ND/PR
ARRÊT N° 386
N° RG 22/01137
N° Portalis DBV5-V-B7G-GRDD
S.A.S. PAYS DE LOIRE AUTOMOBILES
C/
[L]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre sociale
ARRÊT DU 11 JUILLET 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 avril 2022 rendu par le Conseil de Prud'hommes de THOUARS
APPELANTE :
S.A.S. PAYS DE LOIRE AUTOMOBILES - P.L.A
N° SIRET : 378 360 648
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 1]
Ayant pour avocat Me Julie BAUDET de la SELAS ORATIO AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMÉ :
Monsieur [S] [L]
Né le 22 février 1972 à [Localité 4] (49)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Ayant pour avocat Me Sylvie ROIRAND de la SELARL BARREAU- ROIRAND, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère
Monsieur Nicolas DUCHATEL, Conseiller qui a présenté son rapport
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile que l'arrêt serait rendu le 13 juin 2024. A cette date, le délibéré a été prorogé au 11 juillet 2024.
- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par contrat de travail à durée indéterminée daté du 29 septembre 1995, M. [S] [L] a été embauché en qualité de vendeur véhicules neufs par la société Pays de Loire Automobiles (SAS).
M. [L] a ensuite été promu successivement aux postes d'adjoint au chef des ventes suivant avenant du 3 septembre 2007 puis responsable de site suivant avenant daté du 1er septembre 2016. Il occupait en dernier lieu le poste de responsable du site de [Localité 6], établissement secondaire rattaché à la concession Renault de [Localité 5], au niveau III A du statut cadre.
Le 10 mars 2020, la société Pays de Loire Automobiles a été victime d'une escroquerie de la part d'un client, M. [T] [G], qui a emporté sans l'avoir payé un véhicule neuf de marque Renault modèle Kadjar.
Par courrier daté du 22 mai 2020, M. [L] a été licencié pour faute simple après avoir été convoqué à un entretien préalable fixé au 5 mai 2020.
Par requête du 31 décembre 2020, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Thouars aux fins de contester les modalités de la rupture de son contrat de travail et d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes.
Par jugement du 4 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Thouars a :
condamné la société Pays de Loire Automobiles à payer à M. [L] les sommes suivantes :
467,32 euros bruts au titre de rappel de salaire,
46,73 euros bruts au titre de congés payés afférents,
6 000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat,
44 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
débouté M. [L] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,
débouté M. [L] de l'exécution provisoire,
débouté M. [L] de sa demande de versement d'intérêts sur les créances allouées,
condamné la société Pays de Loire Automobiles à verser à M. [L] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société Pays de Loire Automobiles aux dépens en ce compris les éventuels frais de recouvrement forcé.
La société Pays de Loire Automobiles a interjeté appel de la décision par déclaration électronique du 4 mai 2022.
Dans ses conclusions notifiées avant l'ordonnance de clôture le 12 mars 2024, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, la société Pays de Loire Automobiles demande à la cour de :
infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Thouars en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [L] les sommes suivantes :
467,32 euros bruts au titre de rappel de salaire,
46,73 euros bruts au titre de congés payés afférents,
6 000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat,
44 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
aux dépens en ce compris les éventuels frais de recouvrement forcé.
Statuant de nouveau,
déclarer irrecevable et en tout cas infondé M. [L] en ses demandes, appel incident inclus et l'en débouter,
condamner M. [L] à lui payer une somme de 1 500 euros au titre de la première instance et 3 000 euros au titre de la procédure d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
le condamner aux entiers dépens.
Dans des conclusions du 18 mars 2024, postérieures à l'ordonnance de clôture, la société Pays de Loire Automobiles demande à la cour, in limine litis, de prononcer le rabat de clôture (ordonnance du 13 mars 2024) au jour de l'audience de plaidoirie du 10 avril 2024.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 6 février 2024, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, M. [L] demande à la cour de :
dire l'appel de la société Pays de Loire Automobiles mal fondé,
dire son appel incident recevable et bien fondé,
confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Thouars en ce qu'il lui a alloué une somme de 467,32 euros à titre de rappel de salaire, outre 46,73 euros de congés payés afférents, ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
infirmer le jugement en ses autres dispositions, et statuant à nouveau :
condamner la société Pays de Loire Automobiles à lui verser les sommes suivantes :
10 000 euros à titre de dommages intérêts pour exécution fautive du contrat,
85 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,
dire que les créances allouées produiront intérêt au taux légal, à compter du dépôt de la demande pour les créances de nature salariale, et à compter du jugement du 4 avril 2022 pour les autres créances,
dire qu'il sera fait application de l'article 1154 du code civil prévoyant la capitalisation des intérêts,
condamner en outre la société Pays de Loire Automobiles à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel,
condamner la société Pays de Loire Automobiles aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 mars 2024.
La demande de révocation de l'ordonnance et de sa fixation au jour des plaidoiries présentée par la société Pays de Loire Automobiles par conclusions du 15 mars 2024 a été rejetée, la cour ayant considéré que les conclusions et pièces des parties avaient été contradictoirement communiquées avant le prononcé de l'ordonnance de clôture, et que la société n'évoquait aucune cause grave qui serait survenue après le prononcé de cette ordonnance son rabat.
A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 13 juin 2024, prorogée au 11 juillet 2024.
MOTIVATION
I. Sur la rupture du contrat de travail
En application de l'article L1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Selon les articles L1235-1 et L1235-2 du même code, l'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement et il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, au soutien de son appel, la société Pays de Loire Automobiles expose que :
l'enquête a révélé que M. [L] a commis divers manquements aux règles et procédures internes, qui étaient directement à l'origine de l'incident,
la procédure de prise de commande véhicules neufs prévoit qu'une copie du permis de conduire doit être demandée en cas de vente au bénéfice d'une personne physique et qu'un acompte doit être demandé dès la prise de commande en cas de non recours à un financement, et la règle est de ne pas livrer le véhicule si les fonds ne sont pas disponibles sur le compte de l'entreprise,
non seulement les fonds n'avaient pas été libérés au jour de la livraison du véhicule à M. [G] mais aucun acompte n'avait été encaissé,
il est faux de soutenir que les vendeurs avaient reçu instruction de ne plus demander de chèque d'acompte s'il n'était pas encaissable,
la feuille de gestion véhicule neuf complétée qui avait été signée par le vendeur et M. [L] a été soumise au directeur de la concession qui a exprimé un refus, la commande a donc été refusée par le directeur mais M. [L] n'a rien fait pour la stopper, alors que les refus sont très rares et qu'un tel refus aurait dû l'alerter,
le licenciement intervenu pour faute simple était une mesure proportionnée et justifiée eu égard notamment à ses responsabilités et à l'indifférence exprimée qui rendait impossible la poursuite du contrat,
lors de son entretien préalable, M. [L] loin de faire amende honorable, a expliqué que pour lui cela n'était rien et qu'il existait une assurance à ce sujet,
alors que la secrétaire commerciale ne cessait de s'inquiéter et de faire part de ses doutes à M. [L], celui-ci n'en a pas tenu compte et lui a ordonné à au moins deux reprises de poursuivre les opérations de la vente,
M. [L] doit être tenu pour responsable de ses agissements directs et de ceux de la secrétaire commerciale et du vendeur placés sous sa subordination,
le véhicule litigieux n'avait pas encore été retrouvé au jour de la notification du licenciement et le préjudice financier était bien égal à la valeur totale du bien au jour du licenciement.
En réponse, M. [L] objecte que :
le client justifiait avoir effectué un virement lorsqu'il est venu chercher le véhicule, mais l'opération était faite par l'intermédiaire d'une banque étrangère et les fonds n'étaient pas encore crédités sur le compte de la société,
il a été interrogé 'à la volée' alors qu'il était en conversation téléphonique et s'est opposé à la livraison à moins que le client ne fournisse un chèque de caution, et la secrétaire et le vendeur n'ont pas respecté ses directives en laissant le client repartir avec le véhicule,
la vente a été effectuée par le vendeur véhicule neuf qui n'a pas reçu la moindre sanction disciplinaire, et c'est à lui qu'incombait la vérification et le suivi des process applicables,
dès lors que le certificat d'assurance est fourni, aucun contrôle supplémentaire ne peut être effectué et il n'y a pas de 'vérification de l'assurance',
s'agissant d'un achat de véhicule professionnel, la copie du permis de conduire n'était pas requise, les véhicules pouvant être destinés à plusieurs collaborateurs de l'entreprise,
l'absence de copie du permis n'a aucune incidence sur la problématique de ce dossier car si le vendeur avait pris cette copie, cela n'aurait en rien empêché l'escroquerie,
les vendeurs ont reçu instruction de ne même plus demander le chèque d'acompte s'il n'est pas encaissable, pour soulager la partie secrétariat/comptabilité,
le directeur de concession ne pouvait pas opposer un refus sur la feuille de gestion et laisser faire, et le vendeur et la secrétaire devaient nécessairement voir ce refus et bloquer immédiatement la vente,
il n'a jamais eu connaissance de ce prétendu refus, dont il y a tout lieu de penser qu'il a été apposé après coup pour renforcer la thèse adverse,
les règlements par chèque se font sans condition au sein de la concession, il n'est pas requis de fournir un chèque de banque,
la responsable financière et le chef des ventes d'un niveau hiérarchique supérieur au sien ont été consultés par la secrétaire, et ils étaient les mieux à même de prendre la décision,
leurs deux attestations à l'identique laissent penser que les process obligatoires pouvaient être écartés si le responsable de site connaît l'acheteur, alors que la secrétaire et le vendeur savaient que cet acheteur n'était pas un client habituel,
il n'a pas méconnu la gravité de l'escroquerie dont était victime la société et il a simplement demandé si la concession ne pourrait pas activer une garantie auprès de son assureur, ce qui était une recherche de solution,
le véhicule a été retrouvé le 28 mai 2020, quelques jours après le licenciement,
son dossier disciplinaire est vide et il n'a été remplacé que 4 mois après son licenciement, ce qui interroge sur le motif véritable de son éviction, cet incident ayant servi de prétexte.
Sur ce, par courrier du 22 mai 2020, M. [L] s'est vu notifier son licenciement pour faute simple, au motif suivant : 'Remise d'un véhicule neuf sans paiement', avec les précisions suivantes :
'Comme vous le savez, vous occupez le poste de responsable de site à [Localité 6], et compte tenu des fonctions à responsabilités que vous exercez, vous devez mettre en place les conditions permettant de garantir un fonctionnement satisfaisant à l'entreprise et éviter les pertes financières.
Sur ce dossier, les procédures internes n'ont pas été respectées : absence de vérification du permis, de l'assurance, des paiements (aussi bien de l'acompte de 10% que du solde) et malgré tout, le véhicule a été remis au client.
Vous avez utilisé votre poste de responsable de site pour faire pression par deux fois auprès de la secrétaire afin de passer outre les procédures de la société (lors de la prise de commande et lors de la livraison) et ce malgré l'opposition de la comptable et du chef des ventes. Alors que cette opération a été découverte vous avez argumenté sur la prise en charge des pertes par l'assurance. Cet argument n'est pas recevable et la société ne dispose pas d'assurance de ce type. La société est confrontée à un impact financier négatif de 27833 euros, valeur du véhicule.'
Il convient de relever à titre liminaire que l'employeur, dans ses écritures, ne revient pas sur les griefs tirés de l'absence de vérification de l'assurance fournie par l'acheteur ni sur les pressions qu'auraient exercées M. [L] sur la secrétaire commerciale afin de passer outre les procédures en place au sein de la société.
Il convient de relever en premier lieu que s'il résulte des pièces produites que les commerciaux étaient tenus de s'assurer de la production d'une attestation d'assurance conforme au véhicule vendu, aucun élément ne permet d'établir qu'ils devaient en vérifier l'authenticité, une telle obligation n'apparaissant pas dans les procédures internes que l'employeur verse aux débats.
En second lieu, il ne peut qu'être constaté que Mme [I], secrétaire commerciale, indique dans son attestation qu'elle a reçu pour consigne de M. [L] de procéder à la livraison du véhicule à l'acheteur malgré les problèmes qu'elle avait relevés, et qu'elle s'est conformée à ses directives, sans évoquer à aucun moment l'existence des 'pressions' alléguées dans la lettre de licenciement qui auraient été exercées sur elle par son responsable 'afin de passer outre les procédures de la société'.
Ces deux griefs ne peuvent donc qu'être écartés.
Il est constant par ailleurs qu'en vertu de sa définition de poste produite aux débats, M. [L], en sa qualité de responsable de site, était chargé de l'établissement et du suivi des relations avec les fournisseurs et les clients et notamment de la négociation des conditions d'achat et de vente et qu'il était tenu de contribuer à l'élaboration et à l'application des procédures qualité en vigueur dans l'entreprise.
Or, la procédure de prise de commande véhicule neuf versée aux débats, créée le 3 août 2015 et que la cour tient pour opposable à M. [L], prévoit qu'une copie du permis de conduire doit être demandée en cas de vente au bénéfice d'une personne physique et qu'un acompte de 10% minimum doit être demandé au client dès la prise de commande, en cas de non recours à un financement.
Dans le dossier de M. [G], aucun élément ne permet d'établir que le véhicule était destiné à plusieurs collaborateurs de l'entreprise dont il prétendait être l'agent commercial, le certificat provisoire d'immatriculation étant établi en son nom personnel, et la production du permis de conduire était donc requise, tout comme le versement d'un acompte à hauteur de 10%, de sorte que la demande de dépôt d'un chèque de caution qui ne pouvait pas être immédiatement encaissé, en contrepartie de la remise du véhicule, n'était pas conforme à la procédure applicable.
M. [L] ne peut pas s'exonérer de sa responsabilité en prétendant qu'il appartenait au vendeur et à la secrétaire de s'assurer du respect des procédures internes, dès lors qu'il admet qu'il a bien été interrogé par la secrétaire commerciale de l'établissement sur la conduite à tenir face aux incohérences relevées et à l'absence d'acompte, et qu'il lui a apporté des réponses en sa qualité de directeur de site, sans prétendre, comme il le fait dans ses écritures, qu'il n'était pas l'interlocuteur compétent.
M. [L] a donc manqué à ses obligations professionnelles en ne réclamant pas le permis de conduire de l'acheteur et en se contentant d'un ordre de virement qui s'est avéré frauduleux, sans exiger du vendeur d'attendre que l'acompte soit crédité sur le compte bancaire de la concession avant de procéder à la remise du véhicule.
La sanction de la violation par le salarié des procédures administratives et commerciales en place au sein de la concession doit toutefois nécessairement tenir compte de la manière avec laquelle ces procédures internes étaient appliquées en pratique et des marges de manoeuvre laissées aux commerciaux.
Or, il ressort de manière claire des pièces produites que les principes posés dans les procédures internes connaissaient en pratique des exceptions et qu'ils pouvaient être adaptés aux circonstances.
Ainsi, M. [R], directeur, atteste que 'la procédure du groupe [Z] (...) était et est toujours la prise d'acompte sur toutes le ventes', avant d'ajouter une première série d'exception 'hors financement et client connu avec une reprise de véhicule'. Quant à la prohibition des chèques lors de la remise du véhicule, il ressort d'une seconde attestation du même M. [R] qu'il existait encore des ventes par chèque au sein des concessions 'mais uniquement lorsque les vendeurs ou responsables connaissent personnellement le client depuis des années et dans le cas où ce dernier serait vexé qu'on refuse son chèque', ce qui introduit donc une nouvelle catégorie d'exception à la règle dans l'hypothèse d'un client connu et susceptible.
Dès lors, si les procédures produites ne mentionnent aucune exception au principe posé consistant dans le fait d'exiger un acompte d'au minimum 10% en l'absence de financement, il résulte de ce qui précède qu'une tolérance existait et que les vendeurs pouvaient, dans certaines circonstances et avec l'aval de l'employeur, s'écarter des règles internes en vigueur. Les attestations produites par le salarié (MM. [F] et [O]), que la cour tient pour crédibles, laissent également apparaître que des ventes pouvaient avoir lieu sans remise d'un acompte.
Il convient également de tenir compte du fait que le véhicule litigieux a été remis à l'acheteur par le commercial en charge du dossier sans qu'il ne demande, comme l'avait exigé son responsable, le dépôt d'un chèque de caution, ce qui a également contribué à la réalisation de la faute reprochée au salarié, consistant dans la 'remise d'un véhicule neuf sans paiement'.
Quant à la feuille de gestion de la commande du véhicule Kadjar produite aux débats par l'employeur, qui laisse apparaître que cette commande soumise au directeur aurait fait l'objet d'un refus opposé préalablement à la vente, la cour ne peut être que circonspecte face à ce document, produit tardivement en cause d'appel.
L'attestation de M. [R], directeur, qui indique 'j'avais notifié le refus de la commande après avoir constaté qu'il s'agissait d'une vente sans recours bancaire et que le dossier ne comprenait pas d'acompte, de plus il est très rare que je refuse des ventes' apparaît également sujette à caution.
En effet, il ressort d'abord du courrier de contestation du licenciement adressé par M. [L] à l'employeur le 4 juin 2020 que celui-ci indique 'Je vous accorde avoir visé la commande qui a ensuite été contresignée par le directeur en place, sans qu'il ne s'étonne d'un quelconque manquement à la procédure d'entreprise'. De plus, alors que l'employeur a décrit dans la lettre de licenciement chacun des manquements aux procédures internes justifiant la rupture du contrat de travail, en ajoutant même des manquements dont il ne pouvait pas ignorer l'inconsistance tels que l'absence de vérification de l'authenticité de l'assurance ou le fait d'avoir exercé des pressions sur la secrétaire commerciale, force est de constater qu'il n'a pas été reproché au salarié d'avoir procédé à la remise du véhicule en passant outre le refus opposé par le directeur. La lettre de licenciement n'évoque d'ailleurs que l'opposition manifestée par la comptable et le chef des ventes lorsqu'ils ont été tous deux interrogés par la secrétaire commerciale.
Aucun élément ne permet en outre d'établir que M. [L] aurait été informé du refus allégué qui n'a pas été évoqué dans l'attestation de Mme [I], ni dans les témoignages - identiques au mot près - de M. [Y] et Mme [U] et, surtout, il n'est pas vraisemblable que la vente litigieuse ait pu se poursuivre en présence d'un tel refus, que le directeur qualifie lui-même d'exceptionnel, sauf à supposer l'existence d'un dysfonctionnement majeur dans la circulation de l'information au niveau de la direction de cette concession, qui conduirait à considérer que la hiérarchie de M. [L] n'a pas assuré de manière efficace le contrôle qu'elle devait réaliser sur chacune des ventes, et qu'elle a donc également contribué à la remise du véhicule reprochée au salarié.
Enfin, s'agissant du comportement adopté par M. [L] lors de l'entretien préalable, le seul fait que le salarié ait pu suggérer le recours à l'assureur de la concession ne saurait constituer une attitude fautive.
En définitive, il doit être considéré que la remise du véhicule reprochée à M. [L] ne résulte pas uniquement du manquement imputable au salarié, dont la cour a retenu l'existence, consistant dans le non respect des procédures internes, et que cette faute, dès lors qu'il est établi que l'employeur tolérait que ses équipes de vente puissent, dans certaines circonstances n'ayant fait l'objet d'aucune formalisation, contrevenir aux principes fixés dans les procédures internes, ne pouvait pas justifier la rupture du contrat de travail d'un salarié qui justifiait d'une ancienneté significative sans aucun passif disciplinaire, et d'une évolution professionnelle régulière marquée par plusieurs promotions.
Le licenciement de M. [L] est par conséquent sans cause réelle et sérieuse et le jugement attaqué doit être confirmé sur ce point.
M. [L] a été recruté à l'âge de 23 ans par la société Pays de Loire Automobiles et il a été licencié à l'âge de 48 ans, avec une ancienneté de presque 25 années.
Sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, et en l'absence de réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie à celui-ci une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans deux tableaux, en l'occurrence entre 3 mois et 17,5 mois de salaire brut, au regard de l'ancienneté de M. [L] de 24 années révolues.
Compte tenu notamment du montant de la rémunération versée au salarié, de son ancienneté, de son âge, de la période de recherche d'emploi et d'inscription à pôle emploi dont il est justifié jusqu'au mois d'août 2022, il y a lieu de lui allouer une somme de 48 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, somme qui portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision. La décision déférée sera donc infirmée en ce qu'elle a accordé une somme inférieure.
En application de l'article L1235-4 du code du travail, la cour ordonne d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour de la décision prononcée, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
En l'espèce, il est justifié au regard des circonstances du litige, de fixer la période de remboursement de l'employeur aux organismes intéressés à six mois d'indemnités de chômage versées au salarié. Le jugement sera complété de ce chef.
II. Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation.
Lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail et à défaut d'un accord entre l'employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il incombe au juge de la déterminer en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes, de sorte que, si l'objectif de résultats dont le contrat de travail fait dépendre la rémunération variable n'a pas été déterminé, il appartient au juge de le fixer par référence aux années antérieures.
En l'espèce, M. [L] expose que :
en 2019, il a appris qu'il ne serait plus commissionné sur les ventes et les résultats de la concession de [Localité 6] et il lui a été indiqué qu'il percevrait les primes versées au reste du personnel non encadrant et d'éventuelles commissions sur ses ventes directes,
aucune notice de rémunération n'a été remise et il s'agissait d'une modification essentielle de son contrat de travail car il ne s'agissait plus de fixer les seuils de commissionnement comme chaque année, mais de supprimer la partie variable de sa rémunération assise sur les résultats du site,
aucun contrat ou avenant ne lui a été soumis et cette modification a été faite sans que son accord ne soit sollicité, de sorte que la modification de contrat de travail est illégale,
il a subi la suppression d'environ 6 000 euros de primes non versées, outre le préjudice moral manifeste, dans la mesure où la suppression unilatérale des commissions, était une véritable vexation.
En réponse, l'employeur fait valoir que du 1er janvier 2020 au 22 mai 2020, date à partir de laquelle le salarié a cessé de travailler suite à la notification de son licenciement, M. [L] a perçu 1 000 euros bruts à titre de rémunération variable, soit à peine 183,33 euros bruts de moins que la moyenne cumulée pour la même période au cours des trois années précédentes, et qu'il n'a subi aucune perte significative de rémunération variable au cours de l'année 2020.
Sur ce, l'avenant au contrat de travail du 1er septembre 2016 stipule que 'Le salaire mensuel forfaitaire de Monsieur [S] [L] sera de 4020 € brut. Également, le salaire mensuel de Monsieur [S] [L] sera composé d'une part variable déterminée en annexe.'
En l'espèce, les critères de détermination de la rémunération variable de M. [L] ont été déterminés par écrit chaque année jusqu'à l'année 2019.
Il est constant que M. [L] a perçu 4 800 euros de primes en 2018 et 5 550 euros de primes en 2019, soit une moyenne sur les deux dernières années de 5 175 euros et qu'il n'a perçu que 1 000 euros au titre de l'année 2020.
Dans la mesure où la société n'a pas communiqué au salarié l'ensemble des éléments permettant le calcul exact des commissions dues au titre de la période de l'année 2020 sur laquelle porte la réclamation, il y a lieu de considérer que le salarié est fondé à réclamer un rappel de rémunération variable à hauteur de la somme de 4 175 euros brut outre les congés payés afférents, étant précisé que l'employeur ne peut se prévaloir d'un départ effectif de M. [L] en août 2020 du fait du caractère abusif de la rupture. Il convient toutefois de relever que M. [L] ne formule pas une demande de rappel de salaire au titre de la rémunération variable mais une demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution fautive de son contrat de travail.
Le non paiement de la rémunération variable prévue au contrat de travail caractérise une exécution fautive dudit contrat. Le salarié établit donc l'existence d'un préjudice consécutif à cette exécution fautive, qui justifie l'octroi d'une somme de 4 500 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef et le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.
III. Sur la demande au titre du licenciement vexatoire
M. [L] forme une demande de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice distinct résultant des conditions de la rupture qu'il qualifie de vexatoires. Il soutient ainsi qu'une thèse mensongère selon laquelle il aurait été licencié pour faute grave a été diffusée auprès de tiers, ce qui a été gravement préjudiciable pour lui, attentatoire à sa réputation et à sa crédibilité professionnelle, et nuisible pour sa recherche d'emploi.
M. [L] produit le témoignage de M. [M] qui atteste de la manière suivante : 'Le 2 juin, M. [F] de la concession Renault à [Localité 6] m'a contacté pour m'annoncer le licenciement de [S] [L] pour faute grave, qu'il était sur la sellette depuis quelque temps et que dernièrement, il aurait fait une faute grave qui lui aurait coûté sa place. Je lui ai répondu qu'il n'avait pas à raconter ce qui se passe dans leur établissement et j'espère qu'il n'appelle pas tous les clients de [S] qui pourrait lui porter préjudice pour la recherche de son futur emploi'.
Ce seul témoignage ne permet pas d'établir que l'employeur aurait pu volontairement diffuser à ses interlocuteurs habituels l'information selon laquelle M. [L] aurait fait l'objet d'un licenciement pour faute grave ni qu'il en aurait subi des conséquences préjudiciables en matière de réputation et de recherche d'emploi.
Par voie de confirmation de la décision attaquée, M. [L] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
IV. Sur le rappel de salaire
M. [L] soutient que le 14 mars 2020 n'a pas été compté comme jour travaillé alors qu'il est intervenu pour déposer plainte au commissariat de [Localité 6] et que le solde de tout compte mentionne 28 jours au lieu des 29 jours de récupération recensés sur le calendrier de l'entreprise, de sorte que deux jours de travail ne lui ont pas été rémunérés.
L'employeur lui oppose que la capture d'écran du logiciel Kélio avec le calendrier démontre que le samedi 14 mars 2020 était un jour normal sans mention particulière et qui a donc été payé comme jour travaillé. Il confirme que le solde des repos était bien de 28 jours et que la journée du 14 mars 2020 n'a pas été décomptée comme jour de repos.
Sur ce, il incombe à la société Pays de Loire Automobiles, sur laquelle pèse la charge de la preuve du paiement du salaire, de justifier qu'elle s'est libérée de cette obligation.
En l'espèce, l'extraction du logiciel Kélio produite par M. [L] datée du 9 juin 2020, dont l'employeur n'a pas contesté l'authenticité, mentionne la journée du samedi 14 mars 2020 comme jour de repos et fait état d'un nombre de jours de récupération au titre du forfait jours de 29 jours.
Or, il est admis par l'employeur que M. [L] a travaillé le 14 mars 2020 et aucune explication n'a été fournie pour justifier de la prise en compte d'un nombre de jours de récupération limité à 28 jours dans le solde de tout compte.
Dès lors il y a lieu, par voie de confirmation de la décision attaquée, de faire droit à la demande du salarié à hauteur de la somme de 467,32 euros brut outre 46,73 euros brut au titre des congés payés afférents.
V. Sur les demandes accessoires
Les sommes allouées à M. [L] produiront intérêts au taux légal avec capitalisation comme il sera dit au dispositif.
En qualité de partie succombante, la société Pays de Loire Automobiles est condamnée aux entiers dépens d'appel. Elle doit par conséquent être déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par suite, la société Pays de Loire Automobiles est condamnée à payer à M. [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Thouars du 4 avril 2022 en ce qu'il a :
condamné la société Pays de Loire Automobiles à payer à M. [S] [L] les sommes de 467,32 euros brut à titre de rappel de salaire et 46,73 euros brut au titre des congés payés afférents,
débouté M. [L] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,
condamné la société Pays de Loire Automobiles à verser à M. [L] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société Pays de Loire Automobiles aux dépens,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
Condamne la société Pays de Loire Automobiles à verser M. [S] [L] la somme de 48 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Pays de Loire Automobiles à verser M. [S] [L] la somme de 4 500 euros à titre à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
Dit que les sommes allouées à M. [S] [L] produiront intérêts au taux légal avec capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil :
s'agissant des créances indemnitaires, exonérées de cotisations sociales dans les conditions légales et réglementaires applicables, à compter de la présente décision,
s'agissant des créances salariales, à compter de la date de réception par la société Pays de Loire Automobiles de la convocation devant le bureau de conciliation,
Condamne la société Pays de Loire Automobiles à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage qu'ils ont versées à M. [S] [L] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois,
Condamne la société Pays de Loire Automobiles à verser à M. [S] [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société Pays de Loire Automobiles de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Pays de Loire Automobiles aux entiers dépens d'appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,