MHD/LD
ARRET N°
N° RG 21/01000
N° Portalis DBV5-V-B7F-GHK7
URSSAF ILE DE FRANCE venant aux droits la CIPAV
C/
[X] [L]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre sociale
ARRÊT DU 27 JUIN 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 février 2021 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de LA ROCHELLE
APPELANTE :
URSSAF ILE DE FRANCE
[Localité 6]
Venant aux droits de :
LA CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D'ASSURANCE VIEILLESSE (CIPAV)
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Fabrice MEHATS, avocat associé de la SCP CAMILLE AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE, substitué par Me Amélie GUILLOT de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉE :
Madame [J] [X] [L]
née le 07 novembre 1958 à [Localité 8] (59)
[Adresse 7]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Emmanuelle MONTERAGIONI-LAMBERT, substituée par Me Nathan DIET, tous deux de la SCP ELIGE LA ROCHELLE-ROCHEFORT, avocats au barreau de LA ROCHELLE ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 12 mars 2024, en audience publique, devant :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère
Monsieur Nicolas DUCHATEL, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE
GREFFIER, lors de la mise à disposition : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile que l'arrêt serait rendu le 30 mai 2024. A cette date, le délibéré a été prorogé au 27 juin 2024.
- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
A compter du 1er janvier 2009, Madame [J] [X] [L] a été affiliée auprès de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) au titre d'une activité libérale d'ostéopathe.
La CIPAV lui :
* a notifié deux mises en demeure :
- la première en date du 10 décembre 2013, présentée le 26 décembre 2013 et qui n'a pas été réclamée, pour le recouvrement d'une somme totale de 12 368,60 €, représentant les cotisations et majorations de retard relatives aux années 2010 à 2012.
- la seconde en date du 29 octobre 2015, pour le recouvrement d'une somme totale de 38 383,74 €, représentant les cotisations et majorations de retard relatives aux années 2013 et 2014,
* a fait signifier :
- le 18 juillet 2016, une contrainte décernée le 27 juin 2016 pour le recouvrement d'une somme totale de 50 720,34 €, représentant les cotisations et majorations de retard relatives aux années 2010 à 2014, (cotisations : 44 051 €, majorations de retard : 7 387,84 €, acomptes : 686,50 €, régularisations : 32 €).
Par requête du 1er août 2016, Madame [X] [L] a saisi d'une opposition à contrainte le tribunal des affaires de sécurité sociale de La Rochelle, lequel devenu pôle social du tribunal judiciaire de La Rochelle, lequel, a, par jugement du 23 février 2021 :
- débouté Madame [J] [X] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la contrainte décernée le 27 juin 2016,
- débouté la CIPAV de l'intégralité de ses prétentions,
- condamné la CIPAV aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de signification de la contrainte du 27 juin 2016,
- condamné la CIPAV à payer à Madame [J] [X] la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Par lettre recommandée adressée au greffe de la cour le 18 mars 2021, l'URSSAF Ile de France, venant aux droits de la CIPAV, a interjeté appel de la décision.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 30 janvier 2024, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, l'URSSAF Ile de France demande à la cour de :
* confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Madame [X] [L] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la contrainte,
* réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :
débouté la CIPAV de l'intégralité de ses prétentions ;
condamné la CIPAV aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de signification de la contrainte du 27 juin 2016 ;
condamné la CIPAV à payer à Madame [X] [L] la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* statuant à nouveau,
- juger infondée l'opposition à contrainte en date du 2 août 2016 de Madame [X] [L],
- valider la contrainte en date du 27 juin 2016 révisée à hauteur de 29.495,50 € au titre des cotisations et 0 € au titre des majorations de retard.
* en tout état de cause,
- débouter Madame [X] [L] de toutes ses demandes,
- condamner Madame [X] [L] à lui payer la somme de 400,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Madame [X] [L] au paiement des frais de recouvrement conformément à l'article R133-6 du code de la sécurité sociale ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions du 7 juin 2023, reprises oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Madame [X] [L] demande à la cour de :
* à titre principal,
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident,
- infirmer le jugement dont appel du 23 février 2021 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la contrainte décernée le 27 juin 2016,
- prononcer la nullité de la contrainte du 27 juin 2016,
- débouter l'URSSAF Ile de France venant aux droits de la CIPAV de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner l'URSSAF Ile de France venant aux droits de la CIPAV à lui régler la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
- condamner la même aux entiers dépens de la procédure d'appel,
- confirmer le jugement dont appel du 23 février 2021 pour le surplus, en ce qu'il a :
débouté la CIPAV de l'intégralité de ses prétentions,
condamné la CIPAV aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de signification de la contrainte du 27 juin 2016,
condamné la CIPAV à lui payer la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* à titre subsidiaire,
- confirmer le jugement dont appel du 23 février 2021 en toutes ses dispositions, en ce qu'il a :
débouté la CIPAV de l'intégralité de ses prétentions,
condamné la CIPAV aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de signification de la contrainte du 27 juin 2016,
condamné la CIPAV à lui payer la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'URSSAF ILE DE FRANCE venant aux droits de la CIPAV à lui régler la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
- condamner la même aux entiers dépens de la procédure d'appel.
SUR QUOI
I - SUR LA REGULARITE DE LA PROCEDURE :
A - Sur l'acte de signification :
En application de l'article R133-3 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à l'espèce :
« Si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur de l'organisme créancier peut décerner la contrainte mentionnée à l'article L.244-9 ou celle mentionnée à l'article L.161-1-5. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la lettre recommandée mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.'
***
En l'espèce, Madame [X] [L] soutient en substance :
- que la contrainte litigieuse ne lui a jamais été signifiée,
- que les seuls documents qui lui ont été signifiés sont une référence de contrainte et un tableau de chiffres qui ne sauraient constituer la contrainte elle-même,
- que le procès-verbal de signification de l'acte vise une contrainte portant le numéro 20099829571328 alors que la contrainte du 27 juin 2016 porte effectivement le numéro C32016012013,
- qu'il appartient à l'URSSAF ILE DE FRANCE venant aux droits de la CIPAV de démontrer que la contrainte était bien annexée au procès-verbal de signification,
- qu'elle n'y parvient pas,
- que de ce fait, en l'absence de toute signification de la contrainte du 27 juin 2016, celle-ci est nulle.
En réponse, l'URSSAF Ile de France objecte pour l'essentiel que tous les éléments contenus dans la signification de la contrainte établissent que la contrainte a été signifiée à la cotisante,
- que la cour ne pourra que confirmer le jugement attaqué sur ce point.
***
Cela étant, il convient de rappeler :
- que par acte d'huissier du 18 juillet 2016, la CIPAV a fait signifier à Madame [X] [L] la contrainte qu'elle a décernée le 27 juin 2016 à son encontre,
- que ledit acte mentionne : ' .. Signifie et laisse copie : d'une contrainte rendue par le directeur de l'organisme requérant (la CIPAV) le 27 juin 2016, portant la référence 20099829571328 concernant la ou les périodes figurant dans ladite contrainte présentement signifiée'.
- que le feuillet intitulé 'modalités de remise de l'acte signification de contrainte' mentionne : 'la copie du présent acte comporte 4 pages'.
Il en résulte que contrairement à ce que soutient la cotisante, la copie de l'acte contient effectivement 4 pages dans la mesure où le feuillet intitulé 'modalités de remise de l'acte' n'a pas à être compté et où la contrainte en elle-même, qui constitue un feuillet compte deux pages qui se rajoute au feuillet intitulé 'signification de contrainte' constitué de deux pages.
Par ailleurs, pour le surplus, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties sans qu'il soit nécessaire d'ajouter une motivation complémentaire en l'absence d'éléments nouveaux développés par la cotisante.
Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée de ce chef.
B - Sur la validité de la contrainte :
En application de l'article R 133-4 du code de la sécurité sociale, pris dans sa version applicable à l'espèce, les contraintes sont décernées en vue du recouvrement des cotisations et majorations de retard par le directeur de tout organisme de sécurité sociale jouissant de la personnalité civile.
***
En l'espèce, Madame [X] [L] soutient en substance :
- que les conditions de régularité formelle de la contrainte ne sont pas justifiées,
- qu'en effet, l'URSSAF Ile de France venant aux droits de la CIPAV n'apporte pas la preuve certaine et irréfutable de l'authenticité de la signature de Monsieur [C] [F] figurant sur la contrainte du 27 juin 2016 si bien que cette dernière ne pourra qu'être déclarée nulle,
- que cette irrégularité lui cause nécessairement un grief dans la mesure où elle ne peut pas s'assurer de la qualité et des pouvoirs du signataire pour faire délivrer la contrainte litigieuse,
- que le jugement doit être infirmé sur ce point.
En réponse, l'URSSAF Ile de France objecte pour l'essentiel :
- que par délibération en date du 8 octobre 2014, le conseil d'administration de la CIPAV a donné délégation à Monsieur [C] [F], directeur de la caisse, pour, notamment, conformément à l'article R 133 du code de la sécurité sociale, signer les contraintes émises pour le recouvrement des cotisations impayées,
- que le 27 juin 2016 lors de l'émission de la contrainte, Monsieur [C] [F] était directeur de la CIPAV et avait pleinement pouvoir pour signer les contraintes,
- que la signature scannée du directeur de la CIPAV ne fait aucunement grief à l'adhérente destinataire de la contrainte,
- que de ce fait, la cour ne pourra que juger que la procédure de recouvrement est parfaitement régulière et confirmer le jugement de première instance sur ce point.
***
Cela étant :
- d'une part, l'extrait des délibérations du conseil d'administration du 8 octobre 2014 établit que Monsieur [F], désigné ce jour-là en qualité de directeur de la CIPAV avec 15 voix pour et 10 voix contre, a reçu alors tous les pouvoirs de signer les contraintes émises par la CIPAV,
- d'autre part, comme l'a relevé le premier juge, le fait que la signature du directeur ait été apposée sous la forme d'une image numérisée n'affecte pas la validité formelle de la contrainte dès lors que ce procédé ne peut être assimilé à une signature électronique au sens de l'article 1316-4 ancien du code civil, que de ce fait, il n'est pas soumis aux mêmes règles et que de surcroît, il n'est pas contesté que la signature litigieuse est effectivement celle du directeur, habilité à délivrer la contrainte.
Par ailleurs, la cotisante ne peut pas prétendre qu'elle a été privée d'exercer ses droits dès lors qu'elle a formé opposition à contrainte dans les délais légaux et qu'elle n'invoque pas la fausseté de la signature litigieuse puisque le seul fait pour elle d'arguer du défaut de qualité du signataire et de l'absence d'habilitation ne signifient pas pour autant qu'elle conteste l'authenticité de la signature apposée par celui-ci dont elle critique les pouvoirs pour ce faire.
En conséquence, le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la nullité de la contrainte soulevé de ce chef.
C - Sur la prescription :
1 - Sur l'absence d'envoi des mises en demeure au domicile effectif de la cotisante :
En application des articles :
- L. 244-2 du code de la sécurité sociale pris dans sa version applicable au litige : 'Toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-11 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant.'
- R. 244-1 alinéa 1 dudit code pris dans sa version en vigueur au moment des faits :
'L'envoi par l'organisme de recouvrement ou par le service mentionné à l'article R. 155-1 de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L.244-2, est effectué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. L'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.'
Il en résulte que la mise en demeure préalable, délivrée par l'URSSAF, n'est pas de nature contentieuse et de ce fait, n'emporte pas application des dispositions des articles 640 à 694 du code de procédure civile.
De ce fait, le défaut de sa réception effective par son destinataire ou/et l'abstention de ce dernier d'aller retirer à la Poste le courrier recommandé qui la contient n'affectent pas sa validité et celle des actes de poursuite subséquents.
Il incombe uniquement à l'organisme créancier de démontrer l'envoi de la mise en demeure à l'adresse du cotisant (Cass civ 04 mai 2017 n°16-15436) sans avoir à en établir la réception par son destinataire.
***
En l'espèce, la cotisante soutient en substance que les mises en demeure ont été envoyées à une adresse inexacte dans la mesure où l'adresse figurant sur les courriers est différente de celle figurant sur la contrainte.
En réponse, l'URSSAF objecte pour l'essentiel :
- que la cotisante ne l'a pas informée de son déménagement,
- que de ce fait, la CIPAV a envoyé les mises en demeure à la dernière adresse dont elle disposait,
- qu'en tout état de cause, la procédure est régulière même si la cotisante n'a pas reçu les mises en demeure dès lors que c'est elle qui n'a pas déclaré sa nouvelle adresse.
***
Cela étant, les deux mises en demeure envoyées - les 10 décembre 2013 et 29 octobre 2015 - '[Adresse 3] [Localité 2]' sont revenues respectivement avec les mentions pour la première 'pli avisé et non réclamé' et pour la seconde 'destinataire inconnu à l'adresse'.
Contrairement à ce que soutient Madame [X] [L], c'est à elle qu'il incombe de rapporter la preuve qu'elle a informé la CIPAV en temps et en heure de son changement d'adresse.
Or elle est défaillante pour ce faire.
En conséquence, il convient de la débouter de toutes ses prétentions formées de ce chef.
2 - Sur la prescription :
La mise en demeure est un acte qui a pour effet :
1/ d'interrompre la prescription de la créance sociale par l'effet de la notification par lettre recommandée,
2/ de fixer le point de départ de l'action en recouvrement des créances litigieuses.
En application de l'article L 244-3 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable au litige :
'L'avertissement ou la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles qui précèdent l'année de leur envoi ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année de leur envoi. En cas de constatation d'une infraction de travail illégal par procès-verbal établi par un agent verbalisateur, l'avertissement ou la mise en demeure peut concerner les cotisations exigibles au cours des cinq années civiles qui précèdent l'année de leur envoi ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année de leur envoi.'
Il en résulte que la période de la date d'exigibilité des cotisations est de trois ans outre l'année civile en cours soumise à l'application de l'article L 244- 3 précité.
***
En l'espèce, Madame [X] [L] soutient en substance :
- que la CIPAV ne justifie pas avoir respecté l'ensemble de ces délais,
- que de ce fait, il apparaît que les exercices 2010 et 2011 sont atteints par la prescription quinquennale,
- que la nullité partielle de la contrainte doit donc être prononcée pour les exercices 2010 et 2011.
En réponse, l'URSSAF Ile de France objecte pour l'essentiel :
- que la CIPAV avait jusqu'au 31 décembre 2013 pour adresser une mise en demeure s'agissant des cotisations de l'année 2010 et interrompre la prescription de celles-ci, et jusqu'au 31 décembre 2014 pour les cotisations relatives à l'année 2011,
- que dès lors les mises en demeure des 10 décembre 2013 et 29 octobre 2015 qui pour la première pouvait concerner le paiement des cotisations remontant jusqu'à l'année 2010 et pour la seconde les cotisations de 2011 ont valablement interrompu la prescription,
- que la CIPAV qui avait jusqu'au 20 janvier 2019 pour signifier la contrainte a signifié celle-ci dans les délais.
***
Cela étant, il vient d'être jugé que les mises en demeure ont été régulièrement notifiées à Madame [X] [L] et ont valablement interrompu de ce fait les prescriptions.
En conséquence, au vu des principes sus-rappelés, ni les cotisations, ni l'action en recouvrement engagée par la CIPAV ne sont prescrites.
Il convient donc de confirmer le jugement attaqué.
D - Sur l'imprécision de la contrainte :
L'article R. 244-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale pris dans sa version en vigueur au moment des faits prévoit que : "L'envoi par l'organisme de recouvrement ou par le service mentionné à l'article R. 155-1 de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, est effectué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. L'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent."
Il est acquis que dès lors que la mise en demeure comporte bien la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle les cotisations correspondent, celle-ci met en mesure le cotisant de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation sans qu'il ne soit nécessaire qu'elle fasse figurer l'assiette et le taux des cotisations réclamées.
La contrainte qui fait référence à une mise en demeure antérieure régulièrement notifiée qui détaille précisément pour chacune des périodes les sommes dues au titre des cotisations et des majorations de retard ainsi que les versements effectués permet au cotisant de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation.
***
En l'espèce, Madame [X] [L] soutient en substance :
- que la contrainte du 27 juin 2016 - qui se borne à indiquer une somme globale de 50.720,34 € sans préciser les bases de calcul, le montant de chaque cotisation réclamée avec leur ventilation en fonction des périodes de référence et les motifs des sommes réclamées - ne permet pas d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation alors que selon les dispositions de l'article 1315 du code civil, 'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver',
- que de ce fait, elle est nulle.
En réponse, l'URSSAF Ile de France soutient en substance :
- que la contrainte litigieuse a bien été précédée des mises en demeure du 10 décembre 2013 et du 29 octobre 2015 qui n'ont fait l'objet d'aucune contestation et qui sont conformes aux prescriptions de l'article L 244-2 du code de la sécurité sociale,
- que la mise en demeure du 10 décembre 2023 détaille le nom de la caisse, la période réclamée, le nom du directeur de la caisse, le montant des sommes dues, les recours de l'assuré et la nature des cotisations,
- qu'il en va de même pour la mise en demeure du 29 octobre 2015 et la contrainte du 27 juin 2016,
- que de ce fait, Madame [X] [L] a pu avoir parfaitement connaissance de la cause, de la nature et de l'étendue de son obligation,
- que le jugement attaqué doit donc être confirmé.
***
Cela étant, Madame [X] [L] ne fournit aucun élément ni moyen nouveau de nature à remettre en cause la décision des premiers juges qui ont fait une exacte application des circonstances de la cause tant en droit qu'en fait par des motifs pertinents que la cour adopte sauf à ajouter qu'il est totalement indifférent que la cotisante ait reçu ou pas les mises en demeure dès lors que celles-ci lui ont été - comme c'est le cas en l'espèce - régulièrement notifiées à la dernière adresse qu'elle avait fournie à l'organisme social.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement attaqué de ce chef.
II - SUR LE FOND :
En cas de contestation à contrainte, c'est au cotisant qui a formé opposition de rapporter la preuve des éléments présentés au soutien de son opposition. (Cass. soc., 16 nov. 1995, n° 94-11.079, Bull. civ. V, n° 302 ; Cass. soc., 14 mars 1996, n° 94-15.516, Bull. civ. V, p. 68).
***
A - Sur le quantum des cotisations réclamées :
1 ) - Les cotisations dues au titre du régime de l'assurance vieillesse de base sont régies par les articles :
* L. 642-1 du code de la sécurité sociale qui prévoit que ce régime est financé par une cotisation proportionnelle aux revenus non-salariés de l'année en cours et divisé en deux tranches correspondant au plafond de la Sécurité sociale, un taux différent étant affecté à chacun d'elles,
* L131-6-2 du même code qui prévoit que cette cotisation est appelée à titre provisionnel en fonction des revenus professionnels non-salariés de l'avant dernier exercice (N-2) ou, à défaut, sur une base forfaitaire et que lorsque le revenu de l'activité au titre de laquelle les cotisations sont dues (année N) est définitivement connu, les cotisations du régime de retraite de base font l'objet d'une régularisation sur la base du revenu de l'année, le barème des ressources et le taux des cotisations étant fixés annuellement par décret,
* L131-6 du même code qui prévoit que les cotisations d'assurance maladie et maternité, d'allocations familiales et d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants non agricoles sont assises sur leur revenu d'activité non salarié, que ce revenu est celui retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu, sans qu'il soit tenu compte des plus-values et moins-values professionnelles à long terme, des reports déficitaires, des exonérations et du coefficient multiplicateur mentionné au 7 de l'article 158 du code général des impôts.
Le revenu à retenir pour le calcul des cotisations des professionnels libéraux, se détermine par le revenu retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu sans qu'il soit déduit les plus et moins-values professionnelles, les reports déficitaires et les exonérations de type primes dites [R] prévues à l'article 154 bis du code général des impôts.
***
Contrairement à ce que soutient la cotisante :
- la CIPAV justifie de l'assiette des cotisations retenues par la production des revenus qu'elle a déclarés au titre des années visées par la contrainte sur le portail URSSAF, c'est-à-dire sur les propres déclarations qu'elle a faites à l'organisme social,
- ce dernier justifie donc de l'assiette des cotisations et ne peut pas avoir de meilleurs justificatifs que les déclarations de la débitrice qui figurent en pièce 12 de son dossier d'appelante.
A partir de ces données, l'organisme social a appliqué le barème tant pour les appels de cotisations des années 2009 à 2014 et les régularisations afférentes.
Madame [X] [L] ne conteste pas utilement les calculs de l'URSSAF.
Elle se borne à contester les imputations de règlement qu'elle dit avoir effectués et qui seront étudiés ci-après.
Il en résulte qu'à défaut de tout élément sérieux permettant de remettre en cause l'assiette de cotisations retenue par l'organisme social, le jugement attaqué doit être infirmé.
2 ) - Les cotisations dues au titre du régime de la retraite complémentaire sont au nombre de six classes déterminées en fonction des revenus professionnels libéraux de l'avant-dernier exercice (Article 3-3 et 3-4 des statuts de la C.I.P.A.V.).
Le barème est porté à la connaissance des adhérents de la CIPAV par le biais du guide annuel disponible sur internet.
Des réductions de 100, 75, 50 ou 25 % peuvent être accordées, sur demande des assurés, en fonction des revenus professionnels libéraux du dernier exercice (Article 3-12 des statuts de la CIPAV).
En l'espèce, la cotisante soutient qu'elle aurait sollicité une dispense de cotisation sur le formulaire de l'estimation des cotisations 2010 en cochant la case afférente et en précisant le montant de ses revenus à hauteur de 13 564 €.
Cependant, comme l'a relevé très justement le premier juge, si Madame [X] [L] a effectivement demandé une réduction de cotisation, le document par lequel elle a présenté sa requête est en date du 18 août 2010, de sorte que sa demande, qui aurait dû être formée au plus tard le 31 mars, était hors délai.
En conséquence, à défaut de toute contestation sérieuse, il convient de débouter la cotisante de toutes ses prétentions formées de ce chef.
3 ) - Les cotisations dues au titre du régime de l'invalidité-décès se compose de trois classes optionnelles de cotisations (Article 4-3 du régime invalidité-décès).
Sauf demande des adhérents, la cotisation est appelée en classe minimale A, l'adhérent pouvant demander à être dispensé de cette cotisations (Article 4-4 et 4-5 du régime invalidité-décès).
En l'espèce, il convient de relever que Madame [X] [L] ne formule aucune observation particulière de ce chef sur les sommes qui lui sont réclamées par l'organisme social au titre des années 2012, 2013 et 2014.
B - Sur les paiements effectués par Madame [X] [L] :
En l'espèce, Madame [X] [L] soutient en substance qu'elle a effectué des règlements qui ne figureraient pas sur le décompte de la CIPAV.
***
Cela étant, il résulte :
1 ) - du relevé de compte établi par l'huissier le 26 novembre 2019 que la somme de 3726,05 € versée par la cotisante hors comptabilité de l'étude d'huissier l'a été au titre deux contraintes, à savoir la contrainte litigieuse et une contrainte de 2016.
Comme le premier juge l'a indiqué très justement, l'URSSAF ne produit aucun élément permettant de déterminer la ventilation de cette somme entre les différentes créances de la CIPAV détenues au titre de ces deux contraintes, et notamment la preuve que cette somme a été affectée au paiement des causes de la contrainte de 2016.
En conséquence, il convient de faire droit à la demande de Madame [X] [L] formée de ce chef.
2 ) - des déclarations des parties confirmées par les déclarations de la cotisante que celle-ci a réglé entre les mains de l'huissier de justice une somme de 10 850,21 € sur l'année 2018 sans préciser l'imputation de son paiement.
Comme le premier juge l'a indiqué très justement, à défaut d'affectation, ce paiement a été, dans ces conditions, affecté aux années 2015, 2016 et 2017, c'est-à-dire à des cotisations autres que celles concernées par la contrainte litigieuse.
En conséquence, Madame [X] [L] doit être déboutée de ses prétentions formées de ce chef.
3 ) - de la contrainte litigieuse que le versement effectué par la cotisante à hauteur de 8 559,63 € au titre des sommes dues pour l'année 2015 ne trouve pas sa cause dans la contrainte litigieuse qui ne vise que les années 2010 à 2014.
En conséquence, Madame [X] [L] doit être déboutée de ses prétentions formées de ce chef.
4 ) - des explications de Madame [X] [L] qu'elle a effectué un règlement de 661 € se décomposant en deux versements, à savoir deux chèques de 330,50 € chacun et qu'elle a fait opposition à ces deux chèques par courrier adressé le 10 octobre 2010 à la CIPAV.
En conséquence, Madame [X] [L] doit être déboutée de ses prétentions formées de ce chef.
5 ) - des explications de Madame [X] [L] dans le courrier qu'elle a adressé à la CIPAV le 10 octobre 2010 qu'elle lui réglait par deux nouveaux chèques d'un montant respectif de 330,50 € et 605,50 € ses dettes afférentes au solde de 2009 et au 1er trimestre 2010.
Si ses relevés de compte établissent le débit desdits chèques, ils sont insuffisants à défaut de tout autre élément pour justifier de leur encaissement par la CIPAV au titre de l'apurement des causes de la contrainte litigieuse.
En effet, il convient de relever que dans sa correspondance du 10 octobre 2010 adressée à la CIPAV, la cotisante demandait à ce que le chèque de 330,50 € soit affecté au paiement du solde des cotisations de l'année 2009.
De ce fait, comme la contrainte ne porte pas sur les cotisations 2009, il est normal, comme l'a relevé le premier juge, que le montant n'ait pas été porté en déduction des cotisations appelées au titre de l'année 2010, conformément aux souhaits de la débitrice.
Par ailleurs, comme le premier juge l'a également noté, le relevé des encaissements produits par la CIPAV établit que le paiement de 605,50 € a été affecté à hauteur de 529,50 € sur les cotisations du régime de l'assurance vieillesse de base ramenant le solde des cotisations à 347,50 € et sur les cotisations du régime invalidité décès à concurrence de 76 € chacun.
En conséquence, Madame [X] [L] doit être déboutée de ses prétentions formées de ce chef.
C - En conclusion, au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de valider la contrainte du 27 juin 2016, signifiée le 18 juillet 2016 à un montant ramené à la somme de 25 769,45 € se décomposant comme suit : 29 495,50 € - 3726,05 € au titre des cotisations.
III - SUR LES DEPENS ET LES FRAIS DU PROCES :
Les dépens de première instance et d'appel outre les frais de signification de la contrainte du 27 juin 2016 doivent être supportés par Madame [X] [L].
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Il n'est pas inéquitable de débouter les parties de leurs demandes respectives présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 23 février 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de La Rochelle en ce qu'il a débouté Madame [J] [X] [L] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la contrainte décernée le 27 juin 2016,
Infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Valide la contrainte délivrée le 27 juin 2016, signifiée le 18 juillet 2016, pour un montant ramené à la somme de 25 769,45 € au titre des cotisations et 0 € au titre des majorations de retard,
Condamne Madame [J] [X] [L] à payer à l'URSSAF Ile de France la somme de 25 769,45 €
Condamne Madame [J] [X] [L] au paiement des frais de signification de la contrainte du 27 juin 2016,
Déboute les parties de leurs demandes respectives formées en première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [J] [X] [L] aux dépens de première instance,
Y ajoutant,
Condamne Madame [J] [X] [L] aux dépens d'appel,
Déboute les parties de leurs demandes respectives formées en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,