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09/07/2024 | FRANCE | N°24/00183

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 09 juillet 2024, 24/00183


ARRÊT N°



N° RG 24/00183



N° Portalis DBV5-V-B7I-G6YE







[M]

[H]



C/



[D]

[W]

























Loi n° 77 - 1468 du 30/12/1977

Copie revêtue de la formule exécutoire



Le aux avocats





Copie gratuite délivrée



Le aux avocats





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM

DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 09 JUILLET 2024







Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 décembre 2023 rendue par le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de POITIERS







APPELANTS :



Madame [P] [M] épouse [H]

née le 01 Mai 1959 à [Localité 18] (87)

[Adresse 5]

[Loc...

ARRÊT N°

N° RG 24/00183

N° Portalis DBV5-V-B7I-G6YE

[M]

[H]

C/

[D]

[W]

Loi n° 77 - 1468 du 30/12/1977

Copie revêtue de la formule exécutoire

Le aux avocats

Copie gratuite délivrée

Le aux avocats

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 09 JUILLET 2024

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 décembre 2023 rendue par le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de POITIERS

APPELANTS :

Madame [P] [M] épouse [H]

née le 01 Mai 1959 à [Localité 18] (87)

[Adresse 5]

[Localité 13]

Monsieur [B] [H]

né le 03 Mars 1963 à [Localité 15]

[Adresse 5]

[Localité 13]

ayant tous deux pour avocat postulant Me Mathilde LE BRETON de la SCP KPL AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉS :

Madame [V] [D] veuve [W]

née le 04 Mars 1940 à [Localité 20] (86)

[Adresse 6]

[Localité 13]

Monsieur [S] [W]

né le 07 Octobre 1990 à [Localité 19] (86)

[Adresse 10]

[Localité 2]

Madame [O] [W]

née le 23 Septembre 1993 à [Localité 13] (86)

[Adresse 11]

[Localité 12]

ayant tous pour avocat postulant Me Michel SAUBOLE, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] sont propriétaires d'un terrain, situé [Adresse 5] à [Localité 13], cadastré section HIV numéro [Cadastre 14].

Mme [V] [D] épouse [W] et M. [N] [W] sont propriétaires d'un terrain, situé au numéro 24 de la même rue, cadastré section HN numéros [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9].

Aux termes d'un constat d'accord, homologué par ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Poitiers du 26 juin 2013, M. [N] [W] et Mme [V] [D] épouse [W] s'étaient engagés à élaguer tous les 4 ans les arbres de haute tige bordant leur propriété et M. [B] [H] et Mme [P] [M] épouse [H] consentaient un accès à leur propriété à l'entreprise d'élagage, d'abattage et d'entretien.

Par courriers des 10 mars 2016, 27 janvier 2020, 18 février 2021, 20 janvier et 29 décembre 2022, M. [B] [H] et Mme [P] [M] épouse [H] ont mis en demeure M. [N] [W] et Mme [V] [D] épouse [W] de se conformer aux obligations homologuées.

M. [N] [W] est décédé le 27 février 2022 à [Localité 13]. Par acte de notoriété dressé le 1" août 2022, Mme [V] [D] veuve [W] a hérité d'1/4 en toute propriété et de 3/4 en usufruit des biens et droits immobiliers composant la succession de son mari ; et M. [I] [W] a hérité de 3/4 en toute propriété et d'1/4 en usufruit de ces mêmes biens.

M. [I] [W] est décédé le 18 janvier 2023 à [Localité 17] (37). Par acte de notoriété dressé le 27 juillet 2023, M. [S] [W] et Mme [O] [W] ont notamment hérité de la nue-propriété des droits portant sur la parcelle sur laquelle se situent les arbres litigieux.

Par acte de commissaire de justice signifié à étude le 1er juin 2023,les époux [H] ont assigné Mme [V] [D] veuve [W] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de POITIERS.

Par ordonnance du juge des référés du 16 août 2023, la réouverture des débats a été ordonnée afin que Mme [V] [D] veuve [W] produise les dévolutions successorales de son époux et de son fils, avant le 30 septembre 2023 et afin que M. [B] [H] et Mme [P] [M] épouse [H] appellent à la cause tout autre propriétaire indivis ou nu-propriétaire de la parcelle litigieuse avant le 30 octobre 2023.

Par acte de commissaire de justice signifié le 30 octobre 2023, Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] ont assigné M. [S] [W] et Mme [O] [W] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de POITIERS sous le RG n°23/00349.

Selon leurs conclusions signifiées par RPVA le 11 juillet 2023, Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] sollicitaient la désignation d'un expert judiciaire avec mission définie dans leurs écritures et la condamnation de Mme [V] [D] veuve [W] à leur verser la somme de 1.500 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.Dans leur seconde assignation, ils sollicitaient la jonction des deux procédures et que la mesure d'expertise soit prononcée au contradictoire de M. [S] [W] et Mme [O] [W] et que ces derniers soient condamnés à leur verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils expliquaient qu'ils justifient de l'existence d'une divergence de point de vue sur l'exécution ou non du constat d'accord homologué et qu'il existait donc un litige potentiel, à savoir une instance aux fins de prononcer une astreinte pour pousser à l'exécution du constat d'accord amiable ou encore une action aux fins d'arrachage d'éventuels arbres dangereux. Ils indiquaient justifier d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile.

Ils précisaient qu'il n'y avait aucune prescription évidente et que, en tout état de cause, celle-ci ne pourrait jouer puisque le fondement de l'action serait le trouble anormal de voisinage.

En outre, il n'y avait pas en l'espèce abus de droit.

Par ses conclusions, Mme [V] [D] veuve [W] demandait au juge des référés de :

Débouter Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] de leur demande ;

Juger que la procédure engagée par Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] est abusive et, en conséquence, les condamner à une amende civile ;

Condamner solidairement Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] à lui verser la somme 10.000 euros en réparation du préjudice découlant du caractère abusif de la procédure ;

Condamner solidairement Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] à lui verser la somme 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner solidairement Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] à supporter intégralement le montant des sommes retenues par le commissaire de justice, agissant en application des articles A. 444-10 et suivants du code de commerce, en sus des sommes mises à leur charge au titre des frais nécessaires à la défense de ses intérêts en justice non compris dans les dépens ;

Condamner solidairement Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] aux entiers dépens.

Elle soutenait que l'organisation d'une mesure d'instruction in futurum est exclue lorsque l'action envisagée au fond est irrémédiablement vouée à l'échec, notamment en raison d'une prescription trentenaire, et qu'il y aurait en l'espèce abus de droit de la part des demandeurs.

Subsidiairement, elle faisait valoir que la mission en vertu de laquelle l'expert serait chargé de « dire si les époux [W] ont ou non respecté le constat d'accord du 3 mai 2013 » incombe au juge du fond et non pas à l'expert dont la mission, essentiellement d'ordre technique, est d'éclairer le juge sur une question de fait, et non de trancher une question de droit.

Par leurs conclusions, M. [S] [W] et Mme [O] [W] sollicitaient le rejet des demandes de Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H], outre leur condamnation solidaire à leur payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens. A titre subsidiaire, ils demandaient leur condamnation au paiement des frais d'expertise.

Ils soutenaient qu'il n'existe pas de motif légitime à la mesure d'instruction dès lors que l'action qui est envisagée est irrémédiablement vouée à l'échec.

Par ordonnance contradictoire en date du 20/12/2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de POITIERS a statué comme suit :

'Vu les articles 145, 331 et 367 du code de procédure civile,

Prononçons la jonction des procédures RG n°23/00188 et RG n°23/00349 sous le RG n°23/00188,

Déclarons recevable l'intervention de M. [S] [W] et Mme [O] [W],

Rejetons les demandes de Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H],

Jugeons que la présente action a été engagée abusivement,

Condamnons solidairement Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] à payer à Mme [V] [D] épouse [W], M. [S] [W] et Mme [O] [W] la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice résultant de l'abus dans l'exercice du droit d'agir,

Condamnons solidairement Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] à payer à Mme [V] [D] épouse [W], M. [S] [W] et Mme [O] [W] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire par provision de plein droit;

Rappelons qu'il sera procédé à la signification de la présente ordonnance par la partie la plus diligente ;

Disons que Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] seront tenus solidairement aux dépens, non compris les frais d'exécution qui ne sont pas mis à la charge des débiteurs par l'effet d'une disposition légale ou réglementaire spéciale'.

Le premier juge a notamment retenu que :

- il convient de déclarer recevable l'intervention forcée de M. [S] [W] et Mme [O] [W] qui ont hérité de leur père de la nue-propriété des droits portant sur la parcelle sur laquelle se situent les arbres litigieux.

- sur la mesure d'expertise, en l'absence d'un constat de commissaire de justice ou d'autres pièces probantes, notamment permettant de comparer l'état des arbres après élagage conforme à l'accord de 2013 et l'état actuel de ceux-ci, il sera jugé que la preuve d'un défaut d'exécution par les consorts [W] du dit accord de 2013 n'est pas rapportée. De la même manière, la preuve de la dangerosité pour eux des arbres plantés chez leur voisin, n'est pas objectivement démontrée.

La demande d'expertise sera donc rejetée, faute de démonstration d'un motif légitime.

- sur l'abus de procédure, les époux [H] ont fait assigner les consorts [W] sur la base de simples photographies non datées, et cela, alors même que le conseil des consorts [W] a pris la peine de leur adresser en janvier 2023 un courrier leur signifiant que les travaux d'élagage avaient été réalisés en mars 2021 et qu'ils convenaient de cesser d'importuner ses clients. Aucun élément objectif n'a été rapporté par les époux [H] pour contredire l'assertion du conseil de leurs voisins, tel un constat de commissaire de justice ou autres. La présente procédure a été engagée avec à tout le moins une légèreté coupable et s'est inscrite dans un contexte de pression régulière et non justifiées sur plusieurs années sur les voisins avant même les échéances établies d'un commun accord en 2013

LA COUR

Vu l'appel en date du 24/01/2024 interjeté par Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H]

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 06/05/2024, Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] ont présenté les demandes suivantes :

'Vu l'article 145 du code de procédure civile,

Vu l'article 1240 du code civil,

Réformer l'ordonnance entreprise en ses chefs de jugement critiqués, à savoir en ce qu'elle a :

- rejeté les demandes de Mme [P] [M] épouse [H] et M.

[B] [H],

- jugé que l'action a été engagée abusivement,

- condamné solidairement Mme [P] [M] épouse [H] et

M. [B] [H] à payer à Mme [V] [D] épouse [W], M.

[S] [W] et Mme [O] [W] la somme de 3.000 € en réparation du préjudice résultant de l'abus dans l'exercice du droit d'agir,

- condamné solidairement Mme [P] [M] épouse [H] et

M. [B] [H] à payer à Mme [V] [D] épouse [W], M.

[S] [W] et Mme [O] [W] la somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B]

[H] seront tenus solidairement aux dépens, non compris les frais

d'exécution qui ne sont pas mis à la charge des débiteurs par l'effet d'une

disposition légale ou réglementaire,

- débouté Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B]

[H] des demandes suivantes :

' Ordonner une mesure d'expertise judiciaire au contradictoire de Mme

[V] [D] épouse [W], M. [S] [W] et de Mme

[O], en désignant tel expert qu'il plaira à la juridiction de désigner avec

pour mission de :

* convoquer les parties en cause ainsi que leurs avocats par lettre recommandée avec accusé de réception

* se faire remettre sans délai par les parties, et si nécessaire par tout tiers

détenteur, les documents qu'il estimera utiles pour l'accomplissement de sa

mission ;

* recueillir les déclarations des parties éventuellement celles de toutes personnes informées

* se rendre sur les lieux du litige, au [Adresse 4] à

[Localité 13], après avoir convoqué les parties, afin de dire si des

arbres de la propriété [W] sont dangereux en ce sens qu'ils risquent de

tomber sur la propriété des époux [H] ; dans l'affirmative, proposer des remèdes à ce danger et en chiffrer le coût, dire si les époux [W] ont ou non respecté le constat d'accord du 3 mai 2013 ; relever les éventuels irrespects par les consorts [W] aux dispositions des articles 671 et suivants du code civil;

dresser un pré-rapport en laissant aux parties un délai minimum de trois semaines pour adresser leur dire ; dresser un rapport d'expertise judiciaire définitif,

Condamner Mme [V] [D] épouse [W], M. [S]

[W] et Mme [O] [W] à verser aux époux [H] la

somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de

procédure civile et les condamner aux entiers dépens d'instance.

Et statuant à nouveau,

Ordonner une mesure d'expertise judiciaire au contradictoire des consorts [W], en désignant tel expert qu'il plaira à la Cour de désigner avec pour mission de :

- convoquer les parties en cause ainsi que leurs avocats par lettre recommandée avec accusé de réception ;

- se faire remettre sans délai par les parties, et si nécessaire par tout tiers détenteur, les documents qu'il estimera utiles pour l'accomplissement de sa mission ;

- recueillir les déclarations des parties éventuellement celles de toutes personnes informées ;

- se rendre sur les lieux du litige, au [Adresse 4] à [Localité 13], après avoir convoqué les parties, afin de :

' dire si des arbres de la propriété [W] sont dangereux en ce sens qu'ils risquent de tomber sur la propriété des époux [H] ; dans l'affirmative, proposer des remèdes à ce danger et en chiffrer le coût,

' dire si les consorts [W] ont ou non respecté le constat d'accord du 3 mai 2013 ;

' relever les éventuels irrespects par les consorts [W] aux dispositions des articles 671 et suivants du code civil ;

' dresser un pré-rapport en laissant aux parties un délai minimum de trois semaines pour adresser leur dire ;

' dresser un rapport d'expertise judiciaire définitif.

Condamner les consorts [W] à verser aux époux [H] la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner aux entiers dépens d'instance'.

A l'appui de leurs prétentions, Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] soutiennent notamment que :

- le premier juge a estimé que les époux [H] ne justifiaient pas d'éléments suffisants pour prouver les faits invoqués, ajoutant ainsi à la loi. Sauf à vider de sa substance l'article 145 du code de procédure civile, il n'appartient pas au demandeur d'apporter un « commencement de preuve.

- l'article 146 du code de procédure civile ne s'applique pas lorsque le juge est saisi sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

- les époux [H] apportent la preuve de l'existence d'un constat d'accord, ayant force exécutoire et démontrent également les difficultés sur l'exécution de ce protocole, étant souligné ici qu'à la différence de ce qu'a retenu le premier juge, il est démontré en 2021 que ce constat d'accord n'a pas été respecté dans la mesure où il n'a été procédé à l'élagage que d'un seul chêne.

- le premier juge a tranché sur le fond, en soutenant que le constat d'accord aurait été respecté.

- en second lieu, sur la demande d'expertise ayant pour objet d'indiquer si les arbres des consorts [W] présentent une dangerosité ou non.

- la réalité des faits est établie, tout comme l'existence d'un litige potentiel, à savoir une instance aux fins de prononcer une astreinte pour pousser à l'exécution du constat d'accord amiable, une action aux fins d'arrachage d'éventuels arbres dangereux.

- il n'y a pas en l'espèce d'abus de procédure, en l'absence de faute de leur part ou de légèreté blâmable.

- les consorts [W] s'étaient permis de lancer des pierres sur M. [H] et une plainte avait été déposée.

- l'attestation [E] né démontre pas que le protocole d'accord avait été respecté. Il n'y a pas eu entretien annuel des arbres.

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 03/05/2024, Mme [V] [D] veuve [W], M. [S] [W] et Mme [O] [W] ont présenté les demandes suivantes :

'Vu les articles 145 et 32-1 du code de procédure civile,

Vu les articles 1363 et 672 du Code Civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Il est demandé à la Cour de :

CONFIRMER en toutes ses dispositions l'ordonnance de M. le juge des référés en date du 20 décembre 2023.Y ajoutant :

CONDAMNER solidairement Mme [P] [H] et M. [B] [H] à payer à Mme [V] [D] veuve [W], Mme [O] [W] et M. [S] [W] la somme de MILLE EUROS (1 000 €) chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

En tout état de cause,

Dans l'hypothèse où les intimés, Mme [V] [D] veuve [W], Mme [O] [W] et M. [S] [W], seraient contraints d'avoir à faire procéder à l'exécution forcée des condamnations prononcées à défaut de règlement spontané ;

CONDAMNER solidairement Mme [P] [H] et M. [B] [H] à supporter intégralement le montant des sommes retenues par le Commissaire de Justice, agissant en application des dispositions des articles A 444-10 et suivants du Code de Commerce, issus de l'arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des Commissaires de Justice, en sus des sommes mises à leur charge au titre des frais nécessaires à la défense de leurs intérêts en justice non compris dans les dépens ;

CONDAMNER solidairement Mme [P] [H] et M. [B] [H] aux entiers dépens'.

A l'appui de leurs prétentions, Mme [V] [W], M. [S] [W] et Mme [O] [W] soutiennent notamment que :

- Mme [W] justifie des comportements agressifs des Epoux [H] qui n'ont cessé de la harceler, et de se comporter de façon malveillante.

- la mesure d'instruction in futurum est exclue lorsque l'action envisagée au fond est irrémédiablement vouée à l'échec comme manifestement mal fondée.

- le premier juge n'a pas demandé que soit faite la démonstration d'éléments prouvant les faits invoqués, mais la démonstration de l'existence d'un motif légitime. Il a justement retenu que les époux [H] ne démontraient pas l'existence d'un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur.

- Mme [W] rapporte la preuve, d'une part que son mari et elle ont, sans attendre l'accord de 2013, toujours entretenu les arbres situés en bordure de la propriété de M. et Mme [H]. La preuve d'un défaut d'exécution par les consorts [W] du dit accord de 2013 n'est pas rapportée, les consorts [W] ayant scrupuleusement respecté leurs obligations.

- les derniers travaux d'élagage avaient été réalisés au mois de mars 2021, et les prochains travaux d'élagage interviendraient, conformément au protocole d'accord, début janvier 2025.

- par son attestation, M. [E] justifie de son 'intervention annuelle pour l'entretien des arbres et arbustes et élagage si nécessaire'.

- sur la dangerosité, les photographies versées pièces ne laissent apparaître aucun risque de chute. Compte tenu de leur ancienneté, ces arbres ne sont pas soumis aux dispositions de l'article 671 du code civil mais de l'article 672, et bénéficient de la prescription trentenaire, de sorte que les époux [H] ne peuvent exiger qu'ils soient réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent.

L'ancienneté des arbres ne créé pas en elle-même un danger potentiel.

- M. [H] dans sa main courante du 12 août 2014 ne désigne pas les époux [W] comme les auteurs de jets de pierre mais fait état d'une silhouette furtive.

- subsidiairement, sur la mission de l'expert, celui-ci ne pourra dire si les époux [W] ont ou non respecté le constat d'accord du 3 mai 2013, cette question relevant du juge du fond.

- sur l'abus de procédure, l'attitude malveillante des demandeurs caractérise en l'occurrence l'abus du droit de procéder.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 27/04/2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La cour statuera dans les limites de l'appel qui ne porte ni sur la jonction des procédures, ni sur la recevabilité l'intervention de M. [S] [W] et Mme [O] [W].

Sur la demande d'expertise :

L'article 145 du code de procédure civile dispose que 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.

Les dispositions de l'article 146 du code de procédure civile selon lesquelles 'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve' ne sont pas applicables lorsque le juge est saisi avant tout procès, sur le fondement de l'article 145 : elles ne sont relatives qu'aux mesures d'instruction ordonnées au cours d'un procès (Cass. Civ. 2° 08.03.2006 P n°05-15039)

Il appartient dans ce cadre au juge des référés d'apprécier la légitimité de la demande d'expertise présentée en référé, au regard de la plausibilité d'un procès au fond et de l'utilité, voire la pertinence dans cette perspective, de la mesure d'instruction sollicitée.

Si l'existence d'une contestation sérieuse ne constitue pas en elle-même un obstacle à la saisine du juge des référés, le demandeur ne peut prétendre par contre à l'existence d'un motif légitime lorsque sa prétention est manifestement vouée à l'échec, comme irrecevable ou mal fondée.

En l'espèce, Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] soutiennent un défaut de respect de la part des consorts [W] des termes du constat d'accord homologué par ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de POITIERS du 26 juin 2013. Ils suspectent en outre la dangerosité des arbres de haute tige, anciens, dépassant en outre les limites de propriété.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, ils n'ont pas à rapporter la preuve d'un manquement de leurs voisins aux obligations souscrites dans l'accord , alors que l'article 145 du code de procédure civile permet d'obtenir l'institution d'une mesure d'instruction en vue d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.

Ces faits sont en l'espèce la nécessité d'élaguer certains arbres voisins, ou le danger induit par certains grands arbres proches de la limite des propriétés.

L'éventuel litige porterait sur le respect par les consorts [W] de leurs engagements.

Missionner un technicien pour donner à la juridiction éventuellement saisi les éléments techniques pour déterminer si l'accord liant les parties est ou non respecté ne délègue nullement à l'expert les pouvoirs de la juridiction éventuellement saisie, mais lui fournit des éléments d'appréciation.

Il n'est pas suffisant de retenir l'imprécision des photographies versées par les demandeurs, même non datées, pour en inférer que toute action de M. et Mme [H] apparaît d'ores-et-déjà manifestement vouée à l'échec.

Ils justifient au contraire, au regard de la présence des arbres ayant justifié qu'un protocole d'accord soit homologué en 2013 par voie de justice, d'un intérêt légitime à voir ordonner une mesure d'expertise contradictoire afin de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige.

Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise dans les limites de l'appel, une mesure d'expertise judiciaire devant être ordonnée.

Sur l'abus de procédure :

Il y a lieu de rechercher l'existence d'éléments faisant apparaître non seulement le caractère infondé mais encore abusif de la procédure engagée, caractérisant des circonstances de natures à faire dégénérer en faute l'exercice du droit d'agir en justice.

En l'espèce il n'est pas démontré un abus du droit d'ester en justice, ni du droit d'appel, les demandeurs n'ayant pas fait dégénérer en abus leur droit de soumettre leur prétention à examen de justice, étant fait droit à leur demande d'expertise in futurum, par infirmation de l'ordonnance entreprise sur ce point.

Au demeurant, la demande d'expertise ne présentait en tout état de cause aucun caractère fautif.

La demande de dommages et intérêts formée à ce titre sera en conséquence rejetée, par infirmation de l'ordonnance sur ce point.

Sur les dépens :

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

S'agissant d'une mesure d'instruction ordonnée avant tout procès en vertu de l'article 145 du code de procédure civile, aucune partie à l'instance de référé ne succombe et les demandeurs à l'expertise supporteront à titre provisoire les dépens de référé de première instance.

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge in solidum de Mme [V] [D] veuve [W], M. [S] [W] et Mme [O] [W].

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable de condamner in solidum Mme [V] [D] veuve [W], M. [S] [W] et Mme [O] [W] à payer à Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort, dans les limites de l'appel.

INFIRME l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a :

- Prononcé la jonction des procédures RG n°23/00188 et RG n°23/00349 sous le RG n°23/00188,

- Déclaré recevable l'intervention de M. [S] [W] et Mme [O] [W].

Statuant à nouveau pour le surplus,

ORDONNE une mesure d'expertise.

DÉSIGNE pour ce faire M. [J] [Y]

inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel de Poitiers

demeurant [Adresse 3]

Tél : [XXXXXXXX01]

Fax : 05.24.84.04.75.

Port. : 06.89.38.53.67. Mèl :

Mèl : [Courriel 16]

lequel expert aura pour mission de :

- Prendre connaissance des pièces produites par les parties

- Se déplacer sur les lieux en présence des parties et de leurs conseils

- Convoquer les parties et leurs conseils respectifs aux [Adresse 4] à [Localité 13],

- Se faire communiquer toutes pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission

- Entendre au besoin tous sachants,

- dire si des arbres de la propriété [W] sont dangereux en ce sens qu'ils risquent de tomber sur la propriété des époux [H] ; dans l'affirmative, proposer des remèdes à ce danger et en chiffrer le coût,

' dire si au regard de son analyse technique des plantations, le constat d'accord du 3 mai 2013 a été respecté ;

' relever les éventuels manquements aux dispositions des articles 671 et suivants dont 673 du code civil

- Faire part de tous éléments de fait ou techniques permettant à la juridiction ultérieurement saisie de pouvoir statuer sur les responsabilités éventuellement encourues

- Donner son avis sur les préjudices éventuellement subis.

DIT que devront devront figurer impérativement être annexés au rapport:

- la liste exhaustive des pièces par lui consultées,

- le nom des personnes convoquées aux opérations d'expertise en précisant pour chacune d'elle la date d'envoi de la convocation la concernant et la forme de cette convocation,

- le nom des personnes présentes à chacune des réunions d'expertise,

- la date de chacune des réunions tenues,

- les déclarations des tiers entendus par lui, en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leurs liens éventuels avec les parties,

- le cas échéant, l'identité du technicien dont il s'est adjoint le concours, ainsi que le document qu'il aura établi de ses constatations et avis (lequel devra également être joint à la note de synthèse ou au projet de rapport) ;

DIT que l'expert exécutera sa mission conformément aux dispositions de l'article 263 du code de procédure civile ;

DIT que l'expert, en concertation avec les parties, définira un calendrier prévisionnel de ses opérations à l'issue de la première réunion d'expertise et qu'il actualisera le calendrier en tant que de besoin, notamment en fixant un délai aux parties pour procéder aux extensions de mission nécessaire ;

DIT que préalablement au dépôt de son rapport définitif, l'expert adressera aux parties un document de synthèse présentant ses conclusions provisoires et destiné à provoquer leurs observations ; qu'il devra fixer la date limite de dépôt des observations qui lui seront adressées et rappellera qu'il n'est pas tenu de répondre aux observations transmises après cette date limite et rappellera la date de dépôt de son rapport ;

DIT que l'expert devra déposer son rapport en double au greffe de la cour d'appel dans le délai de 4 mois à compter de l'avis de consignation ; qu'il en adressera une copie à chaque partie ;

RAPPELLE que l'expert joindra au dépôt du rapport d'expertise sa demande de rémunération et que les parties disposeront alors de 15 jours pour formuler auprès du juge du contrôle des expertises leurs observations sur cette demande;

DIT que Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] feront l'avance des frais d'expertise qu'ils sollicitent et verseront au régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de POITIERS une provision de 2500 € à valoir sur la rémunération du technicien, et ce avant le 30/09/2024, terme de rigueur.

DIT qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l'expert sera automatiquement caduque

DIT que la mesure d'expertise sera administrée par la cour d'appel de POITIERS et le magistrat de la première chambre civile chargé du contrôle des expertises.

DIT qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert désigné, son remplacement interviendra par simple ordonnance du magistrat de la première chambre civile de la cour d'appel de POITIERS chargé du contrôle des expertises.

DÉBOUTE les consorts [W] de leur demande de dommages et intérêts

DIT que la charge des dépens de première instance sera provisoirement supportée par M. [A] [U] et Mme [G] [X]

CONDAMNE in solidum Mme [V] [D] veuve [W], M. [S] [W] et Mme [O] [W] aux dépens d'appel.

CONDAMNE in solidum Mme [V] [D] veuve [W], M. [S] [W] et Mme [O] [W] à payer à Mme [P] [M] épouse [H] et M. [B] [H] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24/00183
Date de la décision : 09/07/2024
Sens de l'arrêt : Désignation de juridiction

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;24.00183 ?
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