ND/LD
ARRET N° 402
N° RG 21/02441
N° Portalis DBV5-V-B7F-GK5N
[W]
C/
CPAM DE LA CHARENTE- MARITIME
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 25 JUILLET 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 juin 2021 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de SAINTES
APPELANT :
Monsieur [Y] [W]
né le 11 Mai 1960 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par la FNATH Groupement Charente-Maritime/Charente en la personne de M. [M] [G], muni d'un pouvoir
INTIMÉE :
CPAM DE LA CHARENTE-MARITIME
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Xavier DEMAISON de la SCP BODIN-BOUTILLIER-DEMAISON-GIRET-HIDREAU-SHORTHOUSE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2024, en audience publique, devant :
Monsieur Nicolas DUCHATEL, Conseiller qui a présenté son rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère
Monsieur Nicolas DUCHATEL, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 3 mai 2010, M. [Y] [W] a été victime d'un accident du travail pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime sur la base d'un certificat médical du 3 mai 2010 faisant état de 'entorse du genou gauche, antécédents de chirurgie du ménisque interne et du ligament croisé '.
M. [W] a adressé à la caisse un certificat médical de rechute le 15 janvier 2018, mentionnant 'rechute : algodystrophie (...) du genou gauche (scintigraphie du 11 novembre 2017) avec renforcement de l'algodystrophie droite'.
Le 15 février 2018, la caisse a refusé de prendre en charge la rechute au titre de l'accident du travail du 3 mai 2010, le médecin conseil ayant estimé qu'il n'y avait pas de relation de cause à effet entre les faits invoqués et les lésions médicalement constatées le 15 janvier 2018.
M. [W] a contesté cette décision le 22 février 2018 en sollicitant la mise en 'uvre d'une expertise médicale au sens de l'article L.141-1 du code de la sécurité sociale.
Le 16 mai 2018, le docteur [N], interrogé sur le point de savoir s'il existait un lien de causalité direct et certain entre l'accident du travail du 3 mai 2010 et la lésion invoquée à la date du 15 janvier 2018 et si la décision du médecin conseil de refuser la rechute du 15 janvier 2018 au titre de l'accident du 3 mai 2010 était médicalement justifiée a répondu 'impossible de répondre sans éléments complémentaires'.
Le 21 juin 2018, la caisse a notifié à l'assuré les conclusions du docteur [N] en considérant qu'elles allaient dans le sens d'une confirmation du refus de prise en charge de la rechute du 15 janvier 2018 au titre de l'accident du travail du 3 mai 2010.
Le 23 juillet 2018, M. [W] a contesté la décision de la caisse et saisi la commission de recours amiable qui a confirmé le refus le 26 février 2019.
M. [W] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Saintes d'un recours contre la décision de la commission de recours amiable le 11 avril 2019.
Par jugement du 6 juillet 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Saintes a ordonné une nouvelle expertise médicale confiée au docteur [P].
Le rapport d'expertise a été déposé le 8 octobre 2020, le docteur [P] concluant qu'il n'existe pas de lien de causalité entre l'accident du travail du 3 mai 2010 et les lésions et troubles invoqués à la date du 15 janvier 2018 et qu'il s'agit d'une nouvelle problématique algodystrophique en rapport avec la mise en place de la prothèse totale de genou le 1er juin 2017, chirurgie qui n'a aucun lien avec l'accident du 3 mai 2010.
Par jugement du 28 juin 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Saintes a :
rejeté la demande en nullité du rapport d'expertise du docteur [P],
débouté M. [W] de l'intégralité de ses demandes,
condamné M. [W] aux dépens.
M. [W] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions du 2 novembre 2021, reprises oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, M. [W] demande à la cour de :
déclarer recevable et bien fondé son appel,
infirmer la décision rendue le 28 juin 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Saintes,
annuler le rapport d'expertise du docteur [P] du 3 octobre 2020,
ordonner une nouvelle mesure d'instruction confiée à un expert spécialiste avec pour mission de dire s'il existe un lien de causalité entre l'accident du travail du 3 mai 2010 et les lésions et troubles invoqués à la date du 15 janvier 2018 et dans la négative de dire si son état de santé est en rapport avec un état pathologique indépendant de l'accident évoluant pour son propre compte, la prise en charge des frais d'expertise ne pouvant être mis à sa charge en application de l'article L142-11 du code de la sécurité sociale,
condamner la CPAM 16 aux éventuels dépens.
Par conclusions datées du 7 février 2024, reprises oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la CPAM de la Charente-Maritime demande à la cour de :
confirmer la validité du rapport d'expertise du docteur [P] du 3 octobre 2020,
confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saintes le 28 juin 2021,
confirmer la décision prise par la caisse le 15 février 2018 rejetant la prise en charge de la rechute constatée le 15 janvier 2018 au titre de l'accident du travail du 3 mai 2010,
débouter M. [W] de son recours,
condamner M. [W] aux entiers dépens d'instance.
MOTIVATION
I. Sur la demande d'expertise
Au soutien de ses demandes, M. [W] expose que :
un protocole doit être établi par la caisse selon les dispositions des articles R141-3 et R141-4 du code de la sécurité sociale lors de la mise en 'uvre d'une expertise au titre de l'article R141-1 du code de la sécurité sociale,
les experts judiciaires désignés par les juridictions du contentieux de la sécurité sociale sont comme les experts médicaux techniques soumis aux obligations mentionnées à l'article L141-1 du code de la sécurité sociale,
on constate à la lecture du rapport du docteur [P] l'absence de tout rappel des éléments constitutifs du protocole d'expertise : avis du médecin conseil, avis du médecin traitant et rappel des prétentions d'ordre médical du demandeur et aucune des mentions ne permet d'affirmer que le médecin traitant a bien été convié à assister à l'expertise,
cette expertise est entachée d'omission de formalités substantielles garantissant ses droits.
En réponse, la caisse objecte que :
le rapport du médecin expert n'a plus à comporter le rappel du protocole mentionné à l'article R141-3 du code de la sécurité sociale et le grief relatif à l'absence de tout rappel des éléments constitutifs du protocole d'expertise est donc inopérant,
le médecin expert n'a plus à convoquer le médecin traitant en l'informant des lieux, date et heure de l'examen, l'article R141-3 du code de la sécurité sociale laissant à l'assuré le choix de se faire accompagner ou pas par un médecin,
le fond du rapport du docteur [P] n'est pas contredit, et ce rapport se révèle suffisamment clair et précis de sorte qu'une nouvelle expertise est inutile.
Sur ce, selon l'article L.141-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, en vigueur jusqu'au 1er janvier 2022 et applicable à la date du jugement du 6 juillet 2020, les contestations d'ordre médical relatives à l'état du malade ou à l'état de la victime, et notamment à la date de consolidation en cas d'accident du travail et de maladie professionnelle et celles relatives à leur prise en charge thérapeutique, à l'exclusion des contestations relevant des 4° à 6° de l'article L. 142-1, donnent lieu à une procédure d'expertise médicale dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
L'article R.141-4 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2019 -1506 du 30 décembre 2019, en vigueur à la date du jugement du 6 juillet 2020 et jusqu'au 1er janvier 2022, précise :
'Le médecin expert, informe immédiatement l'assuré, des lieu, date et heure de l'examen. Il en informe également le service du contrôle médical fonctionnant auprès de la caisse, dont la décision est contestée, qui peut être représenté par un médecin-conseil pour assister à l'expertise.
Il procède à l'examen de l'assuré, dans les huit jours suivant la réception du protocole mentionné à l'article R. 141-3, au cabinet de l'expert ou à la résidence de l'assuré si celui-ci ne peut se déplacer. L'assuré peut être accompagné du médecin de son choix.
Il peut toutefois, compte tenu de la nature du litige, du rapport mentionné à l'article L.142-6 et des pièces communiquées par l'assuré ou par le service médical, décider qu'il n'y a pas lieu de procéder à l'examen clinique de l'assuré, auquel cas il statue sur pièces.
Le rapport du médecin comporte l'exposé des constatations qu'il a faites au cours de son examen, clinique ou sur pièces, la discussion des points qui lui ont été soumis et ses conclusions motivées.
Le médecin expert communique son rapport au service du contrôle médical fonctionnant auprès de la caisse, dont la décision est contestée, avant l'expiration du délai de quinze jours à compter de l'examen clinique ou, en l'absence de celui-ci, dans un délai de vingt jours à compter de la réception du protocole mentionné à l'article R. 141-3.
Le service du contrôle médical fonctionnant auprès de la caisse dont la décision est contestée adresse immédiatement une copie intégrale du rapport à l'assuré'.
Il résulte des dispositions susvisées que le décret n° 2019 -1506 du 30 décembre 2019 a supprimé l'exigence imposée à l'expert à l'alinéa 5 de l'ancien article R.141-4 du code de la sécurité sociale de rappeler dans son rapport d'expertise le protocole convenu entre le médecin-conseil de la caisse et le médecin traitant et de mentionner leurs avis respectifs, la motivation de la demande d'expertise lorsque celle-ci avait été ordonnée à la requête de l'assuré et enfin le contenu de la mission. Dès lors, il n'y a pas lieu d'annuler le rapport d'expertise sur ce fondement.
Par ailleurs, les dispositions applicables à la date de réalisation de l'expertise, le 28 septembre 2020, ne prévoyaient plus la convocation du médecin traitant de l'assuré ni même l'obligation pour l'expert de l'aviser, de sorte que M. [W] ne saurait davantage se prévaloir de l'absence de convocation de celui-ci. Il appartenait à l'assuré, dès lors qu'il était informé de la date de l'expertise, de prendre attache avec son médecin traitant afin de l'informer de la date de sa convocation afin qu'il l'accompagne éventuellement, ainsi que les dispositions de l'article R. 141-4 susvisé lui en ouvraient la possibilité. S'étant abstenu d'y procéder, il ne peut tirer argument de sa carence pour demander l'annulation de l'expertise médicale.
Le jugement attaqué doit par conséquent être confirmé en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande d'annulation du rapport d'expertise du docteur [P].
Pour le surplus, M. [W] n'allègue aucun fait et ne produit aucune pièce de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert qui sont claires, précises et non équivoques.
Il n'y a pas lieu dès lors d'ordonner une nouvelle expertise et M. [W] doit, par voie de confirmation de la décision attaquée, être débouté de sa demande d'expertise.
L'assuré, qui succombe, sera tenu aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Saintes du 28 juin 2021 en toutes ses dispositions,
Condamne M. [Y] [W] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,