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10/07/2024 | FRANCE | N°23/00465

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 4ème chambre, 10 juillet 2024, 23/00465


ARRET N°



N° RG 23/00465 - N° Portalis DBV5-V-B7H-GXYF









[P]

[P]



C/



[P]

[P]

[P]



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



4ème Chambre Civile



ARRÊT DU 10 JUILLET 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00465 - N° Portalis DBV5-V-B7H-GXYF



Décision déférée à la

Cour : jugement du 22 novembre 2022 rendu par le tribunal judiciaire des SABLES D'OLONNE.





APPELANTS :



Monsieur [Y] [E] [R] [P]

né le [Date naissance 12] 1951 à [Localité 16]

[Adresse 15]

[Localité 16]



ayant pour avocat postulant de Me Florence LEVILLAIN-ROLLO, avocat...

ARRET N°

N° RG 23/00465 - N° Portalis DBV5-V-B7H-GXYF

[P]

[P]

C/

[P]

[P]

[P]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

4ème Chambre Civile

ARRÊT DU 10 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00465 - N° Portalis DBV5-V-B7H-GXYF

Décision déférée à la Cour : jugement du 22 novembre 2022 rendu par le tribunal judiciaire des SABLES D'OLONNE.

APPELANTS :

Monsieur [Y] [E] [R] [P]

né le [Date naissance 12] 1951 à [Localité 16]

[Adresse 15]

[Localité 16]

ayant pour avocat postulant de Me Florence LEVILLAIN-ROLLO, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Philippe BARDOUL de la SELARL PALLIER BARDOUL, avocat au barreau de NANTES

Monsieur [K] [P]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 16]

[Adresse 19]

[Localité 16]

ayant pour avocat postulant Me Florence LEVILLAIN-ROLLO, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Philippe BARDOUL de la SELARL PALLIER BARDOUL, avocat au barreau de NANTES

INTIMES :

Madame [L] [D] [H] [P] épouse [F]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 16]

[Adresse 22]

[Adresse 22]

[Localité 17]

ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Thierry ANGIBAUD de la SELARL CABINET ANGIBAUD-MARCHAIS, avocat au barreau des SABLES D'OLONNE

Monsieur [KX] [W] [HE] [P]

né le [Date naissance 9] 1969 à [Localité 16]

[Adresse 4]

[Localité 18]

ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Thierry ANGIBAUD de la SELARL CABINET ANGIBAUD-MARCHAIS, avocat au barreau des SABLES D'OLONNE

Madame [X] [S] [RC] [P]

née le [Date naissance 6] 1972 à [Localité 16]

[Adresse 23]

[Localité 16]

ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Thierry ANGIBAUD de la SELARL CABINET ANGIBAUD-MARCHAIS, avocat au barreau des SABLES D'OLONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Denys BAILLARD, Président, qui a présenté son rapport,

Madame Marie-Béatrice THIERCELIN, Conseillère

Madame Véronique PETEREAU, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Manuella HAIE,

lors du prononcé : Madame Diane MADRANGE,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

**********************

EXPOSE DU LITIGE

Dans des conditions de régularité, de forme et de délai non discutées, MM. [Y] et [K] [P] ont interjeté appel le 23 février 2023 d'un jugement du 22 novembre 2022, du tribunal judiciaire des Sables d'Olonne ayant notamment :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [OP] [M] veuve [P] decédee le [Date décès 7] 2014,

- dit qu'il sera procédé au partage tant des droits des co-partageants dans les biens immobiliers dépendants de la succession de Mme [M] que des droits des co-partageants dans les mêmes biens immobiliers dépendants de la succession de M. [O] [P], conjoint prédécédé,

- désigné M. le Président de la [20] ou son délégataire, à l'exception de Maître [Z] et Maître [T] pour y procéder et à cette fin, dresser un état liquidatif établissant les comptes entre les co-partageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots,

- dit que le notaire ainsi désigné devra dresser d'une part la liste des biens mobiliers et immobiliers dependants de la succession, d'autre part procéder à leur évaluation avec possibillité de se faire assister en tant que de besoin de tout expert ou sapiteur de son choix,

- prononcé la nullité du testament partage en date du 20 janvier 2010 en toutes ses dispositions,

- débouté Mme [L] [P], M. [KX] [P] et Mme [X] [P] de leurs demandes tendant à l'attribution de la maison [Adresse 21] et 2.000 m de terrain à Mme [L] [P], M. [KX] [P] et Mme [X] [P], à l'attribution de la maison [Adresse 25] et la maison sis [Adresse 13] à [Localité 16] à M. [Y] [P], à l'attribution des maisons [Adresse 8] et [Adresse 8] à [Localité 16] à M. [K] [P],

- dit que le notaire désigné devra rechercher la composition des lots dans le cadre des opérations liquidatives,

- débouté M. [Y] [P] et M. [K] [P] de leur demande principale en rapport par Mme [X] [P] d'une dette locative et de leur demande subsidiaire en fixation d'une indemnité d'occupation à la charge de Mme [X] [P],

- débouté M. [Y] [P] et M. [K] [P] de leur demande tendant à la justification par Mme [X] [P] du bail et des sommes versées au titre de l'occupation de la maison sise [Adresse 21] à [Localité 16],

- débouté Mme [L] [P], M. [KX] [P] et Mme [X] [P] de leur demande tendant à voir communiquer par M. [Y] [P], les quittances de loyers correspondantes aux sommes versées par Mme [X] [P] au titre de l'occupation de la maison sis [Adresse 21] à [Localité 16],

- dit et jugé que Mme [X] [P] est créancière envers l'indivision successorale d'une somme à déterminer parle notaire, au titre des travaux de rénovation accomplis par elle sur le bien sis "[Adresse 21]" et ayant apporté une plus-value à ce bien,

- dit que le notaire désigné devra évaluer le montant de cette créance, sur la base des justificatifs relatifs auxtravaux accomplis sur l'immeuble que Mme [P] devra lui remettre, ainsi que de tous autres documents utiles qu'il pourra se faire remettre.

Les appelants, aux termes de leurs écrits auxquels il convient de se reporter pour les moyens de droit et de fait,concluent à la réformation de la décision entreprise et demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 22 novembre 2022 par le tribunal judiciaire des Sables d'Olonne en ce qu`il a :

* ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [OP] [M] veuve [P] decédee le [Date décès 7] 2014,

* dit qu'il sera procédé au partage tant des droits des copartageants dans les biens immobiliers dépendants de la succession de Mme [M] que des droits des copartageants dans les mêmes biens immobiliers dépendants de la succession de M [O] [P], conjoint prédécédé,

* jugé que le notaire désigné devra dresser la liste des biens mobiliers et immobiliers dépendants de la succession et procéder à leur évaluation,

* jugé que le notaire désigné pourra être assisté de tout expert ou sapiteur de son choix aux fins de procéder aux évaluations des biens,

* jugé que les opérations de partage se dérouleront sous la surveillance de Madame ou Monsieur le juge commissaire désigné à cet effet,

- infirmer le jugement rendu le 22 novembre 2022 en toutes ses autres dispositions,

En conséquence, statuant à nouveau :

Sur le testament du 20 janvier 2010

À titre principal :

- juger le testament valable, et débouter Mme [X] [P], Mme [L] [P], M. [KX] [P] de leur demande tendant à sa nullité,

À titre subsidiaire :

-juger que le legs contenu dans le testament doit être exécuté en valeur,

Sur l'occupation de la maison [Adresse 21]» par Mme [X] [P]

À titre principal ,

-juger qu'elle devra justifier des sommes qu'elle aurait versées au titre de l'occupation de la maison sis [Adresse 21]', depuis le 1er septembre 1996,

- juger qu'elle devra rapporter à la succession de Mme [OP] [M] le montant des sommes correspondantes aux loyers du bien immobilier sis '[Adresse 21]' qu'elle occupe depuis le 1er septembre 1996,

- juger que le notaire désigné devra évaluer le montant de ce rapport sur la base de la valeur locative du bien sis '[Adresse 21]' depuis le [Date décès 5] 2006, date du décès de son père M. [G] [P] et jusqu'au partage effectif,

À titre subsidiaire :

- juger Mme [X] [P] redevable envers la succession de Mme [OP] [M] d'une indemnité d'occupation au titre de la jouissance à titre exclusif du bien sis lieudit '[Adresse 21]' qu'elle occupe depuis le 1er septembre 1996,

- juger que le notaire désigné devra évaluer le montant de cette indemnité sur la base de la valeur locative du bien sis '[Adresse 21]' depuis le [Date décès 7] 2014 et jusqu'au partage effectif,

Sur la créance invoquée par Mme [X] [P] envers l'indivision

- juger que Mme [X] [P] n`est pas créancière envers l'indivision successorale d'une somme au titre des soi-disant travaux de rénovation accomplis sur le bien situé [Adresse 21],

En tout état de cause :

- débouter Mme [L] [P], M. [KX] [P], Mme [X] [P], venant en représentation de leur père M. [G] [P], de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions contraires au présent dispositif,

- juger M. [Y] [P] et M. [K] [P] bien fondés à solliciter la condamnation de Mme [L] [P], M. [KX] [P], Mme [X] [P] à leur payer la somme de 2.000 euros pour la procédure de première instance par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- juger M. [Y] [P] et M. [K] [P] recevables et bien fondés à solliciter Mme [L] [P], M. [KX] [P], Mme [X] [P] à leur payer la somme de 2.000 euros en cause d'appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés demandent à la cour, aux termes de leurs conclusions auxquelles il convient de se reporter, de :

- confirmer le jugement rendu le 22 novembre 2022 par le tribunal judiciaire des Sables d'Olonne en toutes ses dispositions,

- débouter M. [Y] [P] et M. [K] [P] de toutes demandes plus amples ou contraires,

Y ajoutant de :

- condamner M. [Y] [P] et M. [K] [P] solidairement à payer à Mme [L] [P], M. [KX] [P] et Mme [X] [P] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,

- condamner M. [Y] [P] et M. [K] [P] solidairement à payer à Mme [L] [P], M. [KX] [P] et Mme [X] [P] la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel et aux entiers dépens d'appel.

Vu les dernières conclusions des appelants en date du 4 mars 2024 ;

Vu les dernières conclusions des intimées en date du 12 février 2024 ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mars 2024.

SUR QUOI

Mme [OP] [M] épouse [P], née le [Date naissance 10] 1926, veuve de M. [O] [P], est décédée à [Localité 16] le [Date décès 7] 2014.

Trois enfants sont issus de son union avec M. [O] [P] :

- M. [G] [P], né le [Date naissance 3] 1947 et décédé le [Date décès 5] 2006, dont les trois enfants viennent en représentation :

- Mme [L] [P] née le [Date naissance 2] 1968,

- M. [KX] [P] né le [Date naissance 9] 1969,

- Mme [X] [P] née le [Date naissance 6] 1972.

- M. [Y] [E] [R] [P], né le [Date naissance 12] 1951,

- M. [K] [XB] [C] [P], né le [Date naissance 11] 1957.

La succession est composée comme suit :

- Biens propres à M. [O] [P] :

- la maison [Adresse 14] à [Localité 16],

- les maisons [Adresse 8] et [Adresse 8] à [Localité 16].

L'usufruit appartenait de son vivant à Mme [OP] [P] et la nue-propriété aux enfants [Y], [K], et [G] (décédé) pour un tiers indivis chacun.

- Bien propre de Mme [OP] [P] :

- la maison ainsi que les terrains et bois sis [Adresse 23] à [Localité 16].

-Bien de la communauté des époux [OP] et [O] [P] :

- la maison [Adresse 25] à [Localité 16].

La moitié en pleine propriété ainsi que la moitié en usufruit appartenaient de son vivant à Mme [OP] [P], la moitié en nue-propriété appartenant aux enfants [Y], [K] et [G] (décédé) pour un sixième indivis chacun.

Un testament a été reçu par Me [Z] en date du 20 janvier 2010 et aux termes duquel la défunte a pris les dispositions testamentaires suivantes :

'Je veux avantager mes deux garçons [Y] et [K] [P] qui se sont toujours bien occupés de moi. Les enfants de [G] ne recevront que 25 % de mes biens. Le reste ira à [Y] et [K] (ou leurs descendants) par part égale.

Je souhaite que ma moitié de la maison [Adresse 25] aille à [Y].

Les enfants de [G] recevront la maison [Adresse 21] avec 2 000 m2 de terrain. Le reste sera partagé entre tous mes héritiers dans les proportions ci-dessus.

Je désire que [Y] reçoive tout le [Adresse 25] et son atelier [Adresse 24], que [K] reçoive les deux locations [Adresse 24].

L'argent et les autres biens immobiliers autour [Adresse 21] complèteront les droits de chacun dans la limite de 25 % pour les enfants de [G].'

La cour n'est saisie des chefs du premier jugement portant :

- sur la validité du testament du 20 janvier 2010 en tant que testament partage ou de legs,

- sur les conséquence de l'occupation de l'immeuble sis [Adresse 23]t à [Localité 16] par Mme [X] [P] s'agissant tant d'une indemnité d'occupation due à l'indivision successorale que d'une créance d'amélioration du bien due par cette dernière à Mme [X] [P].

Sur la qualification et la validité du testament du 20 janvier 2010

Les appelants estiment en premier lieu qu'il y a une discussion sur la nature du testament qui est authentique et ne relèverait, pas selon eux, de la jurisprudence invoquée par les intimés. En outre le testament litigieux ne peut selon eux en aucun cas recevoir la qualification de testament-partage, pour au moins deux raisons puisque l'intention première de leur mère était de les avantager et que le testament ne permet pas d'allotir tous les héritiers en répartissant l'ensemble ou la quasi totalité des biens de leur mère.

A titre subsidiaire il conviendra en tout état de cause, selon les appelants, de tenir compte de la volonté non équivoque de la de-cujus d'avantager ses deux fils [K] et [Y] en réduisant la part de ses petits-enfants à leur réserve successorale.

Si la cour devait estimer que le testament litigieux du 20 janvier 2010 comporte un legs préciputaire portant sur des biens communs, il sera jugé qu'ils conserveront le bénéfice de la valeur de ce legs, qui devra leur être attribuée, et prélevée sur les biens propres de Mme [OP] [M].

Sur la capacité de leur mère pour établir ce nouveau testament les appelants estiment que les intimés ne rapportent pas la preuve de troubles et qu'au contraire ils fournissent une attestation contraire d'une altération.

Pour les intimés la qualification de testament-partage doit être retenue dès lors que Mme [OP] [P] avait pour objectif de constituer des lots et de les répartir entre ses héritiers présomptifs.

Cette qualification de testament-partage est d'autant moins contestable que ledit testament a été érigé après l'établissement d'un projet de donation-partage cumulatif par Maître [Z] en août 2009, projet n'ayant pas recueilli l'accord des enfants de [G] [P].

La nullité de ce testament cumulatif est donc encouru puisque portant non seulement sur des biens propres de la testatrice mais également sur des biens dépendant de l'indivision post-communautaire dissoute par le décès de l'époux prédécédé et également sur des biens propres de l'époux prédécédé.

Les dispositions de l'article 1423 ne s'appliquent pas aux héritiers : 'Les dispositions de l'article 1423 ne peuvent s'appliquer qu'aux légataires et non aux héritiers, dont les parts, devant être déterminées au moment même du décès de l'ascendant, ne sauraient être subordonnées au résultat futur et incertain du partage de la communauté' (Civ. 1ère, 16 mai 2000.).

En l'espèce il résulte de l'article 1075 du code civil que : ' Toute personne peut faire, entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits.

Cet acte peut se faire sous forme de donation-partage ou de testament-partage. Il est soumis aux formalités, conditions et règles prescrites pour les donations entre vifs dans le premier cas et pour les testaments dans le second.'

Aux termes de l'article 1079 du même code : 'Le testament-partage produit les effets d'un partage. Ses bénéficiaires ne peuvent renoncer à se prévaloir du testament pour réclamer un nouveau partage de la succession.'

Enfin suivant l'article 1423 du code : ' Le legs fait par un époux ne peut excéder sa part dans la communauté.

Si un époux a légué un effet de la communauté, le légataire ne peut le réclamer en nature qu'autant que l'effet, par l'événement du partage, tombe dans le lot des héritiers du testateur ; si l'effet ne tombe point dans le lot de ces héritiers, le légataire a la récompense de la valeur totale de l'effet légué, sur la part, dans la communauté, des héritiers de l'époux testateur et sur les biens personnels de ce dernier.'

Il résulte du testament établi sous forme authentique que Mme [M] a effectivement indiqué dans cet acte souhaiter allotir différents biens en les répartissant entre ses héritiers comme suit :

- 'la moitié de la maison [Adresse 25]' devant revenir à M. [Y] [P].,

- 'la maison [Adresse 21] avec 2.000 m2 de terrain' devant revenir aux enfants de M. [G] [P],

- 'tout le [Adresse 25] et son atelier [Adresse 24]' devant revenir à M. [Y] [P],

-les deux locations [Adresse 24] devant revenir à M. [K] [P].

Le reste devait être partagé entre tous ses héritiers dans les proportions de 75% pour [Y] et [K] [P] et 25% pour les enfants de [G] [P], prédécédé.

L'usage des verbes souhaiter ou désirer ne retire rien de la volonté explicite de Mme [M] de réaliser la répartition des biens visés comme l'indique aussi l'emploi du présent de l'indicatif s'agissant par exemple des biens situés [Adresse 21] que les enfants de [G] 'recevront'ou qui 'complèteront' (avec l'argent) les droits de chacun dans la proportion de 25/75%.

Mme [M] exprime ainsi clairement sa volonté de procéder à un partage autoritaire des biens de la succession, volonté qu'elle avait d'ailleurs déjà manifestée dans un projet de donation- partage établi en août 2009, soit moins de 6 mois avant la rédaction du testament, et refusé par les donataires (p 2 intimés).

Bien que Mme [M] mentionne dans ce testament sa volonté de favoriser les appelants, il convient de noter que le projet de donation-partage d'août 2019 tel qu'il était proposé correspondait alors à une répartition égalitaire de la masse à partager à travers des lots qui étaient établis (p2 des intimés).

En outre si dans cet acte contesté, Mme [M] évoque sa volonté d'avantager ses fils en leur accordant une part de 37,5 % (75% /2) et 25 % à ses petits enfants représentant [G] précédé, l'intention première de Mme [M] est de répartir les différents immeubles et de procéder d'abord à un partage dont elle précise que 'l'argent et les autres biens immobiliers autour du [Adresse 21] complèteront les droits de chacun dans la limite de 25 % pour les enfants de [G]'.

C'est donc bien comme un testament-partage que l'acte notarié du 20 janvier 2010 doit s'analyser initialement et qu'il convient d'en vérifier la validité.

A ce titre le testament-partage n'est aux termes de l'article précité soumis qu'aux formalités, conditions et règles prescrites pour les testaments (C. civ., art. 1075 , al. 2). Il doit mais peut donc emprunter, à peine de nullité, la forme olographe, authentique, mystique ou internationale.

Il peut concerner tout ou partie des biens que le disposant laisse à son décès comme le rappelle l'article 1075-5 du code civil et ceux qui n'y sont pas compris sont partagés entre les héritiers conformément au droit commun.

Néanmoins le testament- partage ne peut porter que sur les biens sur lesquels le testateur a la propriété et la libre disposition. Les testaments-partages qui comprennent l'attribution de biens relevant de la communauté non encore dissoute sont nuls (Civ. 1re, 5 déc. 2018, no 17-17.493).

Or en l'espèce le testament-partage établi sous la forme authentique le 20 janvier 2010 porte effectivement tant sur les biens propres de Mme [M] que :

- sur des biens propres à son époux, la maison [Adresse 14] à [Localité 16], les maisons [Adresse 8] et [Adresse 8] à [Localité 16],

- sur un bien de la communauté des époux [OP] et [O] [P], la maison [Adresse 25] à [Localité 16].

C'est dès lors à juste titre que le premier juge a considéré que ce testament-partage cumulatif emportant la disposition de biens propres à l'époux et de biens de communauté étant prohibé, devait être annulé et ce dans sa totalité conformément à la jurisprudence précitée (Civ. 1re, 5 déc. 2018, no 17-17.493).

Cette annulation portant sur la totalité de l'acte il n'y a pas lieu de faire application de l'article 900 du code civil destiné à sanctionner, en les déclarant non écrites, les dispositions testamentaires notamment contraires à la loi ou aux moeurs.

Sur l'application de l'application de l'article 1423 du code civil sollicité par les appelants, il convient de rappeler que de jurisprudence établie 'si les ascendants ont la faculté de faire, par anticipation, le partage de leur succession, cette faculté est limitée aux biens dont chacun d'eux à la propriété et la libre disposition et ne peut être étendue aux biens communs ; qu'ensuite, les dispositions de l'article 1423 du code civil ne peuvent s'appliquer qu'aux légataires et non aux héritiers dont les parts doivent être déterminées au moment même du décès de l'ascendant et ne sauraient être subordonnées au résultat futur et incertain du partage ultérieur de la communauté' (civ. 1re, 6 mars 2001, n° 99-11.30, 5 décembre 2018 n°17 17493 P).

Les appelants ne peuvent dès lors se prévaloir de cet article pour solliciter la délivrance du leg que ce testament opérerait sur les biens communs.

Sur le rapport locatif dû par Mme [X] [P] au titre de l'occupation de la maison sise '[Adresse 21]' à [Localité 16]

Mme [X] [P] occupe la maison sise '[Adresse 21]' à [Localité 16] en vertu d'un bail signé le 1er septembre 1996, moyennant un loyer initial de 6.000 frs par an.

Les appelants sollicitent le rapport par elle à la succession de Mme [OP] [M] du montant des sommes correspondant aux loyers de cet immeuble et demandent par conséquent à la cour de donner mission au notaire d'évaluer le montant de ce rapport sur la base de la valeur locative du bien à compter du 17 octobre 2016 date du décès de M. [G] [P] et jusqu'au partage effectif.

Ils contestent le fait que la modicité du loyer résulterait des travaux entrepris par Mme [X] [P].

Subsidiairement MM. [Y] et [K] [P] concluent à la fixation d'une indemnité d'occupation à sa charge, au titre de la jouissance exclusive de l'immeuble depuis le décès de Mme [M] le [Date décès 7] 2014 et jusqu à la date du partage effectif, le notaire devant évaluer le montant de cette indemnité sur la base de la valeur locative.

Mme [X] [P] soutient en réponse qu'elle a versé un loyer correspondant à l'état du bien et n'a jamais occupé celui-ci sans contrepartie.

Elle rappelle être créanciére de la succession pour les travaux réalisés sur l'immeuble en soulignant y avoir apporté une plus-value. Elle fait valoir qu'elle a totalement rénové le bien qui était à l'état de ruine initialement et dont la surface habitable a été portée de 50 m2 dans le milieu des années 1990 à 90 m2 aujourd'hui. Elle demande à la cour de charger le notaire de l'évaluation de cette créance au titre de la plus value résultant des travaux de rénovation réalisés.

Conformément à l'article 843 du Code civil ' tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il'a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons a lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale'.

Aux termes de l'article 893 du Code Civil : ' La libéralité est l'acte par lequel une personne dispose a titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d'une autre personne. Il ne peut étre fait de libéralité que par donation entre vifs ou par testament '.

La jurisprudence de la cour de cassation exige s'agissant de l'occupation d'un immeuble indivis par un héritier de vérifier s'il n'existe pas dans l'occupation une contrepartie excluant toute libéralité dont la reconnaissance exige la preuve d'une intention libérale (civ 1ère 18 janvier 2012 n° 11-12.863 ).

Seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession (Civ. 1ère , 18 janv. 2012, n° 09-72.542 ).

Un appauvrissement du donateur est constitué par les profits non justifiés par l'objet de la donation ou une convention conclue entre le défunt et un de ses successibles ou encore par un acte accompli en sa faveur par le défunt.

En l'absence d'intention libérale établie, le bénéficiaire de l'avantage indirect que constitue l'occupation gratuite d'un immeuble appartenant au défunt, n'en doit pas forcément compte à ses cohéritiers.

Conformément à l'article 843 du code civil, les demandeurs qui souhaitent obtenir le rapport à la succession d'avantages indirects doivent prouver soit l'existence d'une intention libérale du défunt, c'est-à-dire une intention de donner, soit que la bénéficiaire de la donation a bénéficié d'avantages indirects, résultant de la libéralité et entrainant un appauvrissement de la défunte.

Il ressort des pièces du dossier qu'en l'espèce l'immeuble du [Adresse 21] a fait l'objet d'un bail le 1er septembre 1996 au profit de Mme [X] [P] pour ' 1 chambre, cuisine, séjour, débarras annexes moyennant un loyer annuel de 6.000 francs (914,69 euros) ; la mention est indiquée que la locataire y a effectué des travaux de rénovation.

La cour contrairement aux appelants ne peut déduire de cette mention que 'les travaux avaient été faits avant l'entrée dans les lieux' mais uniquement que Mme [X] [P] avait d'ores et déjà réalisé 'des' travaux.

Si les appelants concluent par ailleurs que la maison était parfaitement habitable à la date du bail et que le loyer ne correspondait pas à la valeur locative, les pièces du dossier permettent de considérer que ce bien était inoccupé depuis plusieurs années, dans un état justifiant de nombreux travaux de réfection des murs et de toiture.

Les photographies versées aux débats, qui ne sont pas discutées, mettent en évidence cet état des bâtiments loués et les travaux progressifs entrepris.

Si le bien avait en outre précédemment été loué comme en atteste un échange de correspondances entre Mme [M] et M. [A] en 1981 et jusqu'en juin 1986, soit 10 ans avant le bail signé entre Mme [P] et sa grand-mère, la cour relève que le montant du loyer de l'immeuble, qui ne correspond pas au domicile des intéressés, était à l'époque de 350 euros/mois (p 46 des intimés) et qu'il a été mis fin cette 'occupation', selon les termes de M. [A], en raison de l'absence de travaux, le désordre de l'endroit, 'nous obligeant à arrêter une occupation devenue difficile de l'endroit que pourtant nous apprécions beaucoup'.

Cet élément corrobore l'analyse produite pas Mme [P] de l'état dégradé du bien 10 années après et les travaux qu'elle a dû réaliser pour l'améliorer et y vivre.

Mme [P] communique des factures libellées au nom de son compagnon datant notamment de 1996 et 1999 pour apporter un début de preuve de travaux, elle justifie en outre et surtout par la production de différentes attestations (M. [B] p 27, M. et Mme [V] p 43, et M. [I] p 44) à la fois l'état de 'délabrement' de la maison lors de l'établissement du bail ainsi que les travaux importants notamment de couverture, de réfection des murs, des huisseries, de plomberie réalisés (M. [U] p 25, M. [J] p 26, M. [N] p 30).

Ces attestations soulignent également les travaux d'entretien régulièrement entrepris par Mme [P] (M. [U] p 25).

Si les appelants soutiennent que Mme [M] a elle-même financé des travaux de rénovation de l'immeuble et plus précisément d'isolation, les deux factures produites (p11 et 12 des appelants pour un total 2.800 frs en juin et octobre 1993) ne peuvent venir contredire ou même atténuer la réalité et l'importance des travaux réalisés par l'intimée.

En outre comme l'a justement souligné le premier juge sur les factures produites figure une adresse qui ne permet pas de justifier avec certitude le lieu d'utilisation de ces matériaux et d'exécution des travaux.

Mme [X] [P] justifie par ailleurs du paiement des loyers par les quittances remises.

La valeur de celui-ci a été portée à 400 euros par mois à compter du 1er novembre 2009 et Mme [X] [P] justifie également s'en être acquittée.

En outre elle a réglé les frais d'entretien et de conservation de l'immeuble qui ont pu être évalués le 10 septembre 2014 par Maître [Z], notaire à 180.000 euros (p 18).

C'est donc très justement que la première décision a considéré au regard de l'état du bien, du loyer versé et de la valeur acquise que MM. [K] et [Y] [P] échouaient à rapporter la preuve de la volonté de Mme [OP] [M] de gratifier Mme [X] [P] et consécutivement de son intention libérale dans le cadre de ce bail.

Quand bien même Mme [X] [P] ne peut précisément rapporter la quantité ni surtout la valeur des travaux réalisés depuis 1996 pour améliorer le bâtiment qu'elle occupe celui-ci a effectivement connu une amélioration, une extension de surface et il existe bien le principe d'une créance sur l'indivision ; il appartiendra au notaire désigné d'évaluer ainsi la plus value sur la base des documents qu'elle produira ou de tous autres documents permettant d'y parvenir.

La décision sera par conséquent confirmée des chefs du jugement ayant débouté les appelants de leur demande principale en rapport par Mme [X] [P] d'une dette locative et ayant jugé que Mme [X] [P] est créancière envers l'indivision successorale d'une somme à déterminer par le notaire, au titre des travaux de rénovation accomplis ainsi que des chefs tendant à la communication par M. [Y] [P], des quittances de loyers correspondantes aux sommes versées par Mme [X] [P] au titre de l'occupation de la maison sis [Adresse 21], qui sont dépourvus d'intérêt.

S'agissant de l'indemnité d'occupation réclamée par les appelants

L'article 815-9 alinéa 2 du code civil dispose que 'l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.'

Aux termes de l'alinéa 1er du même article chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires.

La jouissance privative d'un immeuble indivis résulte de l'impossibilité de droit ou de fait pour les co-indivisaires d'user de la chose.

En l'espèce il n'est pas contesté que Mme [X] [P] occupait l'immeuble en vertu d'un contrat de bail et s'est acquittée des loyers.

En conséquence Mme [X] [P] en vertu de ce droit d'occupation dont elle assure le régalement et quelle que soit la valorisation éventuelle du loyer, ne porte pas atteinte aux droits égaux et concurrents des coindivisaires. (Cass civ1ere 18 mars 2020 n° 19-11 .206 : ' l'indivisaire qui dispose d'un titre qui lui est propre, pour user et jouir d'un immeuble indivis, ne se trouve pas soumis à la règle qu'énonce l'article 815-9 du code civil ; que l'indivisaire qui jouit privativement d'un immeuble indivis en exécution du bail que son auteur lui a consenti, n'use donc pas et ne jouit donc pas d'un bien indivis au sens de l'article 815-9 du code civil, de sorte qu'il n'est pas redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision à laquelle il appartient').

Mme [P] ne saurait être redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision, pas même à titre de 'complément de loyer' et la décision critiquée confirmée de ce chef.

Sur la demande dommages et intérêts pour procédure abusive

Ainsi que les intimés le soulignent, les appelants n'ont pas apporté d'élément nouveau au soutien de leurs prétentions devant la cour se bornant souvent à procéder par affirmations et avec une bonne foi limitée, notamment concernant l'occupation de l'immeuble sis [Adresse 21] par leur nièce depuis 28 ans ; il est néanmoins constant que pour le moins la nature du testament méritait sans abus de droit un examen en appel.

L'appel ne peut dès lors être considéré comme dénué de sérieux et dilatoire.

Par conséquent leur demande de condamnation des appelants à des dommages et intérêts sera écartée.

MM. [K] et [Y] [P] qui succombent dans leurs prétentions, supporteront les dépens.

Tenus aux dépens ils seront condamnés ensemble à payer à Mme [L] [P], M. [KX] [P], Mme [X] [P] la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Au fond,

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme la décision déférée,

Y ajoutant,

Déboute Mme [L] [P], M. [KX] [P] et Mme [X] [P] de leur demande de condamnation de M. [Y] [P] et M. [K] [P] solidairement à payer à la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,

Condamne M. [Y] [P] et M. [K] [P] à payer ensemble à Mme [L] [P], M. [KX] [P] et Mme [X] [P] la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel et aux entiers dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Denys BAILLARD, Président et par Diane MADRANGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

D. MADRANGE D. BAILLARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/00465
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-10;23.00465 ?
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