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11/07/2024 | FRANCE | N°24/00038

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Référés premier président, 11 juillet 2024, 24/00038


Ordonnance n 41

















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11 Juillet 2024

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N° RG 24/00038

N° Portalis DBV5-V-B7I-HB5H

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S.A.S. POITOU- ADHESIFS C/

[O] [L]

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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE POITIERS



ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE

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RÉFÉRÉ









Rendue publiquement le onze juillet deux mille vingt quatre par Monsieur Claude PASCOT, président de chambre délégué par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assisté de Madame Inès BELLIN, greffière,



Dans l'...

Ordonnance n 41

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11 Juillet 2024

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N° RG 24/00038

N° Portalis DBV5-V-B7I-HB5H

---------------------------

S.A.S. POITOU- ADHESIFS C/

[O] [L]

---------------------------

R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE

RÉFÉRÉ

Rendue publiquement le onze juillet deux mille vingt quatre par Monsieur Claude PASCOT, président de chambre délégué par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assisté de Madame Inès BELLIN, greffière,

Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le vingt sept juin deux mille vingt quatre, mise en délibéré au onze juillet deux mille vingt quatre.

ENTRE :

S.A.S. POITOU-ADHESIFS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me François-xavier CHEDANEAU de la SELARL TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS

DEMANDEUR en référé ,

D'UNE PART,

ET :

Monsieur [O] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparant, assisté de Me Géraldine BISSON, avocat au barreau de PARIS

DEFENDEUR en référé ,

D'AUTRE PART,

Faits et procédure :

Monsieur [O] [L] a été engagé par la société SAS POITOU-ADHESIFS à compter du 17 février 2003, en qualité d'agent technicocommercial.

Arguant d'une faute commise par l'employeur dans l'exécution du contrat, Monsieur [O] [L] a, par requête en date du 14 octobre 2022, saisi le conseil de prud'hommes de Poitiers d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

De manière concomitante, à la suite du refus opposé par Monsieur [O] [L] à la proposition de modification de son contrat de travail, la société SAS POITOU-ADHESIFS a convoqué Monsieur [O] [L] à un entretien préalable et lui a notifié les motifs conduisant à la rupture de son contrat de travail.

Monsieur [O] [L] a de nouveau saisi le conseil de prud'hommes de Poitiers d'une contestation de son licenciement pour motif économique notifié le 23 novembre 2022.

Selon jugement en date du 28 mai 2024, le conseil de prud'hommes de Poitiers a :

débouté Monsieur [O] [L] de sa demande de résiliation judiciaire au titre des manquements graves dans le cadre de l'exécution du contrat de travail,

dit et jugé que le licenciement pour motif économique devait produire les effets d'une rupture sans cause réelle et sérieuse ;

condamné la SAS POITOU-ADHESIFS à verser à monsieur [L] les sommes suivantes :

18 664,84 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées en 2019, outre les congés payés afférents,

64 336,18 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées en 2020, outre les congés payés afférents ;

78 331,76 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées en 2021, outre les congés payés afférents ;

13769,20 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées en 2022, outre les congés payés afférents ;

15 442,68 euros au titre des repos compensateurs non pris en 2021, outre les congés payés afférents ;

20 243,52 euros au titre des repos compensateurs non pris en 2020, outre les congés payés afférents ;

107 586 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

ordonné l'exécution provisoire de la présente décision

débouté Monsieur [O] [L] de ses autres demandes ;

condamné la SAS POITOU-ADHESIFS aux entiers dépens de l'instance et à verser à Monsieur [O] [L] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS POITOU-ADHESIFS a interjeté appel dudit jugement selon déclaration en date du 4 juin 2024.

Par exploit en date du 11 juin 2024, la SAS POITOU-ADHESIFS a fait assigner Monsieur [O] [L] devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant en référé, aux fins d'obtenir, par application des dispositions des articles 514-3 et 517-1 du code de procédure civile, l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel.

La SAS POITOU-ADHESIFS fait valoir :

-que l'article 514-3 du code de procédure civile aurait vocation à s'appliquer aux créances salariales visées à l'article R.1454-28 du code du travail, c'est-à-dire dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,

-que l'article 517-1 du code de procédure civile aurait vocation à s'appliquer aux sommes allouées par le conseil de prud'hommes qui dépassent la limite fixée par l'article R.1454-28 du code du travail ou qui n'y sont pas expressément visées.

S'agissant de la rupture du contrat de travail, elle soutient que le jugement du conseil de prud'hommes ne répondrait pas à l'exigence de motivation quant à la nécessité et la compatibilité de l'exécution provisoire totale avec la nature de l'affaire telle qu'imposée par les articles 455 et 515 du code de procédure civile.

Elle prétend que le conseil de prud'hommes aurait commis une erreur de droit en lui reprochant de ne pas apporter les preuves d'un quelconque problème économique de l'entreprise alors que l'article L.1233-3 du code du travail prévoit que « constitue un licenciement pour motif économique effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment' »

Elle fait ainsi valoir que la rupture du contrat de travail serait intervenue à la suite du refus, par Monsieur [O] [L], d'une modification de son contrat de travail pour motif économique.

Elle ajoute que contrairement à ce qui est retenu par le conseil de prud'hommes, le fait d'avoir mentionné dans la lettre actant la rupture que Monsieur [O] [L] avait refusé une modification de son contrat de travail ne constituerait pas un motif personnel, mais ne serait que l'application des dispositions de l'article L.1233-3 du code du travail.

Elle indique que le conseil de prud'hommes aurait commis une nouvelle erreur de droit en retenant que « les difficultés économiques doivent être appréciées à la date de la rupture du contrat de travail, à savoir sa notification, et non à la lumière de circonstances postérieures au licenciement » ou encore qu'il faudrait se limiter aux « changements intervenus dans la situation de l'entreprise entre le moment où l'employeur a engagé la procédure et le moment où il notifie son licenciement ». Elle fait ainsi valoir qu'il résulterait de la jurisprudence de la cour de cassation que l'employeur pourrait licencier pour motif économique indépendamment d'une situation économique strictement concomitante à l'engagement de la procédure.

Elle conteste enfin l'affirmation selon laquelle elle aurait été fautive quant aux informations données au salarié, notamment sur la différence de rémunération ou la composition des nouveaux secteurs.

S'agissant des heures supplémentaires, elle expose que le conseil de prud'hommes aurait retenu, pour faire droit aux demandes de Monsieur [O] [L], qu' « il n'était pas nécessaire que le salarié établisse un décompte précis pour que sa demande soit jugée étayée », ce qui reviendrait à admettre une condamnation sur la base d'éléments que le juge considère lui-même imprécis et qu'il aurait procédé à un renversement de la charge de la preuve en retenant que « l'employeur ne démontre pas que Monsieur [L] n'a pas effectué ces heures supplémentaires ».

Elle soutient, par ailleurs, que l'exécution provisoire de la décision litigieuse aurait pour elle des conséquences manifestement excessives au motif :

-que la somme totale mise à la charge de la SAS POITOU-ADHESIFS excède en définitive la somme de 450 000 euros et qu'elle est, au regard de son importance, de nature à obérer la poursuite même de l'activité de l'entreprise eu égard notamment à la détérioration significative du résultat d'exploitation,

-qu'il existe un risque d'irrécouvrabilité à l'égard de Monsieur [O] [L] car ce dernier devrait percevoir un montant net compris entre 250 000 et 300 000 euros et pourrait les utiliser pour financer la société nouvellement créée de Monsieur [O] [L].

Elle sollicite la condamnation de Monsieur [O] [L] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [O] [L] s'oppose à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

Il fait valoir que la SAS POITOU-ADHESIFS n'a pas présenté d'observations sur l'exécution provisoire en première instance et serait irrecevable en sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire à défaut de justifier, outre l'existence d'un moyen sérieux de réformation, de conséquences manifestement excessives qu'aurait pour elle l'exécution provisoire de la décision litigieuse, révélées postérieurement à la décision de première instance.

A titre subsidiaire, Monsieur [O] [L] conclut au rejet de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

Il soutient que la SAS POITOU-ADHESIFS ne justifierait d'aucun moyen sérieux de réformation.

Il fait ainsi valoir, s'agissant du défaut de motivation sur la nécessité et la compatibilité de l'exécution provisoire totale avec la nature de l'affaire, qu'aucune exigence de motivation ne serait exigée par les textes dans la mesure où il ne s'agit que d'une simple faculté.

Il soutient, par ailleurs, que les éléments évoqués par la SAS POITOU-ADHESIFS concernant la rupture du contrat de travail et le calcul des heures supplémentaires relèveraient de considérations de fond, impliquant une étude intégrale du dossier au fond, incompatible avec la nature de la présente procédure. Il précise néanmoins, que le code du travail prévoit un partage de la preuve entre l'employeur et le salarié en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures supplémentaires et que le conseil de prud'hommes aurait retenu, après analyse des pièces produites par les deux parties que la SAS POITOU-ADHESIFS reconnaissait que des heures supplémentaires avaient été réalisées et qu'elle n'apportait aux débats aucun élément de nature à démontrer le contraire, de sorte que les premiers juges n'auraient commis aucune erreur de droit.

Il ajoute, s'agissant de l'appréciation du motif économique, que les juges auraient à juste titre rappelé qu'aucun élément n'était versé aux débats par la SAS POITOU-ADHESIFS pour contrôler la cause économique.

Il fait valoir, en outre, que la SAS POITOU-ADHESIFS ne justifierait d'aucune conséquence manifestement excessive liée à l'exécution provisoire de la décision litigieuse. Il indique que les pièces versées aux débats par la SAS POITOU-ADHESIFS seraient insuffisantes pour justifier des difficultés économiques qu'elle invoque et, s'agissant du risque d'irrécouvrabilité, qu'il justifie de sa solvabilité.

A titre infiniment subsidiaire, Monsieur [O] [L] sollicite, s'il devait être considéré que les conditions cumulatives exigées par l'article 517-1-2° du code de procédure civile étaient réunies, qu'il ne soit fait droit à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire que dans la limite des condamnations assorties de l'exécution provisoire facultative, correspondant à 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois, sur la base de 17 931,18 euros bruts, soit la somme totale de 161 380,62 euros nets.

Il précise, à toutes fins utiles, qu'au regard des termes de l'article 521-1 du code de procédure civile, la présente juridiction pourra, si elle l'estime nécessaire, ordonner la consignation des sommes versées.

Il sollicite la condamnation de la SAS POITOU-ADHESIFS à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS POITOU-ADHESIFS, en réponse aux conclusions adverses, soutient que sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire serait recevable au motif qu'en sollicitant le débouté de l'ensemble des demandes présentées par Monsieur [O] [L] elle aurait nécessairement discuté de l'exécution provisoire.

Elle ajoute que les conséquences manifestement excessives dont elle fait état seraient postérieures à la décision de première instance, en ce qu'elles seraient nées d'une évolution défavorable de sa situation financière depuis le jugement rendu par le conseil de prud'hommes.

Motifs :

Dans sa décision dont appel, le conseil des prud'hommes a :

-d'une part, appliqué l'exécution provisoire de plein droit attachée à une partie des condamnations prononcées, au visa de l'article R.1457-28 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,

-d'autre part, étendu le bénéfice de l'exécution provisoire au montant des condamnations non visées à l'article R.1424-28 du code du travail en ordonnant l'exécution provisoire de sa décision.

En conséquence, le jugement relève pour partie des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile et pour partie des dispositions de l'article 517-1 du code de procédure civile.

1) Sur les condamnations assorties de l'exécution provisoire de droit :

En droit, l'article 514-3 al 2 du code de procédure civile dispose : 'La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.'

En l'espèce, au regard des éléments versés aux débats, il apparaît qu' en première instance, la SAS POITOU-ADHESIFS n'a formulé aucune 'observation sur l'exécution provisoire' au sens de la loi. La simple demande tendant au débouter de l'ensemble des demandes présentées par Monsieur [O] [L] ne saurait être assimilée à l'exigence légale susvisée.

La SAS POITOU-ADHESIFS doit dès lors démontrer, pour être recevable en sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire de droit, que les circonstances manifestement excessives dont elle se prévaut sont apparues postérieurement au jugement de première instance.

La société appelante fait valoir que c'est la décision dont appel, exécutoire immédiatement qui a modifié sa situation, et a entraîné les conséquences manifestement excessives dont elle se prévaut. Pour autant, elle connaissait dès l'assignation, le montant des sommes à elle réclamées par le salarié - au demeurant largement supérieures à celles qui lui ont été allouées par le conseil de prud'hommes. La société avait dès lors la possibilité de se prévaloir devant les premiers juges, des risques encourus en termes de trésorerie, si l'exécution provisoire était ordonnée.

Ainsi, la SAS POITOU-ADHESIFS ne démontre pas la révélation de conséquences manifestement excessives postérieurement à la première instance.

La demande de la SAS POITOU-ADHESIFS tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire de droit sera dès lors déclarée irrecevable.

2) Sur les condamnations assorties de l'exécution provisoire facultative :

En droit, l'article 517-1 du code de procédure civile dispose : 'Lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants :
1° Si elle est interdite par la loi ; 2° Lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 et 518 à 522 (...)'

Contrairement aux dispositions applicables en matière d'exécution provisoire de droit, l'article 517-1 du code de procédure civile ne subordonne pas la recevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire à la démonstration - en l'absence d'observation devant le premier juge sur l'exécution provisoire - au fait que les conséquences manifestement excessives alléguées soient survenues après le prononcé de la décision attaquée.

Il en résulte que la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de la SAS POITOU-ADHESIFS, portant sur les condamnations faisant l'objet d'une exécution provisoire facultative, ordonnée par le conseil de prud'hommes, est recevable.

L'arrêt de l'exécution provisoire est subordonné à la réalisation des deux conditions cumulatives suivantes :

-la démonstration de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision qui en est assortie,

-la justification de ce que l'exécution de cette décision risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

a) Sur les moyens sérieux de réformation :

S'agissant du premier moyen tenant à l'exigence de motivation quant à la nécessité et la compatibilité de l'exécution provisoire totale avec la nature de l'affaire, il convient de constater que les premiers juges retiennent que « les circonstances particulières » de l'affaire « justifient d'étendre le bénéfice de l'exécution provisoire au montant des condamnations non visées à l'article R.1424-28 du code du travail », ce qui est suffisant pour répondre aux exigences de l'article 515 du code de procédure civile.

S'agissant des autres moyens invoqués par la SAS POITOU-ADHESIFS, il doit être rappelé que l'appréciation de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation par la juridiction du premier président ne consiste pas en un examen au fond de l'affaire qui appartient à la cour. Il n'appartient donc pas à la première présidence statuant sur arrêt d'exécution provisoire, de statuer au fond :

-sur l'existence ou non d'un motif économique au licenciement litigieux,

-sur le volume des heures supplémentaires auxquelles peut prétendre Monsieur [O] [L].

A l'aune du critère des « moyens sérieux de d'annulation ou réformation », ces deux points appellent cependant, les observations suivantes.

En ce qui concerne la nature du licenciement, les premiers juges ont pu affirmer : « La SAS POITOU ADHESIFS se contente d'évoquer le renforcement de la concurrence et de la taille du secteur du salarié qui ne serait plus compatible avec une prospection et des visites commerciales, mélangeant ainsi motif économique et motif personnel ». Ce faisant, il est admis qu'un motif économique est dans la cause, même s'il n'est pas le seul. Il pourra dès lors être débattu devant la cour, et constitue en ce sens un moyen sérieux.

En ce qui concerne la preuve du nombre d'heures supplémentaires, les premiers juges ont pu affirmer notamment : « Même s'il appartient à Monsieur [L] qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, il ne lui appartient pas pour autant de prouver le bien fondé de sa demande (...) En l'absence de contrôle informatique des horaires du salarié, la jurisprudence se montre particulièrement souple (...) On rappellera en outre qu'il n'est pas nécessaire que le salarié établisse un décompte 'précis' pour que sa demande soit jugée 'étayée' ». Ce faisant, il est reconnu l'existence une certaine marge d'appréciation en terme de volume d'heures supplémentaires ;

dès lors, l'arbitrage opéré en première instance est susceptible de ne pas être repris par la cour en appel au fond. Là encore, un moyen sérieux existe.

b) Sur les conséquences manifestement excessives :

Il résulte des éléments comptables versés aux débats que le paiement des sommes résultant du jugement litigieux, assorties de l'exécution provisoire facultative, aurait pour effet d'obérer la situation financière de la SAS POITOU-ADHESIFS dans des proportions qui seraient de nature à « compromettre la continuité d'exploitation de la société ». Ce constat résulte des courriers du commissaire aux comptes (2 avril et 3 juin 2024) par lesquels il informe la SAS POITOU-ADHESIFS de la poursuite d'une procédure d'alerte à son encontre.

La SAS POITOU-ADHESIFS justifie donc de conséquences manifestement excessives qu'aurait pour elle l'exécution provisoire de la décision litigieuse.

Les conditions cumulatives de l'article 517-1-2e du code de procédure civile étant réunies, il convient de faire droit à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, dans la limite des condamnations assorties de l'exécution provisoire facultative.

3) Sur la demande de consignation :

Monsieur [O] [L] rappelle la possibilité d'ordonner la consignation des sommes versées par la SAS POITOU-ADHESIFS.

En droit, l'article 521 du code de procédure civile dispose : 'La partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.
En cas de condamnation au versement d'un capital en réparation d'un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d'en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine.'

En l'espèce, compte-tenu de ce que l'arrêt de l'exécution provisoire a été accordé dans la limite des condamnations assorties de l'exécution provisoire facultative, et de la situation financière de Monsieur [O] [L], il n'y a pas lieu d'ordonner la consignation des sommes versées par la SAS POITOU-ADHESIFS au titre des condamnations assorties de l'exécution provisoire de droit.

La SAS POITOU-ADHESIFS qui succombe pour partie sera condamnée aux dépens de l'instance.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Nous, Claude Pascot, président de chambre, délégué par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire :

Déclarons irrecevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de droit attachée au jugement du conseil de prud'hommes de Poitiers du 28 mai 2024 ;

Déclarons recevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire facultative attachée au jugement du conseil de prud'hommes de Poitiers du 28 mai 2024 ;

Ordonnons l'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement du conseil de prud'hommes de Poitiers du 28 mai 2024, dans la limite des condamnations assorties de l'exécution provisoire facultative ;

Disons n'y avoir lieu à ordonner la consignation des sommes versées par la SAS POITOU-ADHESIFS au titre des condamnations assorties de l'exécution provisoire de droit ;

Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la SAS POITOU-ADHESIFS aux dépens.

Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.

La greffière, Le président,

Inès BELLIN Claude PASCOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Référés premier président
Numéro d'arrêt : 24/00038
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;24.00038 ?
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