La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2024 | FRANCE | N°24/00035

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Référés premier président, 11 juillet 2024, 24/00035


Ordonnance n 42



























-------------------------

11 Juillet 2024

-------------------------

N° RG 24/00035 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HBVK

-----------------------

[W] [A], [T] [A], [O] [A], [Y] [E] épouse [A]

C/

[B] [K] NÉE [E] épouse [K], [Z] [K], [F] [K], [P] [K], [G] [K] ÉPOUSE [X] épouse [X], [I] [E] veuve [E], Communauté SUCCESSION [M] [E] représentée par Madame [I] [E], S.C. SOCIÉTÉ CIVILE DE CHAMBON

---------------------

--



R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE POITIERS



ORDONNANCE DU PREMIER PRESIDENT

Référé









Rendue publiquement le onze Ju...

Ordonnance n 42

-------------------------

11 Juillet 2024

-------------------------

N° RG 24/00035 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HBVK

-----------------------

[W] [A], [T] [A], [O] [A], [Y] [E] épouse [A]

C/

[B] [K] NÉE [E] épouse [K], [Z] [K], [F] [K], [P] [K], [G] [K] ÉPOUSE [X] épouse [X], [I] [E] veuve [E], Communauté SUCCESSION [M] [E] représentée par Madame [I] [E], S.C. SOCIÉTÉ CIVILE DE CHAMBON

-----------------------

R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DU PREMIER PRESIDENT

Référé

Rendue publiquement le onze Juillet deux mille vingt quatre, par Madame LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assisteé de Inès BELLIN, greffière lors des débats et de Elodie TISSERAUD, greffière lors du délibéré

Dans l'affaire qui a été examinée an audience publique le 04 Juillet 2024, mise en délibéré au 11 juillet 2024.

ENTRE :

Madame [W] [A]

[Adresse 14]

[Localité 4]

Monsieur [T] [A]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Monsieur [O] [A]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Madame [Y] [E] épouse [A]

[Adresse 17]

[Localité 13]

ayant tous pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Julien ANDREZ, avocat au barreau de PARIS

DEMANDEURS en référé

D'UNE PART,

ET :

Madame [B] [K] Née [E]

[Adresse 1]

[Localité 8]

Monsieur [Z] [K]

[Adresse 18]

[Localité 9]

Madame [F] [K]

[Adresse 5]

[Localité 11]

Madame [P] [K]

[Adresse 3]

[Localité 15] DE LA REUNION

Madame [G] [K] épouse [X]

[Adresse 19]

[Localité 10]

ayant tous les cinq pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me François de BERARD, avocat au barreau de PARIS

Madame [I] [E]

[Adresse 16]

[Localité 12]

la succession de M. [M] [E] représentée par Madame [I] [E]

[Adresse 16]

[Localité 12]

SOCIÉTÉ CIVILE DE [Adresse 16]

[Adresse 16]

[Localité 12]

ayant toutes les trois pour avocat Me Sébastien REY de la SAS AVODES, avocat au barreau de DEUX-SEVRES

DEFENDEURS en référé

D'AUTRE PART,

Faits et procédure :

Les branches [A] et [K] sont deux branches familiales, associées par héritage, en nue-propriété et de manière égalitaire dans la holding d'un groupe de sociétés créée par leurs aïeux en 1929, la société civile de [Adresse 16].

La société civile est co-gérée par les deux filles des fondateurs, Madame [Y] [A] et Madame [B] [K]. Madame [I] [D] veuve [E], leur mère, a quant à elle conservé l'usufruit de la totalité des parts sociales de la société civile et exerce en cette qualité 99,47% des droits de vote dans les assemblées générales d'actionnaires.

L'unique actif de la société civile consiste en une participation de 70% du capital de la SA CARRIERES [E], laquelle détient toutes les sociétés du groupe.

Les statuts organisent la répartition des pouvoirs des co-gérantes de la société civile pour représenter dans les assemblées générales de la SA CARRIERES [E], chacune disposant de compétences réservées, d'autres étant partagées.

Aux termes de l'article 15 des statuts :

Madame [B] [K] dispose d'un droit de vote exclusif lors des assemblées générales ordinaires de la société Carrières [E] pour « les décisions relatives à l'affectation du résultat, la fixation de s jetons de présence à allouer aux membres du conseil de surveillance, la nomination des commissaires aux comptes et l'approbation des conventions réglementées » et ;

Madame [Y] [A] dispose d'un droit de vote exclusif lors des assemblées générales ordinaires de la société Carrières [E] pour les « décisions relatives à l'approbation des comptes annuels, au quitus et à la nomination et à la révocation des membres du conseil de surveillance ».

L'article 15-VI des statuts concerne les désaccords entre les co-gérants :

S'agissant du droit de vote dans les assemblées générales ordinaires de la société Carrières [E], chaque co-gérante a la possibilité de notifier par écrit son désaccord à l'autre sur le vote exercé par cette dernière. En pareil cas, les deux co-gérantes disposent d'un délai maximum d'un an à compter de cette notification pour résoudre ce désaccord.

Dans l'hypothèse où ce désaccord persisterait à l'issue de ce délai d'un an il appartient à l'une ou l'autre desdites co-gérantes soit de céder ses parts dans le capital de la société civile de [Adresse 16], soit de faire valoir son droit de retrait de ladite société.

Si dans le délai de 6 mois à l'expiration de ce délai d'un an, aucune des deux co-gérantes n'a manifesté son intention de vendre ses parts ou de se retirer de la société civile de [Adresse 16], celles-ci sont l'obligation de vendre la totalité des actions que la société civile de [Adresse 16] détient dans le capital de la société Carrières [E] au prix le plus intéressant et aux conditions de garantie les moins contraignantes possibles pour la société civile de [Adresse 16].

L'article 15 des statuts prévoit un mécanisme de contrôle de l'exercice de son droit de vote par chacune des branches en ces termes : « chaque co-gérant aura la possibilité de notifier par écrit son désaccord à l'autre sur le vote exercé par cette dernière ».

Ladite notification déclenche une série de délais pouvant aboutir, en cas de persistance, à l'obligation de céder la participation de la société dans le capital social de la SA CARRIERES [E]. En cas d'échec, Madame [I] [E] conserve la faculté discrétionnaire d'empêcher une telle issue en provoquant la caducité de l'article 15 des statuts. L'article 15-I prévoit ainsi que les « dispositions du présent paragraphe deviendront caduques à compter du jour ou l'une ou l'autre des branches familiales composées de Madame [B] [K] et de ses enfants et de Madame [Y] [A] et de ses enfants, détiendra à elle seule plus de 50% des parts sociales composant le capital social de la société. En pareille hypothèse, il appartiendra alors à l'assemblée générale ordinaire des associés de désigner le ou les gérants, de fixer la durée de leurs fonctions et les limites de leurs pouvoirs éventuels ».

A l'occasion de l'assemblée générale ordinaire de la société Carrière [E] en date du 6 juillet 2020, il était décidé de la révocation de Monsieur [Z] [K] de son poste de membre du conseil de surveillance et du refus de nommer Madame [P] [K], nomination demandée par Madame [B] [K].

C'est dans ce contexte que la branche [K] a notifié un désaccord en se réclamant du mécanisme prévu par l'article 15 des statuts selon courrier en date du 29 juillet 2020.

Par acte notarié en date du 4 juin 2021, Madame [I] [E] a donné à sa fille, Madame [Y] [A], la pleine propriété de 24 parts sociales de la société civile de [Adresse 16] après que Madame [B] [K] ait mis en 'uvre le processus de séparation.

Par lettre en date du 21 octobre 2021, Madame [B] [K] faisait valoir son droit de retrait de la société civile de [Adresse 16] en application de l'article 15-VI des statuts.

Par courrier en date du 11 janvier 2022, Madame [B] [K] sollicitait la convocation d'une assemblée générale extraordinaire de la société civile de [Adresse 16] afin d'entériner son retrait de la société.

Par courrier officiel du conseil de Madame [I] [E] en date du 21 janvier 2022, cette dernière s'opposait à la demande de Madame [B] [K] de convoquer l'assemblée générale extraordinaire pour statuer sur le retrait des consorts [K] sur le fondement de l'article 15-VI des statuts, arguant de la caducité des dispositions de cet article.

Par courrier en date du 11 février 2022, Madame [I] [E] invitait Madame [B] [K] à faire connaitre le texte des résolutions qu'elle souhaitait soumettre aux associés.

Une assemblée générale extraordinaire était convoquée pour statuer sur le retrait, Madame [B] [K] s'opposait cependant à la mise en 'uvre de l'article 14-3 des statuts et rappelait sa demande de mise en 'uvre du retrait dans le cadre de l'application de l'article 15-VI des statuts.

Selon ordonnance en date du 7 juillet 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Niort constatait que la branche [K] avait renoncé à demander son retrait.

L'assemblée générale ordinaire et extraordinaire qui s'est tenue le 18 juillet 2022 prenait acte de la donation des 24 parts sociales à madame [Y] [A], constatait la caducité de plein droit des stipulations des paragraphes I et VI de l'article 15 des statuts ainsi que la démission d'office de la gérance de Mesdames [E] et [A] et décidait de nommer Madame [I] [E] seule gérante de la société civile de [Adresse 16].

Par assignation selon la procédure accélérée au fond en date du 5 avril 2022, Madame [B] [K] a saisi le président du tribunal judiciaire de Niort de demandes tendant notamment à la désignation d'un mandataire ad hoc.

Par jugement en date du 15 février 2024, le président du tribunal judiciaire de Niort a désigné la société AJUP administrateurs judiciaires en la personne de Monsieur [N] [C], administrateur judiciaire, en qualité de mandataire ad hoc de la société civile de [Adresse 16] à l'effet de convoquer l'assemblée générale extraordinaire de la société civile de [Adresse 16] pour délibérer sur le retrait du capital social de Mesdames [B] [E] épouse [K], [P] [K], [F] [K] et Monsieur [Z] [K], conformément aux articles 14 -3 et 15-VI des statuts de la société civile de [Adresse 16], tenir l'assemblée générale à la date et l'heure que l'administrateur fixera au siège social et dresser le procès-verbal.

Mesdames [Y] et [W] [A] et Messieurs [O] et [T] [A] ont interjeté appel dudit jugement selon déclaration en date du 14 mars 2024.

Par exploits en date des 27 et 29 mai 2024, Mesdames [Y] et [W] [A] et Messieurs [O] et [T] [A] ont fait assigner Madame [B] [E] épouse [K], Madame [P] [K], Madame [F] [K], Monsieur [Z] [K], Madame [G] [K] épouse [X], la succession [E], Madame [I] [E] et la société civile de [Adresse 16] devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant en référé, aux fins d'obtenir, par application des dispositions des articles 514-3 et 517-1 du code de procédure civile, l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel.

Les consorts [A] font valoir qu'il résulterait de l'article 39 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978 que l'associé non-gérant ne pourrait s'adresser au président du tribunal judiciaire pour obtenir la désignation d'un mandataire seulement lorsque le gérant se serait opposé à sa demande de convocation ou lorsqu'il se serait muré dans le silence. Ils indiquent que la Cour de cassation ajouterait une condition supplémentaire au bien-fondé de la demande de désignation d'un mandataire ad hoc, laquelle tiendrait à ce que le demandeur établisse que la demande qu'il veut voir faire l'objet d'un vote des associés soit conforme à l'intérêt social.

Ils soutiennent ainsi que la demande des consorts [K] serait mal fondée alors que Madame [I] [E] aurait accepté à trois reprises de convoquer l'assemblée générale demandée, de sorte que le préalable nécessaire à la recevabilité et au bien-fondé de la demande de désignation du mandataire ad hoc prévu à l'article 39 du décret du 3 juillet 1978 ferait défaut.

Ils soutiennent, par ailleurs, que la branche [K] poursuivrait un autre objectif que celui de voir désigner un mandataire ad hoc en ce qu'elle aurait demandé au président du tribunal judiciaire de Niort de trancher un grand nombre de demandes consistant notamment à obtenir un jugement valant vote, de sorte que le recours à cette disposition serait purement stratégique et que les demandeurs n'auraient pas eu à l'esprit de faire se tenir l'assemblée générale mais de tenter d'en imposer l'issue par voie judiciaire.

Ils font valoir que l'exécution provisoire de la décision litigieuse aurait pour eux des conséquences manifestement excessives. Ils soutiennent que la résolution sur laquelle les associés sont invités à se prononcer par l'administrateur ad hoc excèderait très largement la résolution rédigée par le tribunal, de sorte que si le vote de Madame [I] [E] devait être favorable à cette résolution, le préjudice financier serait considérable et irrémédiable, en ce que la société civile de [Adresse 16] ne disposerait pas d'autres actifs que sa participation dans le capital social de la SA Carrières [E] et qu'elle ne disposerait d'aucune réserve de trésorerie susceptible de lui permettre de s'acquitter d'une telle dette.

Les consorts [K] font valoir que la demande d'arrêt de l'exécution provisoire serait sans objet en ce qu'elle aurait déjà été exécutée, le mandataire ayant d'ores et déjà procédé à la convocation de l'assemblée générale extraordinaire de la société civile de [Adresse 16].

Ils soutiennent, en toute état de cause, que les consorts [A] ne justifieraient d'aucun moyen sérieux de réformation de la décision litigieuse.

Ils indiquent ainsi que le président du tribunal judiciaire de Niort aurait fait une exacte application des dispositions de l'article 39 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978 en considérant que la gérance s'était opposée à la convocation de l'assemblée générale extraordinaire des associés de la société civile de [Adresse 16] qui devait entériner le retrait de la famille [K].

Ils soutiennent que ce ne serait que pour tenter de rendre artificiellement sans objet la présente procédure que Madame [I] [E] aurait accepté de convoquer une assemblée générale, ayant cependant un objet radicalement différent que celui demandé, de sorte que la tentative des consorts [A] serait inopérante.

Ils font valoir, en outre, que les consorts [A] ne justifieraient d'aucune conséquence manifestement excessive qu'auraient pour eux l'exécution provisoire de la décision dont appel, lesquelles ne sauraient résulter de la mise au vote d'une résolution dont ils soutiennent qu'elle serait parfaitement conforme à la mission confiée au mandataire ad hoc.

Ils ajoutent que la résolution proposée se bornerait à inviter les associés à voter sur le principe du retrait de la famille [K], de sorte que les modalités de celui-ci, et notamment l'établissement de son prix, ne relèveraient pas de l'exécution du jugement, mais interviendraient dans un second temps, en cas de vote favorable.

Ils sollicitent la condamnation solidaire de Madame [Y], Madame [W] [A], Monsieur [O] [A] et Monsieur [T] [A] à payer à Madame [B] [E] épouse [K], Madame [P] [K], Madame [F] [K] et Monsieur [Z] [K] la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [I] [E], la société civile de [Adresse 16] et la succession [M] [E] sollicitent également l'arrêt de l'exécution provisoire.

Elles soutiennent, s'agissant de l'irrecevabilité soulevée par les consorts [K], que si la convocation à l'assemblée générale a d'ores et déjà été notifiée, l'exécution provisoire relative à la tenue de l'assemblée générale pourrait encore être arrêtée, la mission de l'administrateur ad hoc ne consistant pas seulement à convoquer l'assemblée générale extraordinaire de la société civile de [Adresse 16], mais également à « tenir l'assemblée générale à la date et l'heure que l'administrateur fixera au siège social et dresser le procès-verbal ».

Elles font valoir qu'il résulterait de l'article 39 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978 que l'associé non-gérant ne pourrait s'adresser au président du tribunal judiciaire pour obtenir la désignation d'un mandataire seulement lorsque le gérant se serait opposé à sa demande de convocation ou lorsqu'il se serait muré dans le silence et que contrairement à ce qu'aurait pu estimer le premier juge, la condition d'opposition ou de silence du gérant ne serait pas constituée. Elles indiquent que Madame [I] [E] n'aurait jamais gardé le silence sur la demande de convocation à l'assemblée générale par Madame [B] [K], ni formé opposition à une telle demande, mais qu'elle aurait au contraire accepté à trois reprises de convoquer l'assemblée générale demandée et qu'elle se serait bornée à solliciter la transmission du projet de résolution souhaité par Madame [B] [K] et que si l'assemblée générale ne s'est pas tenue ce serait uniquement parce que les consorts [K] s'y seraient opposés. Elles estiment ainsi que le préalable nécessaire à la recevabilité et au bien-fondé de la demande de désignation du mandataire ad hoc prévu à l'article 39 du décret du 3 juillet 1978 ferait défaut.

Elles font valoir que contrairement à ce qu'aurait retenu le premier juge, la demande des consorts [K] de voir convoquer une assemblée générale n'aurait pas été relancée par leur assignation, la convocation de l'assemblée générale du 24 mai 2022 étant intervenue postérieurement à l'engagement de la procédure accélérée au fond, initiée le 5 avril 2022.

Elles ajoutent que le premier juge ne pouvait pas considérer que l'opposition à la tenue d'une telle assemblée devait se déduire des écritures des parties, alors que la position de Madame [I] [E] aurait été de refuser qu'il soit judiciairement fait droit à une demande dès lors que celle-ci aurait été accordée volontairement. Elles soutiennent que Madame [I] [E] s'opposait à ce que la procédure accélérée au fond soit détournée de son objet.

Elles font valoir que l'exécution provisoire de la décision litigieuse aurait pour eux des conséquences manifestement excessives, en ce que la résolution sur laquelle les associés sont invités à se prononcer par l'administrateur ad hoc excèderait très largement la résolution rédigée par le tribunal et que la tenue d'une assemblée générale sur les termes de la convocation adressée par le mandataire ad hoc pourrait être considérée comme contraignant Madame [I] [E] dans son vote.

Elles soutiennent, en outre, qu'un vote favorable de Madame [I] [E] pour le retrait de la famille [K], qu'il soit contraint ou choisi aurait des conséquences potentiellement graves et irrémédiable pour la société civile de [Adresse 16] et ses associés, en ce que la mise en 'uvre du retrait des consorts [K] devrait conduire à une cession d'actifs qui ne pourrait être annulée par la suite.

Elles sollicitent la condamnation solidaire des consorts [K] à payer à Madame [I] [E] et à la société civile de [Adresse 16] la somme de 10 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En réponse à l'irrecevabilité soulevée par les consorts [K], les consorts [A] font valoir que l'irrecevabilité soulevée serait artificielle, en ce que le jugement ne serait pas complètement exécuté, l'assemblée générale devant se tenir le 12 juillet 2024.

Il est renvoyé aux conclusions des parties déposées lors de l'audience, pour un examen complet de leurs moyens et prétentions.

Motifs :

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Il en découle que l'arrêt de l'exécution provisoire est subordonné à la réalisation des deux conditions, cumulatives, suivantes : la démonstration de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision qui en est assortie, et la justification de ce que l'exécution de cette décision risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Il doit être rappelé que l'appréciation de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation par la juridiction du premier président ne peut revenir à un examen au fond de l'affaire qui appartient à la cour, saisie de l'affaire au fond.

Sur la recevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire :

Les consorts [K] font valoir que la demande d'arrêt de l'exécution provisoire serait sans objet en ce qu'elle aurait déjà été exécutée, le mandataire ayant d'ores et déjà procédé à la convocation de l'assemblée générale extraordinaire de la société civile de [Adresse 16].

En l'espèce, si la convocation à l'assemblée générale a d'ores et déjà été notifiée par l'administrateur ad hoc, la mission de ce dernier ne consiste pas seulement à convoquer l'assemblée générale extraordinaire de la société civile de [Adresse 16], mais également à « tenir l'assemblée générale à la date et l'heure que l'administrateur fixera au siège social et dresser le procès-verbal ».

La demande d'arrêt de l'exécution provisoire est donc recevable.

Sur le bien-fondé de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire :

En l'espèce, pour justifier sa décision de désignation d'un mandataire ad hoc, le juge retient que la demande des consorts [K] est « suffisamment précise pour valoir demande de délibération alors qu'il est demandé de convoquer l'assemblée générale extraordinaire des associés de la société civile du [Adresse 16] afin d'entériner leur retrait, étant observé que les associés, en l'espèce seule Madame [I] [E], pourra rejeter ou non la demande ».

Il poursuit en retenant qu'il se déduit des écritures de Madame [I] [E] et de la branche [A] « une opposition à la convocation d'une telle assemblée générale ».

C'est au regard de l'ensemble de ces éléments que le tribunal judiciaire de Niort a jugé qu' « un mandataire ad hoc est donc en raison de la nécessité de provoquer la délibération nécessaire de l'assemblée générale des associés à l'effet de statuer sur la demande de retrait de la branche [K] du capital social à la lumière des dispositions statutaires et du pacte familial », tout en précisant que « la mission du mandataire ad hoc est limitée à provoquer l'assemblée générales qui soumettra au vote des détenteurs de parts sociales de la société civile du [Adresse 16] le projet de retrait des consorts [K] », rappelant que l'article 39 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978 « limite le périmètre de compétence du président à la nomination d'un mandataire ad hoc pour organiser la réunion d'une assemblée générale devant statuer sur des délibérations que la gérance en place d'une société se refusait d'inscrire expressément ou tacitement à une assemblée ».

Ces motifs, qu'il n'appartient évidemment pas au délégué du premier président, statuant en référé, d'apprécier au fond, satisfont suffisamment aux exigences de l'article 39 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978.

Dans ces conditions, les moyens développés par les consorts [A] n'apparaissent pas suffisamment sérieux au sens de l'article 514-3 du code de procédure civile.

Les conditions d'application de l'article 514-3 du code de procédure civile étant cumulatives, faute pour les consorts [A] de rapporter la preuve de l'existence de moyen sérieux de réformation, il n'y a pas lieu d'examiner l'autre condition liée aux conséquences manifestement excessives de la décision litigieuse, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire sera rejetée.

Néanmoins, à toutes fins utiles, il sera précisé que les conséquences manifestement excessives invoquées ne sont qu'éventuelles, dans l'hypothèse d'un vote favorable de Madame [I] [E] pour le retrait de la famille [K] et ne sauraient constituer des conséquences manifestement excessives au sens de l'article 514-3 du code de procédure civile.

Succombant à la présente instance, Madame [Y], Madame [W] [A], Monsieur [O] [A] et Monsieur [T] [A] seront condamné in solidum à payer à Madame [B] [E] épouse [K], Madame [P] [K], Madame [F] [K], Monsieur [Z] [K] et Madame [G] [K] épouse [X], pris ensemble, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Décision :

Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire :

Déclarons recevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par Madame [W] [A], Monsieur [O] [A] et Monsieur [T] [A] d'une part et Madame [I] [E], la société civile de [Adresse 16] et la succession [E] d'autre part,

Déboutons Madame [Y] [A], Madame [W] [A], Monsieur [O] [A] et Monsieur [T] [A] ainsi que Madame [I] [E], la société civile de [Adresse 16] et la succession [E] de leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire assortissant le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Niort le 15 février 2024 ;

Condamnons in solidum Madame [Y] [A], Madame [W] [A], Monsieur [O] [A] et Monsieur [T] [A] ainsi que Madame [I] [E], la société civile de [Adresse 16] et la succession [E] à payer à Madame [B] [E] épouse [K], Madame [P] [K], Madame [F] [K], Monsieur [Z] [K] et Madame [G] [K] épouse [X], pris ensemble, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons in solidum Madame [Y] [A], Madame [W] [A], Monsieur [O] [A] et Monsieur [T] [A] ainsi que Madame [I] [E], la société civile de [Adresse 16] et la succession [E] aux dépens.

Et nous avons signé la présente ordonnance avec la greffière.

La greffière La Conseillère

E. TISSERAUD E. LAFOND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Référés premier président
Numéro d'arrêt : 24/00035
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;24.00035 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award