ARRET N°271
N° RG 23/02563 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G5PI
[H]
C/
Etablissement Public CPAM
S.A. GENERALI ASSURANCE
S.A.SU. SYJAC (SUPER U)
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le à
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Copie gratuite délivrée
Le à
Le à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 02 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/02563 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G5PI
Décision déférée à la Cour : jugement du 07 juillet 2023 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de POITIERS.
APPELANT :
Monsieur [I] [H]
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 10]
[Adresse 4]
[Localité 8] FRANCE
ayant pour avocat Me Guy DIBANGUE de GDI-AVOCAT, avocat au barreau de POITIERS
INTIMEES :
CPAM86
[Adresse 3]
[Localité 6]
défaillante
GENERALI ASSURANCE
[Adresse 2]
[Localité 5]
S.A.SU. SYJAC (SUPER U)
[Adresse 9]
[Localité 7]
ayant toutes les deux pour avocat postulant Me Henri-noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Jérôme GARDACH, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 06 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
- Réputé contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ :
Soutenant s'être blessé le 22 septembre 2019 dans l'enceinte du magasin exploité à l'enseigne 'Super U' par la SAS Syjac [Adresse 11] en glissant sur un sol mouillé et un tapis mal positionné, M. [I] [H], après vaines démarches amiables et saisine du conciliateur de justice, a fait assigner par acte du 25 mars 2022 devant le tribunal judiciaire de Poitiers la société Syjac puis, selon acte du 30 janvier 2023 l'assureur de celle-ci la compagnie Generali.
Dans le dernier état de ses prétentions, M. [H] demandait au tribunal de :
* lui donner acte d'appeler en cause et en intervention forcée la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM)
* ordonner que la CPAM devra intervenir dans l'instance pendante
* ordonner la jonction entre les deux instances pendantes
* ordonner à Generali de communiquer la déclaration de sinistre
* faire droit à la demande d'expertise judiciaire
À titre principal :
-déclarer que la société Syjac est responsable des préjudices subis
-condamner in solidum les sociétés Syjac et Generali à lui verser
.1.500 euros à titre provisionnel sur la réparation des souffrances endurées
.3.000 euros à titre provisionnel en réparation de son préjudice corporel
.5.000 euros à titre provisionnel en réparation de son préjudice moral
À titre subsidiaire :
-déclarer que la société Syjac a commis une faute d'imprudence ou de négligence
-condamner in solidum les sociétés Syjac et Generali à lui verser
.1.500 euros à titre provisionnel sur la réparation des souffrances endurées
.3.000 euros à titre provisionnel en réparation de son préjudice corporel
.5.000 euros à titre provisionnel en réparation de son préjudice moral
En toutes hypothèses :
-condamner in solidum les sociétés Syjac et Generali à lui verser 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile sur renonciation de son conseil au bénéfice de l'aide juridictionnelle
-les condamner aux dépens.
Les sociétés Syjac et Generali ont conclu à titre principal au rejet de toutes les prétentions du demandeur, et subsidiairement demandé si une expertise était ordonnée que la provision allouée n'excède pas la somme de 200 euros.
L'affaire a été évoquée à l'audience du 5 mai 2023 et mise en délibéré au 7 juillet 2023.
Par courrier adressé au tribunal en cours de délibéré, le 10 mai 2023, le conseil de M. [H] a sollicité la réouverture des débats en indiquant qu'elle était nécessaire en vue d'appeler à la cause la CPAM.
Par jugement du 7 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Poitiers a :
* constaté que l'organisme de sécurité sociale de M. [I] [H] n'avait pas été appelé à la cause
* déclaré les demandes de M. [H] irrecevables
* dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
* condamné M. [H] aux entiers dépens.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu, en substance :
-qu'une réouverture des débats ne pouvait avoir pour but de palier la carence d'une partie
-qu'en vertu de l'article L.376-1, alinéa 8 du code de procédure civile, la victime d'un accident corporel doit appeler les caisses de sécurité sociale en déclaration de jugement commun
-que cette exigence, d'ordre public, était requise à peine d'irrecevabilité de la demande,
-que le jugement rendu sans que l'organisme social ait été appelé encourait de droit l'annulation
-que les demandes de M. [H] étaient irrecevables faute pour lui d'avoir mis en cause la CPAM 86.
M. [I] [H] a relevé appel le 22 novembre 2023 en intimant la SASU Syjac, la SA Generali France et l'établissement public CPAM.
Le conseiller de la mise en état a réduit les délais pour conclure par ordonnance du 11 janvier 2024 et fixé l'affaire pour plaider au 6 mai 2024.
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique
* le 18 décembre 2023 par M. [I] [H]
* le 12 janvier 2024 par les sociétés Syjac et Generali.
M. [I] [H] demande à la cour de :
-déclarer la recevabilité et le caractère bien fondé de ses demandes
-lui donner acte d'appeler en cause et en intervention forcée la CPAM
-ordonner que la CPAM devra intervenir dans l'instance pendante devant le tribunal de céans, inscrite au rôle sous le numéro RG 22/878 pour y prendre telles conclusions qu'elle estimera nécessaires
-ordonner à Generali Assurances et à la société Syjac de communiquer la déclaration de sinistre effectuée par M. [X], le gérant du Syjac à la suite de la chute de M. [H] le 22/09/2019 et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir
-ordonner que Generali devra intervenir dans l'instance pendante devant le tribunal inscrite au rôle sous le numéro RG 22/878 et qu'elles se poursuivront sous le numéro RG 22/878
-accueillir et faire droit à la demande d'expertise judiciaire et nommer à cet effet un expert qualifié avec mission de (nb: suit la mission d'expertise médicale suggérée par M. [H])
-dire que les opérations se feront au contradictoire de la CPAM de la Vienne
A PRINCIPAL TITRE SUBSIDIAIRE (sic)
Infirmer le jugement de la première chambre civile du tribunal judiciaire de Poitiers du 07 juillet 2023 eu égard aux explications données aux motifs des présentes
statuant à nouveau :
-déclarer M. [H] recevable et bien fondé en ses demandes, l'y recevoir
-déclarer que la société Syjac est responsable des préjudices subis par M. [H] conformément à l'article 1242 du code civil
-condamner in solidum les sociétés Syjac et Generali à lui verser pour le moins
.1.500 euros à titre provisionnel en réparation des souffrances endurées
.3.000 euros à titre provisionnel en réparation de son préjudice corporel
.5.000 euros à titre provisionnel en réparation de son préjudice moral
A TITRE TRÈS SUBSIDIAIRE
-déclarer que la société Syjac a commis une faute d'imprudence ou pour le moins de négligence à l'égard de M. [H] conformément à l'article 1241 du code civil
-condamner in solidum les sociétés Syjac et Generali à lui verser pour le moins de
.1.500 euros pour le moins en réparation des souffrances endurées
.5.000 euros pour le moins en réparation de son préjudice moral
.10.000 euros à titre provisionnel en réparation du préjudice corporel
EN TOUTES HYPOTHÈSES :
-servir à Maître DIBANGUE Guy, avocat, la somme de 1.500 euros au titre combiné de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi de 91-647 du 10-07-1991 relative à l'aide juridique
-condamner in solidum les sociétés Syjac et Generali aux entiers dépens, y compris aux frais de l'expertise judiciaire.
Il indique à titre liminaire que force est de constater qu'il est important dans la présente procédure que la CPAM soit mise en cause et qu'il est bien fondé à solliciter de l'appeler en cause et en intervention forcée.
Il affirme avoir glissé en entrant le 22 septembre 2019 vers 12h30 sur le sol mouillé du magasin, où le tapis était de travers, sous le regard des employés mais sans que personne ne vienne le secourir.
Il expose s'être blessé au poignet gauche et aux doigts de cette main.
Il demande que l'assureur soit contraint de communiquer la déclaration de sinistre reçue.
Avant dire droit, il sollicite une expertise tant pour éclairer la juridiction sur les causes de l'accident que sur l'évaluation de son préjudice corporel.
Il estime la responsabilité de l'exploitant engagée, à titre principal en tant que gardien du sol, qui était anormalement glissant, subsidiairement pour négligences.
Les sociétés Syjac et Generali demandent à la cour
-de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
-de déclarer irrecevables les demandes de M. [H]
-de débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes
-de le condamner aux dépens
y ajoutant :
-de condamner M. [H] aux dépens et à leur payer 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
À titre subsidiaire :
-de débouter M. [H] de toutes ses demandes
-de le condamner aux dépens et à leur payer 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
À titre très subsidiaire :
-de fixer à 200 euros le montant de la provision qui serait allouée à M. [H]
-de le débouter de sa demande au titre du préjudice moral
-de le débouter de sa demande 'en réparation de son préjudice corporel'
-de le débouter du surplus de ses demandes
-de réduire à de plus justes proportions l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles soutiennent à titre principal que le demandeur, déclaré irrecevable à bon droit par le tribunal pour n'avoir pas appelé en cause son organisme de sécurité sociale comme requis par l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, n'est pas plus recevable en ses demandes devant la cour, où il a intimé la CPAM de la Vienne alors que celle-ci ne pouvait l'être en vertu de l'article 547 du code de procédure civile puisqu'elle n'était pas partie à la procédure de première instance, et que le litige n'a pas évolué, l'organisme pouvant et devant être attrait devant le tribunal.
Subsidiairement, elles s'opposent à l'expertise demandée avant dire droit en faisant valoir qu'elle est inutile puisque la société Syjac n'a pas engagé sa responsabilité, le sol étant sec le jour de l'accident, ou mouillé en raison de la pluie ce qui n'avait rien d'anormal, et le commerçant n'ayant commis aucune faute avérée d'imprudence.
Elles font valoir qu'une expertise ordonnée après tant d'années n'aurait pas d'utilité ; et que les séquelles dont se prévaut M. [H] ne peuvent être rattachées à un accident, le certificat médical datant de quinze jours après l'accident, et les pièces médicales montrant que les séquelles alléguées relèvent d'arthrose.
Elles contestent très subsidiairement l'existence même d'un préjudice moral et d'un préjudice corporel distinct des souffrances endurées qu'invoque seules M. [H], et soutiennent qu'il bat monnaie.
La CPAM de la Vienne ne comparaît pas. Elle a été assignée par acte du 21 décembre 2023 signifié à personne habilitée.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Selon l'article L.376-1, alinéa 8, du code de la sécurité sociale, la victime d'un accident imputable à un tiers est tenue, lorsqu'elle agit contre ce tiers en réparation de son préjudice, de mettre en cause les organismes sociaux.
Cette mise en cause est obligatoire dès lors que la juridiction du fond saisie a vocation à statuer sur des postes de préjudice pour lesquels un tel organisme a pu être amené à verser des prestations.
À défaut, les demandes de la victime sont irrecevables.
En première instance, M. [H] agissait contre l'exploitant du magasin où il affirme avoir chuté en réparation du préjudice qu'il dit subir consécutivement à cette chute, sans avoir mis en cause son organisme social, la CPAM de la Vienne, alors qu'il allègue un préjudice susceptible d'inclure des postes pour lesquels la caisse a pu être amenée à lui servir des prestations, puisqu'il réclamait une provision sur son préjudice corporel et l'institution d'une expertise médicale avec mission portant sur l'ensemble des postes de préjudice corporel.
Il a été déclaré à bon droit irrecevable en son action, la prétention contenue dans ses conclusions par laquelle il demandait au tribunal 'de lui donner acte d'appeler en cause et en intervention forcée la caisse primaire d'assurance maladie', et celle d''ordonner que la CPAM devra intervenir dans l'instance pendante', étant dépourvues de portée alors que c'est à lui, et non à la juridiction, qu'il incombait d'appeler en cause l'organisme social.
Alors que selon l'article 547 du code de procédure civile l'appel en matière contentieuse ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance, M. [H] a intimé devant la cour la CPAM de la Vienne, qui n'était pas partie à l'instance devant le tribunal judiciaire.
L'organisme social n'est donc toujours pas régulièrement dans la cause, quand bien même M. [H] lui a fait délivrer assignation à comparaître devant la cour puisque c'est en une qualité d'intimé qui ne peut être la sienne, de sorte qu'en cause d'appel aussi, l'action du demandeur reste irrecevable.
Les demandes contenues dans le dispositif de ses conclusions d'appel tendant à voir la cour 'lui donner acte d'appeler en cause et en intervention forcée la CPAM' et 'ordonner que la CPAM devra intervenir dans l'instance pendante devant le tribunal de céans, inscrite au rôle sous le numéro RG 22/878 pour y prendre telles conclusions qu'elle estimera nécessaires', sont manifestement reprises sans discernement du dispositif de ses conclusions de première instance, et dépourvues de portée devant la cour, qui en tout état de cause n'a ni à lui donner acte d'une diligence qu'il n'a pas accomplie alors qu'elle lui incombe et qu'elle s'imposait depuis l'introduction de l'instance, ni à ordonner d'intervenir à l'organisme social qui n'a pas été régulièrement appelé en cause.
Les chefs de décision du jugement relatifs aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés et seront confirmés.
M. [H] succombe en son recours et supportera les dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi relative à l'aide juridictionnelle.
L'équité justifie de ne pas mettre d'indemnité de procédure à sa charge.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort :
DÉCLARE irrecevable la mise en cause de la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne devant la cour
CONFIRME le jugement déféré
ajoutant :
DIT que l'action de M. [I] [H] est aussi irrecevable en cause d'appel
ajoutant :
REJETTE toutes demandes autres ou contraires
CONDAMNE M. [H] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi relative à l'aide juridictionnelle
DIT n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,