ARRET N°241
FV/KP
N° RG 23/01985 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G3Z6
[I]
[I]
C/
S.E.L.A.R.L. [A] [W] - MJO - MANDATAIRES JUDICIAIRES
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 02 JUILLET 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01985 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G3Z6
Décision déférée à la Cour : jugement du 25 juillet 2023 rendu par le Tribunal de Commerce de Poitiers.
APPELANTS :
Monsieur [T] [I]
né le [Date naissance 3] 1982 à [Localité 20]
[Adresse 2]
[Localité 20]
Ayant pour avocat plaidant Me Cécile LECLER-CHAPERON, avocat au barreau de POITIERS.
Monsieur [G] [I]
né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 20]
[Adresse 21]
[Localité 23]
Ayant pour avocat plaidant Me Cécile LECLER-CHAPERON, avocat au barreau de POITIERS
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. [A] [W] - MJO - MANDATAIRES JUDICIAIRES Agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS FRANCE BOIS MODULAIRE INDUSTRIE
[Adresse 19]
[Localité 20]
Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas DUFLOS, avocat au barreau de POITIERS.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 12 juillet 2012, la société par actions simplifiée FBMI - France Bois Modulaire Industrie (la SAS FBMI) a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Poitiers en vue d'exercer une activité de construction de maison à ossature bois. [T] [I] a été désigné comme président, [G] [I] comme directeur général .
Le 07 novembre 2017, le tribunal de commerce de Poitiers a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS FBMI, convertie en liquidation judiciaire le 13 mars 2018. La SELARL [A] [W] - MJO a été désignée liquidateur judiciaire de la société.
Par acte du 10 mars 2021, le liquidateur judiciaire a assigné messieurs [T], [B], [N] et [G] [I], représentants de la société FBMI devant le tribunal de commerce de Poitiers afin de les voir condamnés in solidum au titre de leur responsabilité de dirigeant de droit ou de fait au paiement de l'insuffisance d'actif ainsi qu'à une mesure de faillite personnelle pour une durée de 15 ans.
Dans le dernier état de ses demandes, le liquidateur judiciaire, a demandé de :
- condamner les consorts [I] in solidum au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif des dirigeants de droit et de fait,
- prononcer une mesure de faillite personnelle pour une durée de 15 ans à l'encontre de chacun des dirigeants de droit et de fait,
- les condamner in solidum à lui verser la somme de 800.000 €, outre 6.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement en date du 25 juillet 2023, le tribunal de commerce de Poitiers a statué ainsi :
- Prend acte de ce que la SELARL [A] [W] - MJO ès-qualités renonce aux demandes en faillite personnelle à l'encontre de chacun des dirigeants,
- Rejette toute demande de sursis à statuer,
- Déclare que l'insuffisance d'actif est certaine et s'établit à ce jour à - 882.066,20 €,
- Déboute la SELARL [W] de sa demande de condamnation de Messieurs [T] [I] et [G] [I] au titre du retard dans la déclaration de cessation des paiements,
- Déboute la SELARL [W] de sa demande de condamnation de Messieurs [T] [I] et [G] [I] à l'indemnisation des dettes fiscales et sociales nées dans la période comprise entre le 15 juin 2017 et le 11 octobre 2017,
- Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], la somme de 212.956 €, au titre de l'accroissement de l'insuffisance d'actif, liée à l'augmentation des dettes nées entre la clôture de l'exercice arrêté au 30 juin 2015, et celui précédent l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire,
- Déboute la SELARL [W] de sa demande de condamnation de Messieurs [T] [I] et [G] [I] au remboursement des frais,
- Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], la somme de 247.261 €, au titre de l'insuffisance d'actif, liée à la non-valeur des stocks de matières premières et travaux en cours, inscrits au bilan arrêté au 30 juin 2017,
- Déboute la SELARL [W] de sa demande de condamnation de Messieurs [T] [I] et [G] [I] à l'indemnisation de l'insuffisance d'actif, née dans la période comprise entre janvier 2014 et le décembre 2017, au titre des divers remboursements de frais, mis à charge de la société,
- Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], le somme de 100.000 €, au titre de l'insuffisance d'actif, liée au détournement d'actif à ce titre,
- Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], la somme de 25.558,40 € au titre de l'insuffisance d'actif liée à la condamnation de la FBMI pour travail dissimulé,
- Déboute la SELARL [W] de sa demande condamnation de Messieurs [T] [I] et [G] [I] à l'indemnisation de l'insuffisance d'actif au titre des défaillances dans les déclarations fiscales et sociales,
- Déboute la SELARL [W] de sa demande de condamnation de Messieurs [T] [I] à l'indemnisation de l'insuffisance d'actif, née de l'absence de déclaration de sinistre, à hauteur de 68.306,17 €,
- Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains de la SELARL [W], la somme de 7.543,13 € au titre de l'absence de souscription de l'assurance dommage-ouvrage au nom des consort [S]-[X],
- Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains de la SELARL [W], la somme de 41.265,04 €, au titre de la perception indue de l'acompte du chantier des consorts [D],
- Déboute la SELARL [W] de sa demande de condamnation à l'encontre de Monsieur [B] [I],
- Déboute la SELARL [W] de sa demande de condamnation à l'encontre de Monsieur [N] [I],
- Ordonne la mainlevée d'hypothèque sur les immeubles (cadastré AO [Cadastre 8] [Adresse 27] à [Localité 26] 86) appartenant à Monsieur [B] [I] puisqu'il n'est pas responsable du passif et que le liquidateur est débouté à ce titre,
- Déboute Messieurs [T] et [G] [I] de leurs demandes de mainlevée d'hypothèque concernant les immeubles de Messieurs [T] et [G] [I], dans l'attente du paiement de l'intégralité des sommes auxquelles ils sont condamnés en vertu du présent jugement,
- Condamne in soldium Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer à la SELARL [W], la somme de 3.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonne l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution sur le fondement de l'article R. 661-1 du code de commerce,
- Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
Par déclaration en date du 09 août 2023, les consorts [I] ont relevé appel de cette décision en limitant leur appel aux chefs suivants :
'- Rejette toute demande de sursis à statuer,
- Déclare que l'insuffisance d'actif est certain et s'établit à ce jour à - 882.066,20 euros,
- Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], la somme de 212.956 euros, au titre de l'accroissement de l'insuffisance d'actif, liée à l'augmentation des dettes nées entre la clôture de l'exercice arrêté au 30 juin 2015, et celui précédent l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire,
- Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], la somme de 247.261 euros, au titre de l'insuffisance d'actif, liée à la non-valeur des stocks de matières premières et travaux en cours, inscrits au bilan arrêté au 30 juin 2017,
- Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], le somme de 100.000 euros, au titre de l'insuffisane d'actif, liée au détournement d'actif à ce titre,
- Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], la somme de 25.558,40 euros au titre de l'insuffisance d'actif liée à la condamnation de la FBMI pour travail dissimulé,
- Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains de la SELARL [W], la somme de 7.543,13 euros au titre de l'absence de souscription de l'assurance dommage-ouvrage au nom des consort [S]-[X],
- Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains de la SELARL [W], la somme de 41.265,04 euros, au titre de la perception indue de l'acompte du chantier des consorts [D],
- Déboute Messieurs [T] et [G] [I] de leurs demandes de mainlevée d'hypothèque concernant les immeubles de Messieurs [T] et [G] [V], dans l'attente du paiement de l'intégralité des sommes auxquelles ils sont condamnés en vertu du présent jugement,
- Condamne in soldium Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer à la SELARL [W], la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonne l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution sur le fondement de l'article R. 661-1 du code de commerce,
- Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.'
Les consorts [I] ont, par dernières conclusions RPVA du 17 mai 2024, demandé à la cour de :
Vu l'article 4 du Code de procédure pénale,
Vu les articles L651-2, L653-1 et suivants du Code de commerce,
- Déclarer recevables et bien fondés [T] et [G] [I] en leur appel partiel du jugement du tribunal de commerce de Poitiers du 25 juillet 2023.
- Réformer la décision entreprise en ce qu'elle a :
Rejeté toute demande de sursis à statuer,
Déclaré que l'insuffisance d'actif est certaine et s'établit à ce jour à -882.066,20 €,
Condamné in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], la somme de 212.956 €, au titre de l'accroissement de l'insuffisance d'actif, liée à l'augmentation des dettes nées entre la clôture de l'exercice arrêtée au 30 juin 2015, et celui précédent l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire,
Condamné in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], la somme de 247.261 €, au titre de l'insuffisance d'actif liée à la non-valeur des stocks de matières premières et travaux en cours, inscrits au bilan arrêté eu 30 juin 2017,
Condamné in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], la somme de 100.000 €, au titre de l'insuffisance d'actif liée au détournement d'actif à ce titre,
Condamné in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], la somme de 25.558,40 €, au titre de l'insuffisance d'actif liée à la condamnation de la FBMI pour travail dissimulé,
Condamné in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], la somme de 7.543,13 €, au titre de l'absence de souscription de l'assurance Dommage-Ouvrage au nom des consorts [S]-[X],
Condamné in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], la somme de 41.265,04 €, au titre de la perception indue de l'acompte du chantier des consorts [D],
Débouté Messieurs [T] [I] et [G] [I] de leur demandes de mainlevée d'hypothèque concernant les immeubles de Messieurs [T] [I] et [G] [I], dans l'attente du paiement de l'intégralité des sommes auxquelles ils sont condamnés en vertu du présent jugement,
Condamné in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], la somme de 3.000 €, à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonné l'exécution provision du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution sur le fondement de l'article R.661-1 du code de commerce,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
La confirmer en ces autres dispositions comportant :
Débouté la SELARL [W] de sa demande de condamnation de Messieurs [T] [I] et [G] [I] au titre du retard dans la déclaration de cessation des paiements.
Débouté la SELARL [W] de sa demande de condamnation de [T] [I] au titre du remboursement de ses frais durant la période suspecte,
Débouté la SELARL [W] de sa demande de condamnation de Messieurs [T] [I] et [G] [I] à l'indemnisation des dettes fiscales et sociales nées dans la période comprise entre le 15 juin 2017 et le 11 octobre 2017.
Débouté la SELARL [W] de sa demande de condamnation de Messieurs [T] [I] et [G] [I] au remboursement des frais.
Débouté la SELARL [W] de sa demande de condamnation de Messieurs [T] [I] et [G] [I] à l'indemnisation de l'insuffisance d'actif, née dans la période comprise entre janvier 2014 et décembre 2017, au titre des divers remboursements de frais mis à charge de la société.
Débouté la SELARL [W] de sa demande de condamnation de Messieurs [T] [I] et [G] [I] à l'indemnisation de l'insuffisance d'actif au titre des défaillances dans les déclarations fiscales et sociales.
Débouté la SELARL [W] de sa demande de condamnation de Messieurs [T] [I] et [G] [I] à l'indemnisation de l'insuffisance d'actif née de l'absence de déclaration de sinistre à hauteur de 68.306,17 €
Débouté la SELARL [W] de sa demande de condamnation à l'encontre de Monsieur [B] [I],
Débouté la SELARL [W] de sa demande de condamnation à l'encontre de Monsieur [N] [I],
Ordonne la mainlevée d'hypothèque sur les immeubles (cadastré AO[Cadastre 8] [Adresse 27] à [Localité 26] (86) appartenant à Monsieur [B] [I], puisqu'il n'est pas responsable du passif et que le liquidateur est débouté à ce titre.
Statuant à nouveau,
- Prononcer le sursis à statuer dans l'attente de la décision de procédure pénale et dans l'attente de l'issue des opérations de vérification des créances aux fins de détermination du passif définitif,
En l'absence de sursis,
- Fixer l'insuffisance d'actif certaine à la somme de -454.512,58 €,
- Débouter la SELARL [A] [W] MJO de ses demandes, fins et conclusions,
- Ordonner la mainlevée des trois hypothèques judiciaires provisoires prises par la SELARL [A] [W] MJO sur les biens immobiliers de [T] [I] et [G] [I] et dénoncées à chacun d'eux le 15 octobre 2021 :
' Contre [G] [I] suivant ordonnance du 27/09/2021 sur l'immeuble cadastré C [Cadastre 16] [Adresse 21] à [Localité 23] (86) ;
' Contre [T] [I] suivant ordonnance du 27/09/2021 sur les immeubles sis à [Localité 26] (86) cadastrés AO [Cadastre 7] [Adresse 5] -AO [Cadastre 9]-[Cadastre 9]-[Cadastre 13]-[Cadastre 14] [Adresse 4] -AO [Cadastre 10]-[Cadastre 11]-[Cadastre 12] [Localité 25]- AO [Cadastre 6][Cadastre 15] [Adresse 18] et à [Localité 22] (86) AP [Cadastre 17] [Adresse 24].
- Condamner la SELARL [A] [W] MJO à verser à Messieurs [T], [G] et [B] [I], la somme de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la SELARL [A] [W] MJO aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Lecler-Chaperon avocat autorisé à les recouvrer par application de l'article 699 du Code de procédure civile.
La SELARL [A] [W] MJO, agissant ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS FBMI a, par dernières conclusions RPVA du 06 mai 2024, demandé à la cour de :
Vu les articles L651-2, L653-1 et suivants, L223-42, L227-1 et L123-12 du Code de commerce,
Vu les articles L113-2 et L242-1 du Code des assurances,
Vu l'article R231-7 du Code de la construction et de l'habitation,
Statuant sur l'appel principal de Messieurs [T] et [G] [I],
- Débouter Messieurs [T] [I] et [G] [I] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
Et statuant sur l'appel incident de la SELARL [A] [W] ' MJO ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société France Bois Modulaire Industrie,
À titre principal,
Confirmer le jugement, sauf pour les dispositions suivantes qui seront réformées :
« - Déboute la SELARL [W] de sa demande de condamnation de Messieurs [T] [I] et [G] [I] au titre du retard dans la déclaration de cessation des paiements,
- Déboute la SELARL [W] de sa demande de condamnation de [T] [I] et [G] [I] au titre du remboursement de ses frais durant la période suspecte,
- Déboute la SELARL [W] de sa demande de condamnation de messieurs [T] [I] et [G] [I] à l'indemnisation des dettes fiscales et sociales nées pendant la période comprise entre le 15 juin 2017 et le 11 octobre 2017,
- Condamne in solidum Messieurs [T] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], la somme de 212 956 €, au titre de l'accroissement de l'insuffisance d'actif, liée à l'augmentation des dettes nées entre la clôture de l'exercice arrêté au 30 juin 2015, et celui précédent l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire,
- Déboute la SELARL [W] de sa demande de condamnation de Messieurs [T] [I] et [G] [I] au remboursement des frais,
- Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], la somme de 247 261 € au titre de l'insuffisance d'actif, liée à la non-valeur des stocks de matières premières et travaux en cours, inscrits au bilan arrêté au 30 juin 2017,
- Déboute la SELARL [W] de sa demande de condamnation de Messieurs [T] [I] et [G] [I] à l'indemnisation de l'insuffisance d'actif née dans la période comprise entre janvier 2014 et le décembre 2017 au titre des divers remboursements de frais, mis à charge de la société,
- Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], la somme de 100 000 €, au titre de l'insuffisance d'actif liée au détournement d'actif à ce titre,
- Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains du liquidateur, la SELARL [W], la somme de 25 558,40 € au titre de l'insuffisance
d'actif liée à la condamnation de la FBMI pour travail dissimulé,
- déboute la SELARL [W] de sa demande de condamnation de messieurs [T] [I] et [G] [I] à l'indemnisation de l'insuffisance d'actif au titre des défaillances dans les déclarations fiscales et sociales,
- Déboute la SELARL [W] de sa demande de condamnation de Messieurs [T] [I] et [G] [I] à l'indemnisation de l'insuffisance d'actif née de l'absence de déclaration de sinistre à hauteur de 68 306,17 €,
- Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains de la SELARL [W], la somme de 7 543,13 € au titre de l'absence de souscription de l'assurance dommage-ouvrage, au nom des consorts [S]- [X],
- Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer entre les mains de la SELARL [W], la somme de 41 265,04 € au titre de la perception indue de l'acompte du chantier des consorts [D]. »
Statuant à nouveau,
- Condamner Messieurs [T] [I] et [G] [I] in solidum à payer à la SELARL [A] [W] ' MJO, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS FBMI la somme de 800.000 €,
- Confirmer le jugement pour le surplus,
À titre subsidiaire,
- Confirmer le jugement du 25 juillet 2023 en toutes ses dispositions,
En tout état de cause,
- Débouter Messieurs [T] [I] et [G] [I] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
- Condamner in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] au paiement de la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] aux entiers dépens de l'instance.
Le parquet général a, par avis du 19 avril 2024, requis la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de sursis à statuer pour cause de procédure pénale en cours et pour vérification du passif et conclu à l'existence de fautes de gestion justifiant la condamnation in solidum de [T] et [G] [I] au paiement de l'insuffisance d'actif qu'il appartiendra à la Cour de déterminer.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
L'instruction de l'affaire a été clôturée à l'audience des plaidoiries du 22 mai 2024, date à compter de laquelle elle a été mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes de sursis à statuer
1. L'article 378 du Code de procédure civile dispose que la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.
Jusqu'à l'issue d'une procédure pénale en cours
2. Selon l'article 4 du code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique.
3. Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.
4. La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.
5. Les consorts [I] font valoir que le mandataire liquidateur a déposé une plainte à leur encontre et indique que ce dernier se contente d'affirmer que les faits dont il a fait état dans sa plainte ne seraient pas les mêmes que ceux qu'elle invoque dans le cadre de la présente procédure sans le prouver. Selon eux, même si ce sursis ne s'impose pas, il demeure facultatif dans le cadre d'une bonne administration de la justice.
6. Le parquet général indique pour sa part que le dépôt de plainte invoqué par les appelants n'est étayé par aucune pièce et qu'en outre, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif ne saurait se confondre avec une action civile visant à obtenir réparation d'un dommage causé par une infraction.
7. La cour indique qu'en l'état des éléments produits au débat, la loi n'impose aucunement le prononcé d'un sursis à statuer.
8. Par ailleurs, la cour considère en l'espèce qu'un tel sursis n'est pas opportun et indique qu'elle ne souhaite pas, en conséquence, user de cette faculté.
9. La décision sera confirmée de ce chef.
Dans l'attente de la vérification du passif
10. Les consorts [I] expliquent que la vérification du passif chirographaire n'a pas eu lieu et que des instances en contestation de ce passif n'auraient pas été purgées en dépit des requêtes adressées au mandataire en ce sens.
11. La SELARL [A] [W] MJO, agissant ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS FBMI objecte que l'ensemble des contestations a été purgé ou n'a pas été considéré comme sérieuse en l'absence de justificatifs fournis, préalablement sollicités, et rappelle, en tout état de cause, que l'existence d'une contestation en cours n'est pas de nature à empêcher l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif.
12. Le ministère public indique que les conditions de mise en oeuvre de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif sont réunies et qu'en outre, aucune des pièces produites ne permettent de se convaincre d'une vérification dudit passif qui serait toujours en cours.
13. La cour rappelle que pour que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif prospère, il est seulement nécessaire et suffisant que l'insuffisance d'actif soit certaine, peu important que le passif et l'actif soient exactement chiffrés, au jour où la juridiction statue.
14. De la sorte, quand bien même le passif chirographaire n'aurait pas été vérifié, aucune obligation de sursis à statuer ne s'imposerait à la cour.
15. Au-delà, la cour constate, au vu des éléments produits au débat, qu'aucune vérification du passif ne serait encore à mener, l'ensemble des contestations ayant été examinées.
16. Enfin, il y a lieu de rappeler comme l'a jugé à bon droit le premier juge que le dépôt de l'état des créances a été publié au BODACC du 23-30 octobre 2018, de sorte, que l'état des créances est désormais définitif et a autorité de chose jugée pour les créances qui étaient proposées à l'admission et dont l'admission a été ratifiée par le juge-commissaire.
17. En conséquence de ce qui précède, le rejet de la demande de sursis à statuer pour contestation du passif sera confirmé.
Sur la demande en condamnation à l'insuffisance d'actif
18. Aux termes des dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce, en sa version en vigueur du 11 décembre 2016 au 03 juillet 2021, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée .
19. Il est constant qu'à la différence des sanctions civiles et pénales pour lesquelles la loi énumère dans le détail les faits susceptibles d'être retenus, toutes les fautes de gestion peuvent être prises en considération, sous la réserve, s'agissant d'une action en responsabilité civile délictuelle ayant pour objet la réparation du préjudice subi par la collectivité des créanciers, que soient prouvés, outre l'existence au moins d'une telle faute, celle d'un préjudice consistant en une insuffisance d'actif en lien avec la faute du dirigeant.
20. L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif déroge cependant au droit commun de la responsabilité en ce que, même si les conditions de fond de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif sont réunies, les juges du fond apprécient souverainement le montant et la nécessité de la sanction, et peuvent même, en cas de faute établie, décider de ne prononcer aucune condamnation à ce titre.
21. En outre, le dirigeant peut être condamné à supporter la totalité de l'insuffisance d'actif, même si sa ou ses fautes ne sont à l'origine que d'une partie de celle-ci.
22. Les fautes ou les abstentions, exclusives de fautes de simple négligence, doivent avoir été commises antérieurement à l'ouverture de la procédure et en application de ce texte, il appartient au liquidateur de démontrer que le dirigeant de droit ou de fait a personnellement commis celles-ci.
Sur le préjudice
23. L'insuffisance d'actif est égale à la différence entre le montant du passif antérieur admis définitivement et le montant de l'actif réalisé de la personne morale débitrice. Elle s'apprécie à la date à laquelle le juge statue.
24. Au regard des éléments produits au débat, la cour retiendra que l'insuffisance d'actif, telle que retenue par le mandataire à la liquidation judiciaire au moment où les consorts [I] ont cessé leurs fonctions de dirigeant de droit ou de fait, doit être établie à la somme de 882.066,20€, laquelle peut être déterminée comme suit:
Passif définitivement admis ; 1.004.987,35 €, en vertu de l'état des créances signé le 11 septembre 2018 et publié au BODACC (passif admis sans contestation. Pièces 7 bis et 7 ter du mandataire) ;
Actif réalisé (bien matériel et recouvrement de créances. Pièces 8 et 8 bis du mandataire) pour une montant de 122.921,15 € ainsi détaillée ;
' réalisation du mobilier et du matériel : 85.075,00 €
' réalisation des immeubles : 15.600,00 €
' solde bancaire : 4.352,45 €
' créances client : 13.514,70 €
' crédit d'impôts : 4.379,00 €
Sur les fautes de gestion
25. Les appelants contestent l'ensemble des fautes ayant donné lieu à condamnation, à savoir, leur condamnation à payer :
- La somme de 212.956 €, au titre de l'accroissement de l'insuffisance d'actif, liée à l'augmentation des dettes nées entre la clôture de l'exercice arrêtée au 30 juin 2015 et celui précédent l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire aux motifs :
qu'ils ont bénéficié d'un échéancier plan de la CCSF, laquelle n'intercède en faveur d'une entreprise que si elle est à jour de ses obligations déclaratives et de paiement de la part salariale des cotisations sociales ;
que l'activité de la SAS FBMI ne pouvait être qualifiée de déficitaire en 2015 et 2016 puisque l'exercice clos au 30 juin 2016 a fini avec un bénéfice de 62.350 €, comblant ainsi les pertes de l'exercice précédent chiffrées à la somme de 268.788 € ;
qu'ils ont respecté la procédure légale de l'article L. 225-248 du Code de commerce leur permettant de disposer de deux exercices après celui de l'année 2015 pour reconstituer les capitaux propres de l'entreprise, laquelle a été enregistrée au greffe du tribunal de commerce de Poitiers le 10 mars 2016 sous n° 1056 ;
- La somme de 247.261 €, au titre de l'insuffisance d'actif liée à la non-valeur des stocks de matières premières et travaux en cours, inscrits au bilan arrêté eu 30 juin 2017 dès lors que :
selon leurs souvenirs, au 30 juin 2017, au moins, six maisons étaient en usine en fabrication et trois maisons étaient sur site en cours d'achèvement, ce qui constitue bien des travaux en cours et nécessitait du stock ;
la vente aux enchères de mobiliers et matériels de l'entreprise a représenté 85.075 € devait d'ailleurs, sans nul doute, porter sur des stocks ;
les comptes d'In Extenso, expert-comptable de la société, ne peuvent raisonnablement être considérés comme sans valeur au motif que le suivi comptable de la société était assuré par une comptable salariée, Madame [C], de sorte que sa mission aurait été réduite à la présentation des comptes annuels ;
- La somme de 100.000 €, en considération d'un détournement d'actif, ceci, au regard des motifs du tribunal qui les a condamné à payer au titre de fautes non établies mais considérées comme probables ; lesdits motifs revenant à indemniser la liquidation judiciaire d'un prétendu préjudice évalué forfaitairement alors qu'il était fréquemment réalisé des avances de frais pour le compte de la société comme, du reste, les salariés de la SAS FBMI, eu égard notamment à l'éloignement géographique des chantiers, cette pratique demeurant, bien évidemment, encadrée ;
- La somme de 25.558,40 €, au titre de l'insuffisance d'actif liée à la condamnation de la FBMI pour travail dissimulé, dès lors que pour les besoins de l'audience ayant donné lieu à l'arrêt de la Cour d'appel de poitiers en date du 25 novembre 2021, Maître [W] contestait l'existence d'un contrat de travail entre la SAS FBMI et le dénommé [J] ;
- la somme de 7.543,13 €, au titre de l'absence de souscription de l'assurance Dommage-Ouvrage au nom des consorts [S]-[X] en ce que :
le contrat de dommage-ouvrage souscrit le 1er février 2013 aurait été résilié le 19 juillet 2017 et ainsi, bien après la signature du contrat litigieux intervenue au cours de l'année 2015 ;
que la SAS FBMI n'était seulement astreinte à souscrire une assurance de responsabilité décennale garantissant sa responsabilité au sens de l'article 1792 du Code civil ;
- la somme de 41.265,04 €, au titre de la perception indue de l'acompte du chantier des consorts [D], alors que tout contrat de construction de maison individuelle est assorti de la souscription d'une garantie de livraison permettant d'assurer l'achèvement de la construction en cas de liquidation judiciaire du constructeur suivant les dispositions de l'article L. 231-6 du Code de la Construction et de l'habitation en sa version en vigueur du 01 janvier 2014 au 01 février 2020.
26. La SELARL [A] [W] MJO, agissant ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS FBMI sollicite, à titre principal, que le jugement soit réformé uniquement en ce qu'il a prononcé des condamnations faute par faute et rappelle à ce titre :
- que la Cour de cassation retient que le dirigeant peut être condamné à supporter l'insuffisance d'actif en tout ou partie même si sa faute n'a fait qu'y contribuer ;
- que selon cette cour régulatrice, le juge n'a pas à déterminer avec précision la part d'insuffisance d'actifs imputable au dirigeant qu'il condamne ;
- que le montant de la condamnation n'a pas non plus à être limité à l'aggravation de l'insuffisance d'actif causé par les fautes du dirigeant dès lors qu'il revient simplement au juge du fond de déterminer une sanction proportionnée au regard du principe du droit à réparation des créanciers qui subissent le dommage, du nombre et de la gravité des fautes de gestion, et du patrimoine du dirigeant.
27. Au regard de l'application de ces règles et des autres fautes de gestion caractérisées dont se seraient rendus coupables les consorts [I] (retard dans la déclaration de la cessation des paiements dans un contexte déficitaire, les détournements d'actif, le non-respect des obligations sociales et fiscales et le non-respect des obligations incombant aux constructeurs de maisons individuelles), le mandataire liquidateur sollicite une condamnation in solidum des consorts [G] et [T] [I] à lui payer, ès qualité de liquidateur de la SAS FBMI, la somme de 800.000 €.
28. Le parquet général indique pour sa part que le tribunal s'est livré à un examen de chaque comportement supposé fautif, prononçant pour chaque faute retenue une condamnation en lien avec celle-ci, alors même qu'il est de jurisprudence constante que la part d'insuffisance d'actif imputable à la faute et à fortiori au dirigeant condamné n'a pas à être précisée.
29. Il rappelle en outre que c'est l'examen global des faits qui traduit le plus souvent l'incompétence caractérisant la faute de gestion et que la faute, pour être sanctionnée, doit se rattacher à la gestion et que si les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain d'appréciation, la motivation de la caractérisation de la faute de gestion est essentielle, la cour de cassation se limitant à un contrôle de la qualification.
Sur les fautes retenues par le premier juge
30. La cour observe que sur l'ensemble des fautes de gestion retenu à la charge des consorts [I] par le premier juge, les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.
31. Conformément aux dispositions de l'article 955 du Code de procédure civile, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties.
32. Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur le point très précis de l'existence des fautes mises à la charge des consorts [I] et acter le principe de leur responsabilité sans pour autant approuver l'évaluation du préjudice généré par chacune de ces fautes prises isolément, ce d'autant que des moyens nouveaux sont argués en ce qui concerne le retard dans la déclaration de la cessation des paiements dans un contexte déficitaire, l'absence de comptabilité complète et régulière, les détournements d'actif, le non-respect des obligations sociales et fiscales et le non-respect des obligations incombant aux constructeurs de maisons individuelles.
Sur les fautes déniées par le tribunal
Sur le retard dans la déclaration de la cessation des paiements dans un contexte déficitaire
33. Aux termes de l'article L. 631-4 du Code de commerce, l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas, dans ce délai, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
34. Il est admis que la cessation des paiements est l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et il est tout aussi constant que l'omission ou le retard dans la déclaration doit être apprécié au regard de la seule date fixée dans le jugement d'ouverture (ou dans un jugement de report le cas échéant).
35. En outre, le défaut de déclaration de la cessation des paiements excède la simple négligence lorsque le dirigeant n'a pas déclaré la cessation des paiements alors qu'il ne pouvait ignorer que des dettes était en souffrance de longue date et que la société a éprouvé des pertes.
36. Les appelants expliquent que les premiers juges ont fait à juste titre référence au fait que le jugement de redressement fixait provisoirement la date de cessation des paiements à la date du 30 avril 2017 pour conclure qu'ils n'étaient pas liés par cette date.
Ils soulignent que Monsieur [T] [I] a pris attache avec le greffe du tribunal de commerce de Poitiers par message électronique le 02 août 2017 afin de demander à rencontrer son président et que quand il a été informé par l'Expert-comptable In Extenso que la SAS FBMI était en cessation de paiement, ce qu'il ignorait, il en a également avisé le Greffe pour solliciter l'ouverture d'une procédure collective.
37. Le mandataire rappelle que dans son message électronique du 02 août 2017, Monsieur [T] [I] prétend ne pas savoir s'il est en état de cessation des paiements alors qu'il indique lui-même ne pas être en mesure de faire face à ses charges et qu'il a déjà bénéficié de moratoires et délais de paiement, et que le bilan au 30 juin 2017 serait 'correct'. A ces argument, la SELARL [A] [W] MJO réplique que :
- au regard du montant et de l'ancienneté des dettes existantes au 11 juin 2017 pour un total de 726.864 €, les dirigeants ne pouvaient sérieusement ignorer l'état de cessation des paiements (dettes fournisseurs et fiscales et sociales au 30 juin 2017, respectivement, pour des sommes de 353.558 € et 373.306 € ;
- l'activité était d'ores et déjà déficitaire puisque qu'une perte de 64.485 € existait au 30 juin 2017, portant les capitaux propres à la somme négative de 82.400 € ;
- le retard de quatre mois dans la déclaration de la cessation des paiements a généré à lui seul des dettes à hauteur de 77.009 €, dont 31.200,81 € de paiements préférentiels au profit de Monsieur [T] [I] ;
38. La cour observe que le caractère déficitaire de l'activité ne fait plus débat dès lors que la cour confirme les chefs du jugement ayant retenu une faute de continuité d'activité malgré l'activité déficitaire.
39. La cour rappelle que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire daté du 07 novembre 2017 a fixé la date de cessation des paiements au 30 avril 2017 et qu'ainsi, les consorts [I] auraient dû déclarer la cessation des paiements au plus tard le 15 juin 2017, démarche qui n'a été en réalité accomplie que le 11 octobre 2017.
40. Cette déclaration tardive de la cessation des paiements est exclusive de toute négligence dès qu'il est retenu par le cour :
- que les consorts [I] avaient une parfaite connaissance de leurs obligations en la matière puisqu'ils avaient précédemment bénéficié d'une procédure de redressement judiciaire en ce qui concerne leur société Maison Concept Bois le 08 août 2012, laquelle avait été convertie en liquidation judiciaire le 12 décembre 2013 (pièce 31 du mandataire) pour les besoins de laquelle ils avaient réalisé une déclaration de cessation des paiements dans les délais requis par la loi ;
- que les consorts [I] avaient une parfaite connaissance de la gravité de la situation financière de la SAS FBMI dès le 15 juin 2017 et, ainsi, avant le mail du 02 août 2017, dès lors que les dettes sociales et fiscales s'élevaient à plus de 200.000 € dès l'exercice 2014, que l'exercice clos au 30 juin 2015 avait été catastrophique pour la société (- 268.788 €) et qu'ainsi les capitaux propres étaient d'ores et déjà négatifs et que si l'exercice suivant avait été bénéficiaire, il n'en demeurait pas moins qu'il n'avait pas permis de résorber les pertes antérieures de sorte que, malgré les réserves antérieures et un résultat positif en 2016, les capitaux propres restaient négatifs pendant trois exercices consécutifs ;
- que la lecture des éléments comptables versés au débat démontre qu'il ont poursuivi une activité déficitaire sur plusieurs exercices, le tout, sans apporter la preuve en cause d'appel de mesures concrètes qu'il aurait prises, susceptibles de rétablir la situation financière de la société ou d'empêcher d'accroître le passif par des économies, les éléments versés au débat démontrant, au contraire, qu'ils ont retiré pendant cette période des avantages personnels substantiels réglés par la SAS FBMI ;
41. Au regard de ce qui précède, la cour considère que cette faute, directement en lien avec l'insuffisance d'actif, par la gravité qu'elle recouvre, doit entraîner la réformation de la décision déférée en ce qui concerne la responsabilité des consorts [I]. De la sorte, il y a lieu de retenir à leur charge la faute de déclaration tardive de la cessation des paiements.
Sur les détournements d'actif liés aux frais de bouche et déplacement
42. Selon l'article L. 653-4 du Code de commerce, notamment, le fait de disposer des biens de la société comme des siens propres ainsi que les détournements ou dissimulations d'actif sont des cas justifiant le prononcé d'une mesure de faillite personnelle ou de caractériser des les délits d'abus de biens sociaux ou de banqueroute. Il est constant qu'il s'agit, en outre, de fautes de gestion engageant la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d'actif.
43. La cour observe, s'agissant de ces frais, que c'est par des motifs pertinents, qui ne sont pas réfutés en cause d'appel et que la cour adopte, que les premiers juges, ont indiqué que leur remboursement, dûment enregistré en comptabilité par un expert-comptable sans remarques particulières de ce dernier, ne pouvait constituer un usage du crédit de la SAS FBMI contraire à ses intérêts dès lors qu'il ne se déduisait de ces agissements aucune intention frauduleuse des consorts [I] de détourner les actifs.
44. La décision sera confirmée de ce chef.
Sur le non-respect des obligations sociales et fiscales
45. Les appelants ne concluent pas sur ce point.
46. La SELARL [A] [W] MJO fait valoir, au soutien de la réformation de la décision sur ce point que :
- les retards de paiement des cotisations URSSAF remontent à l'année 2016 et qu'ainsi, les créances admises au titre de ces cotisations s'élèvent à 188.054,04 € dont 38.885,56 € avant cessation des paiements ;
- que les retards de paiement des cotisations maladie et retraite remontent à l'année 2015 et que les créances admises au titre de ces cotisations s'élèvent à la somme de 185.020 € dont 119.858€ avant cessation des paiements ;
- le montant total des créances fiscales admises au passif de la liquidation s'établit à 175.812 € tandis que, l'existence de l'échéancier CCSF allégué par les appelants ne serait pas prouvée, la vérification fiscale ouverte à la suite du redressement judiciaire a permis de constater une insuffisance de déclaration de chiffre d'affaires pour 47.666 € au titre de la TVA, l'absence de déclaration au titre de la CVAE et l'absence de déclaration et paiement des taxes relatives à la formation continue et à la taxe d'apprentissage, alors enfin que la SAS FBMI n'a pas procédé au paiement de la TVZ qu'elle collectait auprès de ses clients.
47. Elle conclut que le défaut de paiement des cotisations sociales et le fait d'éluder les obligations fiscales ont permis aux gérants de disposer d'une trésorerie fictive et de maintenir une exploitation déficitaire. Selon elle, ces pratiques, outre les pénalités et majorations qu'elles ont engendrées, n'ont fait qu'aggraver le passif et ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements. Le lien de causalité est démontré.
48. Sur ce point, le ministère public expose qu'il résulte d'une lecture attentive de l'état de créances que certaines créances privilégiées étaient anciennes et souligne qu'il en est ainsi des dettes de TVA datant de 2015. La parquet général indique par ailleurs que des mises en demeure relatives au paiement des cotisations dues à l'URSSAF attestent des majorations infligées à la société, lesquelles ont grandement contribué à aggraver le passif, et démontrent encore que la poursuite d'activité s'est effectuée malgré une exploitation déficitaire.
49. Cette partie ajoute que le non-respect de la législation sociale constitue aussi une faute de gestion rendant possible la condamnation à réparer l'insuffisance d'actif et illustre son propos en indiquant que la condamnation de la société issue de l'arrêt de la Chambre sociale de la Cour de Poitiers en date du 25 novembre 2021 en attesterait, de sorte que l'insuffisance d'actif s'en est trouvée impactée nonobstant l'ancienneté des faits, la créance étant devenue exigible en cours de liquidation judiciaire.
50. La cour relève qu'il ressort des éléments produits au débat que les dirigeants de la SAS FMBI ont intentionnellement éludé les obligations sociales et fiscales qui incombent à tout commerçant dans des proportions importantes et constate que ces manquements ont participé à l'insuffisance d'actif, ceci, alors même que les consorts [I] n'ignoraient pas l'impact de ces choix sur la santé financière de l'entreprise, déjà fragilisée, dès lors qu'ils avaient mené pour des motifs quasiment similaires une première entreprise à la liquidation judiciaire.
51. La décision entreprise sera infirmée sur ce point.
Sur le non-respect des obligations incombant aux constructeurs de maisons individuelles en l'absence de déclaration de sinistre
52. Le mandataire fait valoir qu'en ne déclarant pas les sinistres à son assureur dans les délais en ce qui concerne les consorts [U]-[E] et [S], ce dernier ne les a pas indemnisés et indique que cette faute a entraîné une déclaration de créance des susnommés et une aggravation du passif de 68.308,17 €, de sorte que le lien de causalité serait démontré.
53. Les appelants ne concluent pas sur ce point, focalisant leur argumentaire sur l'obligation pour le maître d'ouvrage de souscrire une dommage-ouvrage.
54. Au terme du 4° de l'article L. 113-2 du Code des assurances, l'assuré est obligé de donner avis à l'assureur, dès qu'il en a eu connaissance et au plus tard dans le délai fixé par le contrat, de tout sinistre de nature à entraîner la garantie de l'assureur. Ce délai ne peut être inférieur à cinq jours ouvrés.
55. Par ailleurs, selon le premier alinéa de l'article L. 241-1 du Code des assurances, toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.
56. La cour rappelle qu'en matière d'assurance de responsabilité obligatoire, l'assureur n'est tenu que si, à la suite du fait dommageable prévu au contrat, une réclamation amiable ou judiciaire est faite à l'assuré par le tiers lésé.
57. Or, les éléments produits au débat ne permettent pas de savoir qui est à l'origine du manquement déclaratif, seule est justifiée la déclaration de créance à la procédure collective en suite du sinistre.
58. Il s'ensuit que la décision sera confirmée de ce chef.
59. Au regard de ce qui précède, de l'ensemble des éléments fournis à la cour, la décision sera réformée non seulement en ce qui concerne l'existence de fautes de gestion mises à la charge des consorts [I] mais également de l'appréciation de la sanction qui leur sera infligée et que la cour fixe désormais à la somme de 700.000 €.
Sur la mainlevée des hypothèques
60. Les appelants sollicitent la mainlevée des hypothèques judiciaires provisoires prises par la SELARL [W]-MJO sur les biens immobiliers leur appartenant, dénoncées à chacun d'eux le 15 octobre 2021, mais ne fournissent aucun moyen de droit à cet effet.
61. La décision du premier juge ayant maintenu les effets de ces mesures de sûreté sera ainsi confirmée.
Sur les frais de procès
62. Il apparaît équitable de condamner les consorts [I] à régler à la SELARL [A] [W] MJO, agissant ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS FBMI une indemnité de 5.000€ au titre des frais irrépétibles et de rejeter les demandes formées au même titre par les appelants.
63. Les consorts [I] qui échouent en leurs prétentions seront condamnés aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Poitiers en ce qu'il a
retenu à l'encontre Messieurs [T] [I] et [G] [I] les fautes de gestion suivantes :
- avoir contribué à l'accroissement de l'insuffisance d'actif, liée à l'augmentation des dettes nées entre la clôture de l'exercice arrêtée au 30 juin 2015 et celui précédent l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;
- avoir contribué à l'insuffisance d'actif liée à la non-valeur des stocks de matières premières et travaux en cours, inscrits au bilan arrêté eu 30 juin 2017,
- avoir contribué à l'insuffisance d'actif en raison des détournements dudit actif,
- avoir contribué à l'insuffisance d'actif en raison de l'existence de travail dissimulé,
- avoir contribué à l'insuffisance d'actif du fait de la perception indue d'acompte pour les besoins de la réalisation du chantier des consorts [D] ;
- avoir contribué à l'insuffisance d'actif en l'absence de souscription d'une assurance dommage-ouvrage pour deux chantiers.
Ordonné la mainlevée d'hypothèque la mainlevée d'hypothèque sur les immeubles (cadastré AO [Cadastre 8] [Adresse 27] à [Localité 26] 86) appartenant à Monsieur [B] [I],
Débouté Messieurs [T] et [G] [I] de leurs demandes de mainlevée d'hypothèque concernant les immeubles de Messieurs [T] et [G] [I], dans l'attente du paiement de l'intégralité des sommes auxquelles ils sont condamnés en vertu du présent jugement,
Condamné in soldium Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer à la SELARL [W], la somme de 3.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Dit que Messieurs [T] [I] et [G] [I] ont commis une faute de gestion en déclarant tardivement la cessation des paiements dans un contexte déficitaire,
Dit que Messieurs [T] [I] et [G] [I], en leur qualité de dirigeants, ont commis une faute liée au non-respect de leurs obligations sociales et fiscales,
Condamne Messieurs [T] [I] et [G] [I] in solidum à payer à la SELARL [A] [W] MJO, agissant ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS FBMI - France Bois Modulaire Industrie une somme de 700.000 € en réparation de l'insuffisance d'actif de la SAS FBMI - France Bois Modulaire Industrie,
Y ajoutant,
Condamne solidairement Messieurs [T] [I] et [G] [I] à payer à la SELARL [A] [W] MJO, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS FBMI - France Bois Modulaire Industrie la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette les autres demandes,
Condamne in solidum Messieurs [T] [I] et [G] [I] aux dépens d'appel,
Dit que le présent arrêt sera transmis au parquet général de la Cour d'appel de Poitiers.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,