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18/07/2024 | FRANCE | N°22/01427

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 18 juillet 2024, 22/01427


MHD/PR





























ARRÊT N° 398



N° RG 22/01427



N° Portalis DBV5-V-B7G-GR2U













[G]



C/



S.A.S. ETABLISSEMENTS MARTIN



AJ UP

Administrateur judiciaire de la S.A.S. ETABLISSEMENTS MARTIN



SELARL [FP] Mandataire judiciaire de la S.A.S. ETABLISSEMENTS MARTIN



ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA

DE [Localité 4]

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre sociale



ARRÊT DU 18 JUILLET 2024



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 mai 2022 rendu par le Conseil de Prud'hommes de NIORT



APPELANT :



Monsieur [KX] [G]

Né le 28 janvie...

MHD/PR

ARRÊT N° 398

N° RG 22/01427

N° Portalis DBV5-V-B7G-GR2U

[G]

C/

S.A.S. ETABLISSEMENTS MARTIN

AJ UP

Administrateur judiciaire de la S.A.S. ETABLISSEMENTS MARTIN

SELARL [FP] Mandataire judiciaire de la S.A.S. ETABLISSEMENTS MARTIN

ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA

DE [Localité 4]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre sociale

ARRÊT DU 18 JUILLET 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 mai 2022 rendu par le Conseil de Prud'hommes de NIORT

APPELANT :

Monsieur [KX] [G]

Né le 28 janvier 1971 à [Localité 5] (79)

[Adresse 8]

[Localité 7]

Ayant pour avocat Me Thomas MONTPELLIER de la SELARL ACCANTO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

S.A.S. ETABLISSEMENTS MARTIN

N° SIRET : 312 771 520

[Adresse 3]

[Localité 6]

(Société placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Niort du 20 juin 2023)

Ayant pour avocat postulant Me Isabelle LOUBEYRE de la SCP EQUITALIA, avocat au barreau de POITIERS

Et pour avocat plaidant Me Caroline GAILLOT-d'HAUTHUILLE substituée par Me Anne-Camille CHALLIER de la SELARL D'HAUTHUILLE & ASSOCIÉS

SELARL [FP]

Prise en la personne de Me [XS] [FP]

En qualité de mandataire judiciaire de la S.A.S. ETABLISSEMENTS MARTIN

[Adresse 1]

[Localité 5]

SELARL AJ UP

prise en la personne de Me [L] [EH] et de Me [Z] [D]

En qualité d'administrateur judiciaire de la S.A.S. ETABLISSEMENTS MARTIN

[Adresse 2]

[Localité 5]

Intervenantes volontaires

Ayant tous deux pour avocat postulant Me Isabelle LOUBEYRE de la SCP EQUITALIA, avocat au barreau de POITIERS

Et pour avocat plaidant Me Caroline GAILLOT-d'HAUTHUILLE substituée par Me Anne-Camille CHALLIER de la SELARL D'HAUTHUILLE & ASSOCIÉS

ASSIGNÉE EN INTERVENTION FORCÉE :

ASSOCIATION UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 4]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 4]

Assignée en intervention forcée par acte de commissaire de justice signifié le 25 octobre 2023

Défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport

Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère

Monsieur Nicolas DUCHÂTEL, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile que l'arrêt serait rendu le 13 juin 2024. A cette date, le délibéré a été prorogé au 18 juillet 2024.

- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par contrat de travail à durée déterminée en date du 14 septembre 1994 - soumis à la convention collective nationale du travail mécanique du bois, des scieries, du négoce et de l'importation des bois du 28 novembre 1955 - qui s'est poursuivi en contrat à durée indéterminée, Monsieur [G] a été engagé en qualité d'ouvrier dérouleur, statut ouvrier, niveau I, coefficient 100 par la société Etablissements Martin, spécialisée dans la fabrication et le négoce en gros et au détail de tous types d'emballages en bois, polystyrène et carton.

Le 6 juin 2019, à l'issue d'un entretien réunissant l'employeur, Monsieur [G] et Madame [JO], ouvrière au sein des Etablissements Martin, affectée au déroulage du bois, assistée de Madame [CI] [N], élue du personnel, l'employeur a pris des dispositions afin que Madame [JO] et Monsieur [G] ne se côtoient plus.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 novembre 2019, Madame [V] [JO], en arrêt maladie depuis le 22 octobre 2019, a indiqué à son employeur qu'elle s'estimait victime de faits de harcèlements sexuel et moral, commis par un salarié, Monsieur [G], à l'atelier déroulage.

Le 28 novembre 2019, la société a convoqué le CHSCT afin de l'informer de la dénonciation de faits susceptibles d'être qualifiés de harcèlement sexuel et moral et de le consulter sur la mise en place d'une commission d'enquête interne.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 5 décembre 2019, Madame [JO] - en réponse à son employeur qui lui avait demandé par courrier du 26 novembre 2019 de préciser ses allégations - a repris les faits qu'elle reprochait à Monsieur [G] et qu'elle qualifiait de propos et comportements constitutifs de harcèlements moral et sexuel.

Après avoir entendu neuf salariés le 16 décembre 2019 puis la victime et l'auteur présumés le 18 décembre 2019, la commission d'enquête interne mise en place par le CHSCT - composée de quatre personnes, à parité d'hommes et de femmes, comprenant deux membres de l'encadrement, un représentant des élus du personnel et un membre du personnel a conclu à l'existence de faits de harcèlement sexuel et moral dans les termes suivants : ' Nous pouvons conclure qu'il y a bien des faits de harcèlement sexuel et moral de l'auteur présumé envers la victime présumée'.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 20 décembre 2020, remis en main propre au salarié contre décharge le 23 décembre 2019, la société Etablissements Martin a placé le salarié en mise à pied conservatoire et l'a convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 6 janvier 2020 auquel il s'est présenté, assisté de Monsieur [S], ouvrier dérouleur au sein de l'entreprise, en produisant des informations écrites complémentaires concernant sa relation avec Madame [JO].

Par courrier recommandé en date du 10 janvier 2020, l'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Le 11 janvier 2020, il lui a adressé les documents légaux et le solde de tout compte.

Par courrier officiel en date du 24 juin 2020, le conseil de l'employeur a répondu au conseil de Monsieur [G] ' qui l'avait avisé par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 7 juin 2020 que son client contestait son licenciement ' que la société maintenait sa position, considérant que le licenciement pour faute grave de Monsieur [G] était parfaitement fondé.

Par requête du 2 septembre 2020, Monsieur [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Niort afin de contester son licenciement, d'obtenir les indemnités subséquentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse outre des rappels de salaire et des dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement en date du 4 mai 2022, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de Monsieur [KX] [G] pour faute grave est justifié,

- en conséquence

- débouté Monsieur [KX] [G] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Monsieur [KX] [G] à verser à la SAS Etablissements Martin la somme de 1 000,00 euros (mille euros), au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [KX] [G] aux dépens.

Par déclaration d'appel en date du 3 juin 2022, Monsieur [G] a interjeté appel de cette décision.

***

Par jugement du 20 juin 2023, le tribunal de commerce de Niort a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Etablissements Martin et a désigné la SELARL [FP] prise en la personne de Maître [XS] [FP] en qualité de mandataire judiciaire de la société Etablissements Martin, et la SELARL AJ UP prise en la personne de Maître [L] [EH] et de Maître [Z] [D] en qualité d'administrateur judiciaire qui sont intervenus volontairement à la procédure d'appel.

La SARL [FP], prise en la personne de Maître [FP], en qualité de mandataire judiciaire de la société Etablissements Martin et la SARL AJ UP prise en la personne de Maître [L] [EH] et de Maître [Z] [D] en qualité d' administrateur judiciaire de la société Etablissements Martin sont intervenues volontairement à l'instance.

***

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 mars 2024 en cet état de la procédure.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions en date du 4 mars 2024 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Monsieur [G] demande à la cour de :

-infirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué,

- statuant à nouveau,

- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- subsidiairement,

- juger que le licenciement ne pouvait être fondé sur une faute grave mais uniquement sur une cause réelle et sérieuse

- fixer la rémunération moyenne à 2 272,61 € bruts

- fixer sa créance au passif de la société des Etablissements Martin de la manière suivante :

°indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

(18 mois).................................................................................. 40 906,98 €

°indemnité légale de licenciement .......................................... 17 423,37 €

°indemnité de préavis (2 mois) ................................................ 4 545,22 €

°indemnité congés payés sur préavis ....................................... 454,52 €

° rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire (1 mois) ..... 2 272,61 €

°congés payés afférents ............................................................... 227,26 €

° indemnité pour licenciement vexatoire (4 mois) ....................... 9 090,44 €

° rappel de salaire pour temps de pause conventionnel ................ 339,25 €

°congés payés afférents ................................................................ 33,93 €

° rappel de salaire (10 janvier 2017 au 28 novembre 2017)........... 2 115,74 €

° congés payés afférents ................................................................. 211,57 €

° rappel de salaire (28 novembre 2017 au 15 février 2019) ........... 2 498,35 €

° congés payés afférents .................................................................. 248,35 €

° rappel de salaire (1er octobre 2019 au 10 mars 2020) .................... 892,80 €

° congés payés afférents ................................................................... 89,28 €

° indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail

(2 mois) ............................................................................................ 4 545,22 €

- juger que les sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 10 janvier 2020, date de son licenciement avec anatocisme (C.Civil, art. 1231-7 et 1343-2) ou à tout le moins à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le BCO soit le 23 septembre 2020.

- condamner les Etablissements Martin à lui verser la somme de 4 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouter les Etablissements Martin et toutes autres parties de toute demandes fins et conclusions, notamment au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- déclarer commun et opposable l'arrêt à intervenir à l'AGS-CGEA de [Localité 4], mise en cause mais non comparant

- condamner Etablissements Martin aux entiers dépens, y compris les frais d'huissier pour l'exécution forcée, avec distraction au profit de la SELARL ACCANTO Avocats.

Par conclusions en date du 10 octobre 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SARL [FP], prise en la personne de Maître [FP], en qualité de mandataire judiciaire de la société Etablissements Martin et la SARL AJ UP prise en la personne de Maître [L] [EH] et de Maître [Z] [D] en qualité d' administrateur judiciaire de la société Etablissements Martin, demandent à la cour de :

- les déclarer recevables en leur intervention volontaire,

- déclarer Monsieur [KX] [G] mal fondé en son appel ;

- l'en débouter ;

- en conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- y ajoutant,

- débouter Monsieur [KX] [G] de toutes de toutes ses demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires,

- condamner Monsieur [KX] [G] à leur verser la somme de 4.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ainsi que les entiers dépens.

Par acte d'huissier en date du 25 octobre 2023, la SARL [FP], prise en la personne de Maître [FP], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Etablissements Martin a fait assigner en intervention forcée devant la cour d'appel de Poitiers les AGS CGEA de Bordeaux aux fins de :

- se voir déclarer - sans reconnaissance d'une quelconque responsabilité ou obligation à l'égard de Monsieur [KX] [G], - recevable et bien fondée en sa demande d'intervention forcée, la procédure en cours devant se poursuivre ce dernier dûment appelé,

- déclarer Monsieur [KX] [G] mal fondé en son appel ;

- l'en débouter ;

- en conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- y ajoutant,

- débouter Monsieur [KX] [G] de toutes ses demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires.

- condamner Monsieur [KX] [G] à verser à la société Etablissements Martin, la SELARL AJUP et à la SELARL [FP] es qualités, la somme de 5.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ainsi que les entiers dépens.

Les AGS, régulièrement assignées, ne constituent pas avocat.

SUR QUOI,

Le prononcé de la liquidation judiciaire des Etablissements Martin en cours de délibéré avec désignation du mandataire liquidateur est sans emport sur la solution du litige.

I - SUR L'EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL :

A - Sur le non-respect des temps de pause :

La convention collective nationale du travail mécanique du bois prévoit :

- en son article 10 de l'avenant « ouvriers » :

° que tous les ouvriers en travail continu ou par poste ont droit à une pause casse-croûte d'une demi-heure payée et considérée comme temps de travail lorsque le travail se fait en 2x8.

° qu'une prime de panier équivalente à 60 % du taux horaire obligatoire est versée pour les postes de jour.

- en son article 9 qu'en dehors de l'horaire normal, comportant deux demi-journées de travail séparées par le temps d'arrêt pour le repas de midi, le travail peut s'effectuer de façon continue (3x8 par équipes) ou par postes (2x8) dans l'ensemble ou une partie de l'usine.

***

Monsieur [G] soutient :

- que l'atelier déroulage ne pratique ni le travail de façon continue ni les équipes en 2x8 toute l'année,

- que sur les 3 dernières années, il a effectué en 2x8 177 jours sur les 3 dernières années, à savoir en 2017 : 30 jours ; en 2018 : 52 jours et en 2019 : 95 jours

- que la pratique dans l'entreprise était de faire 20 minutes de pause,

- que de ce fait, il n'a bénéficié que d'un temps de pause de 20 minutes au lieu des 30 minutes prévues par la convention collective

- qu'ainsi, 10 minutes de temps de travail ne lui ont jamais été payées, soit la somme de 339,25 € brut sur la période.

Il sollicite donc les sommes de 339,25 € bruts à titre de rappel de salaire sur le temps de pause et de 33, 93€ à titre de congés payés afférents.

En réponse, les intimées expliquent pour l'essentiel :

- qu'effectivement, la société Etablissements Martin a mis en place plusieurs périodes de travail en continu, par équipes de 2x8, au cours des années 2017, 2018 et 2019 et que de ce fait, 177 jours ont été travaillées en 2x8,

- que cependant, Monsieur [G] a bien été rémunéré pour l'intégralité du temps de travail effectif passé dans l'entreprise, en ce compris les temps de pause et ne peut donc prétendre à une rémunération complémentaire à ce titre.

***

Cela étant, les intimées se bornent à soutenir que Monsieur [G] a été rémunéré de l'intégralité du temps de travail passé dans l'entreprise, en ce compris le temps de pause sans cependant établir qu'il a bénéficié de trente minutes de pause durant les 177 jours de travail en 2X8 qu'il a réalisés sur la période 2017, 2018 et 2019.

En conséquence, à défaut de toute preuve contraire pertinente, il convient de fixer à la procédure collective des Etablissements Martin les sommes de 339,25 € bruts à titre de rappel de salaire sur le temps de pause et de 33,93€ à titre de congés payés afférents.

Le jugement attaqué doit donc être infirmé de ce chef.

B - Sur la reclassification :

Lorsqu'il est saisi d'une contestation sur la qualification attribuée à un salarié, le juge doit se prononcer au vu des fonctions réellement exercées par ce salarié.

Il doit comparer les fonctions réellement exercées par le salarié à la grille de la convention collective pour vérifier dans quelle catégorie se place l'emploi occupé ou exercé par ce salarié.

Il se doit d'appliquer les dispositions des conventions collectives à la lettre et il ne doit pas les dénaturer.

Lorsque la convention collective prête à interprétation, il fait prévaloir la classification qui se rapproche des fonctions exercées par le salarié. Si l'emploi ou le poste occupé par le salarié n'est pas prévu par la convention collective, le classement se fait au niveau correspondant au poste le plus proche.

Le juge peut ainsi rectifier la qualification du salarié en faveur comme au détriment de celui-ci.

Il appartient au salarié d'établir que les fonctions qu'il exerce réellement correspondent à la classification revendiquée et ne peut pas revendiquer une qualification professionnelle subordonnée à un diplôme qu'il n'a pas ou à des fonctions qu'il n'exerce pas.

En cas de sous-classement, il doit être replacé de manière rétroactive au niveau auquel son poste correspond. Il peut alors prétendre à un rappel de salaire correspondant au minimum conventionnel afférent à ce coefficient.

Cependant, une reclassification conventionnelle ne peut donner lieu qu'à un rappel de salaire calculé sur la base du minimum fixé par la convention collective correspondant à la classification dont le bénéfice est reconnu au salarié.

En conséquence, si le salarié perçoit déjà d'une rémunération supérieure au minimum conventionnel, le repositionnement accordé par le juge n'entraînera aucun rappel de salaire (Cass. soc. 1er juillet 2009, n° 07-42691).

***

En l'espèce, la convention collective dans sa version applicable à l'espèce définit à l'annexe I intitulée 'classification du personnel ouvrier' :

- le niveau I échelon AB du personnel ouvrier, coefficient 100 de la façon suivante : '...personnel effectuant des travaux élémentaires, travaux d'exécution facile, immédiatement reproductibles après simple démonstration, sans mise en jeu de connaissances particulières...',

- le niveau IV échelon J, coefficient 200 de la façon suivante :

' Personnel effectuant ou pouvant être amené à effectuer des tâches complexes déterminantes pour la qualité du service ou du produit (tâches mettant en application des connaissances professionnelles et requérant une dextérité ou une pratique suffisante pour respecter la qualité du service ou du produit, au besoin par une utilisation de matériel complexe) disposant d'une autonomie dans tous les domaines de sa spécialité ou ayant un rôle dans la distribution du travail dans une équipe et possédant une parfaite maîtrise des données professionnelles.'

***

Monsieur [G] soutient en substance :

- qu'il relèverait du statut ouvrier niveau IV, coefficient 200 et non du niveau I, coefficient 100, niveau le plus bas de l'échelle de la convention collective applicable qu'il occupait encore au jour de son licenciement après 25 ans d'ancienneté,

- qu'au quotidien, il assurait la maintenance usuelle et le réglage de la machine de déroulage, cette dernière opération étant considérée comme une opération complexe,

- qu'à titre de comparaison, un autre dérouleur, Monsieur [S] qui occupait un poste équivalent au sien et avec lequel il travaillait en collaboration lorsque le même produit devait être fabriqué afin d'assurer la continuité de la fabrication, bénéficiait d'un taux horaire de 13 € brut.

Pour étayer ses allégations, il verse des attestations - en pièces 15, 16, 17, 22, 27, 28, 32 de son dossier - dans lesquelles il veut lire :

- qu'il a appris le métier à certains témoins,

- qu'il avait la responsabilité d'organiser son équipe de quatre personnes et de distribuer le travail entre les membres de celle-ci, comme l'indique notamment Monsieur [ME] et le témoignage de Madame [P] qui déclare '... [KX] était notre chef et nous donnait des ordres sur l'emploi du temps, et notre travail se faisait toujours dans la bonne humeur'.

En réponse, les intimées objectent pour l'essentiel :

- que Monsieur [G] ne pouvait pas relever du statut ouvrier, niveau III, coefficient 135, ni a fortiori du niveau IV, coefficient 200,

- qu'en effet, les tâches qui lui étaient confiées ne relevaient pas de cette qualification en raison de l'absence de complexité des travaux qui lui étaient confiés, de l'absence d'autonomie dans son travail et de répartition du travail à effectuer entre les salariés, cette responsabilité incombant à Monsieur [S], responsable de l'atelier déroulage, dont les fonctions relevaient du niveau III, coefficient 135,

- que de surcroît, son salaire était en toute hypothèse supérieur au salaire minimum conventionnel des classifications supérieures (du niveau II à IV coeff. 150).

***

Cela étant, si Monsieur [G] ne peut pas prétendre au niveau IV coefficient 200 qu'il revendique dans la mesure :

- où déjà il n'établit pas qu'il effectuait les tâches afférentes à cette classification,

- où de surcroît, la comparaison qu'il réalise entre sa situation et celle de Monsieur [S] n'est pas efficiente dès lors qu'il ne démontre pas sérieusement qu'il effectuait les mêmes tâches que celui - ci, classé, de surcroît au niveau IV coefficient 135 et non au coefficient 200 qu'il revendique,

il n'en demeure pas moins qu'après vingt-cinq ans de travail en qualité de dérouleur outre la formation qu'il a effectuée du 18 au 20 juin 2019 intitulée : 'conduite et réglage des dérouleuses' et au vu des attestations qu'il produit en pièces 15, 16, 17, 22, 27, 28, 32 de son dossier, il pouvait prétendre à être classé niveau III, coefficient 115 et être considéré de ce fait comme ' un personnel effectuant des tâches combinées influant directement sur la qualité du service ou du produit ( tâches constituées par l'enchaînement de différents travaux simples selon des procédures détaillées notamment avec utilisation de matériels professionnels) requérant des connaissances professionnelles usuelles'.

Il doit être reclassifié en conséquence à niveau III, coefficient 115.

Le jugement attaqué doit donc être infirmé de ce chef.

Cependant, cette reclassification ne lui ouvre droit à aucun rappel de salaires dans la mesure où son salaire de base était supérieur à celui des salariés classés niveau III coefficient 115 et même à ceux correspondant à l'ensemble des coefficients du niveau III et au coefficient 150 du niveau IV, comme l'établit la pièce 48 qu'il verse lui - même à son dossier, à savoir :

Date d'application

Niveau III

coef 115

Niveau IV

coef 150

Salaire brut de

M. [G]

15 février 2019

1 523 €

1 614 €

1 698,70 €

1er octobre 2019

1 523 €

1 614 €

1 744,21 €

En conséquence, le jugement qui l'a débouté de sa demande de rappel de salaire au titre de sa reclassification doit être confirmé.

C - Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

En application de l'article L 1222-1 du code du travail : "Le contrat de travail est exécuté de bonne foi" .

Comme la bonne foi contractuelle est présumée, il appartient au salarié de rapporter la preuve de la mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail (Soc., 23 février 2005, pourvoi n° 04-45.463), du préjudice qui en découle pour lui et du lien de causalité entre le préjudice et la faute.

Dans le cadre d'une exécution de bonne foi du contrat, l'employeur doit veiller à respecter les obligations légales prévues aux articles :

- L6321-1 du code du travail qui prévoit : 'L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences. »

- L.6315-1 I du même code qui prévoit que 'le salarié bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Cet entretien ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié. Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l'expérience, à l'activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l'employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle.'

- L.6315-1 II du même code qui prévoit qu'un entretien ait lieu tous les six ans pour faire un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié.

Le non-respect de l'obligation de formation par l'employeur ne cause pas nécessairement un préjudice (Soc. 3 mai 2018, n 16-26.796) mais dès lors qu'il en génère un, celui - ci est distinct de celui réparant la rupture du contrat de travail.

***

En l'espèce, Monsieur [G] soutient que l'exécution déloyale du contrat de travail réside :

- dans l'absence de tout entretien annuel ou bisannuel avec son employeur durant ses vingt-cinq ans de carrière qui l'a privé d'échanger avec ce dernier sur l'opportunité de suivre des formations lui permettant d'acquérir des capacités d'encadrement ou de valoriser ses acquis,

- dans l'absence de toute formation professionnelle utile pour assurer le maintien de son employabilité au sens de l'article L.6321-1 et suivants du code du travail, évoluer dans sa carrière et développer ses compétences alors même que des responsabilité lui étaient confiées dans le cadre de son travail dans l'accueil des intérimaires et des nouveaux arrivants outre dans la gestion des équipes.

Les intimées objectent pour l'essentiel :

- que d'une part l'entretien d'évaluation professionnelle du salarié n'est pas obligatoire et relève du pouvoir de direction de l'employeur,

- que l'entretien professionnel résultant des dispositions de l'article L.6315-1 du code du travail, instauré par la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié et pouvait être tenu jusqu'au 31 décembre 2020 alors que le salarié a été licencié le 10 janvier 2020,

- que la société a bien veillé à s'assurer de l'adaptation du salarié à son poste de travail, conformément aux dispositions de l'article. L.6321-1 du code du travail, ainsi qu'à celles de l'article L.6315-1 du même code dans la mesure où le salarié a suivi au moins une action de formation, a acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience et a bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle.

***

Cela étant :

1 - Il n'est pas contesté que Monsieur [G] n'a bénéficié ni d'un entretien professionnel tous les deux ans avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi, ni d'un entretien tous les six ans pour faire un état des lieux récapitulatif de son parcours professionnel.

Cependant :

- d'une part, l'entretien d'évaluation tenu tous les deux ans n'est pas obligatoire et relève du pouvoir de direction de l'employeur,

- d'autre part, le licenciement de Monsieur [G] est intervenu avant la survenance de la date butoir de la tenue du premier entretien destiné à réaliser un état des lieux récapitulatif de son parcours professionnel,

- enfin, le salarié n'établit pas le préjudice particulier qui a pu en découler pour lui dès lors qu'il n'est pas contesté qu'il a retrouvé 27 jours après son licenciement un travail.

2 - Il n'est pas contesté que Monsieur [G] a suivi les formations suivantes :

- cariste : du 28 au 31 octobre 1996

- gestion et suivi de production : le 17 juin 2002

- sécurité et prévention : du 18 au 19 juillet 2002

- réglage des dérouleuses : du 9 au 11 mars 2004

- formation incendie ' équipiers de première intervention » : le 23 septembre 2015

- gestes et postures : les 3 et 4 avril 2017

- maintien et actualisation des compétences de sauveteur secouriste du travail : le 9 novembre 2017

- conduite et réglage des dérouleuses : les 18, 19 et 20 juin 2019,

soit en 25 ans de carrière, 8 formations portant en substance sur la sécurité au travail, les dérouleuses qui sont au coeur de son métier très spécialisé et une formation de cariste.

Il en est résulté pour lui :

- la certification de ses acquis,

- une progression salariale régulière qui ne peut pas être contestée,

- un emploi retrouvé très rapidement, dans les 27 jours suivant son licenciement.

En conséquence, à défaut de la preuve d'un préjudice particulier, il doit être débouté de sa demande de dommages intérêts formée de ce chef.

Le jugement attaqué doit donc être confirmé à ce titre.

II - SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL :

A - Sur le bien fondé du licenciement :

1 ) - Sur les faits :

Il ressort de l'article L. 1235-1 du code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère, ou qui peuvent l'aggraver.

Lorsque la faute grave repose sur des faits de harcèlement commis par le salarié licencié sur ses collègues, cette faute n'est pas juridiquement assimilable à l'infraction de harcèlement moral.

Dès lors, l'employeur n'a pas à établir tous les éléments constitutifs du harcèlement pour sanctionner disciplinairement le salarié. Il n'a pas, non plus, à qualifier les faits de harcèlement moral. Il doit simplement indiquer dans la lettre de licenciement les fautes professionnelles commises par le salarié.

Ainsi, pour sanctionner le harceleur, l'employeur ne peut se limiter à apporter des éléments laissant présumer un harcèlement. Il doit démontrer que les faits reprochés au salarié sanctionné sont réellement établis. Il doit se situer, en matière de preuve, sur le terrain de faute disciplinaire en avançant les éléments objectifs qui fondent la sanction (Cass. soc., 7 févr. 2012, no 10-17.393).

Ne repose pas sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse, le licenciement d'un salarié fondé sur des agissements de harcèlement moral, dès lors que ce dernier était lui-même victime de harcèlement moral et que l'employeur, alerté à plusieurs reprises sur cette situation, ne l'avait pas sensibilisé à la difficulté d'exercice de ses fonctions (Cass. soc., 29 janv. 2013, no 11-23.944).

***

En l'espèce, la lettre de licenciement de Monsieur [G] en date du 10 janvier 2020 est ainsi rédigée :

'... A l'issue de l'enquête que nous avons menée en interne sur une série d'actes et agissements dénoncés par une salariée fin novembre 2019 qui vous étaient imputés, susceptibles de s'apparenter à des faits de harcèlement moral, sexuel et de discrimination et de l'entretien préalable que nous avons eu ensemble le 6 janvier dernier, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.

Les motifs de ce licenciement que nous vous avons exposés lors de l'entretien préalable sont les suivants :

En effet, vous avez de façon répétée imposé à l'égard de salariées de l'entreprise des propos et des comportements à connotation sexuelle et/ou sexiste caractérisés par des gestes déplacés et obscènes, des contacts physiques, des attitudes de drague et de provocation à caractère sexuel, des propos grivois et dégradants, des questions intrusives intimes sur leur vie privée et vous vous êtes également rendus à leur domicile.

Ainsi, notamment vous avez à plusieurs reprises mimé l'acte sexuel suivi d'un contact physique à l'égard de plusieurs salariées du sexe féminin lorsqu'elles filmaient les palettes. Ou bien encore vous avez tenu des propos à connotation sexuelle tels que : ' qu'elle avait dû se faire attraper dans la nuit' lorsque vous jugiez une salariée mal coiffée ou encore après un week-end ' si elle a tiré un coup et dans quelle position'.

Vous avez d'ailleurs reconnu dans le cadre de l'enquête interne avoir tenu des propos à connotation sexuelle avec une salariée de l'entreprise.

Ce comportement porte atteinte à la dignité des salariées de l'entreprise qui les subissent en raison de leur caractère dégradant et humiliant et créent à leur égard une situation offensante.

En outre, vous avez exercé à l'égard de l'une au moins de ces salariées auxquelles vous imposiez ces comportements, une surveillance exacerbée de son activité, instituant une pression inutile, injustifiée et discriminante, et critiqué de façon systématique son travail en cherchant à la discréditer.

L'ensemble de ces agissements et leur caractère répétitif sont de nature à mettre en péril la santé mentale ou physique de certains de nos collaborateurs.

Par ailleurs ils font peser un risque sur notre entreprise.

Votre comportement est en outre à l'origine d'une ambiance de travail dégradé dans l'atelier et perturbe le bon fonctionnement de l'entreprise.

Nous considérons que ces agissements sont de nature à caractériser un harcèlement sexuel et moral.

Ces faits qui traduisent en tout état de cause un comportement grossier, inconvenant et humiliant à l'égard de vos collègues ne peuvent être tolérés au sein de notre entreprise et constitue un manquement à vos obligations contractuelles.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise. Cette attitude nous conduit donc à vous licencier pour faute grave...'.

Afin d'établir la réalité des griefs visés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, l'employeur produit les pièces suivantes :

1 - les échanges de courriers intervenus entre Madame [JO] et les établissements Martin, à savoir :

- le courrier que leur envoyé Madame [JO] le 21 novembre 2019 par lequel elle leur a dénoncé les propos et les comportements de Monsieur [G] à son égard et qui selon elle sont constitutifs de harcèlement moral et sexuel,

- le courrier que lesdits établissements lui ont adressé en réponse le 26 novembre 2019 aux fins de lui demander des éléments complémentaires susceptibles d'attester et d'étayer ses propos,

- le courrier en réplique que Madame [JO] leur a adressé le 5 décembre 2019 pour leur préciser les échanges à connotation sexuelle, les gestes déplacés, le questionnement permanent sur sa vie privée et les attitudes de jalousie de Monsieur [G] à son égard,

2 - la convocation adressée par les établissements au CHSCT le 28 novembre 2019 pour une réunion de consultation se tenant le 3 décembre 2019 précisant l'objet de la convocation,

3 - le procès-verbal de la réunion du CHST du 3 décembre 2019 décidant de la mise en place de la commission d'enquête interne et fixant les règles de fonctionnement de celle-ci,

4 - les auditions de salariés entendus par la commission d'enquête le 16 décembre 2019, à savoir :

** Madame [T], intérimaire au sein de la société en 2017 et 2018, embauchée en contrat à durée indéterminée en qualité d'ouvrière depuis le 2 janvier 2019 :

¿ qui a indiqué que Monsieur [G] est « un pervers et un manipulateur » ; « J'ai vu M. [G] avoir des gestes déplacés envers Mme [JO] et moi-même ... Il dit à Mme [JO] qu'elle est mal coiffée, qu'elle a dû se faire attraper dans la nuit ... Il se colle à Mme [JO], limite à la prendre par le cou ...Mme [JO] se bloquait, elle le recadrait en lui disant « cela ne te regarde pas » ... Il partait 5/10 min pour qu'elle se calme et revenait à la charge ensuite. Sinon, il s'en prenait à une autre femme ... Mme [JO] est à bout de nerfs, elle m'a fait part de son malaise...' Mme [JO] m'en a parlé, M. [G] est toujours sur son dos, contrôle son heure d'arrivée, était toujours surveillée, elle n'en pouvait plus. Il cherchait le petit truc pour lui faire péter un câble... surveillée heure arrivée, les moindres faits et gestes, cherche toujours le petit point faible pour qu'on lui parle mal, il veut déclencher une réaction sans que ce soit de sa faute»,

¿ qui a précisé à la question : Avez-vous connaissance d'autres salariés qui ont fait l'objet de faits similaires commis par le même M. [G] '' ' Oui, moi-même. M. [G] me demande où j'habite, il vient devant chez moi, il insiste pour venir chez moi, demande mes revenus, mal coiffée c'est parce que je me suis faite attrapée la nuit, mal maquillée j'ai pas dormi. Cherché à savoir si j'étais toujours célibataire. Quand il va au théâtre à [Localité 10], il me demandait si je serai chez moi. Intrusion dans ma vie privée, pose des questions sur ma vie. Il attendait que je filme mes palettes en marche arrière pour ma part, il se mettait derrière moi en faisant le geste de me pénétrer et à la fin un contact avait lieu entre mes fesses et son sexe'.

** Monsieur [C] :

¿ qui a qualifié la situation au sein de l'atelier déroulage d''invivable pour les femmes' et a confirmé avoir été le témoin direct de gestes déplacés et à caractère sexuel de Monsieur [G] vis-à-vis des femmes de l'entreprise, tels que des « mains aux fesses en disant bonjour au [bâtiment] panier »,

¿ qui a indiqué que la relation de Madame [JO] et de Monsieur [G] était « comme chien et chat » et « sans évolution positive », a précisé qu'il avait été le témoin direct des faits et propos suivants : « M. [G] [KX] lui demande si elle a passé un bon week-end, si elle a tiré un coup et dans quelle position ... Oui, M. [G] l'effleure en permanence quand il passe à côté de Mme [JO] ... Elle se tétanise ... Il rigole... Il agit comme un ado qui drague» ¿ qui a précisé : ' son malaise (de Madame [JO] : NDLR ) se lisait sur son visage'..que Monsieur [G] ' avait l'attitude d'un fauve, prédateur en chasse', que Madame [JO] était « En surveillance et attitude défensive permanente .. elle doit continuer à travailler mais sous surveillance des gestes de M. [G] ».

¿ qui a mentionné avoir été témoin direct de faits déplacés commis à l'égard de Madame [T] et de 3 intérimaires qui sont « parties et ne sont pas revenues »,

¿ qui a relaté le même incident que celui exposé par sa collègue, Madame [T] : ' Oui j'ai été témoin. Mme [T] était en train de filmer une palette en reculant et M [G] [KX] est arrivé derrière et a mimé une pénétration ..'

¿ qui a décrit M. [G] comme « un pervers narcissique ».

** Monsieur [W], ouvrier dérouleur,

¿ qui a indiqué : ' ... M. [G] est proche des filles ... C'est pas une situation normale il faut que ça change ... Oui, j'ai vu M. [G] avoir une attitude déplacée envers les femmes quand elles filment les palettes'.

¿ qui a noté : '.. Mme [JO] est venue m'en parler, elle m'a dit qu'il l'a collait beaucoup trop .. Mme [JO] m'a dit : il était trop collant, qu'il faut qu'il arrête de lui parler de sexe ..'.

¿ qui a expliqué l'évolution de la relation entre Monsieur [G] et Madame [JO] de la façon suivante : ' Relation tendue. M. [G] trop collé à Mme [JO], Mme [JO] a mis des distances. Ils se parlent plus et ils ne se disent plus bonjour'.

** Monsieur [I], ouvrier dérouleur

¿ qui a indiqué que « M. [G] se colle à Mme [JO] souvent au niveau du tapis de déroulage et Mme [JO] le repousse verbalement lorsqu'il s'approche trop près d'elle ».

¿ qui a décrit M. [G] comme un « provocateur ».

** Madame [X], intérimaire au déroulage depuis le 29 août 2019

¿ qui a indiqué : « je suis pas à l'aise avec M. [G] [KX]. On ne se parle pas. Juste bonjour ... dans l'ensemble tout se passe bien. Je suis bloquée avec M. [G], j'ai demandé à M. [B] de ne plus me mettre en équipe avec M. [G]... Mme [JO] m'a dit que M. [G] l'a coincée dans les toilettes du [bâtiment] déroulage et il s'est présenté chez elle. Son mari étant présent M; [G] est parti...'.

** Madame [F] :

¿ qui a indiqué : '... Mme [JO] ressentait des avances de M. [G] que j'ai vu en travaillant au déroulage. M [G] mettait la main sur son épaule, rapprochement physique envers Mme [JO]..'

¿ qui a expliqué : '.. Relation tendue, aucun dialogue. Pour moi la cause est liée aux rapprochements physiques de M. [G] envers Mme [JO]'

¿ qui a précisé : 'Mme [JO] m'a alertée sur l'attitude de M. [G] ayant les mains baladeuses, curieux, aime connaître la vie des gens' .

** Madame [R], intérimaire avec laquelle Madame [JO] a eu une altercation en octobre 2019 qui a indiqué : '.. Mme [JO] a informé Mme [R] dès son arrivée dans l'entreprise .. Se méfier de ce que M. [G] dit, elle a parlé d'harcèlement moral'.

** Messieurs [S] et [P] qui tout en déclarant n'avoir rien vu des faits de harcèlement reprochés à Monsieur [G], ont reconnu :

¿ le premier l'existence de « petits accrochages » et de « quelques soucis d'entente » dans l'équipe,

¿ pour le second : ' ... Mes collègues sont venus me dire que M. [G] [KX] a voulu toucher les fesses de Mme [JO] [M] ..',

5 - l'audition de Madame [JO] par la commission le 18 décembre 2019 :

¿ qui a confirmé les faits qu'elle avait décrits dans ses courriers des 21 novembre et 5 décembre 2019,

¿ qui a notamment décrit :

° comme faits se produisant tous les jours : 'bonjour proche de la bouche, recherche au maximum de contact physique de la part de Mr [G], main sur les hanches, Mme [JO] l'a tjs repoussé et dit à haute voix 'arrête de me coller, va plus loin',

¿ qui a notamment précisé :

° que cela avait commencé début mai 2018 alors qu'elle se trouvait à son poste de travail,

° qu'elle avait repoussé verbalement et physiquement Monsieur [G] qui, à partir de ce moment-là, l'a provoquée pour l'inciter à être violente, est devenu jaloux envers ses collègues, qu'elle n'a ' plus eu le droit à l'erreur et que la moindre petite erreur il téléphonait à la hiérarchie pour la pénaliser .. Tous les regards sur moi, sur mes faits et gestes pas le droit à l'erreur surveille tous mes agissements tous les jours...'

° que d'autres personnes avaient été confrontées à une situation identique à la sienne,

° que son état de santé était dégradé, qu'elle consultait un psychologue et un psychiatre et prenait des médicaments.

6 - l'audition de Monsieur [G] par la commission en date du 18 décembre 2019 qui :

* a répondu à la question : « Pouvez-vous décrire vos rapports et la nature de vos relations avec Mme [JO] '' : ' Au départ bonne relation professionnelle, suite à mes remarques sur les heures d'embauches de Mme [JO], les relations se sont dégradées. À ce jour, plus aucune relation.'

* a répondu à la question : ' Pour chacun des faits successivement allégués, pouvez vous nous confirmer pour chacun d'eux avoir tenu ces propos ou vous être rendu l'auteur de ces agissements'' : 'Faux, aucun rapprochement physique Pas de comportement intrusif même si rencontre hasardeuse Aucun questionnement Content de son travail, tjs bon travail',

* a répondu à la question : ' Pouvez-vous nous expliquer ce que vous vouliez obtenir de Mme [JO] '' : ' J'attendais que Mme [JO] soit à l'heure'.

* a répondu à la question : ' comment justifiez-vous une telle attitude ' ' : 'Pour moi tous les échanges à connotation sexuel étaient de la rigolade.'

* a répondu à la question : 'Souhaitez-vous apporter des précisions complémentaires '' :' Il arrivait même que Mme [JO] commence à parler de ce sujet.'

* a répondu à la question : ' Souhaitez-vous que certains salariés de l'entreprise soient auditionnés dans le cadre de l'enquête '' : 'Oui, Mme [BI], Mme [ZB], Mr [TU], Mr [IG]' suivie de l'annotation suivante des enquêteurs : 'Mr [G] ne nomme pas les autres salariés de son bâtiment parce qu'il sait qu'ils ont été auditionnés'.

* n'a pas répondu à la question : 'À défaut de confirmation, pouvez-vous nous exposer votre version des faits ''

7 - les auditions complémentaires de deux salariés intervenues à la demande de Monsieur [G] en date du 2 janvier 2020 qui ont :

° pour le premier - Monsieur [IG] - :

¿ noté l'existence de difficultés au sein de son équipe de travail, un changement brutal dans la relation entre Monsieur [G] et Madame [JO] sans en connaître la cause,

¿ répondu à la question : ' Avez-vous connaissance d'autres salariés qui ont été l'objet de faits similaires commis par le même M. [G]' : ' Oui, sur une intérimaire en 2015/2016. Il l'a collé en permanence. J'ai vu l'intérimaire le remettre à sa place' ,

° pour le second : - Monsieur [TU] :

¿ noté une ' dégradation' dans la relation entre Monsieur [G] et Madame [JO].

¿ précisé que Madame [JO] lui a rapporté que : ' M. [G] avait beaucoup de gestes déplacés...il avait commis une « intrusion dans sa vie privée ' il était ' tout le temps sur son dos ...elle ne voulait plus travailler avec Monsieur [G].'

¿ indiqué que : ' Mr [G] est très tactile avec tout le monde et parleur'.

8 - les comptes-rendus de la commission d'enquête interne en date des 19 décembre 2019 et 2 janvier 2020 qui ont conclu de manière unanime de la façon suivante : '...Nous pouvons conclure qu'il y a bien des faits de harcèlement sexuel et moral de L'auteur présumé envers la Victime présumée'..

9 - les attestations de Mesdames [T], [X] et de Monsieur [C] : qui reprennent les propos qu'ils ont tenus à la commission, en les complétant de la façon suivante pour Madame [X] : ' j'étais dans l'équipe de Monsieur [G] [KX] avant son licenciement et j'ai pu constater des choses, des gestes très déplacés vis-à-vis des femmes. Comme par exemple : en embrassant les jeunes intérimaires il posait sa main sur le côté de leur poitrine ou sur leurs hanches, sur le tapis au ramassage et triage de bois, il était collé aux femmes. Je n'étais pas à l'aise avec Monsieur [G], je le regardais très peu et quand on était en 2/8 je demandais à mon responsable de prod de ne pas me mettre dans son équipe. J'ai constaté à plusieurs reprises que lui et Madame [R] se moquaient de Madame [JO] quand elle travaillait.' Quand Madame [JO] s'est retrouvée en arrêt de travail, ils étaient contents. J'ai ressenti à ce moment-là qu'ils avaient obtenu ce qu'ils souhaitaient par leurs attitudes.'

10 - l'attestation de Madame [K], responsable des ressources humaines, qui a décrit l'état psychologique de Madame [G] lorsqu'elle a eu connaissance du comportement de son mari,

11 - les arrêts de travail de Madame [JO] en 2019 et 2020

12 - la visite médicale de reprise de Madame [JO] et l'arrêt de travail de prolongation en mi- temps thérapeutique

13 - le courrier de la CPAM notifiant sa décision de prise en charge de la maladie de Madame [JO] en maladie professionnelle des 1er juillet et 15 octobre 2020

14 - le courrier de l'inspectrice du travail en date du 20 mai 2021 qui relate notamment la visite que lui a faite Madame [JO] en octobre 2019 pour l'informer des faits de harcèlement sexuel dont elle aurait été victime de la part de Monsieur [G] et les diligences accomplies par l'employeur,

15 - la feuille hebdomadaire de suivi des présences des intérimaires

16 - l'attestation de Madame [GY] qui indique que Monsieur [C] n'a jamais eu à son égard aucun comportement déplacé de nature de harcèlement sexuel.

Il en résulte donc :

- qu'à la suite des révélations faites par Madame [JO] à son employeur, une enquête interne menée par une commission d'enquête constituée par le CHSCT s'est déroulée dans l'entreprise, qui a notamment permis de mettre en lumière les propos ou comportements à connotation sexuelle réitérés, les gestes déplacés de Monsieur [G] à l'encontre de Madame [JO] et, plus généralement à l'encontre des femmes de l'entreprise, les questions insistantes qu'il leur posait sur leur vie privée et intime, les remarques qu'il faisait sur leur physique ou leur anatomie, les gestes non désirés et l'attitude menaçante qu'il avait à leur égard dans le cas où elles repoussaient ses avances ou s'opposaient à ce comportement,

- que ces éléments sont confirmés par les attestations produites par l'employeur émanant de salariés de l'entreprise, collègues de travail de Monsieur [G] et de Madame [JO] qui ont été témoins des faits,

- que la concomittance temporelle de ces faits avec les arrêts de travail dont Madame [JO] a fait l'objet a conduit la CPAM à reconnaître le lien existant entre les deux et à prendre en charge lesdits arrêts au titre de la législation professionnelle.

2 ) - Sur les moyens de défense de Monsieur [G] :

Afin de s'exonérer de toute faute :

** a - Monsieur [G] soulève la prescription des faits qui lui sont reprochés soutenant que l'employeur en a eu nécessairement connaissance plus de 2 mois avant l'engagement de la procédure.

Il expose en substance :

- que Mme [JO] s'est plainte auprès de l'employeur de son prétendu comportement pour la première fois, lors d'un entretien qui a eu lieu le 6 juin en présence de Madame [CI] [N], élue du personnel et de l'employeur et qu'il avait lui-même initié car il voulait essayer d'apaiser l'ambiance au niveau de l'atelier déroulage et aplanir les problèmes de discipline et de comportement posés par Madame [JO] qui arrivait constamment en retard et refusait d'exécuter ses tâches,

- qu'à l'issue de cet entretien, il n'a fait l'objet d'aucune sanction ni même de rappel à l'ordre écrit, alors même que l'employeur était informé de la nature des accusations que Madame [JO] portait contre lui.

- que par la suite, aucun témoignage ou aucun élément objectif recueilli durant l'enquête interne n'a établi un fait précis ou continu postérieur au 6 juin 2019 qui lui soit imputable.

- que les seuls éléments nouveaux sont en réalité les lettres de Madame [JO] de novembre et décembre 2019 qui établissent qu'il a changé de comportement depuis juin 2019,

- que cependant, ce n'est qu'en décembre 2019, soit bien plus de deux mois après avoir eu connaissance des accusations de Madame [JO] que l'employeur a initié une procédure disciplinaire ou d'enquête,

- que de ce fait, l'ensemble des faits est prescrit.

En réponse, les intimées objectent pour l'essentiel :

- que s'il est exact que l'employeur, ayant eu connaissance par Madame [N] de tensions entre les deux salariés, les a entendus le 6 juin 2019 et qu'au cours de cet entretien, Monsieur [G] s'est plaint du travail de Madame [JO] et cette dernière de propos déplacés, il ne s'agissait pas de dénonciation de faits de harcèlement moral ou sexuel, ni même de faits précis.

- qu'ainsi, c'est uniquement pour pallier les tensions de travail révélées par ce premier signalement et affectant le fonctionnement de l'atelier déroulage que l'employeur a profité d'un surcroit d'activité pour mettre en place des équipes en 2x8 afin de séparer Monsieur [G] et Madame [JO] pendant quelques semaines,

- que c'est de manière particulièrement vaine que Monsieur [G] allègue ne plus avoir eu aucun contact avec Madame [JO] à compter du mois de juin 2019 alors qu'il ressort des pièces versées au débat que les deux salariés ont été amenés à travailler ensemble après le mois de juin 2019, soit lorsque le 2x8 n'a pu être mis en place ou soit à la suite de modifications de planning consécutives à l'absence de salariés.

- qu'en tout état de cause, ce n'est que par courriers des 21 novembre et 5 décembre 2019 que Madame [JO] a informé précisément l'employeur de la nature et de l'ampleur des faits qu'elle reprochait à Monsieur [G].

***

Cela étant, l'article L1332-4 du code du travail prévoit qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au - delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même temps à l'exercice de poursuites pénales.

Le point de départ du délai de deux mois est la date à laquelle l'agissement fautif est clairement identifié, c'est-à-dire au jour où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.

Les fautes antérieures de plus de deux mois à l'engagement des poursuites disciplinaires peuvent être prises en compte si le comportement fautif du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai.

Lorsque la prescription des faits fautifs est opposée par le salarié, c'est à l'employeur de rapporter la preuve de la connaissance des faits dans le délai de deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites disciplinaires.

En l'espèce, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur lui, l'employeur établit qu'il n'a eu connaissance des faits de harcèlements moral et sexuel que Madame [JO] reprochait à Monsieur [G] que par la lecture du courrier que celle-ci lui a adressé le 21 novembre 2019.

En effet :

- même si un entretien a eu lieu le 6 juin 2019 réunissant l'employeur, Madame [JO] assistée d'une représentante de CHSCT et Monsieur [G],

- même si l'employeur et le salarié ne sont pas d'accord sur le contenu de l'entretien, l'employeur soulignant que les faits évoqués par la salariée à ce moment se limitaient à des tensions et le salarié soutenant que Madame [JO] lui reprochait dès ce jour - là des faits de harcèlement,

il n'en demeure pas moins :

- que le texte même de la lettre adressée par la salariée à son employeur le 21 novembre 2019, ainsi rédigée :

' ...Objet : signalement de propos et de comportements constitutifs de harcèlement moral et sexuel à mon égard.

Je soussignée Madame [JO] [V], travaillant au sein de votre entreprise au poste de déroulage, suis au regret de devoir vous reporter par la présente les propos et comportements à connotation sexuelle ainsi que des propos et attitudes de dénigrement à mon égard de la part du dérouleur Monsieur [G] [KX]. En effet je subis depuis plusieurs mois l'attitude dévalorisante et désobligeante ainsi que des attitudes intimidantes et à connotation sexuelle de cette personne qui se permet un comportement inadmissible à mon égard. Voici par exemple les faits que je subis sexuellement' à ce titre je vous demande d'intervenir au plus vite afin de me permettre de poursuivre ma mission au sein de l'entreprise dans des conditions normales, étant très affectée par ces agissements depuis maintenant plusieurs mois. Sans réponse ou action concrète de votre part je m'empresserai de faire valoir mes droits auprès de la juridiction compétente' '

établit implicitement par les mots utilisés que c'est bien la première fois que la salariée dénonçait à son employeur des faits de cette ampleur dans la mesure où elle ne fait aucune référence, ni même une simple allusion à l'entretien du 6 juin 2019 et où elle présente sa démarche comme une première étape avant la saisine d'une juridiction.

- que le texte du courrier qu'elle a, à nouveau, adressé à son employeur le 5 décembre 2019 - en réponse à la lettre que celui-ci lui avait envoyée le 26 novembre 2019 pour lui demander de lui préciser ses déclarations - ne fait pas davantage référence à l'entretien litigieux du 6 juin précédent.

C'est donc vainement que Monsieur [G] - qui ne rapporte aucun élément contraire pertinent pour contredire les affirmations de son employeur - prétend que ce dernier était au courant dès le 6 juin 2019 de l'ampleur des faits qui lui étaient reprochés par Madame [JO].

Il en résulte que la société était dans les deux mois de la prescription :

- lorsqu'elle a lancé le 28 novembre 2019 la convocation du CHSCT pour une réunion le 3 décembre suivant en lui précisant l'ordre du jour,

- lorsqu'elle a placé le salarié en mise à pied conservatoire par courrier recommandé du 20 décembre 2019 et l'a convoqué à un entretien préalable, à la suite de réception des conclusions de l'enquête.

En tout état de cause, c'est vainement que Monsieur [G] soutient qu'à la suite de l'entretien du 6 juin 2019, Madame [JO] et lui n'ont pas été amenés à travailler ensemble après le mois de juin 2019 alors que le linéaire du temps de travail des salariés établit que Madame [JO] et lui ont travaillé ensemble de juin à septembre 2019 assez régulièrement dans des équipes communes de 2/8 et des équipes de jour, à savoir 10 semaines sur 21.

En conséquence, les faits reprochés à Monsieur [G] et ayant donné lieu à son licenciement le 10 janvier 2020 ne sont pas prescrits.

Le jugement attaqué qui a débouté le salarié de l'intégralité de ses prétentions de ce chef doit donc être confirmé.

** b - Monsieur [G] soutient que la procédure d'enquête n'a été ni impartiale, ni loyale, ni bienveillante et n'a pas respecté l'égalité des armes :

Il prétend :

- qu'il lui a été interdit d'être assisté, que la commission lui avait assuré que tout ce qu'il dirait demeurerait confidentiel alors qu'en réalité, ses propos ont été rapportés à l'employeur, que cette même commission lui a fait croire qu'il avait la qualité de témoin alors qu'il était mis en cause et qu'elle ne lui a pas rappelé ses droits tels qu'issus du code du travail et la possibilité de solliciter une médiation,

- que l'enquête n'a pas été menée de manière impartiale dans la mesure où la commission était composée majoritairement de femmes, où cette même commission n'a pas tenu compte de ses dénégations et où la rédaction des questions démontre qu'aucun doute, même de principe, n'existait pour la commission quant aux accusations portées par Madame [JO].

En réponse, les intimées objectent pour l'essentiel que la procédure d'enquête a été mise en place dans le respect de l'ensemble des principes, que les membres de la commission ont appliqué les préceptes établis en la matière, tant par le Ministère du Travail dans son Guide pratique et juridique « Harcèlement sexuel et agissements sexistes au travail : prévenir, agir, sanctionner », que par la documentation juridique pratique en vigueur.

***

Cela étant, la dénonciation d'une situation de harcèlement moral impose à l'employeur, tenu en la matière d'une obligation de sécurité de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements (C. trav., art. L. 1152-4 et C. trav., art. L. 4121-1 et L. 4121-2).

Ainsi, la signalisation de faits susceptibles de caractériser un harcèlement moral doit conduire à l'organisation d'une enquête interne qui a un triple objectif :

' la vérification de la véracité des faits dénoncés ;

' leur qualification (ou pas) de harcèlement ;

' l'assurance que la direction a traité le problème avec sérieux pour préserver la santé de son personnel face au comportement toxique d'un de ses collaborateurs ou d'une organisation délétère.

L'enquête peut être réalisée :

- sans que le salarié en soit informé et même sans qu'il y participe, (Cass. soc., 17 mars 2021, no 18-25.597), sans qu'il ait accès au dossier et aux pièces recueillies ou qu'il soit confronté aux collègues qui le mettent en cause,

- sans que la totalité de ses collègues ou collaborateurs soient entendus (Cass. soc., 8 janv. 2020, no 18-20.151).

Ce non-respect du principe de la contradiction au cours de son déroulé ne la prive de toute portée probatoire dès lors que :

- elle est régulièrement versée aux débats et soumise à la libre discussion des parties.

- elle est corroborée par d'autres éléments.

***

En l'espèce, il n'est pas contesté :

- que la commission d'enquête a été constituée après avis et consultation du CHSCT qui avait été convoqué par l'employeur par courrier du 28 novembre 2019 selon l'ordre du jour suivant :

'° information sur la dénonciation, effectuée par l'un des salariés de l'entreprise, sur d'éventuels faits de harcèlement sexuel et moral ;

° information et consultation sur le projet de composition d'une commission d'enquête mise en place pour déterminer l'existence ou non d'une situation de harcèlement ;

° information et consultation sur le projet 10 de procédure d'enquête ainsi mis en place'.

- que sa composition était paritaire, composée d'hommes et de femmes, de deux représentants de l'encadrement, d'un représentant du personnel et d'un membre du personnel, à savoir : Monsieur [E], représentant des élus du personnel, remplacé en raison de son arrêt de travail par un autre élu représentant du personnel Madame [U] ; Madame [SL], membre du personnel ; Madame [K], responsable des ressources humaines et Monsieur [H], directeur de production.

- que le CHSCT a convoqué les salariés que la commission voulait entendre en précisant en quelle qualité ils étaient convoqués : soit en qualité de simples témoins, soit de victime présumée, soit d'auteur présumé des faits reprochés et a précisé dans l'ensemble des courriers la nature confidentielle des informations communiquées dans le cadre de cette procédure et l'obligation de discrétion qui incombait à chacun d'entre eux.

Aussi, contrairement à ce que soutient Monsieur [G], l'enquête a été conduite sérieusement et régulièrement dans la mesure où :

- dans la forme, sa convocation mentionnait qu'il était mis en cause dans la commission de faits susceptibles d'être qualifiés de harcèlement sexuel et moral, portés à la connaissance de l'employeur et qu'il n'avait pas besoin d'être accompagné ou assisté puisqu'il ne s'agissait pas d'un entretien préalable,

- au fond, les questions qui lui ont été posées lors de son audition correspondent aux indications données par le Guide du Ministère du Travail et par la documentation juridique pratique en vigueur,

- où il a répondu comme il l'entendait aux questions qui lui étaient posées, gardant même le silence sur certaines,

- où les témoins dont il souhaitait l'audition ont été entendus, à l'exception de deux intérimaires qui pour l'une était en arrêt de travail durant l'enquête et pour l'autre avait quitté l'entreprise sans laisser d'adresse utile.

En conséquence, au vu des principes sus-rappelés, Monsieur [G] doit être débouté de toutes ses prétentions formées du chef de l'irrégularité de l'enquête interne.

Le jugement attaqué doit donc être confirmé.

** c - Monsieur [G] soutient qu'il n'existe pas de preuves relatives à un harcèlement sexuel/agissement sexiste

Il explique en reprenant les dispositions légales en vigueur au moment des faits qui lui sont reprochés :

- qu'aucune déclaration ou attestation, ou élément de preuve versé par l'employeur ne démontre la réalité des pressions graves qu'il aurait exercées dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle.

- que rien ne démontre la réalité des propos ou comportements à connotation sexuelle répétées qui lui sont reprochées, autrement que des déclarations relatant des faits non datées et non circonstanciés.

- que même à supposer que ces déclarations soient exactes, il n'est pas possible de considérer que les faits relatés portent atteinte à la dignité des salariées concernées 'en raison de leur caractère dégradant ou humiliant' ou ' créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante',

- que les attestations qu'il verse établissent au contraire le caractère difficile et pénible de Madame [JO] qui n'hésitait pas à chercher des histoires à ses collègues, qui avait tendance à adopter un comportement agressif envers les hommes et les femmes, qui était jalouse et à ce point toxique dans ses relations avec ses collègues que bon nombre de salariés de l'entreprise ne voulaient plus travailler avec elle.

Afin d'étayer ses allégations, il verse diverses attestations à son dossier.

Cependant, contrairement à ce qu'il prétend, ces témoignages sont inopérants :

- dès lors que Messieurs [Y], ancien salarié, [J], intérimaire, Mesdames [OV], intérimaire et [OW], ancienne salariée ont quitté la société avant que Madame [JO] soit embauchée et n'ont donc ni rencontré ni travaillé avec cette dernière,

- dès lors que Madame [MF], ouvrière de fabrication et Monsieur [AM], intérimaire pendant 5 jours du 17 au 21 juin 2019 ont quitté l'entreprise et n'ont pas travaillé en même temps que Madame [JO] et Monsieur [G].

- dès lors que Madame [A], ouvrière polyvalente, a déclaré : « je ne travaillais pas dans le même atelier que Mr [G] ».

- dès lors que Monsieur [ME], ancien responsable caisse parti à la retraite le 20 décembre 2019, supérieur hiérarchique de Madame [JO] lorsqu'elle était intérimaire en 2017 n'a pas travaillé avec Madame [JO] et Monsieur [G] lorsqu'ils travaillaient à l'atelier déroulage.

Par ailleurs, les autres attestations produites - émanant de Madame [G], de certains amis et collègues de travail - sont aussi inopérantes pour décrire la réalité des relations existant entre Madame [JO] et Monsieur [G] dès lors qu'elles sont générales et émanent de personnes soit qui n'ont pas travaillé avec ces derniers soit qui sont trop proches de Monsieur [G] et qui de ce fait ne disposent pas du recul et de l'objectivité nécessaires pour témoigner en toute sérénité.

En tout état de cause, le fait que Monsieur [G] ait un comportement correct vis à vis d'autres personnes et notamment d'autres femmes n'enlève rien à la réalité et à la gravité des faits qu'il a commis à l'encontre de Madame [JO] et de certaines autres salariées et intérimaires de l'entreprise.

Enfin, contrairement à ce que soutient Monsieur [G] :

- le contenu du témoignage et de l'attestation de Monsieur [C] qui a confirmé à deux reprises le comportement déplacé de l'appelant à l'égard des femmes en général et de Madame [JO] en particulier ne peut pas être remis en cause du simple fait qu'il aurait été soit - disant l'auteur d'agissements de cette nature à l'égard de Madame [GY] qui a, d'ailleurs, elle-même, indiqué dans une attestation que Monsieur [C] n'avait jamais commis d'acte de harcèlement sexuel à son égard,

- le seul fait que Madame [JO] soit considéré par certains de ses collègues comme ' pénible' et ' difficile' ne justifie pas les agissements commis ou n'établit pas le caractère infondé desdits agissements.

En conséquence, aucun des témoignages produits par l'appelant et aucune de ses explications ne remettent en cause les conclusions de l'enquête et les attestations versées par l'employeur qui confirment par des déclarations circonstanciées les faits de harcèlement moral et sexuel commis par Monsieur [G] sur Madame [JO] et le climat pesant qui en résultait dans l'atelier.

** d - En subsidiaire, Monsieur [G] soutient que l'employeur a participé à la réalisation de la faute en étant parfaitement défaillant quant à son obligation de formation, d'information et de prévention contre les harcèlements, en ayant toléré son comportement et en n'ayant pris aucune mesure préventive et curative spécifique.

***

Cela étant, l'employeur doit non seulement veiller à adopter un management exempt de tout harcèlement, mais il doit également prévenir les agissements de harcèlement au sein de l'entreprise et, le cas échéant, les sanctionner.

Il lui appartient de ce fait de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements constitutifs de harcèlement moral (C. trav., art. L. 1152-4) ou de harcèlement sexuel (C. trav., art. L. 1153-5).

La prévention du harcèlement moral ou sexuel s'inscrit dans le cadre de l'obligation générale de prévention de la santé et de la sécurité au travail pesant sur l'employeur qui doit « planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel » (C. trav., art. L. 4121-2).

Il est acquis que le fait pour un salarié de tenir à l'encontre d'une collègue de travail des propos dégradants à caractère sexuel et sexiste caractérise une faute grave sans que l'ancienneté de l'auteur de tels propos, l'absence d'antécédent disciplinaire (Cass. soc., 27 mai 2020, no 18-21.877) et l'éventuelle tolérance de l'employeur, face à de tels agissements (Cass. soc., 18 févr. 2014, no 12-17.557) puissent jouer.

Il s'agit là d'une exception au principe selon lequel la tolérance de l'employeur face à des actes fautifs l'empêche d'invoquer la faute grave lorsqu'il décide de les sanctionner par un licenciement et l'employeur ne saurait maintenir dans l'entreprise un salarié dont il est avéré qu'il s'est rendu coupable de harcèlement sexuel.

De ce fait, dès lors que les faits de harcèlement sexuel sont établis, l'employeur n'a aucun pouvoir d'appréciation quant au motif de licenciement.

Il en résulte donc qu'en l'espèce, comme les faits de harcèlement sexuel sont caractérisés à l'encontre de Monsieur [G], son licenciement pour faute grave s'imposaient à l'employeur.

Il est donc vain pour le salarié d'invoquer :

- ses vingt-cinq ans d'ancienneté dans la société,

- son passé professionnel sans tache et sans antécédent,

- le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention des faits de harcèlement sexuel par le biais de formation d'une formation.

A titre surabondant, il doit être relevé que l'employeur :

- avait affiché les textes de loi relatifs au harcèlement moral et sexuel visées par ces textes dans ses locaux,

- avait rappelé ces dispositions dans son règlement intérieur,

- avait également rappelé dans une note de service du 14 juin 2018, que les comportements inadaptés et notamment les remarques de nature sexiste ou déplacées, punies par la loi, étaient sanctionnables et ne pourraient être tolérés de la part de ses salariés,

- avait fait nommer un référent harcèlement, à savoir Madame [U].

En conséquence, Monsieur [G] doit être débouté de toutes ses prétentions formées de ce chef.

***

3 - En conclusion, au vu des principes sus-rappelés et compte-tenu de la nature des faits reprochés au salarié, de leur réalité et de leur gravité, le licenciement de Monsieur [G] pour faute grave avec mise à pied conservatoire était justifié.

Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes tendant à :

- voir requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- obtenir les indemnités subséquentes (indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement conventionnelle et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse...).

C - Sur les dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire :

Les dommages intérêts pour rupture brutale et vexatoire - fondés sur l'article 1147 du code civil ancien devenu l'article 1231-1 - ont pour objet d'indemniser, non pas la rupture elle-même, mais les conditions de cette rupture lorsque celles-ci se sont avérées fautives et préjudiciables.

Ainsi, le licenciement, même fondé sur une cause réelle et sérieuse ou une faute grave, peut ouvrir droit à l'octroi de dommages intérêts au salarié dès lors qu'il établit :

* d'une part, le comportement fautif de son employeur, caractérisé par les circonstances particulières ' brusques, humiliantes ou vexatoires ' dans lesquelles s'est déroulé son licenciement ;

* d'autre part, l'existence du préjudice distinct de celui occasionné par la perte de son emploi qui en est découlé pour lui.

En l'espèce, Monsieur [G] explique :

- qu'il n'a pas reçu la lettre le mettant à pied à titre conservatoire datée du 20 décembre et le convoquant à un entretien préalable.

- qu'au matin du 23 décembre 2019, il a été interpellé par le Directeur, Monsieur [CZ] [O] qui l'a tiré fermement et brutalement dans le hall des bureaux de l'entreprise et lui a demandé pourquoi il était présent, pensant qu'il avait eu connaissance de la lettre de mise à pied datée du 20 décembre 2019.

- que devant son incompréhension, le directeur a fini par comprendre qu'il n'avait pas eu connaissance de sa mise à pied,

- que Monsieur [O] lui a par conséquent remis en main propre la copie de la lettre datée du 20 décembre (qu'il ne recevra par la poste que le 24 décembre 2019) et lui a demandé de rentrer à son domicile,

- qu'à aucun moment, il n'a bénéficié d'une écoute bienveillante.

- que l'enquête a été manifestement menée à charge, sans qu'il puisse réellement faire valoir ses droits.

- qu'il a été placé en mise à pied conservatoire, le lendemain de son audition par la commission d'enquête, preuve que sa parole n'avait, pour l'employeur aucune valeur,

- que l'employeur doit être condamné à lui verser l'équivalent de 4 mois de salaire en réparation de son préjudice subi.

En réponse, les intimées concluent pour l'essentiel au débouté du salarié.

***

Cela étant, d'une part, Monsieur [G] ne rapporte pas la preuve de ses allégations sur le déroulé de sa matinée du 23 décembre 2019 et des circonstances brutales et vexatoires entourant la procédure de licenciement.

D'autre part, il vient d'être jugé ci-dessus :

- qu'il n'était pas obligé de se faire assister lors de son audition par la commission d'enquête.

- que l'enquête n'a pas été conduite à charge dans la mesure où il a pu faire valoir ses explications et où la commission a procédé à l'audition des témoins qu'il souhaitait voir entendus,

- qu'en présence d'un harcèlement sexuel établi, l'employeur ne pouvait que le licencier pour faute grave.

En conséquence, il convient de le débouter de toutes ses prétentions formées de ce chef.

Le jugement attaqué doit donc être confirmé.

III - SUR LES DÉPENS ET LES FRAIS DU PROCÈS

Les dépens de première instance et d'appel doivent être supportés par Monsieur [G].

***

Il n'est pas inéquitable de débouter les parties de leurs demandes respectives présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'intervention volontaire de la SARL [FP], prise en la personne de Maître [FP], en qualité de mandataire judiciaire de la société Etablissements Martin et la SARL AJ UP prise en la personne de Maître [L] [EH] et de Maître [Z] [D] en qualité d' administrateurs judiciaires de la société Etablissements Martin,

Confirme le jugement prononcé le 4 mai 2022 par le conseil de prud'hommes de Niort sauf :

* en ce qu'il a débouté Monsieur [G] de ses demandes :

- de rappels de salaire au titre du non-respect des temps de pause,

- de reclassification,

* en ce qu'il a condamné Monsieur [G] à payer aux Etablissements Martin la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Infirme de ces derniers chefs,

Statuant à nouveau,

Reclassifie Monsieur [G] au niveau III, coefficient 115 de l'annexe I intitulé 'classification du personnel ouvrier de la convention collective nationale du travail mécanique du bois, des scieries, du négoce et de l'importation des bois' du 28 novembre 1955 dans sa version applicable à l'espèce,

Fixe les créances de Monsieur [G] à la procédure collective des Etablissements Martin ainsi que suit :

- 339,25 € bruts à titre de rappel de salaire sur le temps de pause,

- 33,93 € à titre de congés payés afférents,

Ordonne à la SELARL [FP], prise en la personne de Maître [FP], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Etablissements Martin de rectifier les bulletins de salaire de Monsieur [G] et l'attestation France emploi, conformément à l'arrêt à intervenir,

Dit que ces sommes seront inscrites au passif de la procédure collective de la société Etablissements Martin par le mandataire judiciaire,

Rappelle qu'en application de l'article L. 622-28 et L641-3 du code de commerce le jugement d'ouverture d'une procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels,

Déboute Monsieur [G] de sa demande d'intérêts au taux légal et de capitalisation desdits intérêts sur la créance indemnitaire,

Dit que la présente décision est opposable au CGEA AGS de [Localité 4] dans les conditions et limites légales,

Condamne la SELARL [FP], prise en la personne de Maître [FP], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Etablissements Martin à remettre à Monsieur [G] dans un délai de 30 jours à compter de la signification de la présente décision un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation destinée à France Emploi conformes à la présente décision,

Rappelle :

- que le CGEA ne pourra consentir d'avances au représentant des créanciers que si la demande entre dans le cadre des dispositions des articles L3253-6 et suivant du code du travail,

- que l'AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants et D.3253-5 du code du travail,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [G] aux dépens de l'instance d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01427
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-18;22.01427 ?
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