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18/06/2024 | FRANCE | N°22/02213

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 18 juin 2024, 22/02213


ARRET N°240



N° RG 22/02213 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GT5L















[I]



C/



Ste Coopérative banque Pop. CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA T OURAINE ET DU POITOU



































Loi n° 77-1468 du30/12/1977

Copie revêtue de la formule exécutoire



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Copie gratuite délivrée





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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 18 JUIN 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02213 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GT5L



Décision déférée à la Cour : jugement du 20 mai 2022 ren...

ARRET N°240

N° RG 22/02213 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GT5L

[I]

C/

Ste Coopérative banque Pop. CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA T OURAINE ET DU POITOU

Loi n° 77-1468 du30/12/1977

Copie revêtue de la formule exécutoire

Le à

Le à

Le à

Copie gratuite délivrée

Le à

Le à

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 18 JUIN 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02213 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GT5L

Décision déférée à la Cour : jugement du 20 mai 2022 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de POITIERS.

APPELANTE :

Madame [F] [I]

née le 02 Juillet 1998 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

ayant pour avocat Me Guy DIBANGUE, avocat au barreau de POITIERS

INTIMEE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA TOURAINE ET DU POITOU

[Adresse 1]

[Localité 4]

ayant pour avocat postulant Me Jessy RENNER, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Viviane THIRY, avocat au barreau de TOURS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ :

Madame [F] [I] est titulaire d'un compte de dépôt n°67180759279 à la caisse régionale de crédit agricole de la Touraine et du Poitou (le Crédit Agricole).

Soutenant que l'établissement financier avait engagé sa responsabilité dans le traitement d'un chèque de 1.900 euros déposé au crédit de son compte et dont il avait ensuite contrepassé le montant au reçu d'une opposition, en n'ayant pas décelé ses anomalies, elle l'a fait assigner par acte du 31 mars 2021 devant le tribunal judiciaire de Poitiers selon la procédure orale sans représentation obligatoire pour voir procéder avant dire droit à une vérification d'écriture et entendre condamner le Crédit Agricole à lui payer en réparation de ses préjudices, dans le dernier état de ses prétentions :

.1.010 euros au titre de son préjudice financier

.3.000 euros au titre de son préjudice moral

.2.500 euros pour résistance abusive

outre 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile sur renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle sollicitait subsidiairement vingt-quatre mois de délais pour régler la somme dont elle viendrait à être jugée redevable envers la banque.

Le Crédit Agricole a conclu au rejet de ces prétentions.

Par jugement qualifié en dernier ressort du 20 mai 2022, le tribunal judiciaire de Poitiers a :

* rejeté la demande avant dire droit

* débouté Mme [I] de l'intégralité de ses demandes

* condamné Mme [I] à payer au Crédit agricole de la Touraine et du Poitou 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

*condamné Mme [I] aux dépens, à recouvrer conformément à la loi relative à l'aide juridictionnelle.

Pour statuer ainsi, il a retenu, en substance :

-que la copie du chèque était lisible

-que la vérification d'écriture était inutile

-qu'ayant reçu du titulaire du compte tiré une opposition fondée sur l'un des motifs légaux prévus à l'article L.131-35 du code monétaire et financier, le Crédit Agricole était tenu d'y faire droit sans avoir à contrôler la réalité du motif, et n'avait commis aucune faute en procédant à la contre-passation du montant du chèque frappé d'opposition

-que l'endos dont la demanderesse tirait argument au soutien de ses griefs contre la banque était sans lien de causalité avec le préjudice dont elle arguait, alors que la somme dont elle a été dépouillée dans l'affaire vient de retraits d'argent qu'elle avait elle-même opérés sur son compte sans même attendre le délai d'encaissement du chèque pour les adresser imprudemment à un inconnu en remboursement d'un versement qu'il prétendait avoir opéré par erreur à son profit.

Mme [I] a relevé appel le 2 septembre 2022.

Le conseiller de la mise en état a vérifié d'office la recevabilité de l'appel, en sollicitant les explications de ce chef, le jugement s'avérant improprement qualifié en dernier ressort, alors que le montant total des demandes formulées par Mme [I] dans les dernières conclusions écrites soumises au tribunal excédait le taux du dernier ressort.

Par ordonnance du 13 février 2024, rectifiée le 15 février, le conseiller de la mise en état a rejeté l'incident par lequel le Crédit agricole lui demandait de prononcer la caducité de la déclaration d'appel.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique 19 février 2024 par l'appelante.

Mme [I] demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau :

¿ à titre avant-dire droit :

-de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes

-d'enjoindre sous astreinte au Crédit Agricole de communiquer le chèque n°67180759279 d'un montant de 1.900 euros porté au crédit de son compte

-de procéder à une vérification d'écriture en application de l'article 287 du code de procédure civile

¿ à titre subsidiaire :

-de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes

-de dire que la banque a commis une faute dans le traitement du chèque litigieux et ses conséquences

-de condamner la caisse régionale de crédit agricole de la Touraine et du Poitou à lui payer

.la somme pour le moins de 1.010 euros au titre de son préjudice financier

.celle de 3.000 euros en réparation de son préjudice moral

.celle de 2.500 euros pour résistance abusive

¿ à titre très subsidiaire, si la cour la déboutait de toutes ses demandes

-de lui accorder un délai de paiement de 24 mois pour régler sa créance à la banque

-d'écarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir

¿ en toute hypothèse :

-de condamner la caisse régionale de crédit agricole de la Touraine et du Poitou

-à lui verser 1.500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile en faisant application au profit de son avocat de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridictionnelle

-aux entiers dépens

-d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Mme [I] expose que s'étant inscrite à Pôle Emploi et ayant rendu son profil visible par des recruteurs, elle a été contactée le 24 mars 2020 par une personne disant se nommer [W] [Z] qui lui proposait un travail de mise sous pli de courriers à exécuter à son domicile moyennant un salaire de 1.900 euros ; qu'ayant accepté ce poste, et adressé à son interlocuteur une copie de sa carte nationale d'identité et un relevé d'identité bancaire, elle s'est entendu annoncer qu'elle allait recevoir sur son compte un virement de 200 euros pour financer l'acquisition de la machine de mise sous plis ; que le 26 mars 2020, elle a constaté que son compte avait été crédité d'une somme de 1.900 euros ; qu'elle a repris contact avec son interlocuteur pour signaler la différence avec le montant annoncé, à quoi il lui fut répondu qu'il s'agissait d'une erreur d'un assistant de M. [Z], qu'elle devait utiliser 200 euros pour acheter la machine et restituer le trop versé ; que pour ce faire, elle a retiré au guichet la somme maximale qui lui était autorisée soit 890 euros, qu'elle est allée remettre dans une rue de [Localité 6] à une personne avec laquelle un rendez-vous avait été convenu ; que devant l'attitude insistante de cette personne qui exigeait la totalité du trop versé, elle a compris qu'elle était victime d'une escroquerie ; qu'elle est allée déposer plainte pour escroquerie ; que quatre jours plus tard, elle constatait que la somme de 1.900 euros créditée sur son compte avait été contrepassée par le Crédit Agricole, au motif d'une opposition faite par le tiré sur le chèque émis à son profit ; que la banque lui a réclamé remboursement des fonds, alors qu'elle ne perçoit qu'une allocation de chômage et qu'elle est la victime dans cette affaire.

Elle affirme n'avoir ni déposé ni endossé le chèque de 1.900 euros dont la banque a crédité le montant sur son compte, et elle demande que la banque soit contrainte d'en produire l'original afin qu'il soit procédé à la nécessaire vérification d'écriture, la copie communiquée n'étant pas très lisible.

Elle fait valoir que la banque était tenue de vérifier la régularité apparente de l'endos apposé sur le titre et l'identité et la qualité du présentateur du chèque, et elle soutient que le Crédit Agricole, endossataire, a commis une faute en n'ayant pas décelé l'imitation grossière de la signature de Mme [I] sur l'endos au verso de la formule, et une autre en ne s'opposant pas au paiement d'un chèque excédant les opérations habituellement enregistrées sur le compte-courant de celle-ci.

Elle sollicite à titre de dommages et intérêts la somme que la banque lui réclame, et l'indemnisation du préjudice que celle-ci lui a causé par sa désinvolture et sa prétention à lui faire rembourser les fonds perdus par sa faute.

Le Crédit agricole s'est constitué mais n'a pas transmis de conclusions.

Le présent arrêt est contradictoire, en application de l'article 469, alinéa 1, du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est en date du 20 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'intimée, qui n'a pas conclu, est réputée s'approprier les termes du jugement entrepris.

Mme [I] recherche la responsabilité du Crédit agricole pour avoir crédité sur son compte le montant d'un chèque portant une signature d'endos qui n'était pas la sienne.

Le banquier récepteur, chargé de l'encaissement du chèque, est certes tenu de vérifier la régularité apparente de l'endos apposé sur le titre.

L'appelante ne produit pas la photocopie du chèque litigieux, manifestement communiquée en première instance par la banque puisque le premier juge l'a examinée, et que Mme [I] détient donc.

Elle ne met ainsi pas la cour à même d'apprécier la portée de son allégation d'une irrégularité de l'endos, qui tient selon elle à ce qu'elle n'est pas l'auteur de la signature apposée au verso de la formule, censée être la sienne et dont la banque détenait un spécimen.

Il n'y a pas lieu d'ordonner à la banque de produire l'original du chèque litigieux ni de procéder ensuite à la vérification d'écriture, et en l'occurrence de signature, sollicitée par Mme [I], dès lors que ces mesures seront en toute hypothèse sans incidence sur le constat, pertinemment fait par le premier juge, que le préjudice invoqué par la demanderesse est sans lien de causalité avec la faute qu'elle impute à la banque.

À considérer, en effet, pour les besoins du raisonnement, que la signature figurant au dos de la formule sur l'endos soit significativement différente de celle de Mme [I], et que la banque ait commis une faute en procédant néanmoins à l'encaissement de ce chèque et en portant son montant de 1.900 euros au crédit de son compte, il n'en resterait pas moins que son préjudice financier, et les préjudices immatériels dont elle argue au titre des tracas consécutifs et de son préjudice moral, ont pour cause directe et déterminante les fautes d'imprudence qu'elle a commises.

Alors qu'elle indique n'avoir pas endossé le chèque litigieux, de sorte qu'il avait donc selon elle été remis à son insu à la banque, ce qu'elle ne pouvait tenir que pour anormal, Mme [I] a considéré au seul vu de la consultation de son compte faisant apparaître cette somme à son crédit avec l'indication 'remise de chèque' (sa pièce n°4),

-d'une part, qu'elle avait été mise en possession de la somme indiquée de 1.900 euros, bien que l'inscription du montant d'un chèque au crédit d'un compte s'opère toujours sous réserve d'encaissement, ce qui implique pendant les quelques jours d'encaissement une absence de certitude sur la réalité de la possession des fonds,

-et d'autre part, que ce versement, quoiqu'anormal ce qui aurait dû l'alerter, constituait un indu qu'il lui appartenait de rembourser,

.à une personne s'étant présentée à elle comme son nouvel employeur, alors qu'il s'agissait d'un inconnu l'ayant contactée par messagerie et téléphone, avec lequel elle n'avait signé aucun contrat de travail, sur l'identité duquel elle n'avait procédé à aucune vérification

.et dans des conditions qui étaient elles-mêmes anormales, soit

-en espèces, et non par une opération de banque telle émission d'un chèque ou virement

-immédiatement et sans délai, au prix d'aller retirer des fonds sur son compte

-en apportant l'argent dans la rue à une autre personne, également inconnue d'elle, se présentant comme envoyée par son employeur.

Les préjudices invoqués par Mme [I] ont ainsi pour cause non la faute qu'elle impute au Crédit Agricole, mais sa propre faute d'imprudences (Cass. Com. 01.07.2020 P n°18-18886).

Ayant reçu du titulaire du compte tiré une opposition fondée sur l'un des motifs légaux prévus à l'article L.131-35 du code monétaire et financier, le Crédit Agricole n'a, en outre, pas commis de faute en procédant à la contre-passation du montant du chèque frappé d'opposition.

Mme [I] n'est pas non plus fondée à soutenir que la banque aurait commis une faute en lien de causalité avec les préjudices dont elle argue en portant au crédit du compte une somme de 1.900 euros très supérieure au montant des opérations habituellement enregistrées sur son compte de dépôt, la banque n'ayant pas à s'immiscer dans les opérations d'encaissement de son client, et la perception d'une telle somme n'ayant rien, en soi, d'anormal, en dehors de circonstances particulières qui ne sont en l'espèce ni établies, ni même articulées.

Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté Mme [I] de l'ensemble de ses demandes et prétentions.

Mme [I] sera également déboutée de la demande subsidiaire en délai de grâce qu'elle formule pour le cas, advenu, où ses prétentions indemnitaires seraient rejetées, dès lors qu'il n'est pas justifié de la dette même qu'elle invoque, le Crédit Agricole n'ayant pas sollicité reconventionnellement sa condamnation en première instance, et qu'en tout état de cause, à considérer qu'elle soit débitrice d'une somme au titre de l'opération litigieuse, la durée de l'instance, introduite en mars 2021, lui a déjà procuré le répit qu'elle sollicite.

La demande relative à l'exécution provisoire formulée par l'appelante est sans objet devant la cour, dont les décisions sont exécutoires de droit.

Mme [I], qui succombe en son recours, supportera les dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi relative à l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

CONFIRME le jugement entrepris

ajoutant :

REJETTE la demande de délais subsidiairement formulée par Mme [I]

REJETTE toutes demandes autres ou contraires

CONDAMNE Mme [I] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à la loi relative à l'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/02213
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;22.02213 ?
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