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26/06/2024 | FRANCE | N°22/01136

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 4ème chambre, 26 juin 2024, 22/01136


ARRET N°



N° RG 22/01136 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GRDB









[J]



C/



[I]



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



4ème Chambre Civile



ARRÊT DU 26 JUIN 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01136 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GRDB



Décision déférée à la Cour : jugement du 04 avril 2022 ren

du par le tribunal judiciaire de NIORT.





APPELANT :



Monsieur [W] [H] [J]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 13] (NOUVELLE-ZELANDE)

[Adresse 2]

[Adresse 2] (NOUVELLE-ZÉLANDE)





ayant pour avocat postulant Me Eric DABIN de la SELARL ERIC DABIN, ...

ARRET N°

N° RG 22/01136 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GRDB

[J]

C/

[I]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

4ème Chambre Civile

ARRÊT DU 26 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01136 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GRDB

Décision déférée à la Cour : jugement du 04 avril 2022 rendu par le tribunal judiciaire de NIORT.

APPELANT :

Monsieur [W] [H] [J]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 13] (NOUVELLE-ZELANDE)

[Adresse 2]

[Adresse 2] (NOUVELLE-ZÉLANDE)

ayant pour avocat postulant Me Eric DABIN de la SELARL ERIC DABIN, avocat au barreau des DEUX-SEVRES

ayant pour avocat plaidant Me Bertrand LAMPIDES de l'AARPI LAMPIDES & POTIER, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur [F] [R] [I]

né le [Date naissance 6] 1960 à [Localité 10] (PAYS-BAYS)

[Adresse 9]

[Adresse 9]

ayant pour avocat Me Sébastien FOUCHERAULT de la SAS AVODES, avocat au barreau des DEUX-SEVRES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Denys BAILLARD, Président

Madame Marie-Béatrice THIERCELIN, Conseillère

Madame Véronique PETEREAU, Conseillère, qui a présenté son rapport

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Manuella HAIE,

lors du prononcé : Madame Diane MADRANGE,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

**********************

EXPOSE DU LITIGE

Dans des conditions de régularité, de forme et de délai non discutées, M. [W] [J] a interjeté appel le 4 mai 2022 d'un jugement rendu le 4 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Niort ayant notamment :

- dit n'y avoir lieu à fixer la valeur vénale de l'immeuble indivis dit '[Adresse 12]' ;

- déclaré irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée la demande M. [I] tendant à voir supprimer l'indemnité d'occupation mise à sa charge ;

- dit que l'indemnité d'occupation due par M. [I] à M. [J] au titre de la jouissance privative de l'immeuble indivis sera fixé à 1.285,89 euros par mois à compter du 1er juillet 2016 ;

- condamné M. [J] à restituer à M. [I] les sommes qu'il aurait effectivement perçues qui excéderaient ce montant ;

- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes au titre des travaux de conservation ;

- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes au titre des dépenses de travaux d'entretien de frais de personnels (salaires de femme de ménage pour 2012 et 2013) et de taxe d'habitation intervenues avant le 14 février 2015 ;

- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de prises en charge d'autres dépenses (travaux de conservation, frais de personnel : femme de ménage, jardinier, charges salariales, MSA, taxe foncière, taxe d'habitation, assurance habitation, gaz) faites avant le 16 décembre 2015 ;

- condamné M. [J] à payer à M. [I] la somme de 44.239,92 euros ;

- rejeté la demande de M. [I] au titre du préjudice moral ;

- rejeté la demande de M. [J] au titre du caractère abusif de la procédure ;

- dit n'y avoir lieu à prononcer la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage ;

- ordonné l'exécution provisoire.

L'appelant conclut à la réformation de la décision entreprise et demande à la cour de :

- juger recevable et bien-fondé M. [J] en son appel ;

- débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré que la suppression de l'indemnité d'occupation se heurte à l'autorité de la chose jugée ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande de dommages et intérêts ;

Sur les dépenses de conservation :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [J] à prendre en charge les frais de jardinier et de femme de ménage de M. [I] ;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [J] à prendre en charge d'autres frais, étant donné l'absence de demande amiable de M. [I] ;

Sur l'indemnité d'occupation :

à titre principal :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a diminué l'indemnité d'occupation ;

à titre subsidiaire :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation à la somme de 1.285,89 euros/mois ;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation au 1er juillet 2016 et la fixe à la date du dépôt du rapport d'expertise, soit au 18 novembre 2017 ;

Sur les autres demandes reconventionnelles de M. [J] :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [J] de ses demandes reconventionnelles ;

- condamner M. [I] à payer à M. [J] une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner M. [I] à payer à M. [J] une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner en outre M. [I] à supporter les entiers dépens.

L'intimé, M. [F] [I], forme appel incident et demande à la cour de :

- dire M. [I] recevable et fondé en son appel incident,

- réformer le jugement en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée la demande M. [I] tendant à voir supprimer l'indemnité d'occupation mise à sa charge ;

- dit que l'indemnité d'occupation due par M. [I] à M. [J] au titre de la jouissance privative de l'immeuble indivis sera fixée à 1.285,89 euros par mois à compter du 1er juillet 2016 ;

- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes au titre des travaux de conservation ;

- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes au titre des dépenses de travaux d'entretien de frais de personnels (salaires de femme de ménage pour 2012 et 2013) et de taxe d'habitation intervenues avant le 15 février 2015 ;

- déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de prise en charges d'autres dépenses (travaux de conservation, frais de personnel : femme de ménage, jardinier, charges salariales, [14], taxe foncière, taxe d'habitation, assurance habitation, gaz) faites avant le 16 décembre 2015 ;

- condamné M. [J] à payer à M. [I] la somme de 44.239,92 euros ;

- rejeté la demande de M. [I] au titre du préjudice moral ;

- dit n'y avoir lieu à prononcer la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit M. [J] mal fondé en son appel et le débouter de l'ensemble de ses demandes.

Statuant à nouveau :

- dit M. [J] recevable en l'ensemble de ses demandes;

- débouter M. [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- supprimer l'indemnité d'occupation fixée à la charge de M. [J], faute d'occupation et jouissance privative depuis octobre 2017 ;

- fixer l'indemnité d'occupation précédemment due par M. [I] à un montant maximum de 257 euros par mois ;

- condamner M. [J] à restituer à M. [I] les sommes effectivement perçues excédant cette somme de 257 euros par mois ;

- condamner M. [J] à verser les sommes suivantes à M. [I] :

- Remboursement des travaux de conservation : 6.214,235 euros

- Frais de personnel pour la femme de ménage : 24.779,76 euros

- Frais de personnel pour le jardinier : 23.778,23 euros

- Charges salariales : 14.410,23 euros

- [14] ([14]) : 22.080,68 euros

- Taxe foncière : 11.096,00 euros

- Taxe d'habitation : 1.005,50 euros

- Assurance habitation : 7.867,34 euros

- Dépenses de gaz : 10.565,13 euros

soit 121.797,11 euros, à parfaire

Au titre du préjudice moral subi,

- condamner M. [J] à verser à M. [I] la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, incluant les frais de première instance et d'appel ;

- condamner M. [J] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les dernières conclusions n° 2 de l'appelant en date du 23 janvier 2023 ;

Vu les dernières conclusions de l'intimé en date du 25 octobre 2022 ;

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 février 2024.

SUR QUOI

[D] [A] [O], né le [Date naissance 5] 1953, à [Localité 11] en Australie, est décédé le [Date décès 4] 2012 et a laissé pour lui succéder son fils, M. [W] [J] et son époux, M. [F] [I] avec lequel il s'était marié le [Date mariage 3] 2002 aux Pays-Bas.

Son époux et lui étaient propriétaires indivis, chacun pour moitié, d'un château '[Adresse 12]' situé à [Localité 7] qu'ils avaient acquis le 9 septembre 2002.

Par jugement du 29 juin 2015, le tribunal de grande instance de Niort a constaté qu'en sa qualité d'héritier réservataire, M. [W] [J], le fils du défunt, avait droit à la pleine propriété du quart dudit château. Il avait ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de succession, désigné le président de la chambre départementale des notaires ou son délégué, constaté le recel successoral commis par M. [I] au préjudice de M. [J], rejeté la demande de M. [I] tendant à exercer ses droits pour un quart en nue propriété et trois quarts en usufruit, condamné M. [I] à payer à M. [J] la somme de 1.875 euros par mois au titre de l'indemnité d'occupation due à compter du 24 juillet 2012, et dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 février 2014 pour celles qui sont échues antérieurement à cette date et à compter de leur échéances pour les autres. Il avait également condamné M. [I] à payer à M. [J] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts. Ce jugement a été confirmé par la cour d'appel de Poitiers le 15 juin 2016.

Par ordonnance du 23 mai 2017, le président de tribunal de grande instance de Niort statuant en référé a ordonné, à la demande de M. [J], une expertise pour estimer la valeur de l'immeuble.

Le rapport d'expertise a été déposé le 16 octobre 2017.

Par acte du 18 décembre 2019, M. [I] a fait assigner M. [J] devant le tribunal judiciaire de Niort afin notamment de voir fixer la valeur vénale de la propriété au prix de 1.234.450 euros, voir supprimer l'indemnité d'occupation fixée à sa charge, subsidiairement, la réduire à la somme maximale de 257 euros par mois, condamner M. [J] à lui payer les sommes de 29.124 euros au titre de la réduction de l'indemnité d'occupation, 15.976,45 au titre des dépenses d'entretien et de conservation et 10.000 euros au titre de dommages et intérêts.

C'est dans ce contexte que la décision déférée a été rendue.

* * *

A titre liminaire, il sera rappelé à M. [I] lequel a écrit à plusieurs reprises des courriers à la cour, que de tels écrits sont irrecevables, la présente procédure exigeant une représentation des parties par un avocat, les arguments et moyens devant être développés exclusivement sous forme de conclusions. La cour écartera donc ces courriers des débats.

Concernant l'indemnité d'occupation

Selon l'article 815-9 du code civil, 'chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.

L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité'.

En l'espèce, par jugement du 29 juin 2015, M. [I] a été condamné à payer à M. [J] la somme de 1.875 euros par mois au titre de l'indemnité d'occupation à compter du 24 juillet 2012, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 février 2014 pour celles échues antérieurement et à compter de leur échéance pour les autres.

Si ce jugement a, certes, autorité de la chose jugée et doit s'appliquer, il n'en demeure pas moins qu'en cas de nouvel élément modifiant l'usage ou la jouissance privative de la chose indivise, l'indemnité peut être revue à la hausse ou à la baisse. M. [I] soulève de nombreux arguments justifiant selon lui, outre la diminution, la suppression même de l'indemnité.

Sur la suppression de l'indemnité d'occupation

M. [I] soutient ne plus résider au sein du château et vivre désormais aux Pays-Bas. Pour autant, les seuls éléments qu'il produit à cette fin ne suffisent pas à démontrer qu'il ne vivrait plus au [Localité 8] de la Clairière à [Localité 7] et qu'il en aurait tenu informé l'autre co-indivisaire. Le fait qu'il ait une autre adresse aux Pays-Bas ne signifie pas qu'il réside exclusivement à cette adresse.

Force est d'ailleurs de constater que l'adresse qui est indiquée dans le dernier jeu de conclusions de M. [I] devant la cour est bien celle du [Localité 8]. M. [I] ne démontre pas, par ailleurs, qu'il ait informé M. [J] de ce que la jouissance de cette belle propriété pouvait être partagée, qu'elle n'était plus exclusive et qu'il pouvait donc désormais en jouir pleinement s'il le souhaitait.

M. [I] sera donc débouté de sa demande de voir supprimer l'indemnité d'occupation.

Toutefois, il ressort des conclusions de M. [I] et des éléments fournis par ce dernier qu'il ne détient plus la jouissance privative exclusive de ce domaine ; en conséquence, il convient d'en tirer les conséquences juridiques.

M. [I] n'étant plus le seul co-indivisaire à pouvoir jouir du bien, il n'est plus tenu de devoir une indemnité d'occupation. Il est en effet peu important que M. [J], co-indivisaire, soit résident en Nouvelle-Zélande et qu'il demeure donc très éloigné du bien indivis et qu'il ne puisse pas concrètement en profiter pleinement. Dès lors qu'il est en capacité d'en disposer au même titre que M. [I], ce dernier n'est plus redevable de cette indemnité d'occupation. Celle-ci ne sera donc due que jusqu'au jour du prononcé du présent arrêt.

Sur la diminution du montant de l'indemnité d'occupation

M. [I] soutient que le montant de l'indemnité d'occupation doit être revu à la baisse puisque le montant initialement fixé avait été calculé au regard de l'activité de location de gîtes alors même qu'elle n'est plus exercée depuis 2015 et que l'expertise judiciaire réalisée en 2017, à la demande de M. [J], permet de fixer la valeur du bien indivis bien en deçà de celle qui avait été retenue à l'origine.

En l'espèce, en l'absence d'éléments permettant d'apprécier la valeur du bien immobilier au regard de l'activité de gîtes qui y était exercée, le tribunal, contraint de statuer, même en l'absence de pièces, s'était autorisé à retenir un pourcentage habituellement fixé de 5% de la valeur du bien et avait retenu comme valeur du bien, 1.800.000 euros.

Or, il résulte de l'expertise judiciaire que la valeur du château n'est pas, en 2017, au montant susvisé. L'expert judiciaire retient une valeur de 1.206.000 euros, outre un mobilier d'une valeur de 28.450 euros, soit 1.234.450 euros. Il indique que deux gîtes sur les trois ont un chauffage et que l'ensemble (y compris le manoir) est loin d'être luxueux, que le marché d'offres est actuellement surabondant et que le marché est morose concernant ce genre de propriété. Il souligne que les deux constructions contemporaines sont non seulement en moins bon état que le reste mais ne sont pas en harmonie ni avec le style ni avec l'époque des constructions d'origine, d'où une influence négative sur leur valeur.

Il est établi, par ailleurs, qu'il y a eu une activité économique mais qu'elle est terminée depuis septembre 2015 comme cela ressort des pièces 10 et 11 de M. [I]. Il convient de relever également que ce dernier document, qui est l'attestation de l'expert comptable de M. [I], permet d'obtenir le montant des revenus tirés des gîtes ainsi que les frais y afférents, lesquels sont bien supérieurs aux revenus et questionnent sur la pertinence d'avoir maintenu cette activité durant toutes ces années.

Pour autant, l'expert judiciaire, non interrogé sur l'évaluation de l'indemnité d'occupation, n'a pas fourni d'éléments sur ce point.

La cour ne saurait toutefois retenir le raisonnement de M. [I] pour évaluer l'indemnité d'occupation. Celle-ci ne saurait en effet être évaluée sur la base des chiffres d'affaires, enfin, communiqués qui révèlent des sommes extrêmement faibles au regard du domaine.

Il convient de retenir la même méthode de calcul utilisée par le premier juge dans son jugement du 29 juin 2015 : en retenant la valeur du château à 1.234.450 euros au lieu de 1.800.000 euros, c'est donc une indemnité d'occupation de 1.285,89 euros qui est due par M. [I], et ce, à compter du 1er octobre 2017, conformément à la demande initiale formulée par M. [I] en première instance dans ses conclusions du 26 juin 2021.

La décision déférée est donc confirmée quant au montant de l'indemnité d'occupation et infirmée quant à son point de départ.

Sur la demande de M. [I] de remboursement des dépenses de conservation

Selon l'article 815-13 du code civil, 'lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des impenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.

Inversement, l'indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute'.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Selon l'article 2224 du code civil, 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

La Cour de cassation a jugé que la créance prévue à l'article 815-13 du code civil, immédiatement exigible, se prescrit par les règles de droit commun édictées par l'article 2224 du même code (Civ 1ère 14 avril 2021).

Les demandes de remboursement des dépenses de conservation formulées par M. [I] sur le fondement de l'article 815-13 du code civil sont donc soumises à la prescription quinquennale.

Il convient donc de confirmer le premier jugement en ce qu'il a fixé deux dates au regard des demandes formulées :

- le 14 février 2020, date de la connaissance par M. [J] de l'assignation pour ce qui concerne les dépenses de travaux d'entretien, de frais de personnels pour 2012 et 2013 et de taxes d'habitation intervenues avant le 14 février 2015 ;

- le 16 décembre 2020, date des conclusions signifiées par M. [I] pour d'autres demandes : travaux de conservation, frais de personnel après 2013 -femme de ménage, jardinier, charges salariales, [14], taxes foncières, taxes d'habitation, assurance habitation, gaz faits avant le 16 décembre 2015.

La décision déférée est donc confirmée de ce chef.

Sur les dépenses engagées pour l'indivision

- Concernant les travaux :

M. [I] sollicite le remboursement par M. [J] du quart des montants engagés pour effectuer des travaux de rénovations des bâtiments, s'agissant de travaux d'entretien et de conservation.

En l'espèce, toutes les factures produites en vu de justifier de ces travaux datent de 2012 et surtout de 2013.

Cette demande est donc totalement prescrite.

La décision déférée est de ce chef confirmée.

- Concernant les frais de personnels :

La jurisprudence souligne que le juge apprécie souverainement si les travaux ou les dépenses réalisés constituent une dépense nécessaire à la conservation du bien indivis. Si les travaux ou les dépenses, même simples d'entretien, d'un immeuble indivis ont été nécessaires à sa conservation, alors l'indivisaire qui a engagé des frais est fondé à obtenir une indemnité prévue par l'article 815-13 du code civil.

- les salaires de la femme de ménage :

M. [I] sollicite le remboursement du quart des salaires qu'il a réglé à la femme de ménage.

M. [J] soutient que ces frais n'entrent pas dans ceux visés à l'article 815-13 du code civil soutenant que celle-ci était embauchée pour les seuls intérêts de M. [I].

En l'espèce, il convient de rappeler que l'indivision concerne un château comprenant un rez-de-chaussée avec deux étages, constitué d'une cuisine, de 2 salons, 2 salles à manger, 8 chambres, 5 salles de bain, bureau, véranda, terrasse, outre 6 logements indépendants ainsi qu'une maison de gardien avec des blocs sanitaires séparés et une salle des fêtes avec cuisine.

Il est donc établi par la spécificité des lieux qu'une femme de ménage à temps plein était nécessaire pour l'entretien et la bonne conservation de ces lieux. Ces salaires devront donc être supportés par chaque indivisaire à proportion de sa quotité dans l'indivision.

Il convient de relever que sont prescrites les demandes faites au titre des salaires de 2012, 2013, 2014 ainsi que ceux de 2015 jusqu'au 15 décembre 2015.

Il sera donc retenu les salaires justifiés suivants :

- de 2015, du 16 au 31 décembre : soit 1.241, 17 / 2

- de 2016 : 14.874, 48 euros

- de 2017 : 16.770, 95 euros

- de 2018 : 9.260, 82 euros

soit un total de 41.526, 83 euros dont M. [J] doit un quart soit 10.381,71 euros.

Les salaires du jardinier :

M. [I] sollicite le remboursement à hauteur du quart des salaires du jardinier.

M. [J] soutient que ces frais n'ont pas à être pris en charge par l'indivision ; que ces dépenses sont strictement personnelles et qu'elles doivent donc être prises en charge en totalité par M. [I].

En l'espèce, il convient de rappeler que l'indivision concerne un château, des logements indépendants, une maison de gardien, le tout sur 20 hectares, comprenant des terres, des prés, des bois, des étangs, un serre, une pigeonnerie, une piscine et des puits. La présence d'un jardinier pour maintenir l'entretien et donc la conservation du bien s'avère donc totalement justifiée. Ces salaires devront donc être supportés par chaque indivisaire à proportion de sa quotité dans l'indivision.

Il y a lieu de déclarer prescrites les demandes formulées au titre des salaires de 2012, 2013, 2014 et 2015, jusqu'au 15 décembre 2015.

Il sera donc retenu les salaires justifiés suivants :

- de 2015, du 16 au 31 décembre : soit 1.420,44 / 2

- de 2016 : 16.401,15 euros

- de 2017 : 16.358,32 euros

- de 2018 : 7.162, 86 euros

soit un total de 40.632,55 euros dont M. [J] doit un quart, soit 10.158,14 euros.

Concernant les charges salariales versées à l'URSSAF :

Dès lors que les charges salariales ne sont que l'accessoire des salaires versés lesquels sont pris en charge par l'indivision, ces charges seront également supportées par l'indivision.

En ne tenant compte que de la période non couverte par la prescription et au vu des justificatifs produits, il convient de retenir :

- pour 2015 : 2.785 euros - dernier trimestre - / 6 soit 464,16 euros

- pour 2016 : 10.132 euros

- pour 2017 : 11.474 euros

soit un total de 22.070,16 euros dont M. [J] doit un quart, soit 5.517,54 euros.

Concernant les charges salariales versées à la [14] :

Dès lors que les charges salariales ne sont que l'accessoire des salaires versés lesquels sont pris en charge par l'indivision, ces charges seront également supportées par l'indivision.

En ne tenant compte que de la période non couverte par la prescription, et au vu des justificatifs produits, il convient de retenir :

- 2015 : 3.511,97 pour le dernier trimestre, soit 585,32 (3.511,97 /6)

- 2016 : 13.578,37 euros

- 2017 : 13.806,73 euros

- 2018 : 3.456,34 n'ayant que le justificatif concernant le 1er trimestre

Soit un total de 31.426,76 euros dont M. [J] doit un quart soit 7.856,69 euros.

Concernant les taxes foncières, d'habitation et l'assurance habitation :

Il est de jurisprudence constante que les impôts locaux, dont la taxe foncière et d'habitation, la taxe d'ordures ménagères ne sont pas des charges relatives à la seule occupation privative et personnelle du bien par un des indivisaires, mais constituent des charges liées à la conservation, au sens juridique, du bien de l'indivision. Il en est de même de l'assurance habitation. Ces taxes doivent donc figurer au passif du compte de l'indivision pour être supportées par les co-indivisaires proportionnellement à leurs droits dans l'indivision. Elles incombent à l'indivision jusqu'au jour du partage.

Il convient de rappeler que ces taxes ne doivent toutefois pas être prescrites.

Il convient de retenir selon les pièces justificatives :

- pour les taxes foncières : 5.929 euros pour 2016, 5.992 euros pour 2017, 6.311 pour 2018 et 6.265 euros pour 2020, soit un total de 24.497 euros dont M. [J] doit un quart soit 6.124, 25 euros ;

- pour les taxes d'habitation sur la période non prescrite : aucun justificatif n'est produit.

- pour l'assurance habitation : 3.281,50 euros [(4.624,52 euros /365) x 259] pour 2015/2016 ; 4.788,29 euros pour 2016/2017 ; 5.100,19 euros pour 2017/2018 ; 5.455,57 euros et 714,22 euros pour 2018/2019 ; 763,32 euros pour 2019/2020 soit un total de 20.103,09 euros dont M. [J] doit un quart soit 5.025,77 euros.

Concernant le gaz :

M. [I] sollicite le remboursement à hauteur du quart des dépenses de gaz qu'il a dû réaliser pour chauffer les immeubles, ce qui est, selon lui, nécessaire pour leur conservation.

M. [J] soutient que le gaz n'a servi qu'à l'usage personnel de M. [I] et qu'il n'a pas à régler ces dépenses, même au prorata de sa quote-part.

En l'espèce, M. [I] produit de nombreuses factures sur la période non couverte par la prescription pour un montant total de 24.289,44 euros. Or, au regard du montant élevé, ces frais n'avaient manifestement pas pour seul objectif de maintenir les lieux légèrement chauffés afin d'éviter l'humidité dans les pièces non habitées. Assurément, la plus grande partie de ces factures concerne des dépenses de chauffage pour les pièces habitées par M. [J]. Ce dernier ne précise pas les pièces qu'il habite et ne produit aucun élément pour déterminer la part devant lui revenir à titre personnel. En l'absence d'éléments pertinents, il convient de débouter M. [I] de sa demande.

En conséquence, M. [J] est condamné à payer à M. [I] une somme globale de 45.064,10 euros (10.381,71 +10.158,14 +5.517,54 + 7.856, 69 + 6.124,25 + 5.025,77).

La décision déférée sera donc infirmée de ce chef.

Sur la demande de M. [I] de dommages et intérêts :

Selon l'article 1240 du code civil, 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'

M. [I] tente de démontrer que M. [J] est à l'origine de manoeuvres et de tactiques depuis de nombreuses années en vue de faire échouer la vente du château afin de maintenir l'indemnité d'occupation dont il est bénéficiaire. Il soutient que ceci lui cause un préjudice moral et sollicite la somme de 10.000 euros à titre de réparation.

M. [J] soutient n'avoir jamais créé de blocage et dit souhaiter la vente du bien.

En l'espèce, les pièces produites par les parties démontrent que plusieurs propositions d'achat du château ont été faites par différents acquéreurs et que celles-ci n'ont jamais abouti à la réalisation de la vente définitive. M. [I] n'explique pas à la cour les raisons de ces échecs. Mais en tout état de cause, les éléments produits au dossier ne démontrent pas que l'échec des ventes soit dû au comportement de M. [J] : ce dernier n'a pas manqué de réactivité : il a ainsi accepté les offres proposées par M. [Z] mi-octobre 2017, par Mme [B] le 31 juillet 2000, par M. [C] le 10 décembre 2000, par M. [Y] en avril 2021 et enfin, par M. [E] en mars 2022.

Toutefois, lors de la signature définitive de ce dernier acte de vente, M. [J] a précisé, par l'intermédiaire de son conseil, par mail du 13 septembre 2022, qu'il ne signera qu'à la 'condition que M. [I] abandonne ses prétentions quant au remboursement des sommes avancées par lui ; il exige un courrier manuscrit de sa part indiquant qu'il renonce à ces comptes et au remboursement. Même si un jugement a indiqué le contraire'...( Pièce 42 et 43). En conditionnant son acceptation à l'abandon par M. [I] des sommes allouées par le jugement déféré, M. [J] n'a pas eu un comportement correct ; il aurait dû accepter la vente et pouvait éventuellement exiger le blocage des fonds dans l'attente de la décision à venir ; en agissant de la sorte, il a fait obstacle à une éventuelle vente.

Il n'est pour autant pas établi que cette faute ait engendré un quelconque préjudice moral pour M. [I], lequel exige des dommages et intérêts. Certes, cette vente a échoué mais ce, comme toutes les autres auparavant. M. [I] ne démontre pas que, sans cette faute, la vente se serait nécessairement réalisée.

Quant au préjudice moral allégué, M. [I] ne l'établit pas. La cour s'interroge même sur sa réelle volonté à vendre le domaine.

Au regard de tous ces éléments, et étant rappelé à chacun des indivisaires qu'il existe une procédure permettant de faire avancer la vente, il convient de débouter M. [I] de sa demande de dommages et intérêts.

La décision déférée sera donc confirmée de ce chef.

Sur la demande de M. [J] pour le caractère dilatoire de la procédure diligentée par M. [I]

Selon l'article 32-1 du code de procédure civile, 'celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.'

En l'espèce, il convient de constater que la cour a accueilli certaines demandes de M. [I].

Son action ne saurait donc être jugée dilatoire.

La demande de dommages et intérêts de M. [J] sera donc rejetée.

La décision déférée sera donc confirmée de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Les dépens, de première instance et en cause d'appel, seront employés en frais privilégiés de partage.

L'équité commande de ne pas allouer de somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Chaque partie sera donc déboutée de sa demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant dans les limites de l'appel,

Au fond,

Infirme la décision déférée en ce qu'elle a dit que l'indemnité d'occupation due par M. [F] [I] à M. [W] [J] sera fixée à 1.285,89 euros par mois à compter du 1er juillet 2016, et en ce qu'elle a condamné M.[W] [J] à payer à M. [F] [I] la somme de 44.239,92 euros

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que l'indemnité d'occupation due par M. [F] [I] à M. [W] [J] au titre de la jouissance privative de l'immeuble indivis sera fixée à 1.285,89 euros par mois à compter du 1er octobre 2017 et jusqu'au jour du prononcé du présent arrêt, le bien indivis n'étant plus occupé de manière privative exclusive,

Condamne M. [W] [J] à payer à M. [F] [I] une somme globale de 45.064, 10 euros,

Confirme la décision déférée pour le surplus,

Y ajoutant,

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage,

Déboute les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Le présent arrêt a été signé par Denys BAILLARD, Président et par Diane MADRANGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

D. MADRANGE D. BAILLARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/01136
Date de la décision : 26/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-26;22.01136 ?
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