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04/07/2024 | FRANCE | N°23/02569

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Premier président, 04 juillet 2024, 23/02569


R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



MINUTE N°8/24

COUR D'APPEL DE POITIERS

N° RG 23/02569 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G5PT

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION







[G] [H]



Décision en premier ressort rendue publiquement le quatre juillet deux mille vingt quatre, par Madame Isabelle LAUQUE, présidente de chambre, agissant sur délégation de Madame la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée lors des débats et du prononcé de la présente décision de Ma

dame Inès BELLIN, greffier,



Après débats en audience publique le 20 juin 2024 ;



Sur la requête en réparation de la détention fon...

R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE N°8/24

COUR D'APPEL DE POITIERS

N° RG 23/02569 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G5PT

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION

[G] [H]

Décision en premier ressort rendue publiquement le quatre juillet deux mille vingt quatre, par Madame Isabelle LAUQUE, présidente de chambre, agissant sur délégation de Madame la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée lors des débats et du prononcé de la présente décision de Madame Inès BELLIN, greffier,

Après débats en audience publique le 20 juin 2024 ;

Sur la requête en réparation de la détention fondée sur les articles 149 et suivants et R26 et suivants du code de procédure pénale présentée par

REQUERANT :

Monsieur [G] [H]

né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 8] (86)

Chez [F] [H]

[Adresse 5]

[Localité 6]

représenté par Me Lynda SABILELLAH de la SELEURL S&R AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Luc-Moussa BASSOLE, avocat au barreau de POITIERS

EN PRESENCE DE :

Monsieur l'agent judiciaire de l'Etat

Sous-direction du droit privé

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Renaud BOUYSSI de la SELARL ARZEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de Poitiers

ET :

Monsieur le procureur général près la cour d'appel de Poitiers

[Adresse 1]

[Localité 8]

représenté par Madame Cécile FLAMET, Substitute générale

Dans le cadre d'une information judiciaire ouverte des chefs de vols aggravés, de tentatives de vols aggravés, de recel de vols aggravés commis, en bande organisée et de mise en circulation de véhicules munis de fausses plaques, [G] [H] a été mis en examen le 16 juillet 2020 et placé le même jour, en détention provisoire.

Il a été remis en liberté le 20 avril 2021 et placé sous contrôle judiciaire.

Par ordonnance du 24 août 2022 du juge d'instruction du tribunal judiciaire de Poitiers, confirmée par un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers en date du 23 mai 2023, [G] [H] a bénéficié d'un non-lieu.

Par requête reçue au greffe le 27 novembre 2023, il a saisi Madame la Première Présidente de la Cour d'appel de Poitiers d'une demande d'indemnisation du préjudice souffert du fait des 279 jours de détention subie.

Aux termes de ses écritures, il demande à Madame la première Présidente de la Cour d'appel de Poitiers de lui allouer les sommes suivantes :

-36.533 euros au titre de son préjudice moral,

-5.000 euros au titre des frais de procédure liés à sa défense,

-2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Et de réserver ses demandes au titre de son préjudice matériel.

Il fait valoir qu'avant son incarcération, il était le gérant de la société [7] depuis près de 8 ans et se prévaut d'un chiffre d'affaires pour l'année 2019 de 239.022 euros. Il expose que depuis son incarcération son activité périclite entraînant une baisse de son chiffre d'affaires et donc de ses revenus. Il ne dispose pas des éléments comptables établissant son préjudice économique et demande à ce que cette demande figure en son principe.

S'agissant de son préjudice moral, il fait valoir que son incarcération a provoqué sa séparation d'avec sa compagne et l'a privé de ses proches. Enfin, il expose qu'il n'avait jamais été incarcéré auparavant.

Il réclame enfin 5.000 euros correspondant aux frais liés à ses demandes de mises en liberté outre la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses secondes conclusions reçues au greffe le 5 mars 2024, l'agent judiciaire de l'Etat demande à Madame la première Présidente de déclarer la requête d'[G] [H] irrecevable faute de produire le certificat de non recours contre l'ordonnance de la chambre de l'instruction du 23 mai 2023.

A titre subsidiaire, sur le fond, il donne acte au requérant de la réserve concernant son préjudice économique.

S'agissant de son préjudice moral, il relève que contrairement à ce qui est avancé, les éléments de personnalité du dossier permettent de constater qu'au moment de son incarcération [G] [H] vivait chez sa mère. Il ne faisait état d'aucune compagne. Dans ces conditions, l'Agent Judiciaire de l'Etat propose une indemnisation à hauteur de 20.000 euros.

Il conclut enfin au rejet de la demande indemnitaire au titre des frais de procédure sur la détention faute de produire aucun justificatif et demande enfin à ramener à de plus justes proportions la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions reçues au greffe le 12 avril 2024, le ministère public conclut à l'irrecevabilité de la requête faute pour le requérant de produire un certificat de non recours concernant l'ordonnance de non-lieu du 23 mai 2023 ainsi qu'une fiche pénale permettant de vérifier qu'il n'était pas détenu pour autre cause.

Sur le fond, le ministère public conclut au rejet du préjudice matériel qui n'est pas justifié et estime que la proposition d'indemnisation du préjudice moral à hauteur de 20.000 euros de l'Agent Judiciaire de l'Etat est satisfactoire.

Enfin il entend voir rejeter la demande formée au titre des frais de défense pénale qui n'est pas justifiée et ramener à de plus justes proportions la demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

-Sur la recevabilité de la demande d'indemnisation

Aux termes des articles 149 et 150 du code de procédure pénale, une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive ; cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté ;

Aux termes des articles 149 et 150 du code de procédure pénale, une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive ; cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté.

Il ressort des pièces du dossier que la requête a été présentée dans le délai de l'article 149-2 du code de procédure pénale, que l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers en date du 23 mai 2023 est définitif, le ministère public n'ayant pas formé de pourvoi à son encontre, et que le requérant n'a pas été détenu pour autre cause ;

Ainsi la requête en indemnisation de la détention provisoire de Monsieur [G] [H] est recevable.

-Sur les demandes indemnitaires:

Lors de son incarcération [G] [H] était âgé de 33 ans.

Il produit le Kbis d'une société [7] ayant pour activité la réparation et la vente de cycles, motocycles, motocultures et voitures sans permis, dont il est co-gérant avec [Z] [E] ainsi que les comptes annuels de 2019, 2020 et 2021.

Sur le plan personnel, il expose que l'incarcération a mis fin à sa relation avec sa compagne et l'a éloigné de sa famille.

Le casier judiciaire de Monsieur [G] [H] ne porte mention d'aucune condamnation pénale.

Le préjudice moral du requérant résulte de la durée de sa détention et s'apprécie au regard de sa situation personnelle.

Il s'agit d'une appréciation in concreto.

En l'espèce, Monsieur [G] [H] a été incarcéré pendant 279 jours.

Il a été séparé de sa mère et de son associé. Aucun élément ne corrobore la réalité d'une union stable avant l'incarcération du requérant qui s'est toujours domicilié chez sa mère.

Son préjudice affectif est réel mais limité.

Son préjudice moral a été majoré par le choc carcéral subi du fait de l'absence de toute précédente incarcération.

Dans ces conditions, la proposition d'indemnisation de l'Agent judiciaire de l'Etat apparaît satisfactoire au regard de la durée de détention subie et de la situation personnelle de Monsieur [G] [H].

En conséquence, il a lieu de fixer à 20.000 euros la juste indemnisation du préjudice moral du requérant du fait de la détention subie.

S'agissant du préjudice matériel, la cour ne dispose d'aucun élément de nature à permettre l'objectivation d'un tel préjudice étant remarqué que la société avait deux gérants en sorte que l'absence de Monsieur [G] [H] n'a pas été un obstacle à la poursuite de son activité.

En tout état de cause, il y a lieu de constater que le requérant ne forme aucune demande de ce chef.

S'agissant des frais de défense pénale, il n'est produit aucune facture ou autre élément justifiant le bien-fondé de cette demande tant dans son principe que dans son montant.

Elle sera rejetée.

Enfin, l'équité commande d'accorder à Monsieur [G] [H] la somme de 1.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés dans le cadre de la présente instance.

PAR CES MOTIFS :

La Présidente de chambre déléguée par Madame la première Présidente, statuant contradictoirement et publiquement, par décision susceptible de recours devant la Commission Nationale de Réparation des Détentions, le conseil de Monsieur [G] [H] ayant eu la parole en dernier ;

Déclare recevable la requête en indemnisation présentée par Monsieur [G] [H] ;

Alloue à Monsieur [G] [H] les sommes de :

' 20.000 euros en réparation de son préjudice moral,

' 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette les autres demandes.

Rappelle l'exécution provisoire de droit qui s'attache à la présente décision.

Laisse les dépens à la charge de l'Etat.

En foi de quoi, la présente ordonnance a été signée par le président et le greffier.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

I. BELLIN I. LAUQUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Premier président
Numéro d'arrêt : 23/02569
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.02569 ?
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