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25/07/2024 | FRANCE | N°21/02552

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 25 juillet 2024, 21/02552


ND/LD































ARRET N° 404



N° RG 21/02552

N° Portalis DBV5-V-B7F-GLFY













MSA DES CHARENTES



C/



[I]

























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale



ARRÊT DU 25 JUILLET 2024









Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 juillet 2021 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de SAINTES





APPELANTE :



MSA DES CHARENTES

[Adresse 1]

[Localité 6]



Représentée par Mme [L] [K], munie d'un pouvoir





INTIMÉE :



Madame [H] [I]

née le 05 Janvier 1988 à [Localité 5] (17)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 6]
...

ND/LD

ARRET N° 404

N° RG 21/02552

N° Portalis DBV5-V-B7F-GLFY

MSA DES CHARENTES

C/

[I]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 25 JUILLET 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 juillet 2021 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de SAINTES

APPELANTE :

MSA DES CHARENTES

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Mme [L] [K], munie d'un pouvoir

INTIMÉE :

Madame [H] [I]

née le 05 Janvier 1988 à [Localité 5] (17)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Olivier LOPES de la SELARL BENDJEBBAR - LOPES, avocat au barreau de SAINTES, substitué par Me Xavier DEMAISON de la SCP BODIN-BOUTILLIER-DEMAISON-GIRET-HIDREAU-SHORTHOUSE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2024-2336 du 13/05/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de POITIERS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2024, en audience publique, devant :

Monsieur Nicolas DUCHATEL, Conseiller qui a présenté son rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère

Monsieur Nicolas DUCHATEL, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 2 mars 2020, Mme [H] [I] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Saintes afin de former opposition à la contrainte délivrée par la CAF des Charentes le 17 février 2020 portant sur un montant total de 12 745,41 euros au titre de prestations indues d'allocations logement familial et d'allocations de soutien familial pour la période du 1er mars 2013 au 30 septembre 2017.

Par jugement du 12 juillet 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Saintes a :

ordonné la jonction des instances n°19/96 et 20/44,

déclaré recevable et bien fondée l'opposition formée à l'encontre de la contrainte du 17 février 2020,

dit que la MSA des Charentes n'est pas fondée à recouvrer les sommes faisant l'objet de cette contrainte,

débouté la MSA des Charentes de l'intégralité de ses demandes,

déclaré irrecevable la demande présentée par Mme [I] sur le fondement de l'article 761-1 du code de justice administrative,

rejeté faute de justificatifs la demande de remboursement des sommes prétendues prélevées sur les prestations dues,

condamné la MSA des Charentes aux dépens.

La MSA a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions du 25 avril 2024, reprises oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la MSA des Charentes demande à la cour de :

- débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes,

dire et juger que son appel est fondé,

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes,

constater que son action en recouvrement n'est pas prescrite,

valider la contrainte délivrée le 17 février 2020 d'un montant total de 12 745,41 euros au titre des indus d'allocation logement familial et d'allocation de soutien familial,

condamner Mme [I] au paiement de cette somme ainsi que des frais de notification (5,46 euros),

confirmer la décision du directeur général de la caisse fixant à la charge de Mme [I] une pénalité financière d'un montant de 308,60 euros,

condamner Mme [I] à verser à la Caisse de MSA des Charentes la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner Mme [I] aux entiers dépens.

Par conclusions datées du 5 avril 2024, reprises oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Mme [I] demande à la cour de :

confirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Saintes du 12 juillet 2021 en ce qu'il a déclaré recevable et bien fondée l'opposition formée à l'encontre de la contrainte du 17 février 2020, dit que la MSA n'est pas fondée à recouvrer les sommes faisant l'objet de cette contrainte et débouté la MSA de l'intégralité de ses demandes,

réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant au remboursement par la MSA des sommes prélevées sur les prestations dues,

débouter en tout état de cause la MSA de l'ensemble de ses demandes, comme étant prescrites,

condamner la MSA au paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

MOTIVATION

I. Sur l'existence de prestations indûment versées

Au soutien de son appel, la caisse de MSA des Charentes expose que :

les investigations menées par l'agent assermenté ont mis en évidence l'existence d'une vie maritale entre Mme [I] et M. [X] depuis au moins février 2013 qui a été caractérisée par une communauté de vie avec une adresse commune, une communauté d'intérêts et une permanence dans le temps de cette communauté, sur la commune du [Localité 3] puis à [Localité 6],

M. [X] et Mme [I] ont eu deux enfants ensemble, [F], reconnu par le père le 8 mars 2018 et [O] né le 18 août 2021,

le tribunal administratif a retenu que l'indu de RSA de Mme [I] était dû à l'absence de déclaration par celle-ci de sa vie commune avec M. [X],

le délai de prescription est de 5 ans en raison des manoeuvres frauduleuses et des fausses déclarations avec un point de départ à la découverte de la fraude.

En réponse, Mme [I] objecte que :

le contrat de location produit n'établit pas une communauté de vie ou d'intérêts affectifs car si l'identité de M. [X] a été mentionnée au bail et si sa signature y figure, c'est également le cas du père de Mme [I], M. [C] [I],

si M. [X] et M. [C] [I] ont accepté de signer le bail, c'est uniquement pour apporter des garanties au propriétaire quant à la solvabilité de Mme [I], ce qui n'empêchait pas M. [X] d'être hébergé de temps à autre à titre gratuit étant le père d'[F], l'enfant de l'intimée,

les quittances de loyer communiquées ne permettent pas non plus de mettre en évidence une communauté d'intérêts puisque ces quittances mentionnent aussi le prénom [F] et sont limitées à la période allant de janvier à avril 2017,

ces quittances avaient surtout pour intérêt pour M. [X] de justifier d'une adresse fixe pour toute sorte de démarche administrative,

il ne peut pas être conclu à une permanence de la communauté de vie pendant toute la période de l'indu au seul motif que M. [X] et Mme [I] ont eu un autre enfant né le 18 août 2021,

M. [X] et Mme [I] n'ont jamais déclaré vivre maritalement à l'agent de la CAF,

l'exploitation des relevés de compte de M. [X], alors qu'il dispose de revenus tirés du travail, a seulement permis de démontrer qu'il aurait réglé les cotisations d'assurance de la maison auprès de la [4] sans pour autant mettre en évidence des virements au bénéfice de Mme [I].

Sur ce, les premiers juges ont retenu que les conditions d'établissement d'une vie maritale entre Mme [I] et M. [X] n'étaient pas constituées.

Or, il convient de constater que :

le contrat de bail signé le 8 février 2013 mentionne M. [X] et Mme [I] en qualité de preneurs, avec leur fils [F],

plusieurs quittances de loyers établies en 2017 mentionnent M. [X] et Mme [I] en qualité de locataires,

M. [X] et Mme [I] ont eu deux enfants, [F] né le 27 août 2010 et [O] le 18 août 2021,

Mme [I] a complété une demande de couverture maladie universelle complémentaire le 13 mai 2018 en précisant vivre en concubinage avec M. [X] depuis le 1er mai 2009,

Mme [I] a complété une déclaration de situation pour les prestations familiales le 18 janvier 2018 en précisant vivre en couple avec M. [X] depuis le 1er février 2013,

M. [X] a complété une demande de RSA le 26 janvier 2021 en précisant vivre en couple avec Mme [I] depuis le 1er mai 2013,

M. [X] a complété une déclaration de situation pour les prestations familiales le 23 septembre 2021 en précisant vivre en couple avec Mme [I] depuis le 1er mai 2009,

M. [X] a complété une demande d'allocation supplémentaire d'invalidité le 11 août 2021 en précisant vivre en couple avec Mme [I] depuis le 1er mai 2009,

les dépenses afférentes au logement étaient réglées par Mme [I] (loyers) et M. [X] (assurance).

Il résulte de ce qui précède que la CAF démontre la réalité d'une communauté de vie, caractérisée par la continuité et la stabilité des relations ainsi qu'une communauté d'intérêts existant entre M. [X] et Mme [I], telle que prévue à l'article 515-8 du code civil, et ce au moins depuis l'année 2013, étant observé qu'il résulte des motifs de la décision du tribunal administratif de Poitiers du 3 juin 2021 que Mme [I] a reconnu 'la réalité de la situation d'intérêt de vie en communauté avec M. [X]'.

Mme [I] ne pouvant prétendre à l'allocation de logement et à l'allocation de soutien familial en qualité d'allocataire isolé calculée sur la base de ses seuls revenus, c'est à bon droit que la CAF lui a notifié l'indu et la contrainte critiquée.

La CAF justifie du montant de l'indu représentant une somme totale de 12 745,41 euros au titre des indus d'allocation logement familial et d'allocation de soutien familial.

L'article L.553-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, dispose que :

'L'action de l'allocataire pour le paiement des prestations se prescrit par deux ans.

Cette prescription est également applicable à l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration.

La prescription est interrompue tant que l'organisme débiteur des prestations familiales se trouve dans l'impossibilité de recouvrer l'indu concerné en raison de la mise en 'uvre d'une procédure de recouvrement d'indus relevant des articles L.553-2, L.821-5-1, L.835-3 ou L.845-3, L.844-3 du code de la sécurité sociale, L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles ou L. 351-11 du code de la construction et de l'habitation.'

En l'espèce, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 12 novembre 2018, réceptionnée le 23 novembre 2018, la CAF a notifié à Mme [I] un indu d'allocation logement familial et d'allocation de soutien familial du 1er mars 2013 au 30 septembre 2017, représentant un solde de 12 745,41 euros, en faisant mention d'un document de fin de contrôle effectué à son domicile par un agent assermenté du 17 octobre 2017, ayant déterminé qu'elle vivait de manière maritale avec M. [X], alors qu'elle avait déclaré être séparé de lui.

Les omissions délibérément commises dans l'exercice de ses déclarations à l'origine du versement des prestations litigieuses revêt le caractère d'une fausse déclaration sur sa situation de personne isolée et la prescription biennale ne peut donc trouver à s'appliquer.

La somme réclamée au titre de l'indu d'allocation logement sociale étant afférente à la période de mars 2013 à septembre 2017 et ayant été notifiée par lettre recommandée du 12 novembre 2018 qui vise la fausse déclaration, aucune prescription de l'action de la CAF ne saurait être utilement invoquée.

II. Sur la pénalité financière

Mme [I] expose que la pénalité financière de 308,60 euros qui lui a été notifiée par courrier du 7 mars 2018 n'a pas fait l'objet d'une contrainte et qu'un délai de 5 ans s'étant écoulé depuis la notification de l'indu par courrier du 19 décembre 2017, la demande en paiement de cette pénalité apparaît prescrite par application de l'article 2224 du code civil.

La caisse lui oppose que la preuve de l'intention frauduleuse résulte de la dissimulation d'une vie maritale et de la dissimulation de ressources, et qu'une pénalité financière correspondant au montant minimum prévu par les textes a été appliquée.

Sur ce, en application des dispositions des articles L. 114-17 et R. 114-13 du code de la sécurité sociale, le directeur de l'organisme social peut prononcer une pénalité à l'encontre des personnes ayant obtenu indûment le versement de prestations d'assurance vieillesse en fournissant de fausses déclarations relatives à la composition de la famille et aux ressources.

Les pénalités visées à l'article L.114-17 du code de la sécurité sociale se prescrivent selon les dispositions de l'article 2224 du code civil, lequel dispose que : 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

L'article 2233 du même code précise que : 'La prescription ne court pas :

1° A l'égard d'une créance qui dépend d'une condition, jusqu'à ce que la condition arrive ;

2° A l'égard d'une action en garantie, jusqu'à ce que l'éviction ait lieu ;

3° A l'égard d'une créance à terme, jusqu'à ce que ce terme soit arrivé'.

Enfin, l'article 2242 du même code prévoit que : 'L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance'.

Par application combinée de ces textes, le délai de prescription à l'égard d'une créance est interrompu lorsqu'une action en justice est exercée contre cette créance et ce jusqu'à ce que le litige trouve sa solution et notamment jusqu'à la signification de l'arrêt d'appel dès lors que le jugement a été contesté par la voie de l'appel.

En l'espèce, par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 mars 2018, réceptionnée le 10 mars 2018, la caisse a notifié à Mme [I] une pénalité financière d'un montant de 308,60 euros.

Cette pénalité financière délivrée par la MSA trouve son origine et son support nécessaire dans la créance contestée par Mme [I] devant le pôle social du tribunal judiciaire, puis devant la présente cour.

Il en résulte que la prescription soulevée par Mme [I] a été interrompue jusqu'à la date de la présente décision, et que le moyen soulevé au titre de la prescription doit être rejeté.

Il est par ailleurs établi que Mme [I] a sciemment dissimulé sa situation de concubinage à la MSA et c'est donc à bon droit que le directeur de la caisse a prononcé à son endroit une pénalité financière d'un montant de 308,60 euros, dont l'allocataire n'a pas contesté le quantum, même à titre subsidiaire.

Mme [I] doit par conséquent être condamnée à payer cette somme à la MSA.

III. Sur les demandes accessoires

La contrainte étant validée, Mme [I] devra supporter les frais de notification, conformément aux dispositions de l'article R.133-6 du code de la sécurité sociale.

Mme [I] qui succombe est condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Elle doit par conséquent être déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Saintes du 12 juillet 2021 en ce qu'il a :

déclaré recevable et bien fondée l'opposition formée à l'encontre de la contrainte du 17 février 2020,

dit que la MSA des Charentes n'est pas fondée à recouvrer les sommes faisant l'objet de cette contrainte,

débouté la MSA des Charentes de l'intégralité de ses demandes,

condamné la MSA des Charentes aux dépens.

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

Condamne Mme [H] [I] à payer à la MSA des Charentes la somme de 12 745,41 euros au titre des indus d'allocation logement familial et d'allocation de soutien familial visés dans la contrainte délivrée le 17 février 2020, ainsi que les frais de notification d'un montant de 5,46 euros,

Y ajoutant,

Condamne Mme [H] [I] à payer à la MSA des Charentes la somme de 308,60 euros au titre de la pénalité financière,

Déboute Mme [H] [I] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [H] [I] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/02552
Date de la décision : 25/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-25;21.02552 ?
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