ARRÊT N°280
N° RG 24/00063
N° Portalis DBV5-V-B7I-G6OR
[X]
[D]
C/
[H]
Loi n° 77 - 1468 du 30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le aux avocats
Copie gratuite délivrée
Le aux avocats
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 09 JUILLET 2024
Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé du 19 décembre 2023 rendue par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHE SUR YON
APPELANTS :
Monsieur [K] [X]
né le 06 Novembre 1961 à [Localité 7]
[Adresse 3] - [Localité 5]
Madame [T] [D]
née le 21 Janvier 1960 à [Localité 9]
[Adresse 3] - [Localité 5]
ayant tous deux pour avocat postulant Me Pascal TESSIER, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
INTIMÉE :
Madame [O] [H]
née le 13 Mars 1962 à [Localité 10]
[Adresse 2]
[Localité 6]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant exploit délivré le 3 août 2023, M. [K] [X] et Mme [T] [D] ont fait assigner Mme [O] [H] devant la présidente du tribunal judiciaire de LA ROCHE SUR YON saisie en référé aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, avec pour mission de notamment constater, dater et décrire les troubles à la propriété des demandeurs, donner un avis sur la mitoyenneté du mur séparatif ainsi que sur l'imputabilité des troubles en question.
M. [X] et Mme [D] exposaient être propriétaires non occupants d'une maison d'habitation voisine de celle de Mme [H]. Ils indiquaient que cette dernière avait engagé des travaux pour une élévation partielle de son immeuble en contravention avec les règles de propriété, d'une part en procédant à la démolition partielle d'un mur mitoyen et d'autre part en aménageant une terrasse non conforme aux règles relatives aux vues entre fonds voisins.
Ils ajoutaient que celle-ci avait par ailleurs mis en veuve une installation d'évacuation des eaux pluviales sur leur propriété.
Ils expliquaient que malgré plusieurs tentatives amiable et une expertise diligentée par le Cabinet POLYEXPERT, ils n'avaient pu engager de discussion avec la défenderesse.
Mme [O] [H] représentée, formulait toutes protestations et réserves d'usage quant à la demande d'expertise.
Par ordonnance contradictoire en date du 19/12/2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de LA ROCHE SUR YON a statué comme suit :
'Disons n'y avoir lieu à référé,
Déboutons les parties en toutes leurs demandes,
Condamnons la partie demanderesse aux entiers dépens de l'instance'.
Le premier juge a notamment retenu que :
- en vertu des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, aux termes des dispositions de l'article 238 du code de procédure civile, le technicien doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il été commis (...), il ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique.
- les consorts [D]-[X] semblent prétendre à un trouble de voisinage dont ils demandent la constatation par voie d'expertise, ainsi que l'imputabilité.
- les missions proposées à l'expert n'entrent pas dans son champ de compétence, la constatation d'un trouble de voisinage relevant d'une appréciation de fait soumise à l'examen d'un juge et l'imputabilité du dit trouble comme celle de la nature mitoyenne d'un mur à des questions de droit relevant de la compétence d'un juge du fond.
LA COUR
Vu l'appel en date du 11/01/2024 interjeté par M. [K] [X] et Mme [T] [D]
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 01/02/2024, signifiée à étude d'huissier le 08/02/2024, M. [K] [X] et Mme [T] [D] ont présenté les demandes suivantes :
'Vu les articles 678 et 681 du Code civil,
Vu les articles 145 et suivants du code de procédure civile,
Dire Mme [T] [D] [X] et M. [K] [X], recevables et bien fondés en leur demande,
En conséquence,
Infirmer l'ordonnance du 19 décembre 2023 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Désigner tel expert qu'il plaira à la Cour de désigner, lequel expert aura pour mission de :
- Se déplacer sur les lieux en présence des parties
- Convoquer les parties aux 19 et [Adresse 2] à [Localité 6]
- Se faire communiquer toutes pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission
- Entendre tous sachants,
- Constater, dater et décrire les faits allégués par Mme [T] [D] [X] dans son assignation s'agissant des troubles à sa propriété
- Donner son avis sur la mitoyenneté du mur séparatif entre les deux propriétés,
- Décrire les travaux à entreprendre pour mettre un terme aux troubles à la propriété en question
- Donner son avis sur l'imputabilité des faits troublants en question
- Faire part de tous éléments de fait ou techniques permettant à la juridiction ultérieurement saisie de pouvoir statuer sur les responsabilités encourues
- Donner son avis sur les préjudices subis par Mme [T] [D] [X]
Dire que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du code de procédure civile ; en particulier, il pourra recueillir les déclarations de toute personne informée et s'adjoindre tout spécialiste de son choix pris sur la liste des experts près ce tribunal ;
Dire que l'expert devra adresser une copie de son rapport à chacune des parties ou à leurs avocats ;
Dire qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête ;
Condamner Mme [O] [H] aux dépens de première instance et d'appel'.
A l'appui de leurs prétentions, M. [K] [X] et Mme [T] [D] soutiennent notamment que :
- l'article 681 du code civil dispose : ' Tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique; il ne peut les faire verser sur le fonds de son voisin'.
- les époux [D] [X] bénéficient d'un motif légitime pour solliciter l'organisation d'une expertise judiciaire au contradictoire de Mme [O] [H] afin non seulement de faire constater la violation de leur droit de propriété, mais encore d'en déterminer l'ampleur et d'obtenir ainsi l'avis d'un expert judiciaire sur les travaux à entreprendre pour faire cesser le trouble en question.
- ils évoquent de possibles violations de leur droit de propriété s'agissant de la construction d'un mur sur un mur mitoyen.
Ils évoquent par ailleurs également une problématique liée à l'existence illégale d'une servitude de vue et d'un écoulement d'eaux pluviales sur leur propriété.
- Mme [O] [H] a refusé tout constat amiable par une expertise organisée en juillet 2023 et dans la mesure où elle conteste les reproches des consorts [D] [X] seule une expertise judiciaire permettra à ces derniers d'établir de manière certaine la preuve des faits dont dépend l'issue du litige qu'ils entreprendront par la suite contre Mme [O] [H]
Il convient de se référer aux écritures de M. [K] [X] et Mme [T] [D] pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Mme [O] [H], bien que régulièrement intimée à étude de commissaire de justice et à personne, n'a pas constitué avocat en cause d'appel.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 04/04/2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande de mesure d'expertise :
L'article 145 du code de procédure civile dispose que 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.
Les dispositions de l'article 146 du code de procédure civile selon lesquelles 'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve' ne sont pas applicables lorsque le juge est saisi sur le fondement de l'article 145, afin qu'une mesure d'instructionsoit ordonnée avant tout procès (Cass. Civ. 2° 08.03.2006 P n°05-15039).
Il appartient dans ce cadre au juge d'apprécier la légitimité de la demande d'expertise présentée en référé, au regard de la plausibilité d'un procès au fond et de l'utilité, voire la pertinence dans cette perspective, de la mesure d'instruction sollicitée.
Si l'existence d'une contestation sérieuse ne constitue pas en elle-même un obstacle à la saisine du juge des référés, le demandeur ne peut prétendre par contre à l'existence d'un motif légitime lorsque sa prétention est manifestement vouée à l'échec, comme irrecevable ou mal fondée.
En l'espèce, M. [K] [X] et Mme [T] [D] soutiennent d'une part subir un trouble dans leur droit de propriété à la suite de l'édification par leur voisine d'un mur sur un mur mitoyen, d'autre part l'atteinte à une servitude de vue ainsi que d'un écoulement d'eau pluviale sur leur fonds.
Ils versent aux débats des photographies en relation avec l'écoulement des eaux dénoncé, outre un rapport d'expertise non contradictoire du cabinet POLYEXPERT rendant plausibles leurs griefs.
S'agissant d'une mesure d'expertise in futurum, M. [K] [X] et Mme [T] [D] justifient d'un motif légitime à voir ordonnée cette mesure avant tout procès, afin de conserver ou d'établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige alors que leurs prétentions ne sont pas manifestement vouées à l'échec.
Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, une mesure d'expertise judiciaire devant être ordonnée, étant relevé qu'en première instance, Mme [H] faisait toutes protestations ou réserves.
Les appelants supporteront l'avance des frais de l'expertise qu'ils sollicitent.
Sur les dépens et l'application de l'article 699 du code de procédure civile:
S'agissant d'une mesure d'instruction ordonnée avant tout procès en vertu de l'article 145 du code de procédure civile, aucune partie à l'instance de référé en succombe et les demandeurs supporteront à titre provisoire les dépens de référé
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, et en dernier ressort,
INFIRME l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
ORDONNE une mesure d'expertise.
DÉSIGNE pour ce faire M. [S] [L]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Port. : 06.25.31.50.07.
Mèl : [Courriel 8]
inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel de Poitiers
lequel expert aura pour mission de :
- Prendre connaissance des pièces produites par les parties
- Se déplacer sur les lieux en présence des parties
- Convoquer les parties et leurs conseils respectifs aux [Adresse 2] à [Localité 6]
- Se faire communiquer toutes pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission
- Entendre au besoin tous sachants,
- Constater, dater et décrire les faits allégués par M. [K] [X] et Mme [T] [D] - [X] dans leur assignation s'agissant des troubles à sa propriété
- Donner son avis sur la mitoyenneté du mur séparatif entre les deux propriétés, sur la constitution de vues et sur l'évacuation des eaux pluviales d'un fonds sur l'autre.
- Fournir en cas de constat de troubles ou désordres tous éléments permettant de préconiser les travaux de remise en état ou en conformité, de chiffrer leur coût et de préciser leur durée,
- Fournir tous éléments de fait permettant d'apprécier les responsabilités susceptibles d'être encourues et les préjudices éventuellement subis ;
DIT que devront figurer impérativement au rapport de l'expert :
- la liste exhaustive des pièces par lui consultées,
- le nom des personnes convoquées aux opérations d'expertise en précisant pour chacune d'elle la date d'envoi de la convocation la concernant et la forme de cette convocation,
- le nom des personnes présentes à chacune des réunions d'expertise,
- la date de chacune des réunions tenues,
- les déclarations des tiers entendus par lui, en mentionnant leur identité omplète, leur qualité et leurs liens éventuels avec les parties,
- le cas échéant, l'identité du technicien dont il s'est adjoint le concours, ainsi que le document qu'il aura établi de ses constatations et avis (lequel devra également être joint à la note de synthèse ou au projet de rapport) ;
DIT que l'expert exécutera sa mission conformément aux dispositions de l'article 263 du code de procédure civile ;
DIT que l'expert, en concertation avec les parties, définira un calendrier prévisionnel de ses opérations à l'issue de la première réunion d'expertise et qu'il actualisera le calendrier en tant que de besoin, notamment en fixant un délai aux parties pour procéder aux extensions de mission nécessaire ;
DIT que préalablement au dépôt de son rapport définitif, l'expert adressera aux parties un document de synthèse présentant ses conclusions provisoires et destiné à provoquer leurs observations ; qu'il devra fixer la date limite de dépôt des observations qu'il lui seront adressées et rappellera qu'il n'est pas tenu de répondre aux observations transmises après cette date limite et rappellera la date de dépôt de son rapport ;
DIT que l'expert devra déposer son rapport en double au greffe de la cour d'appel dans le délai de 4 mois à compter de l'avis de consignation ; qu'il en adressera une copie à chaque partie ;
RAPPELLE que l'expert joindra au dépôt du rapport d'expertise sa demande de rémunération et que les parties disposeront alors de 15 jours pour formuler auprès du juge du contrôle des expertises leurs observations sur cette demande;
DIT que M. [K] [X] et Mme [T] [D] feront l'avance des frais d'expertise qu'ils sollicitent et verseront au régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de POITIERS une provision de 2000 € à valoir sur la rémunération du technicien, et ce avant le 30/09/2024, terme de rigueur.
DIT qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l'expert sera automatiquement caduque
DIT que la mesure d'expertise sera administrée par la cour d'appel de POITIERS et le magistrat de la première chambre civile chargé du contrôle des expertises.
DIT qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert désigné, son remplacement interviendra par simple ordonnance du magistrat de la première chambre civile de la cour d'appel de POITIERS chargé du contrôle des expertises.
DIT que la charge des dépens de première instance et d'appel sera provisoirement supportée par M. [K] [X] et Mme [T] [D].
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,