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25/06/2024 | FRANCE | N°24/00041

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Premier président, 25 juin 2024, 24/00041


R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



MINUTE N°25

COUR D'APPEL DE POITIERS



CONTENTIEUX DES SOINS PSYCHIATRIQUES

PROCEDURE DE CONTROLE DES MESURES



ORDONNANCE



N° RG 24/00041 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HCDB



M. [S] [P]





Nous, Claude PASCOT, président de chambre, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers,



Assisté, lors des débats, de Inès BELLIN, greffier,



avons rendu le vingt c

inq juin deux mille vingt quatre l'ordonnance suivante, par mise à disposition au greffe, sur appel formé contre une ordonnance du Juge des libertés et de la détention de LA ROCHE...

R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE N°25

COUR D'APPEL DE POITIERS

CONTENTIEUX DES SOINS PSYCHIATRIQUES

PROCEDURE DE CONTROLE DES MESURES

ORDONNANCE

N° RG 24/00041 - N° Portalis DBV5-V-B7I-HCDB

M. [S] [P]

Nous, Claude PASCOT, président de chambre, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers,

Assisté, lors des débats, de Inès BELLIN, greffier,

avons rendu le vingt cinq juin deux mille vingt quatre l'ordonnance suivante, par mise à disposition au greffe, sur appel formé contre une ordonnance du Juge des libertés et de la détention de LA ROCHELLE en date du 13 Juin 2024 en matière de soins psychiatriques sans consentement.

APPELANT

Monsieur [S] [P]

né le 16 Mai 1992 à [Localité 6]

[Adresse 1]

Appt 111

[Localité 5]

comparant en personne, assisté de Me Julie PASCAL, avocat au barreau de POITIERS

placé sous le régime de l'hospitalisation complète en soins psychiatriques sans consentement

mis en oeuvre par le Centre Hospitalier [Localité 5]-RE-AUNIS

INTIMÉS :

CENTRE HOSPITALIER [Localité 5] RE AUNIS

[Adresse 4]

[Localité 5]

non comparant

Madame [R] [G]

née le 20 Avril 1963

[Adresse 2]

[Localité 3]

non comparante

PARTIE JOINTE

Ministère public, non représenté, ayant déposé des réquisitions écrites ;

Par ordonnance du 13 Juin 2024, le Juge des libertés et de la détention de [Localité 5] a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète dont M. [S] [P] fait l'objet au Centre Hospitalier [Localité 5]-RE-AUNIS, où il a été placé, le 6 juin 2024, à la demande d'un tiers, Madame [R] [G].

Cette décision a été notifiée le 13 juin 2024 à M. [S] [P].

Monsieur [S] [P] en a relevé appel, par lettre simple en date du 19 Juin 2024, reçue au greffe de la cour d'appel le 21 Juin 2024.

Vu les avis d'audience adressés, conformément aux dispositions de l'article R. 3211-19 du code de la santé publique, à Monsieur [S] [P], à Madame [R] [G], au directeur du centre hospitalier [Localité 5]-RE-AUNIS, ainsi qu'au Ministère public ;

Vu les réquisitions du ministère public tendant à la confirmation de l'ordonnance entreprise, cet avis ayant été mis à disposition des parties ;

Vu les débats, qui se sont déroulés le 25 Juin 2024 au siège de la juridiction, en audience publique conformément aux dispositions de l'article L.3211-12-2 du code de la santé publique.

Après avoir entendu :

le président en son rapport

Monsieur [S] [P] en ses explications

- Me Julie PASCAL, n'ayant soulevé aucun moyen relatif à la régularité de la procédure, en sa plaidoirie

Monsieur [S] [P] ayant eu la parole en dernier.

Le Président a avisé les parties que l'affaire était mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 25 Juin 2024 dans l'après-midi, pour la décision suivante être rendue.

PROCÉDURE :

Le 6 juin 2024, Madame [R] [H], mère de Monsieur [S] [P], a sollicité l'admission de son fils en soins psychiatriques. Le corps médical notait alors qu'il s'agissait d'un patient présentant un trouble délirant chronique, en rupture de traitement et de suivi justifiant l'organisation de soins sous contrainte sur le mode de l'hospitalisation complète.

Ce même jour, le directeur du centre hospitalier [N] [F] a décidé de l'hospitalisation de Monsieur [P] en soins psychiatriques sans consentement.

Le 7 juin 2024, le directeur de l'établissement a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de La Rochelle aux fins de poursuite de la mesure d'hospitalisation complète en soins psychiatriques de Monsieur [P].

Par ordonnance en date du 13 juin 2024, ce juge a ordonné la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète de Monsieur [S] [P].

Par courrier en date du 19 juin 2024, Monsieur [P] a interjeté appel de cette décision.

Monsieur [P] a comparu à l'audience devant la cour.

Le conseil de Monsieur [P] a été entendu en sa plaidoirie.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l'appel :

Le 13 juin 2024, l'ordonnance a été notifiée à Monsieur [P].

L'appel a été formé dans le délai légal prévu à l'article R 3211-18 du code de la santé publique. Il est donc recevable en la forme.

Au fond :

En droit, l'article L 3212-1 du code de la santé publique dispose :

'I.-Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1 (...)'

L'article 311-12-1 I du même code dispose :

'I.-L'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement lorsque l'hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II du présent titre ou par le représentant de l'Etat dans le département lorsqu'elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l'article L. 3214-3 du présent code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, ait statué sur cette mesure :

1° Avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l'article L. 3214-3 du même code. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi dans un délai de huit jours à compter de cette admission (...)'

En l'espèce, il est produit au dossier les éléments suivants :

1) Un certificat médical du centre hospitalier [N] [F] du 6 juin 2024 indiquant que Monsieur [P] a été admis en soins psychiatriques à la suite d'une 'crise clastique avec bris de mobilier au domicile de sa mère' et que l'état clinique de Monsieur [P] justifiait l'organisation de soins sous contrainte sur le mode de l'hospitalisation complète notamment en raison de'trouble délirant chronique, en rupture de traitement et de suivi. [...] on relève un trouble de contact avec un discours délirant à thématique de persécution avec adhésion totale au délire'. 'Il présente un état de tension psychique avec hostilité envers les soignants et autrui en général. Il se plaint de douleurs au niveau d'une verrue plantaire qu'il se brûle lui-même avec des cigarettes. Il rapporte de régulières consommations de toxiques. Son entourage est inquiet et sollicite des soins en milieu adapté pour le protéger de lui-même. On constate une altération du jugement non compatible avec l'adhésion aux soins dont il relève.'

2) Un certificat médical du centre hospitalier [N] [F] du 7 juin 2024 établi dans les 24 heures suivant l'admission en soins psychiatriques relevant que Monsieur [P] 'ne critique pas ses troubles du comportement et ses prises de produits psycho actifs. Il se montre tenu, sub sthénique. Il exprime des idées délirantes de persécution, de mécanisme interprétatif et hallucinatoire, avec adhésion totale, sans critique. Il présente une labilité émotionnelle, des difficultés à se canaliser, à gérer ses émotions. On note une intolérance à la frustration, une impulsivité, une évolution marginale. Le patient a été orienté vers la chambre de protection fermée suite à des menaces, de l'agressivité envers les soignants. Il présente une méconnaissance des troubles avec une opposition aux soins' ; l'ensemble de ces éléments justifiant la poursuite de la mesure de soins sous contrainte.

3) Un certificat médical du centre hospitalier [N] [F] du 8 juin 2024 établi dans les 72 heures suivant l'admission en soins psychiatriques établissant la nécessité de maintenir la mesure en ce qu' 'il persiste des idées délirantes de persécution, par ses parents et par les soignants. Le patient se montre projectif et ne critique pas du tout les épisodes d'agitation et agressivité ayant conduit à son hospitalisation puis à sa mise en CPF. Il reste tendu avec imprévisibilité du comportement, justifiant le maintien en chambre d'isolement et des soins intensifs avec surveillance rapprochée'.

4) Un avis motivé du centre hospitalier [N] [F] du 11 juin 2024 qui ajoute : 'Ce jour, le patient est calme avec une certaine étrangeté du contact, et un discours restant clair et cohérent. Il n'a pas été retrouvé d'argument en faveur d'une désorientation temporo-spatiale. Les éléments délirants à thème de persécution et à mécanisme interprétatif encore retrouvés hier semblent plus contenus ce jour ; cependant, aucune critique des troubles du comportement antérieur n'a été retrouvée, posant la question de la conscience des troubles. Sur le plan thymique, hormis une instabilité psychomotrice et un sentiment de toute puissance, il n'a pas été retrouvé d'argument en faveur d'un épisode dépressif ou maniaque évolutif. Monsieur [P] a encore présenté cette nuit des troubles du comportement avec une grande adhésivité auprès des soignants, des troubles du sommeil et la mise de sa chambre dans un état incurique. Il est dans la banalisation voir la déresponsabilisation face à ces constats peu compatible avec l'autonomie qu'il prétend avoir. L'état de santé mental encore fragile, l'absence de conscience des troubles, et la problématique toxicomaniaque constitue encore une mise en danger pour le patient. De fait, il est nécessaire de poursuivre les soins en hospitalisation complète'.

5) Un avis médical circonstancié du centre hospitalier [N] [F] du 21 juin 2024 ainsi libellé : 'Patient souffrant d'un trouble psychiatrique chronique avec insight faible. Ces derniers jours, le patient montre une instabilité émotionnelle et motrice en cours d'amélioration avec la reprise d'un traitement psychotrope et à distance de la dernière prise de produits psycho actifs. Il n'exprime pas de critique des troubles du comportement l'ayant amené à être hospitalisé et a tendance à les rationaliser. Il exprime des idées délirantes, de mécanismes hallucinatoire pour justifier le départ de son domicile HLM. Il montre un fonctionnement impulsif et d'intolérance à la frustration. Il présente une évolution marginale. Le patient présente une méconnaissance des troubles avec une ambivalence aux soins.

Compte tenu du tableau clinique et de son ambivalence aux soins, l'hospitalisation sous contrainte reste nécessaire pour garantir un soin, éviter de nouvelles prises de risque et consolider son état psychique avant d'envisager une sortie définitive et requiert des soins sans consentement en hospitalisation complète'.

Lors de son audition devant le juge des libertés et de la détention, Monsieur [P] a déclaré vouloir retourner à son domicile. Il a indiqué suivre son traitement et être amnésique. Il a reconnu avoir besoin de soins sans pour autant que cela nécessite une hospitalisation. Monsieur [P] a fait état de ses douleurs physiques diffuses dans l'ensemble de son corps.

Son conseil a ajouté qu'il avait été fait mention dans un certificat médical que Monsieur [P] était calme, qu'il ne présentait pas de désorientation ni d'élément délirant de sorte qu'il y avait lieu de mettre fin à la mesure d'hospitalisation avec des soins en ambulatoire.

Le centre hospitalier de [N] [F] a relevé que Monsieur [P] sait lorsqu'il ne va pas bien et sollicite le personnel médical lorsqu'il se sent angoissé.

Le parquet général, par réquisitions en date du 21 juin 2024, a requis la confirmation de la mesure au motif qu'en dépit d'une amélioration partiellement favorable de son état, le patient hospitalisé présente toujours des troubles graves du comportement, en lien avec une pathologie psychiatrique chronique, avec décompensation récente suite à la rupture de soins et dans un contexte de prise de toxiques, état dont il n'a toujours pas une conscience affirmée. Le risque de nouveau passage à l'acte au regard de sa très grande fragilité demeure aigu. Cet état non encore stabilisé à ce jour nécessite la poursuite d'une mesure d'hospitalisation sous contrainte à temps complet afin de permettre ensuite une sortie progressive et encadrée.

Devant la cour, M. [S] [P] a indiqué :

-qu'il reconnaissait avoir 'cassé des choses' chez ses parents,

-qu'il est désormais enfermé depuis trois semaines et que c'est difficile, d'autant qu'il reste dans sa chambre et ne côtoie pas les autres patients car ils sont agressifs avec lui,

-que sa toxicomanie au THC est très ancienne puisqu'elle a débuté lorsqu'il avait 8 ans, à l'initiative d'un de ses cousins qui en profitait pour abuser de lui sexuellement,

-qu'il a bien compris qu'il pouvait déposer plainte entre les mains du procureur de la République par une simple lettre,

-qu'il est conscient que la poursuite des soins est nécessaire mais qu'il préfererait les suivre en étant libre,

-que le traitement sous forme d'injections tel qu'il était pratiqué jusqu'à présent entraînait des douleurs, mais que désormais, il le prenait sous forme de gouttes et que c'était mieux pour lui,

-qu'il était prêt à se rendre dans un centre de post-cure si une place se libérait.

Maître Pascal, avocate de l'appelant, a rappelé que plusieurs éléments positifs méritaient d'être relevés. Notamment, M. [S] [P] reconnaît sa violence et le fait qu'il ait interrompu son traitement. Il est prêt à se soumettre à des soins en ambulatoire. Il a la volonté de s'en sortir. L'amélioration de la situation du patient telle qu'elle apparaît dans la succession des certificats médicaux est de bon augure.

L'ensemble de ces éléments appelle les observations suivantes.

Préalablement à son hospitalisation complète, l'interruption de son traitement par M. [S] [P] a eu des effets délétères qui se sont notamment traduits par des accès de violence au domicile de ses parents. Il résulte de la succession des certificats médicaux dont la teneur est rappelée ci-dessus que la reprise du traitement, rendue possible par l'hospitalisation complète a permis de constater une sensible amélioration de l'état de santé de l'appelant. Certes, sa volonté de recouvrer sa liberté est clairement exprimée et il n'y a pas lieu de douter de son authenticité. Mais dans l'immédiat, la prolongation de la mesure apparaît comme le moyen le plus sûr de pérenniser les acquis constatés à ce jour.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et contradictoirement, au siège de la cour d'appel, en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons recevable l'appel interjeté par Monsieur [S] [P],

Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 13 juin 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de La Rochelle.

Laissons les dépens à la charge de l'Etat ;

Et ont, le président et le greffier, signé la présente ordonnance.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Inès BELLIN Claude PASCOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Premier président
Numéro d'arrêt : 24/00041
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;24.00041 ?
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