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20/06/2024 | FRANCE | N°24/00086

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Contestations avocats, 20 juin 2024, 24/00086


Ordonnance n 17





























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20 Juin 2024

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N° RG 24/00086

N° Portalis DBV5-V-B7I-G6QB

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[T], [Y] [V] épouse [K]

C/

[P] [G]

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Ordonnance notifiée aux parties le :

R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E



AU NOM

DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE POITIERS



ORDONNANCE DU PREMIER PRESIDENT



Contestation d'honoraires d'avocat













Rendue le vingt juin deux mille vingt quatre





Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le vingt trois mai deux mille vingt qu...

Ordonnance n 17

-------------------------

20 Juin 2024

-------------------------

N° RG 24/00086

N° Portalis DBV5-V-B7I-G6QB

-------------------------

[T], [Y] [V] épouse [K]

C/

[P] [G]

-------------------------

Ordonnance notifiée aux parties le :

R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DU PREMIER PRESIDENT

Contestation d'honoraires d'avocat

Rendue le vingt juin deux mille vingt quatre

Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le vingt trois mai deux mille vingt quatre par Madame Estelle LAFOND, conseillère, agissant sur délégation de la première présidente de la cour d'appel de POITIERS, conformément à son ordonnance en date du 18 décembre 2023, assistée de Madame Inès BELLIN, greffière, lors des débats.

ENTRE :

Madame [T], [Y] [V] épouse [K]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurent LALOUM, avocat au barreau de TOURS

DEMANDEUR en contestation d'honoraires,

D'UNE PART,

ET :

Maître [P] [G]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne

DEFENDEUR en contestation d'honoraires,

D'AUTRE PART,

ORDONNANCE :

- Contradictoire

- Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- Signée par Madame Estelle LAFOND, conseillère agissant sur délégation de la première présidente et par Madame Inès BELLIN, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Par lettre enregistrée le 1er août 2023, Monsieur [P] [G] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Poitiers d'une demande de taxation de ses honoraires à la somme de 9 510 euros hors taxes, soit 11 412 euros toutes taxes comprises.

Par décision en date du 29 novembre 2023, le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Poitiers a taxé les honoraires de Maître [P] [G], à la somme de 9 510 euros hors taxes, soit 11 412 euros toutes taxes comprises.

La décision du bâtonnier a été notifiée à Madame [T] [K] à une date inconnue (absence d'accusé de réception dans le dossier de l'ordre), laquelle a formé un recours entre les mains de la première présidente de la cour d'appel de Poitiers le 21 décembre 2023.

L'affaire, appelée une première fois à l'audience du 28 mars 2024, a été renvoyée à l'audience du 23 mai 2024.

A l'audience, Madame [T] [K] était représentée par son conseil, Maître Laurent Laloum Alkan.

Elle indique avoir confié la défense de ses intérêts à Maître [P] [G] dans le cadre d'une procédure devant le juge de l'exécution l'opposant à la Caisse d'Epargne.

Elle indique avoir signé une convention d'honoraires avec Maître [P] [G] le 28 février 2019, laquelle prévoyait un honoraire au temps passé à raison d'un taux horaire de 150 euros hors taxes, soit 180 euros toutes taxes comprises, sur la base de laquelle Maître [P] [G] lui a adressé cinq factures en règlement de ses honoraires, pour un montant total de 6 600 euros toutes taxes comprises.

Elle indique qu'elle aurait informé son avocat de son impossibilité de poursuivre financièrement le règlement de ses honoraires et que ce dernier lui aurait alors proposé un avenant à la convention d'honoraires prévoyant un honoraire de résultat correspondant à 10% hors taxes de l'économie réalisée en cas de succès et la déduction de la moitié des honoraires facturés au temps passé à hauteur de 3 500 euros hors taxes. Ledit avenant a été signé le 11 février 2021.

Elle expose que le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Poitiers a ordonné la saisie des rémunérations pour le paiement de la somme de 128 104,11 euros et qu'elle a relevé appel de ce jugement.

Elle soutient que Maître [P] [G] aurait alors souhaité revenir sur l'avenant du 11 février 2021 afin de reprendre la facturation originelle au temps passé et qu'elle aurait accepté de revenir à la convention initiale.

Elle expose que Maître [P] [G] lui aurait, dans ces circonstances, adressé trois factures d'honoraires pour un montant de 4 080 euros toutes taxes comprises avant que la cour d'appel, par un arrêt du 18 octobre 2022, infirme le jugement rendu par le juge de l'exécution et condamne son adversaire à lui payer une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, laquelle a été recouvrée par son avocat.

Elle indique que le 15 mars 2023, Maître [P] [G] lui a adressé une dernière facture d'un montant de 11 412 euros toutes taxes comprises, portant l'intitulé suivant : « factures d'honoraires de résultat, selon avenant à la convention d'honoraires du 19 février 2019 ».

Elle fait ainsi valoir que la procédure d'appel n'aurait fait l'objet d'aucune convention et que la reprise de la facturation au temps passé attesterait de l'intention des parties de revenir à la convention originelle laquelle prévoyait la facturation des diligences de l'avocat au temps passé.

Elle soutient que l'avenant du 11 février 2021 aurait été privé d'objet par la décision rendue par le juge de l'exécution le 1er juin 2021, de sorte que la facturation de l'honoraire de résultat serait dépourvu de fondement contractuel.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que s'il devait être admis un fondement contractuel à l'honoraire de résultat, il ne pourrait résulter que de l'avenant du 11 février 2021, de sorte qu'il conviendrait de déduire soit l'ensemble des honoraires facturés au temps passé dans le cadre de la procédure d'appel, soit la moitié des honoraires facturés au temps passé dans le cadre de la procédure d'appel. Il en résulterait que les honoraires ne pourraient être taxés qu'à hauteur de 7 332 euros toutes taxes comprises ou 9 372 euros toutes taxes comprises.

Elle fait enfin valoir que l'honoraire de résultat porte sur l'économie réalisée, de sorte que la valeur ajoutée apportée par son avocat serait à relativiser. Elle estime que l'honoraire de résultat sur l'économie réalisée serait en général moindre que l'honoraire de résultat sur le gain, de sorte qu'il conviendrait de modérer celui-ci en le fixant à 5% maximum du montant de l'économie réalisée.

Elle sollicite, à titre principal, l'infirmation de la décision du bâtonnier. A titre subsidiaire, la taxation des honoraires de Maître [P] [G] à la somme de 7 332 euros toutes taxes comprises ou 9 372 euros toutes taxes comprises et en vertu du pouvoir modérateur du juge, à titre également subsidiaire, la réduction de l'honoraire de résultat à 5% du montant de l'économie réalisée.

Maître [P] [G] fait valoir que contrairement à ce que soutient Madame [T] [K], l'avenant à la convention d'honoraires n'aurait pas été signé en considération de difficultés financières de cette dernière, mais en raison de l'enjeu du litige et du caractère technique et complexe du débat relatif à l'exercice du droit de retrait litigieux, à la suite d'une prétendue cession de créance de la caisse d'épargne à la MCS ET ASSOCIES qui serait intervenue en cours d'instance.

Il indique que dans le cadre de ses échanges avec Madame [T] [K], au sujet de cet avenant, cette dernière aurait souhaité qu'une partie des honoraires déjà facturés soient déduits de l'honoraire de résultat et qu'ils se seraient alors entendus sur la déduction de la somme de 3 500 euros hors taxes de l'honoraire de résultat.

Il conteste s'être entendu avec Madame [T] [K] pour annuler l'avenant et appliquer la seule convention initiale signée en 2019.

Il fait ainsi valoir que la facturation au temps passé intervenue en cause d'appel ne serait que l'application de la convention de 2019, laquelle serait restée applicable à la suite de la signature de l'avenant et qu'il ne pourrait être considéré que l'avenant constituerait une convention d'honoraires à part entière se substituant à la convention d'honoraires signée le 28 février 2019.

Il indique que l'avenant stipulerait que seule la somme de 3 500 euros devra être déduite de l'honoraire de résultat à venir et que si aux termes de l'avenant il est indiqué que cette somme correspond à la moitié des honoraires déjà facturés, il ne pourrait être entendu que la moitié des honoraires au temps passé facturés en cause d'appel soient à déduire de l'honoraire de résultat.

Il fait enfin valoir que le juge peut exercer son pouvoir modérateur uniquement dans l'hypothèse où l'honoraire de résultat serait excessif, et que la facturation d'un honoraire de 10% sur l'économie réalisée dont il est déduit la somme de 3 500 euros hors taxes, serait conforme aux montants autorisés.

Il indique ainsi avoir fait échapper sa cliente à une condamnation de 130 104,11 euros, la cour d'appel ayant en outre condamné la partie adverse à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de sorte que Madame [T] [K] resterait redevable de la somme de 7 512 euros au titre des honoraires facturés.

Il sollicite la confirmation de l'ordonnance du bâtonnier et la condamnation de Madame [T] [K] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité :

Selon l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier est susceptible de recours devant le premier président de la cour d'appel qui est saisi par l'avocat ou la partie par lettre recommandée avec accusé de réception. Le délai de recours est d'un mois à compter de la notification de la décision.

La décision du bâtonnier a été notifiée à une date inconnue à Madame [T] [K], laquelle a formé un recours entre les mains de la première présidente de la cour d'appel de Poitiers le 21 décembre 2023.

Le recours de Madame [T] [K] est recevable et régulier en la forme.

Sur le fond :

Les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats sont réglées en recourant à la procédure prévue aux articles 174 et suivants du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991.

Il résulte de l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 10 juillet 1991 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, que sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

A défaut de convention, les honoraires sont fixés au regard de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci, conformément au quatrième alinéa de l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971.

Toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu.

Enfin, il sera rappelé qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'honoraire de se prononcer sur l'éventuelle responsabilité civile de l'avocat à l'égard de son client, liée au manquement à son devoir de conseil et d'information, ou à une exécution défectueuse de sa prestation. De tels griefs relèvent de la responsabilité professionnelle de l'avocat et non de l'évaluation des honoraires et ils ne peuvent pas non plus justifier une réduction de sa rémunération.

En l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats que les parties ont signé une convention d'honoraires le 28 février 2019, laquelle prévoit un honoraire au temps passé à raison d'un taux horaire de 150 euros hors taxes, soit 180 euros toutes taxes comprises.

Un avenant à la convention d'honoraire prévoyant un honoraire de résultat correspondant à 10% hors taxes de l'économie réalisée en cas de succès et la déduction de la moitié des honoraires facturés au temps passé à hauteur de 3 500 euros hors taxes a été signé par les parties le 11 février 2021.

Sur les honoraires facturées au temps passé :

En l'espèce, il convient de constater que Maître [P] [G] justifie des diligences accomplies, lesquelles ne sont pas contestées par Madame [T] [K].

Les honoraires facturés au temps passé sont donc justifiés.

Sur l'honoraire de résultat :

Il résulte de l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 10 juillet 1991 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, qu'est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu.

L'honoraire de résultat prévu par une convention préalable n'est dû par le client que lorsqu'il est mis fin à l'instance par un acte ou une décision de justice irrévocable.

En l'espèce, Maître [P] [G] n'a pas à justifier de la signature d'une seconde convention d'honoraires au titre de la procédure devant la cour d'appel, l'honoraire de résultat n'étant exigible que lorsqu'il est mis fin à l'instance par un acte ou une décision de justice irrévocable. Il en résulte que l'avenant à la convention d'honoraires signé le 11 février 2021 suffit à justifier du fondement contractuel de celui-ci.

Selon jugement en date du 1er juin 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Poitiers a ordonné la saisie des rémunérations versées à Madame [T] [K] pour le paiement de la somme de 128 104,11 euros.

Madame [T] [K] relevé appel dudit jugement.

Par un arrêt du 18 octobre 2022, la cour d'appel de Poitiers a infirmé le jugement rendu par le juge de l'exécution et dit n'y avoir lieu à saisie des rémunérations versées à Madame [T] [V], épouse [K].

Le 6 mars 2023, le greffe de la cour de cassation a adressé à Maître [P] [G] un certificat de non-pourvoi confirmant le caractère définitif de l'arrêt de la cour d'appel.

Il en résulte que la décision est devenue définitive, de sorte que l'honoraire de résultat est exigible.

Ladite facturation d'un montant de 11 412 euros toutes taxes comprises est conforme à l'avenant de la convention d'honoraires accepté par Madame [T] [K], duquel il se déduit que seule une somme de 3 500 euros hors taxes, sur l'ensemble des honoraires facturés au temps passé, sera déduite de l'honoraire de résultat facturé.

L'honoraire de résultat peut être réduit par le juge de l'honoraire s'il apparaît exagéré au regard du service rendu.

En l'espèce, la difficulté de l'affaire et les circonstances du litige ne justifient pas une réduction de l'honoraire de résultat, lequel est conforme aux usages de la profession.

En conséquence, la décision du bâtonnier sera confirmée et les honoraires de Maître [P] [G] seront taxés à la somme de 11 410 euros.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

L'équité commande de condamner Madame [T] [K] à payer à Maître [P] [G] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens :

L'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Succombant à la présente instance, Madame [T] [K] en supportera les dépens.

DECISION

Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence, statuant par délégation de la première présidente, par mise à disposition au greffe et par ordonnance contradictoire,

Déclarons le recours de Madame [T] [K] recevable,

Confirmons l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Poitiers en date du 29 novembre 2023 ;

Condamnons Madame [T] [K] à payer à Maître [P] [G] une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons Madame [T] [K] aux dépens.

La greffière, La conseillère,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Contestations avocats
Numéro d'arrêt : 24/00086
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;24.00086 ?
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