code du travail.
- que la lettre adressée par l'URSSAF à la S.A.R.L. [8] le 14 avril 2014 en informe d'ailleurs cette dernière en précisant dans l'objet du courrier : 'Travail dissimulé ' Signalement situation travail dissimulé - Article L8222-5 du Code du travail' et dans le corps de la lettre qu''un procès-verbal sera établi au titre des articles L 8221-1 et suivants du code du travail ..'
** - qu'en application des principes sus-rappelés l'organisme de recouvrement est tenu de produire le procès-verbal relevant le délit de travail dissimulé devant la juridiction de sécurité sociale en cas de contestation par le donneur d'ordre de l'existence ou du contenu de ce document (Cass. civ. 2 23 juin 2022 - 20-22.128).
Il en résulte donc qu'il est inutile pour l'URSSAF de conclure sur plusieurs pages - en citant des jurisprudences totalement obsolètes ou n'ayant aucun lien avec le problème posé - qu'elle n'est pas tenue de produire le document litigieux mais que malgré tout, elle le produit dans la mesure où elle est désormais obligée de le produire dans le cadre de l'instance se déroulant devant le juge de la sécurité sociale.
2 ) - il ne peut pas être contesté que le procès-verbal relevant le délit de travail dissimulé dressé le 18 août 2014 n'est revêtu que de la seule signature de Monsieur [R], inspecteur du recouvrement.
Or c'est le directeur de l'organisme de recouvrement qui aurait dû en application des dispositions précitées le signer.
Ce défaut de signature par l'autorité idoine entraîne la nullité du procès-verbal litigieux laquelle entraîne elle-même la nullité de tous les actes subséquents.
De ce fait, doivent être expressément déclarées nulles :
- la procédure de solidarité financière et la lettre d'observations du 29 octobre 2014 qui s'y rattache,
- la procédure d'annulation des réductions Fillon et la lettre d'observations du 4 mars 2015 qui s'y rattache dans la mesure où cette dernière procédure n'a été engagée que sur le fondement de la procédure de solidarité financière qui elle- même reposait sur le procès-verbal relevant un délit de travail dissimulé comme l'indique la lettre d'observations qui mentionne au niveau de l'objet du contrôle : 'Annulation des exonérations dites FILLON dans la continuité de la mise en oeuvre de la solidarité financière a l'encontre du donneur d'ordre d'un sous-traitant verbalise pour travail dissimulé (article L133-4-5 du Code de la sécurité sociale : articles L8222-1 et L8222-2 du Code du travail).'
Il convient donc d'infirmer le jugement attaqué dans toutes ses dispositions.
II - Sur les dépens et les frais du procès
Les dépens doivent être supportés par l'URSSAF des Pays de la Loire.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme dans toutes ses dispositions le jugement prononcé le 3 septembre 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de La Roche-Sur-Yon,
Statuant à nouveau,
Déclare nuls les lettres d'observations des 29 octobre 2014 et 4 mars 2015 notifiées à la S.A.R.L. [8] par l'URSSAF des Pays de la Loire et les actes subséquents qui en découlent,
En conséquence,
Déclare nulles l'action en recouvrement fondée sur la solidarité financière du donneur d'ordre mise en oeuvre par mise en demeure du 13 octobre 2015 et l'action en recouvrement fondée sur l'annulation des exonérations de cotisations sociales dite 'réduction Fillon' mise en oeuvre par mise en demeure du 14 octobre 2015,
Y ajoutant,
Condamne l'URSSAF des Pays de la Loire aux dépens de première instance et d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,