Ordonnance n 45
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18 Juillet 2024
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N° RG 24/00036 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HBVM
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S.A.S. SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS
C/
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, S.A. CARREFOUR BANQUE, S.A. COFIDIS
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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE
RÉFÉRÉ
Rendue publiquement le dix huit juillet deux mille vingt quatre par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Madame Elodie TISSERAUD, greffière,
Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le onze juillet deux mille vingt quatre, mise en délibéré au dix huit juillet deux mille vingt quatre.
ENTRE :
S.A.S. SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS
[Adresse 10]
[Localité 9]
non comparante, représentée par Me Marion GALERNEAU de la SARL ALTALEGA AVOCATS, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
DEMANDERESSE en référé ,
D'UNE PART,
ET :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[Adresse 1]
[Localité 7]
non comparante, représentée par Me Aurélie DEGLANE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT substituée par Me Isabelle MALARD, avocat au barreau de POITIERS
S.A. CARREFOUR BANQUE
[Adresse 2]
[Localité 11]
non comparante, représentée par Me Aurélie DEGLANE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT substituée par Me Isabelle MALARD, avocat au barreau de POITIERS
EOS FRANCE - intervenante volontaire
[Adresse 6]
[Localité 8]
non comparante, représentée par Me Aurélie DEGLANE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT substituée par Me Isabelle MALARD, avocat au barreau de POITIERS
S.A. COFIDIS
[Adresse 12]
[Localité 5]
ni comparante, ni représentée bien que régulièrement assignée
DEFENDERESSES en référé ,
D'AUTRE PART,
Faits et procédure :
Madame [W] [U] épouse [I] a vécu maritalement avec Monsieur [C] [I] avant de se séparer.
Deux enfants sont issus de cette union :
[O] [I] [U] né le [Date naissance 3] 2008
[L] [I] [U] né le [Date naissance 4] 2012.
Madame [W] [U] épouse [I] a officialisé sa séparation physique avec Monsieur [C] [I] le 15 mars 2020 à la suite de laquelle une procédure de divorce a été diligentée.
Une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 29 mars 2021, laquelle a ordonné des mesures provisoires, concernant notamment la prise en charge des dettes antérieures à la séparation.
Ladite ordonnance prévoit ainsi que
'Monsieur [C] [I] assumera seul les remboursements provisoires des dettes pour lesquelles il a été seul condamné à payer, à savoir BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE (EX LASER COFINOGA), FRANFINANCE et CARREFOUR BANQUE.
Les époux assumeront chacun pour moitié le remboursement des autres dettes et emprunts ».
Madame [W] [U] épouse [I] a fait l'objet d'une saisie des rémunérations auprès de son employeur, la société SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS pour la somme totale de 73 146,02 euros outre une retenue de 14 120,15 euros à valoir sur la somme totale.
La société SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS a formé opposition à ladite saisie.
Madame [W] [U] épouse [I] et la société SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS ont été convoqués devant le tribunal de proximité de FONTENAY-LE-COMTE.
Selon jugement en date du 3 avril 2023, le tribunal de proximité de FONTENAY-LE-COMTE a :
condamné la société SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS à verser au régisseur du tribunal de proximité de FONTENAY-LE-COMTE la somme de 14 106 euros,
rappelé que tout recours de la société SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS à l'encontre de Madame [W] [I] née [U] ne pourra être exercé qu'après mainlevée de la saisie ;
condamné la société SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS à verser à la société BNP PARIBAS PERSONNEL FINANCE la somme de 390 euros et à la société CARREFOUR BANQUE la somme de 390 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS aux dépens.
Madame [W] [I] et la société SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS ont interjeté appel de la décision selon déclaration enregistrée le 25 mai 2023.
Selon jugement en date du 11 mars 2024, le tribunal de proximité de FONTENAY-LE-COMTE a :
condamné la société SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS à verser au régisseur du tribunal de proximité de FONTENAY-LE-COMTE la somme de 14 717 euros correspondant aux retenues qui auraient dues être opérées sur les rémunérations de Madame [W] [I] née [U] sur la période courant du mois de mai 2022 eu mois de juin 2023,
rappelé que tout recours de la société SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS à l'encontre de Madame [W] [I] née [U] ne pourra être exercé qu'après mainlevée de la saisie ;
débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire ;
condamné la société SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS à verser à la société BNP PARIBAS PERSONNEL FINANCE la somme de 800 euros et à la société CARREFOUR BANQUE la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS aux dépens.
La société SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS a interjeté appel de la décision selon déclaration enregistrée le 25 mars 2024.
Par exploits en date des 6 et 27 mai 2024, la société SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS a fait assigner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, la société CARREFOUR BANQUE et la société COFIDIS devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, aux fins d'obtenir, par application des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, l'arrêt de l'exécution provisoire assortissant la décision dont appel.
L'affaire, appelée une première fois à l'audience du 6 juin 2024, a été renvoyée à l'audience du 20 juin 2024, puis à celle du 27 juin 2024, avant d'être évoquée à l'audience du 11 juillet 2024.
La société SLT expose qu'elle sera contrainte de sortir la somme de 14 106 euros à laquelle elle a été condamnée de sa trésorerie personnelle et qu'elle ne pourra répercuter cette somme sur les rémunérations de Madame [W] [U] épouse [I] laquelle ne fait plus partie des effectifs de la société.
La société SLT entend contester en cause d'appel le montant de la somme sollicitée ainsi que son imputabilité.
Elle fait valoir que les sommes retenues en vue de la saisie des rémunérations seraient inexactes en ce que certaines sommes réclamées auraient été régularisées en tout ou en parties et que d'autres sommes seraient imputées à tort à Madame [W] [U] épouse [I].
Elle indique ainsi que sur la somme de 161 509,79 euros objet de la saisie des rémunérations, 70 042,84 euros auraient déjà été réglés.
Elle soutient, en outre, qu'à l'exception des dettes d'impôt déjà réglées, Madame [W] [U] épouse [I] ne serait pas responsable, au regard des dispositions des articles 1411, 1412, 1416 et 1422 du code civil, des autres dettes pour lesquelles Monsieur [C] [I] aurait par ailleurs été seul condamné.
Elle fait ainsi valoir que les sommes autres que celles concernées par la solidarité comme les impôts, représentent des dépenses excessives, non nécessaires au ménage et qu'elles auraient fait l'objet d'une prise en charge intégrale par Monsieur [C] [I] conformément à l'ordonnance de non conciliation rendue par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de la Roche-sur-Yon.
Elle indique que les dettes auprès de POLE EMPLOI concerneraient un trop perçu, par Monsieur [C] [I], de l'ARE, de sorte qu'elles ne pourraient être imputées et saisies sur les biens personnels de Madame [W] [U] épouse [I].
Elle indique que Monsieur [C] [I] ne serait pas en situation d'insolvabilité.
Elle fait également valoir que Madame [W] [U] épouse [I] aurait perçu, dans le cadre de sa rupture conventionnelle, un solde de tout compte de 7 182,47 euros et qu'elle aurait par ailleurs retrouvé un emploi dans une autre structure.
Elle soutient que sa condamnation remettrait en cause la pérennité financière de la société.
A titre subsidiaire, elle sollicite l'aménagement de l'exécution provisoire sur le fondement des articles 517 et 522 du code de procédure civile afin qu'un délai plus large lui soit accordé pour la régularisation de la somme litigieuse à raison d'échéances mensuelles de 200 euros sur une durée maximale de deux ans et le solde au terme des deux années.
Elle sollicite la condamnation in solidum de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, la SA CARREFOUR BANQUE et la SA COFIDIS à lui payer la somme de 1 813 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société EOS France entend intervenir volontairement à l'audience, la créance de la société BNP PARIBAS à l'égard des époux [I] lui ayant été cédée.
Les sociétés BNP PARIBAS, CARREFOUR BANQUE et EOS FRANCE font valoir que la société SLT, qui n'aurait pas présenté d'observations sur l'exécution provisoire en première instance, serait irrecevable en sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire à défaut de justifier, outre l'existence d'un moyen sérieux de réformation, de conséquences manifestement excessives qu'auraient pour elle l'exécution provisoire de la décision litigieuses révélées postérieurement à la décision de première instance.
Elles font valoir que les arguments développés par la société SLT concernant l'imputabilité des dettes à Madame [W] [U] épouse [I] serait sans incidence sur la validité des titres exécutoires dont elles disposent, les condamnations ayant été prononcées solidairement entre les deux époux.
Elles exposent que le débat porterait uniquement sur la défaillance de la société SLT, tiers saisi, laquelle n'aurait pas mis en place les retenues sur les rémunérations de son employée et que la société SLT ne justifierait d'aucun moyen sérieux d'annulation ou de réformation du jugement litigieux.
Elles indiquent qu'à défaut de justifier de sa situation financière, la société SLT ne démontrerait pas que l'exécution provisoire de la décision litigieuse risquerait d'entraîner pour elle des conséquences manifestement excessives.
Concernant la demande subsidiaire de la société SLT tendant à l'aménagement de l'exécution provisoire de façon à se voir autorisée à se libérer des sommes dues par versements mensuels de 200 euros et le solde au terme des deux années, les sociétés BNP PARIBAS et CARREFOUR BANQUE indiquent qu'aucune disposition du code de procédure civile ne permettrait un tel aménagement et que la société SLT ne justifierait pas de sa situation financière, de sorte qu'elle ne serait pas recevable à solliciter des délais de paiement.
La société COFIDIS n'a pas comparu et n'était pas représentée.
Motifs :
Sur l'intervention volontaire de la société EOS France :
Il ressort des pièces produites que la société BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE a cédé la créance qu'elle détenait au titre des contrats référencés 1802220973 et 42155198669016 à hauteur de 21 321 euros à la société EOS France.
La société EOS France est fondée à reprendre les droits et actions appartenant à la société BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE à hauteur de 21 321 euros , de sorte qu'elle a bien intérêt et qualité à agir.
Il en résulte que l'intervention volontaire de la société EOS France sera déclarée recevable.
La société BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE sera quant à elle déclarée hors de cause.
Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire :
L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Il en découle que l'arrêt de l'exécution provisoire est subordonné à la réalisation des deux conditions, cumulatives, suivantes : la démonstration de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision qui en est assortie, et la justification de ce que l'exécution de cette décision risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Concernant la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire, le deuxième alinéa de l'article 514-3 précité prévoit, plus strictement, qu'elle ne sera recevable à demander l'arrêt de l'exécution provisoire qu'à la condition d'établir, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance.
En l'espèce, la société SLT ne conteste pas ne pas avoir formulé d'observations sur l'exécution provisoire en première instance. Elle doit ainsi démontrer, pour être reçue en sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire, que les conséquences manifestement excessives dont elle se prévaut sont apparues postérieurement au jugement de première instance.
En l'absence d'informations sur sa situation financière, la société SLT échoue à caractériser l'existence d'un quelconque risque de conséquences manifestement excessives qu'elle invoque, a fortiori révélé postérieurement à la décision de première instance.
Il convient par conséquent de considérer que la société SLT ne rapporte pas la preuve de l'existence de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision déférée.
Dès lors, en l'absence d'élément permettant de caractériser des conséquences manifestement excessives qui se seraient révélées postérieurement à la décision de première instance, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire est irrecevable.
Les conditions de l'article 514-3 du Code de procédure civile étant cumulatives, il n'est pas nécessaire d'apprécier les arguments soulevés au titre des moyens sérieux de réformation ou d'annulation de la décision dont appel, la demande de la société SLT sera déclaré irrecevable.
Sur la demande subsidiaire d'aménagement de l'exécution provisoire :
L'article 517 du code de procédure civile dispose que l'exécution provisoire peut être subordonnée à la constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations.
L'article 522 du code de procédure civile dispose que le juge peut, à tout moment, autoriser la substitution à la garantie primitive d'une garantie équivalente.
Les mesures d'aménagement prévues aux articles 517 et 522 du code de procédure civile ne sauraient permettre un aménagement de l'exécution provisoire consistant à accorder à la partie débitrice un délai plus large pour la régularisation de la somme litigieuse à raison d'échéances mensuelles.
En conséquence, la société SLT sera déboutée de sa demande d'aménagement de l'exécution provisoire.
Succombant à la présente instance, la société SLT sera condamnée à payer aux sociétés BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE, CARREFOUR BANQUE et EOS France, prises ensemble, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Décision :
Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant par ordonnance réputée contradictoire :
Déclarons recevable l'intervention volontaire de la société EOS France,
Déclarons la société BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE hors de cause ;
Déclarons la SAS SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS irrecevable en sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal de proximité de FONTENAY-LE-COMTE le 11 mars 2024 ;
Condamnons la SAS SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS à payer aux sociétés BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE, CARREFOUR BANQUE et EOS France, prises ensemble, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la SAS SLT SERVICES LOCATIONS TRANSPORTS aux dépens.
Et nous avons signé la présente ordonnance avec la greffière.
La greffière La Conseillère
E. TISSERAUD E. LAFOND