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12/06/2024 | FRANCE | N°23/01623

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 4ème chambre, 12 juin 2024, 23/01623


ARRET N°



N° RG 23/01623 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G2ZY









[M]

[M]

[M]

[M]



C/



[L]

[J]



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



4ème Chambre Civile



ARRÊT DU 12 JUIN 2024

SUR RENVOI DE CASSATION





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01623 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G2ZY




Suivant déclaration de saisine du 07 juillet 2023 après arrêt de la Cour de Cassation du 11 mai 2023 ayant partiellement cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bordeaux le 28 janvier 2021, sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date...

ARRET N°

N° RG 23/01623 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G2ZY

[M]

[M]

[M]

[M]

C/

[L]

[J]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

4ème Chambre Civile

ARRÊT DU 12 JUIN 2024

SUR RENVOI DE CASSATION

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01623 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G2ZY

Suivant déclaration de saisine du 07 juillet 2023 après arrêt de la Cour de Cassation du 11 mai 2023 ayant partiellement cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bordeaux le 28 janvier 2021, sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 7 mars 2017.

DEMANDEURS SUR RENVOI DE CASSATION :

Monsieur [G] [M] venant aux droits de Madame [Y] [R] épouse [M], décédée le [Date décès 4] 2017

né le [Date naissance 5] 1952 à [Localité 15]

[Adresse 7]

[Localité 10]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Stéphane CHUDZIAK, de la SELARL CHUDZIAK STEPHANE, avocat au barreau de BORDEAUX

Monsieur [F] [M] agissant en son nom personnel et venant aux droits de Madame [Y] [R] épouse [M] décédée le [Date décès 4] 2017

né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 17]

[Adresse 21]

[Adresse 14]

[Localité 16]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Stéphane CHUDZIAK, de la SELARL CHUDZIAK STEPHANE, avocat au barreau de BORDEAUX

Monsieur [U] [M] venant aux droits de Madame [Y] [R] épouse [M], décédée le [Date décès 4] 2017

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 18]

[Adresse 20]

[Localité 8]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Stéphane CHUDZIAK, de la SELARL CHUDZIAK STEPHANE, avocat au barreau de BORDEAUX

Madame [X] [P] [H] [M] épouse [V] venant aux droits de Madame [Y] [R] épouse [M], décédée le [Date décès 4] 2017

née le [Date naissance 6] 1958 à [Localité 17]

[Adresse 21]

[Adresse 13]

[Localité 16]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Stéphane CHUDZIAK, de la SELARL CHUDZIAK STEPHANE, avocat au barreau de BORDEAUX

DÉFENDEURS SUR RENVOI DE CASSATION :

Madame [I] [C] [L] épouse [J]

née le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 12]

[Adresse 11]

[Localité 9]

ayant pour avocat postulant Me Christine BURGERES, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Valérie CHAUVE, avocat au barreau de BORDEAUX

Monsieur [T] [J]

né le [Date naissance 6] 1957 à [Localité 12]

[Adresse 11]

[Localité 9]

ayant pour avocat postulant Me Christine BURGERES, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Valérie CHAUVE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 805 et 907 du Code Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 28 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Denys BAILLARD, Président, qui a présenté son rapport,

Madame Véronique PETEREAU, Conseillère,

qui ont entendu seuls les plaidoiries et ont rendu compte à la Cour, composée lors du délibéré de :

Monsieur Denys BAILLARD, Président

Madame Marie-Béatrice THIERCELIN, Conseillère

Madame Véronique PETEREAU, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Diane MADRANGE,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

***************

EXPOSÉ DU LITIGE

Dans des conditions de régularité, de forme et de délai non discutées, Mme [X] [M] épouse [V] et MM [G] [M], [F] [M], [U] [M] (les consorts [M]) ont par acte en date du 7 juillet 2023, saisi la cour d'appel de Poitiers suivant arrêt de la Cour de cassation rendu le11 mai 2023 ayant partiellement cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bordeaux le 28 janvier 2021, sur appel du jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 7 mars 2017.

Ce jugement a, notamment :

- dit que Mme [W] [R] veuve [M] est titulaire d`une créance d'un montant actualisé de 268.696,28 euros à l'encontre de M. [T] [J],

- débouté Mme [W] [R] veuve [M] du surplus de ses prétentions,

- autorisé Maître [A], notaire, à verser à Mme [I] [L] épouse [J] la moitié du prix de vente de l'immeuble situé [Adresse 22] à [Localité 16] qui appartenait en indivision à M. [J] [T] et à Mme [I] [L] épouse [J] et qui a fait l'objet d'une licitation par jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 13 mars 2014, soit la somme de 211.000 euros.

L'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 28 janvier 2021 a :

-confirmé le jugement déféré,

Y ajoutant

- dit que le notaire détenteur de la somme de 211.000 euros est tenu de verser à Mme [J], outre cette somme, les intérêts produits par celle-ci,

- rejeté les autres demandes de M. et Mme [J].

La Cour de cassation a cassé l'arrêt susvisé, mais seulement en ce qu'il rejette la demande des consorts [M] tendant à autoriser Mme [A], notaire au sein de la SCP Cazaillet Coutant et Seynhaeve, à leur verser la moitié du prix de vente de l'immeuble situé [Adresse 22] à [Localité 16], en ce qu'il autorise ce notaire à verser cette somme, soit 211.000 euros, outre les intérêts sur celle-ci, à Mme [J], en ce qu'il rejette les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il condamne in solidum Mme [X] [M], MM. [F], [G] et [U] [M] aux dépens d'appel.

Suivant conclusions, auxquelles il convient de se référer pour les moyens de droit et de fait en application de l'article 455 du code de procédure civile, les consorts [M] demandent à la présente cour de :

- confirmer le jugement du 7 mars 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a :

- dit que Mme [E] [R] veuve [M] est titulaire d'une créance d'un montant actualisé de 260.696,28 euros à l'encontre de M. [T] [J],

- réformer cette décision en ce qu'elle a :

- autorisé Maître [A], notaire, à verser à Mme [I] [L] épouse [J] la moitié du prix de vente de l'immeuble situé [Adresse 22] à [Localité 16] qui appartenait en indivision à M. [J] [T] et à Mme [I] [L] épouse [J] et qui a fait l'objet d'une licitation par jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 13 mars 2014, soit la somme de 211.000 euros.

Statuant à nouveau,

- juger que les consorts [J] [L] ont effectué un aveu judiciaire en indiquant : 'le jugement du 7 mars 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux a effectivement dit que Mme [W] [R] veuve [M] est titulaire d'une créance au montant actualisé de 268.696,28 euros à l'encontre de M. [T] [J], ce qui a été confirmé par la cour d'appel de Bordeaux dans son arrêt en date du 28 janvier 2021 et n'a pas été censuré par la Cour de cassation. Toutefois, les consorts [M] prétendent désormais obtenir la condamnation non pas de M. [T] [J] mais celle de Mme [I] [L]. Or, aucune créance à son égard n'a encore été consacrée par une décision judiciaire et force est de constater que toute demande de cette nature dont l'origine serait antérieure à juin 2015 ne peut qu'être déclarée irrecevable.',

- juger que les consorts [J] [L] ont effectué un aveu judiciaire en indiquant : ' Cette créance n'avait pas à être déclarée dans le passif figurant au dossier déposé à la Commission le 21 novembre 2014 puisqu'elle était couverte judiciairement par le produit de la vente de la maison séquestré par ordonnance du 23 juin 2014 chez le notaire.',

- dire que la somme de 211.000 euros détenue par Maître [A] aurait dû être versée à Mme [W] [R] veuve [M],

- constater que cette somme a été indûment versée à Mme [I] [C] [L] épouse [J] le 28 mai 2021,

- condamner Mme [I] [C] [L] épouse [J] à verser aux consorts [M] la somme de 220.252,29 euros correspondant aux 211.000 euros outre les intérêts,

- juger que cette somme portera intérêts depuis le jour où elle a été reçue par Mme [I] [C] [L] soit le 28 mai 2021,

- dire que ces sommes (211.000 euros) viendront en déduction de la créance à l'encontre de M. [J],

- dire que M. [J] est tenu d'une dette de 268.696,28 euros au principal plus intérêts sur laquelle Mme [I] [C] [L] est tenue solidairement pour un montant de 211.000 euros au principal plus intérêts,

- débouter M. [T] [J] et Mme Mme [I] [C] [L] de toutes demandes, fins et conclusions,

- les condamner à payer aux consorts [M] la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Suivant conclusions, auxquelles il convient de se référer pour les moyens de droit et de fait en application de l'article 455 du code de procédure civile, les consorts [J] demandent à la présente cour de :

- juger les consorts [M] irrecevables en leurs demandes,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a autorisé la SCP [19], Notaire à [Localité 23], à verser à Mme Mme [I] [C] [L] épouse [J] la moitié du prix de vente de l'immeuble situé [Adresse 22] à [Localité 16] qui appartenait en indivision à M. [T] [J] et à Mme [I] [C] [L] et qui a fait l'objet d'une licitation par jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 13 mars 2014.

- débouter les consorts [M] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.

A titre reconventionnel,

- les condamner in solidum à verser à Mme [I] [C] [L] et à M. [T] [J], chacun, une indemnité de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- les condamner in solidum aux entiers dépens de l'instance.

Vu les conclusions dee appelants en date du 15 février 2024 ;

Vu les conclusions des intimés en date du 13 février 2024 ;

L'ordonnance de clôture est en date du 21 février 2024.

SUR QUOI

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [W] [M] a perçu un capital de 316.900 euros provenant de la vente d`une maison et a souscrit, auprès d'un organisme représenté par M. [J], deux contrats qualifiés 'contrat de prêt en placement' pour la totalité de ce capital.

Par jugement du 23 mai 2008, confirmé par arrêt en date du 27 octobre 2009, le tribunal de grande instance de Bordeaux a condamné M. [J] à payer à Mme [M] la somme de 316.900 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2006, outre la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [J] a été parallèlement condamné par jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux le 18 février 2010 pour des faits d'escroquerie, faux et usage de faux, abus de confiance, exercice illégal de la profession de banquier, escroquerie aggravée, abus de biens sociaux et banqueroute, commis notamment au préjudice de Mme [M], à une peine d'emprisonnernent de cinq ans dont trois ans avec sursis.

Mme [M], qui avait inscrit une hypothèque judiciaire provisoire sur l'immeuble situé [Adresse 22] à [Localité 16], a, par acte du 1er juin 2010, assigné M. [J] et son épouse, Mme [L], devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, pour obtenir le partage de l'indivision existante entre les époux relative à cet immeuble.

Par jugement du 31 août 2010, confirmé par un arrêt irrévocable de la cour d'appel de Bordeaux du 31 mars 2011, le tribunal de grande instance de Bordeaux a ordonné le partage de l'indívision existante entre M. [J] et son épouse relative à l'immeuble, et ordonné la vente de ce bien immobilier sur la mise à prix de 200.000 euros.

Par jugement du 13 mars 2014, le tribunal de grande instance de Bordeaux a adjugé l'immeuble appartenant aux époux [J] au prix de 422.000 euros.

Le notaire chargé de la distribution du prix de vente ayant dressé un procès-verbal de difficultés le 11 février 2015, le tribunal de grande instance de Bordeaux, saisi par les consorts [M], a, par jugement du 13 octobre 2015, dit que la créance de Mme [M] arrivait en premier rang et absorbait la totalité de la somme à distribuer, ordonné au notaire de verser à Mme [M] la moitié des sommes détenues par elle y compris les intérêts à Mme [M] et de conserver l'autre moitié du prix de vente dans 1'attente de la décision du tribunal de grande instance de Bordeaux, saisi par assignation du 24 novembre 2014 délivrée par Mme [M] aux époux [J].

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement critiqué confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux.

Mme [W] [R] veuve [M] est décédée le [Date décès 4] 2017.

Ses ayants droits,les consorts [M], venant chacun aux droits de Mme [W] [R] veuve [M], ont repris l'instance par voie de conclusions déposées au greffe et notifiées le 26 février 2018.

Suivant arrêt de la Cour de cassation, l'arrêt du 28 janvier 2021 a été partiellement cassé en ce que :

'Selon l'article 1397, alinéa 3, devenu alinéa 6, du code civil ce texte, le changement de régime matrimonial homologué a effet entre les parties à dater du jugement et, à l'égard des tiers, trois mois après que mention en aura été portée en marge de l'un et de l'autre exemplaire de l'acte de mariage. Toutefois, en l'absence même de cette mention, le changement n'en est pas moins opposable aux tiers si, dans les actes passés avec eux, les époux ont déclaré avoir modifié leur régime matrimonial. Pour rejeter la demande des consorts [M] tendant à voir constater que l'intégralité des sommes issues de sa vente doit leur revenir et autoriser le notaire à leur verser le solde du prix d'adjudication, l'arrêt retient qu'[W] [M] a assigné M. et Mme [J] en partage de l'indivision existant entre eux et n'a jamais invoqué le caractère commun de l'immeuble au cours des procédures ayant abouti à sa vente. Il ajoute qu'elle a eu connaissance du caractère indivis de l'immeuble et, par conséquent, du régime matrimonial actuel de M. et Mme [J], dès l'inscription de son hypothèque judiciaire provisoire qui n'a été prise que sur la moitié indivise en pleine propriété de M. [J]. Il en déduit qu'en dépit de l'absence de mention du changement de régime matrimonial sur l'acte de mariage des époux, [W] [M] n'a pu se méprendre sur l'étendue de son droit sur l'immeuble hypothéqué en sorte que les consorts [M] sont mal fondés à arguer de son caractère commun à leur égard.

En se déterminant ainsi, alors qu'il était constant que la mention du jugement homologuant le changement de régime matrimonial de M. et Mme [J] n'avait été portée en marge de leur acte de mariage que le 30 septembre 2019, la cour d'appel, qui n'a pas constaté qu'antérieurement à cette date, M. et Mme [J] avaient déclaré avoir modifié leur régime matrimonial dans un acte passé avec [W] [M], n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé'.

Saisine de la cour d'appel de Poitiers sur renvoi de cassation

Suivant l'arrêt de la Cour de cassation précité, cassant partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, la cour, saisie sur renvoi, doit uniquement au fond se prononcer des chefs du jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux ayant :

- autorisé Maître [O] [A], notaire au sein de la SCP Cazaillet Coutant Seynhaeve à [Localité 23], à verser à Mme Mme [I] [C] [L] épouse [J] la moitié du prix de vente de l'immeuble situé [Adresse 22] à [Localité 16] qui appartenait en indivision à M. [T] [J] et à Mme [I] [C] [L] et qui a fait l'objet d'une licitation par jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 13 mars 2014 soit la somme de 211.000 euros.

La critique de ces chefs circonscrit l'examen au fond par la présente cour de l'opposabilité du changement de régime matrimonial des époux [J] lorsque Mme [M] sollicitait après licitation du bien immeuble des époux, gage de sa créance, le règlement de celle-ci et l'existence d'un acte passé entre M. et Mme [J] et Mme [M] déclarant avoir modifié leur régime matrimonial antérieurement à la mention de cette modification sur leur acte de mariage le 30 septembre 2019.

Il en résulte que la créance des consorts [M] contre M. [J], fixée à la somme de 268.696,28 euros, est désormais définitive et ne peut être contestée et suivant l'opposabilité du changement de régime matrimonial des époux [J]-[L] aux appelants il doit être statué sur le caractère indivis ou commun de l'immeuble, gage de la créance des consorts [M] et ses conséquences.

Sur les fins de non-recevoir soulevées par les intimés

les consorts [J] dans leurs conclusions soutiennent uniquement :

- l'irrecevabilité pour défaut de qualité à agir des consorts [M] (dette effacée à l'égard des deux époux [J] par ordonnance de rétablissement personnel en date du 16 juin 2015),

- les fins de non-recevoir tirées du comportement procédural des appelants :

' une fin de non-recevoir tirée du principe de l'estopel,

' une fin de non-recevoir résultant de l'autorité de la chose jugée (décisions judiciaires définitives qui ont toutes consacré le caractère indivis du bien vendu).

Préalablement il convient de rappeler s'agissant des prétentions des appelants qu'il résulte de la procédure que la seule prétention des appelants depuis l'origine est effectivement d'appréhender les 211.000 euros correspondant à la deuxième moitié du prix d'adjudication de l'immeuble sis [Adresse 22], gage de la créance établie.

Depuis l'arrêt de la cour d'appel du 28 janvier 202,1 la deuxième moitié du prix a été distribuée à Mme [L] et c'est donc, sans modification de leur prétention initiale, qu'ils lui en demandent restitution s'agissant d'un fait nouveau survenu depuis leur demande initiale au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

En outre la cour d'appel de Bordeaux a rejeté les fins de non-recevoir soulevées et cette partie du dispositif non réformé par la Cour de cassation est aujourd'hui définitive et revêt le caractère de l'autorité de la chose jugée.

Sur l'irrecevabilité pour défaut de qualité à agir des consorts [M]

Les intimés estiment que toutes créances à leur encontre sont éteintes depuis le 16 juin 2015, date d'un jugement accueillant leur demande de rétablissement personnel effaçant leur dette.

Cependant c'est bien le jugement du 7 mars 2017 qui établit la créance de Mme [M] contre M. [J] pour un montant de 268.696,28 euros incluant les intérêts.

Ce jugement est confirmé en appel et la consécration de cette créance n'a pas été cassée par la Cour de cassation.

La créance qui résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux est par conséquent postérieure à l'ordonnance de rétablissement et demeure donc exigible sans qu'il soit autrement nécessaire pour la cour de statuer sur sa nature pour son éventuelle exclusion d'un plan de surendettement de ce fait ou en raison de la mauvaise foi des débiteurs à l'origine de la demande de rétablissement.

Sur les fins de non-recevoir tirées du comportement procédural des consorts [M]

La Cour de cassation a défini le principe de l'estoppel comme le comportement procédural constitutif d'un changement de position de nature à induire son adversaire en erreur sur ses intentions (Cass. 1re civ., 3 févr. 2010, n° 08-21.288 et a défini la portée de ce principe d'interdiction de se contredire au détriment d'autrui (Cass. com., 20 sept. 2011, n° 10-22.888 ) au regard d'une obligation de loyauté processuelle.

En l'espèce les appelants n'ont cependant pas changé de position depuis l'introduction de leur demande tendant à obtenir paiement de leur créance en plaidant la double qualification juridique du bien situé au [Adresse 22] et l'inopposabilité à leur égard du changement de régime matrimonial entre les époux.

Sur l'autorité de la chose jugée, les intimés estiment qu'il a déjà été jugé que le régime matrimonial de la séparation de biens était opposable aux consorts [M] sans quoi ils n'auraient pas obtenu le partage de l'indivision et la vente de l'immeuble sur licitation.

Il convient néanmoins, sur ce point, de relever que c'est justement sur cette question que la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux estimant que la juridiction ne s'était pas prononcée sur l'opposabilité du changement de régime matrimonial avant son inscription en marge de l'acte de mariage des époux [J].

Il ne peut dès lors pas être opposé l'autorité de la chose jugée de ce chef.

Sur le fond

Aux termes de l'article 1397 ancien alinéa 3 devenu alinéa 6 du Code civil le changement de régime matrimonial 'a effet entre les parties à la date de l'acte ou du jugement qui le prévoit et, à l'égard des tiers, trois mois après que mention en a été portée en marge de l'acte de mariage. Toutefois, en l'absence même de cette mention, le changement n'en est pas moins opposable aux tiers si, dans les actes passés avec eux, les époux ont déclaré avoir modifié leur régime matrimonial.'

Les époux [J] se sont mariés sous le régime de la communauté en octobre 1977.

Ils ont opté pour un régime de séparation de biens aux termes d'un acte reçu par Maître [D], Notaire à [Localité 16], le 27 février 1986, homologué suivant jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 2 octobre 1986.

L'extrait d'acte de mariage produit par les époux [J] en pièce 26 porte bien mention du changement du régime matrimonial mais celle-ci n'a été apposée que le 30 septembre 2019, rendant le changement de régime matrimonial opposable aux tiers qu'à compter du 30 décembre 2019.

Ils se sont portés acquéreurs en 1996 d'une maison d'habitation [Adresse 22] à [Localité 16].

Les époux [J] considérent que Mme [M] a eu connaissance du contrat de mariage établi en février 1986 et de leur régime matrimonial séparatiste bien avant la présente procédure, notamment lors de la demande de partage de l'indivision entre les époux séparés de biens, soit lors du jugement du 30 août 2010.

Ils précisent qu'elle avait connaissance du changement de régime matrimonial à tout le moins au 28 juin 2010 puisqu'ils indiquaient alors dans leurs conclusions que M. [J] se trouvait en régime d'indivision avec son épouse.

Or la lecture des termes de l'article 1397 alinéa 6 du code civil susvisé ne prévoit, en exception à l'opposabilité au tiers du changement de régime matrimonial résultant de la mention sur l'acte de mariage, que la passation d'un acte dans lequel les époux ont fait mention de ce changement.

Cette exception, limitée, suppose la double exigence de la passation entre les époux et un tiers d'un acte juridique et la mention dans cet acte du changement de régime matrimonial.

En l'espèce les époux [J] échouent à rapporter la preuve de l'existence d'un tel acte, se bornant à opposer le fait que Mme [M] 'connaissait' l'existence du régime séparatiste et qu'ils avaient notamment publié le changement aux Echos Judiciaires Girondins le 25 mars 1986, enregistré au répertoire civil n°292/86 du 21 mars 1986 et que l'émargement du changement de régime avait été effectué en marge de l'acte de naissance des époux le 28 mars 1986.

Cependant ces actions et la présumée connaissance ne peuvent suffire à rendre opposable le changement de régime matrimonial soumis aux seules dispositions, établies pour garantir la sécurité juridique des actes entre les parties, de l'article 1397 du code civil.

Il convient en effet de rappeler que la notion d'acte tel que mentionnée dans cet article renvoit à la définition classique des actes juridiques-distincts des faits juridiques- tels qu'employée, avant l'application de l'ordonnance du 10 février 2016, dans les dispositions relatives à la validité des conventions rappelant notamment les conditions de validité des actes juridiques ou opérant notamment la distinction entre acte authentique ou sous seing privé et leur mode de preuve aux articles 1317 et suivants anciens.

Conformément à la définition expresse , dorénavant explicité à l'article 1100-1 du code civil, 'les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux'.

En aucun cas indiquer, y compris par écrit, être en régime d'indivision ne peut s'assimiler à une mention dans un 'acte entre les parties' d'avoir modifié son régime matrimonial.

Le fait d'établir des conclusions, qualifiées d'acte de procédure, dans le cadre d'une instance judiciaire ne saurait plus caractériser, comme le soutiennent pourtant les intimés, l'élaboration d'un acte 'passé' avec l'autre partie qui suppose un acte conventionnel.

De même une action en justice préalable des parties ne constitue pas un aveu ou une reconnaissance de la nature du régime matrimonial dont l'opposabilité aux tiers est limitée aux termes de l'article 1497 du code civil.

Si les époux [J] estiment aussi que le changement de régime matrimonial est désormais opposable aux tiers de façon générale depuis le 30 décembre 2019, trois mois après que la mention en a été portée sur leur acte de mariage, ils ne peuvent néanmoins pas soutenir la rétroactivité des effets de ce changement antérieurement aux mesures de publicité sauf à anéantir les conséquences de l'opposabilité aux tiers de cette modification et ses conséquences juridiques à leur égard.

Les intimés aux termes de leurs conclusions soulèvent d'autre part l'article 1415 du Code civil qui stipule que 'Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement express de l'autre conjoint, qui dans ce cas n'engage pas ses biens propres.'

En application de cet article ils soutiennent que Mme [L] épouse [J] ne saurait être tenue au titre de l'engagement de son époux.

Cependant d'une part l'acte du 24 octobre 2006 de M. [J] doit bien être analysé comme une reconnaissance de dette et une fourniture de garantie, en l'espèce l'immeuble [Adresse 22], et non un cautionnement ou un emprunt-actes juridiques définis- rendant nécessaire le consentement express de l'autre conjoint pour le contracter sur d'autres biens que ses biens propres ou revenus.

Mais surtout, d'autre part en droit et en l'espèce, c'est à tort que les intimés soutiennent que Mme [L] serait tenue au paiement de la somme réclamée par les appelants en application de la reconnaissance de dette de son époux voire au titre d'une créance que détiendrait celui-ci au titre du financement de l'immeuble vendu.

Si les appelants sollicitent de sa part le règlement de la somme de 220.252,29 euros correspondant à la moitié du prix de vente de l'immeuble situé [Adresse 22] à [Localité 16] soit 211.000 euros outre les intérêts, c'est en effet non pas en qualité de co-débitrice de la créance mise à la charge de son époux par jugement du 7 mars 2017 définitivement confirmé par l'arrêt du 28 janvier 2021mais uniquement comme attributaire, à tort, de cette somme alors que le gage des consorts [M] s'étendait sur la totalité du bien vendu faute d'opposabilité du changement de régime matrimonial.

C'est par conséquent à juste titre que l'article 1409 du Code civil a vocation à s'appliquer et que l'immeuble situé [Adresse 22] était lors de l'action de Mme [M] en licitation un gage pour les créanciers de l'un ou de l'autre des époux et que ceux-ci ont, dès le 24 novembre 2014, par exploit, sollicité l'attribution de l'intégralité des sommes provenant de sa vente comme ils étaient fondés à le faire.

Le changement du régime matrimonial des époux [J] n'était pas opposable à Mme [M], et aujourd'hui à ses ayants-droit, lorsqu'elle a sollicité paiement de sa créance et elle pouvait par conséquent prétendre à l'intégralité du produit de la vente de l'immeuble.

La décision déférée sera par conséquent réformée en ce sens et Mme [L] condamnée au paiement de la somme de 220.252,29 euros correspondant aux 211.000 euros outre les intérêts courus, en restitution de la somme versée par Maître [O] [A], notaire au sein de la SCP Cazaillet Coutant Seynhaeve à [Localité 23].

Cette somme portera intérêts depuis le jour où elle a été reçue par Mme [I] [C] [L] soit le 28 mai 2021 et la somme de 211.000 viendra en déduction de la créance à l'encontre de M. [J].

Sur les demandes accessoires

Les époux [J], succombant, seront condamnés aux dépens ainsi qu'à verser la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à Mme [X] [M] épouse [V] et à MM [G] [M], [F] [M], [U] [M].

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Rejette les fins de non-recevoir soulevées par les intimés,

Au fond,

Statuant dans les limites de l'appel,

Infirme la décision déférée en ce qu'elle a :

- débouté Mme [W] [R] veuve [M] du surplus de ses prétentions,

- autorisé Maître [O] [A], notaire au sein de la SCP Cazaillet Coutant Seynhaeve à [Localité 23], à verser à Mme [I] [C] [L] épouse [J] la moitié du prix de vente de l'immeuble situé [Adresse 22] à [Localité 16] qui appartenait en indivision à M. [T] [J] et à Mme [I] [C] [L] et qui a fait l'objet d'une licitation par jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 13 mars 2014 soit la somme de 211.000 euros,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

- condamne Mme [I] [C] [L] épouse [J] à verser aux consorts [M] la somme de 220.252,29 euros, en restitution des 211.000 euros outre les intérêts qui lui ont été versés consécutivement au jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 7 mars 2017 confirmé par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 28 janvier 2021,

- dit que la somme de 220.252,29 euros portera intérêts depuis le jour où elle a été reçue par Mme [I] [C] [L] soit le 28 mai 2021,

- dire que la somme de 211.000 euros viendra en déduction de la créance à l'encontre de M. [J] établie à la somme de 268.696,28 euros,

Confirme la décision déférée pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne M.[T] [J] et Mme [I] [C] [L] épouse [J] à payer à Mme [X] [M] épouse [V] et à MM [G] [M], [F] [M], [U] [M] la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Denys BAILLARD, Président, et par Diane MADRANGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

D. MADRANGE D. BAILLARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/01623
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;23.01623 ?
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