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10/07/2024 | FRANCE | N°23/00414

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 4ème chambre, 10 juillet 2024, 23/00414


ARRET N°



N° RG 23/00414 - N° Portalis DBV5-V-B7H-GXTW









[P]

[X]



C/



[A]

[A]

[A]

[A]

[A]

[A]

[A]



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



4ème Chambre Civile



ARRÊT DU 10 JUILLET 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00414 - N° Portalis DBV5-V-B7H-GXT

W



Décision déférée à la Cour : jugement du 06 décembre 2022 rendu par le tribunal judiciaire des SABLES D'OLONNE.





APPELANTES :



Madame [H]-[Y] [F] épouse [P]

née le [Date naissance 17] 1956 à [Localité 36]

[Adresse 30]

[Localité 25]



ayant pour avocat Me Laura NIOCHE de la...

ARRET N°

N° RG 23/00414 - N° Portalis DBV5-V-B7H-GXTW

[P]

[X]

C/

[A]

[A]

[A]

[A]

[A]

[A]

[A]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

4ème Chambre Civile

ARRÊT DU 10 JUILLET 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00414 - N° Portalis DBV5-V-B7H-GXTW

Décision déférée à la Cour : jugement du 06 décembre 2022 rendu par le tribunal judiciaire des SABLES D'OLONNE.

APPELANTES :

Madame [H]-[Y] [F] épouse [P]

née le [Date naissance 17] 1956 à [Localité 36]

[Adresse 30]

[Localité 25]

ayant pour avocat Me Laura NIOCHE de la SELARL GAUVIN - ROUBERT & ASSOCIES, avocat au barreau des SABLES D'OLONNE

Madame [J] [F] épouse [X]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 36]

[Adresse 22]

[Localité 18]

ayant pour avocat Me Laura NIOCHE de la SELARL GAUVIN - ROUBERT & ASSOCIES, avocat au barreau des SABLES D'OLONNE

INTIMES :

Madame [W] [A]

née le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 43] (ALGERIE)

[Adresse 24]

[Localité 33]

ayant pour avocat Me Isabelle BLANCHARD de la SELARL ADLIB, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

Monsieur [D] [A]

né le [Date naissance 8] 1958 à [Localité 41] (ALGERIE)

[Adresse 11]

[Localité 12]

ayant pour avocat Me Isabelle BLANCHARD de la SELARL ADLIB, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

Madame [N] [A]

née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 35] (ALGERIE)

[Adresse 45]

[Localité 20]

ayant pour avocat Me Isabelle BLANCHARD de la SELARL ADLIB, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

Madame [B] [A]

née le [Date naissance 16] 1956 à [Localité 50] (MAROC)

[Adresse 39]

[Localité 23]

ayant pour avocat Me Isabelle BLANCHARD de la SELARL ADLIB, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/4622 du 11/09/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de POITIERS)

Madame [T] [A]

née le [Date naissance 10] 1959 à [Localité 42] (ALGERIE)

[Adresse 48]

[Localité 32]

ayant pour avocat Me Isabelle BLANCHARD de la SELARL ADLIB, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

Monsieur [E] [A]

né le [Date naissance 7] 1966 à [Localité 34]

[Adresse 46]

[Localité 31]

ayant pour avocat Me Isabelle BLANCHARD de la SELARL ADLIB, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

Monsieur [V] [A]

né le [Date naissance 6] 1970 à [Localité 37] (MAROC)

[Adresse 13]

[Localité 19]

ayant pour avocat Me Isabelle BLANCHARD de la SELARL ADLIB, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Denys BAILLARD, Président

Madame Marie-Béatrice THIERCELIN, Conseillère

Madame Véronique PETEREAU, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Manuella HAIE

lors du prononcé : Madame Diane MADRANGE,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

**********************

EXPOSE DU LITIGE

Dans des conditions de régularité, de forme et de délai non discutées, [H]-[Y] [F] (épouse [P]) et [J] [F], (épouse [X]) ont interjeté appel le 16 février 2023 d'un jugement rendu le 06 décembre 2022 par le tribunal judiciaire des Sables d'Olonne ayant notamment :

- déclaré recevables en leur reprise d'instance Mme [P] et Mme [X],

- débouté Mme [P] et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes,

- débouté Mmes [B], [N], [T] et [W] [A] ainsi que M. [D], [E] et [V] [A] de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [P] et Mme [X], aux dépens de l'instance.

Les appelantes concluent à la réformation de la décision entreprise et demandent à la cour de :

- déclarer Mme [P] et Mme [X], en leur qualité d'héritières de Mme [I], recevables et bien fondées en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- débouter Mme [B] [A], M. [D] [A], Mme [N] [A], Mme [T] [A], M. [E] [A], Mme [W] [A], M. [V] [A] de toute demande plus ample et/ou contraire,

- confirmer partiellement le jugement du tribunal judiciaire des Sables d'Olonne en date du 06 décembre 2022 en ce qu'il a :

- déclaré recevables en leur reprise d'instance Mme [P] et Mme [X],

- débouté Mmes [B], [N], [T] et [W] [A] ainsi que M. [D], [E] et [V] [A] de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer partiellement le jugement du tribunal judiciaire des Sables d'Olonne en date du 06 décembre 2022 en ce qu'il a :

- débouté Mme [P] et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné Mme [P] et Mme [X], aux dépens de l'instance.

En conséquence,

- voir condamner solidairement ou in solidum Mme [B] [A], Mme [N] [A], M. [D] [A], Mme [T] [A], Mme [W] [A], M. [E] [A], M. [V] [A], ès qualité d'ayants droit de M.[A], à restituer à Mme [P] et Mme [X] la somme de 273.208,98 euros, au titre de la créance entre époux, avec intérêts à taux légal à compter de la décision à intervenir,

A titre subsidiaire,

- voir condamner solidairement ou in solidum Mme [B] [A], Mme [N] [A], M. [D] [A], Mme [T] [A], Mme [W] [A], M. [E] [A], M. [V] [A], ès qualité d'ayants droit de M. [A], à verser à Mme [P] et Mme [X] une indemnité égale à la somme de 273.208,98 euros au titre de la répétition de l'indu perçu par ces derniers en leur qualité d'ayant droits de M. [A], et subsidiairement, la somme de 73.000 euros.

A titre très subsidiaire,

- voir condamner solidairement ou in solidum Mme [B] [A], Mme [N] [A], M. [D] [A], Mme [T] [A], Mme [W] [A], M. [E] [A], M. [V] [A], ès qualité d' ayants droit de M. [A], à verser à Mme [P] et Mme [X], une indemnité égale à la somme de 273.208,98 euros au titre de l'enrichissement sans cause perçue par ces derniers, et subsidiairement, la somme de 73.000 euros.

En tout état de cause,

- voir condamner solidairement ou in solidum Mme [B] [A], Mme [N] [A], M. [D] [A], Mme [T] [A], Mme [W] [A], M. [E] [A], M. [V] [A] à verser à Mme [P] et Mme [X], la somme de 10.000 euros en indemnisation du préjudice moral subi,

- voir condamner solidairement ou in solidum Mme [B] [A], Mme [N] [A], M. [D] [A], Mme [T] [A], Mme [W] [A], M. [E] [A], M. [V] [A] à verser à Mme [P] et Mme [X], la somme de 6.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la première instance et 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'appel,

- débouter Mme [B] [A], Mme [N] [A], M. [D] [A], Mme [T] [A], Mme [W] [A], M. [E] [A], M. [V] [A] de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile formulée à l'encontre de Mme [P] et Mme [X],

- voir condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Nioche, avocat aux offres de droit,

- débouter Mme [B] [A], Mme [N] [A], M. [D] [A], Mme [T] [A], Mme [W] [A], M. [E] [A], M. [V] [A] de leur demande de condamnation aux entiers dépens d'appel formulée à l'encontre de Mme [P] et Mme [X].

Les intimés, Mme [W] [A], M. [D] [A], Mme [N] [A], Mme [B] [A], Mme [T] [A], M. [E] [A] et M. [V] [A] concluent à la confirmation de la décision déférée et demandent en outre à la cour de :

- condamner Mmes [P] et [X] agissant en qualité d'ayants droit de Mme [I], à verser à Mme [B] [A], Mme [N] [A], M. [D] [A], Mme [T] [A], Mme [W] [A], M. [E] [A] et M. [V] [A] la somme de 1.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

- condamner Mmes [P] et [X] agissant en qualité d'ayants droit de Mme [I] à leur verser 1.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Vu les dernières conclusions des appelantes en date du 26 février 2024 ;

Vu les dernières conclusions des intimés en date du 19 mars 2024 ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2024.

A l'audience les parties se sont accordées pour que soit révoquée l'ordonnance de clôture et prononcée une nouvelle ordonnance de clôture avant l'ouverture des débats.

SUR QUOI

Mme [I], née le [Date naissance 3] 1934, s'est mariée le [Date mariage 5] 2001avec M. [G] [A] né le [Date naissance 9] 1931, sous le régime de la séparation de biens, aux termes d'un contrat de mariage reçu le 29 janvier 2001, par Me [L], notaire à [Localité 36].

Aucun enfant n' est issu de leur union.

M. [A] est décédé le [Date décès 14] 2017.

Mme [I] était la mère de deux enfants, nées d'un précédent mariage, [H]-[Y] [F] et [J] [F].

M. [A] était le père de sept enfants nés d'une précédente union : [B], [N], [D], [T], [W], [E] et [V] [A], ci-après désignés consorts [A].

L'acte de notoriété des successibles de M. [A] porte la mention que par testament olographe en date du 06 février 2014 déposé le 02 mai 2018 au rang des minutes de Me [R], notaire à [Localité 49] (Vendée), M. [A] a pris les dispositions suivantes :

' Je soussigné [G] [A] né le [Date naissance 9] 1931 à [Localité 20] déclare priver mon épouse Mme [K] [I] du quart des biens dépendant de ma succession, je lui lègue, à titre particulier, le véhicule qui pourrait m'appartenir à mon décès. Ceci révoque toutes dispositions antérieures. Fait à [Localité 38]. Le 06 février 2014.'

Mme [I] était propriétaire avec ses filles d'une maison d'habitation située à [Adresse 47] - [Localité 21]. Suite à la vente du bien réalisée le 28 octobre 2015, elle a perçu 153.615,48 euros, somme qui a été virée, le 05 novembre 2015 sur le compte personnel de M. [A].

Par jugement du 19 mars 2019, le tribunal d'instance de la Roche-sur-Yon a ouvert une mesure de tutelle à l'égard de Mme [I], confiée à sa fille Mme [H]-[Y] [F], à la suite de l'examen par l'expert psychiatre lequel a relevé que Mme [I] 'présente une altération profonde des fonctions cognitives et physiques en lien avec une encéphalopathie d'origine dégénérative. Ceci entraîne une altération de ses capacités mentales au point de l'empêcher d'exprimer sa volonté d'une façon claire et construite dans le temps avec des conséquences majeures dans la gestion de ses biens et de son quotidien, nécessitant une prise en charge institutionnelle'.

Faisant valoir que la quasi-totalité de son épargne avait été captée par son époux, Mme [I] représentée par sa tutrice a fait assigner par actes d'huissier en date du 03 juin 2020, les consorts [A] en qualité d'héritiers de son défunt mari, devant le tribunal judiciaire des Sables d'Olonne pour les voir condamner à lui restituer à titre principal la somme de 243.208,98 euros, subsidiairement la somme de 73.000 euros correspondant aux sommes perçues par eux directement de leur père, et à leur verser une somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral, outre 6.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [I] est décédée le [Date décès 15] 2021, laissant pour lui succéder ses deux filles.

Par jugement en date du 4 janvier 2022, le tribunal judiciaire a constaté l'interruption de plein droit de l'instance à la suite du décès, ordonné le retrait de l'affaire du rôle du tribunal, réservé les dépens de l'instance.

[H] et [J] [F] ont conclu aux fins de reprise de l'instance et de réinscription de l'affaire au rôle du tribunal judiciaire des Sables d'Olonne.

*****

[H] et [J] [F] font valoir que depuis 2007 leur mère était atteinte de la maladie d'alzheimer, ce qui la rendait extrêmement vulnérable. Dans ce contexte, son mari, qui bénéficiait d'une procuration sur ses comptes, a géré ses affaires, notamment la vente du bien leur appartenant en indivision avec leurs mère, a reçu le prix de vente, qu'il a détourné, ainsi que la majorité des avoirs se trouvant sur les comptes de leur mère. L'altération de ses facultés mentales ayant conduit à son placement sous tutelle en 2019 exclut qu'elle ait pu consentir aux mouvement constatés sur ses comptes entre 2015 et 2017.

Les intimés s'opposent aux demandes de [H] et [J] [F]. Ils considèrent tout d'abord qu'à l'époque des opérations litigieuses, l'altération des facultés cognitives n'est pas établie puisque celles-ci n'ont été mises en lumière qu'à l'occasion d'une expertise psychiatrique réalisée en 2018. Ils font également valoir qu'ils ne peuvent être tenus pour responsables d'un virement effectué par le notaire sur le compte de leur père, en ce qui concerne le prix de vente de la maison. En outre ils relèvent que leur père a ouvert des comptes en faveur de Mme [I], et qu'en toute hypothèse il ne s'est pas enrichi au détriment de son épouse puisqu'au contraire leurs différences de revenus l'ont toujours conduit à supporter les charges du mariage. Enfin ils soutiennent qu'en tant qu'héritiers ils ne sont pas concernés par les éventuelles créances entre époux de leur père et de leur belle-mère.

*****

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats et notamment de l'acte de notoriété ci-dessus visé, que tous les intimés ont accepté purement et simplement la succession de leur père. Ils ne le contestent d'ailleurs pas. Par conséquent ils sont en principe tenus au paiement de ses dettes par application de l' articles 785 du code civil.

Selon l'article 786 du code civil l'héritier acceptant purement et simplement ne peut plus renoncer à la succession ni l'accepter à concurrence de l'actif. Toutefois il peut demander à être déchargé en tout ou partie de son obligation à une dette successorale qu'il avait des motifs d'ignorer au moment de l'acceptation si l'acquittement de cette dette avait pour effet d'obérer gravement son patrimoine personnel.

Cependant les intimés n'en font pas la demande, étant observé que [H] et [J] [F] ont fait part de leurs interrogations quant aux mouvements suspects sur le compte de leur mère à [N] [A], le 19 juin 2017, qui gérait alors les comptes de son père, donc avant le décès de leur père, et que le conseil de Mme [I] a adressé à chacun une lettre recommandée datée du 10 décembre 2019 les mettant en demeure de lui verser une somme de 213.615 euros comme indûment prélevée sur son compte au titre d'une créance entre époux.

En application des articles 870, 873 et 1309 du code civil, les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession personnellement pour leur part. Par conséquent les appelantes ne peuvent réclamer à chacun d'eux qu'une part de la dette proportionnelle à la part d'actif qu'il doit recueillir en fonction de sa vocation héréditaire.

Sur la créance entre époux

Aux termes de l'article 1540 du Code civil quand l'un des époux prend en main la gestion des biens de l'autre, au su de celui-ci, et néanmoins sans opposition de sa part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration et de gérance, mais non les actes de disposition. Cet époux répond de sa gestion envers l'autre comme un mandataire. Il n'est, cependant, comptable que des fruits existants ; pour ceux qu'il aurait négligé de percevoir ou consommés frauduleusement, il ne peut être recherché que dans la limite des cinq dernières années.

Si c'est au mépris d'une opposition constatée que l'un des époux s'est immiscé dans la gestion des biens de l'autre, il est responsable de toutes les suites de son immixtion, et comptable sans limitation de tous les fruits qu'il a perçus, négligé de percevoir ou consommés frauduleusement.

Selon l'article 1541 du code civil un conjoint est garant, de plein droit, du défaut d'emploi ou de remploi des biens de l'autre s'il s'est ingéré dans des opérations d'aliénation ou d'encaissement, ou qu'il est prouvé que les deniers ont été reçus par lui ou ont tourné à son profit.

[H] et [J] [F] affirment que leur mère présentait une altération de ses facultés mentales telle en 2015 qu'elle aurait été incapable de consentir à un quelconque acte sur ses comptes entre 2015 et 2017. Si elles démontrent que leur mère était atteinte de la maladie d'alzheimer depuis 2007, les certificats médicaux du docteur [C] datés de septembre et octobre 2015 ne concluent pas à sa mise sous protection. En revanche ils décrivent l'affaiblissement général de leur mère, dont la perte d'autonomie a conduit à son placement en famille d'accueil courant 2016 avant d' intégrer un EHPAD avec son époux, pouvant expliquer la place prise par son époux, puis par les filles de celui-ci dans la gestion de ses affaires.

La cour relève que [H] et [J] [F] ont participé à la vente de la maison indivise concomitante à ces certificats puisque l'acte authentique a été reçu le 5 novembre 2015 et n'ont manifestement pas considéré que leur mère était incapable de consentir à cet acte, pas plus que le notaire instrumentaire d'ailleurs. Il doit encore être souligné que les appelantes n'ont estimé devoir saisir le juge des tutelles que plusieurs années après, en 2019, au vu d'un nouveau certificat établi en 2018.

Ce faisant, [G] [A] avait procuration sur les comptes de son épouse depuis le 8 juillet 2015, compte chèque [XXXXXXXXXX026] et 'tous contrats à venir'. Il n'est pas contesté que la somme de 153.615,48 euros correspondant à la part de [K] [I] dans le prix de vente de la maison appartenant aux appelantes et à leur mère a été viré le 5 novembre 2015 par le notaire sur le compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX027] ouvert auprès du Crédit Agricole Centre Atlantique détenu par [G] [A].

Le relevé de ce compte du mois de novembre de [G] [A] fait apparaître de nombreux virements dans les jours qui suivent. Certains de ces virements ont été effectués sur des comptes appartenant à la défunte,

- virement carré vert de 24.000 euros,

- virement assurance vie de 15.000 euros,

- virement parts sociales 5.000,80 euros,

- virement de 50.000 euros sur un compte fortissimo 4,

- virement de 6.700 euros sur un livret de développement durable,

- virement d'une somme de 5.000,80 euros a également été utilisée pour la souscription de parts sociales.

Ainsi une somme totale de 105.701,60 euros a été virée sur des comptes détenus par la défunte, ou ouverts à cette occasion à son profit. En revanche, il n'est pas établi que le père des intimés ait restitué à son épouse le solde restant, soit 47.913,88 euros. Il résulte au contraire de ce relevé de compte qu'il a viré depuis celui-ci d'autres sommes sur des comptes ouverts ou créés à son nom : ainsi, une somme de 7.700 euros sur son livret de développement durable [XXXXXXXXXX028] , une somme de 2.500 euros sur son compte [40] [XXXXXXXXXX029], ainsi qu'une somme de 15.000 euros en vue de la souscription d'une assurance vie PREDICA 9 dont la défunte était d'abord la bénéficiaire avant d'être remplacée quelques mois plus tard par les enfants de son époux.

Il ressort en outre que le compte [44] sur lequel avait été placée la somme de 50.000 euros en novembre 2015 a été clôturé dès le 1er mars 2016, et ses avoirs transférés vers le compte chèque de l'époux, alors que seule la somme de 23.500 euros a ensuite été redéployée sur les comptes de la défunte ainsi que cela ressort du courrier adressé le 19 juin 2017 à [N] [A].

En revanche, et bien que de nombreuses opérations aient encore été effectuées depuis les comptes de la mère des appelantes, celles-ci ne démontrent pas qu'elles constituent des détournements imputables à [G] [A]. En effet, d'une part deux de ses filles détenaient des procurations sur ses comptes et ceux de leur mère, si bien qu'en l'état des pièces versées aux débats, il n'est pas possible d'attribuer à [G] [A] ces opérations litigieuses. D'autre part certaines d'entre elles correspondent nécessairement à des dépenses engagées pour le compte de leur mère, en particulier lorsque son état de santé ne lui a plus permis de demeurer à son domicile.

Ainsi il est établi que sur la somme de 153.615,48 euros appartenant à son épouse, reçue par [G] [A], n'a pas été remise à son épouse, et a utilisé à son profit la somme de 71.413,88 euros.

L'importance des sommes ainsi soustraites comparées au patrimoine modeste de son épouse, dans un laps de temps aussi bref ne peut correspondre à la contribution aux charges du mariage de la défunte, et ce d'autant que les parties admettent que son époux avait des revenus supérieurs aux siens. L'intention libérale n'est pas alléguée, ni à fortiori établie. Par conséquent, [G] [A] qui avait pris en mains les affaires de son épouse et devait lui rendre sa part dans le prix de vente ou à tout le moins gérer ses comptes et les procurations à lui consenties conformément aux intérêts de son épouse, devait rendre compte des irrégularités de sa gestion ayant conduit au détournement de la somme de 71.413,88 euros. Celle-ci constitue le montant de sa dette envers son épouse, les appelantes échouant à imputer à [G] [A] d'autres mouvements litigieux que ceux retenus ci-dessus, les fondements de la répétition de l'indû et de l'enrichissement non justifié ne pouvant pas plus prospérer.

Les intimés, en leurs qualités d'héritiers, seront condamnés à payer aux appelantes la dette de leur auteur à proportion de leur part dans la succession soit un septième chacun. La décision déférée sera infirmée de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts

En application de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce les appelantes ne rapportent pas la preuve du préjudice moral de la défunte allégué. En effet, d'une part elles ne produisent aucun élément susceptible d' établir que leur mère avait pu se plaindre des agissements de son époux, sachant que les époux ont toujours vécu ensemble, jusqu'en Ehpad, et qu'elle était sous tutelle lorsque l'action a été engagée contre les intimés en leurs qualités d'héritiers de leur père. D'autre part les appelantes ne démontrent pas que leur mère ait subi une restriction de son train de vie par suite des agissements de son époux.

Par conséquent leur demande sera rejetée.

Les parties succombant partiellement en leurs demandes conserveront la charge de leurs dépens engagés en première instance et en cause d'appel et verront leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile rejetées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Révoque l'ordonnance de clôture et ordonne une nouvelle ordonnance de clôture avant l'ouverture des débats,

Au fond,

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme la décision déférée en ce qu'elle a déclaré recevable la reprise d'instance de [H] [F] et [J] [F] et les a déboutées de leur demande de dommages et intérêts ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne Mme [W] [A], M. [D] [A], Mme [N] [A], Mme [B] [A], Mme [T] [A], M. [E] [A] et M. [V] [A] à payer à [H] [F] et [J] [F] la somme de 71.413,88 euros à proportion de leur part (un septième) dans la succession, soit chacun la somme de 10.201,98 euros,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance,

Y ajoutant,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Autorise les avocats de la cause à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Le présent arrêt a été signé par Denys BAILLARD, Président et par Diane MADRANGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

D. MADRANGE D. BAILLARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/00414
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-10;23.00414 ?
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