ARRÊT N°214
N° RG 22/02123
N° Portalis DBV5-V-B7G-GTWI
S.C.I. [F]
C/
SAS ETBB
Loi n° 77 - 1468 du 30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le 28 mai 2024 aux avocats
Copie gratuite délivrée
Le 28 mai 2024 aux avocats
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 28 MAI 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 novembre 2019 rendu par le Tribunal d'Instance de POITIERS
APPELANTE :
S.C.I. [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]
ayant pour avocat postulant Me Thierry ZORO de la SELARL THIERRY ZORO, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉE :
SAS ETBB
exerçant sous l'enseigne 'MAISON LAURE'
[Adresse 2]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant Me Hervé PIELBERG de la SCP KPL AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La sci [F] a, par contrat de construction d'une maison individuelle en date du 23 avril 2016, confié la construction d'une maison d'habitation à Mignaloux-Beauvoir (Vienne) à la société ETBB, exerçant sous l'enseigne 'Maison Laure'.
La déclaration d'ouverture du chantier est du 26 avril 2016.
La facture finale des travaux établie par la société ETBB est en date du 24 avril 2017, d'un montant toutes taxes comprises de 5.242,25 €. Cette facture est demeurée impayée.
Un procès-verbal de réception des travaux sans réserves a été établi.
Par courrier recommandé en date du 12 mars 2018, la sci [F] a rappelé à la sci ETBB les réserves qu'elle avait émises qui justifiaient selon elle son refus de paiement solde du marché.
Par acte du 21 juin 2018, la société ETBB a assigné la sci [F] devant le tribunal d'instance de Poitiers. Elle a demandé paiement principal des sommes de :
- 5.242,25 € avec intérêts de retard au taux contractuel ;
- 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Elle a soutenu que :
- la réception avait été prononcée sans réserves ;
- celles dénoncées postérieurement, apparentes, l'avaient été hors délai ;
- l'expertise graphologique réalisée, non contradictoire, était sans force probante ;
- l'attestation de la société BE Travaux ne pouvait être retenue car irrégulière en la forme et établie par l'oncle de la gérante de la défenderesse.
La sci [F] a conclu au rejet de ces demandes, le procès-verbal de réception ayant selon elle été antidaté et des réserves ayant été émises, oralement devant témoins, le constructeur ayant refusé qu'elles figurent au procès-verbal. Elle a demandé que soit ordonnée une mesure d'expertise.
Par jugement du 27 novembre 2019, le tribunal d'instance de Poitiers a statué en ces termes :
'CONDAMNE la SCI [F] à payer à la Société ETBB, exerçant sous l'enseigne " MAISON LAURE" , la somme de 5 242,25 € avec intérêts au taux de 1% mensuels à compter du 11 mai 2017 et jusqu'au paiement intégral ;
CONDAMNE la SCI [F] à payer à la Société ETBB, exerçant sous l'enseigne " MAISON LAURE" la somme de 600 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
CONDAMNE la SCI [F] à payer à la Société ETBB, exerçant sous l'enseigne "MAISON LAURE" la somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision
CONDAMNE la SCI [F] aux entiers dépens'.
Il a considéré que :
- la réception des travaux avait été prononcée sans réserves ;
- les désordres dénoncés postérieurement étaient apparents à la réception, à l'exception des fissures sur les murs extérieurs susceptibles de relever de la garantie décennale du constructeur.
Il a pour ces motifs fait droit à la demande en paiement de la société ETBB :
- du solde de sa facture ;
- de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par déclaration reçue au greffe le 5 février 2020, la sci [F] a interjeté appel de ce jugement.
Sur incident introduit par la société ETBB, le conseiller de la mise en état a par ordonnance du 23 juillet 2020 ordonné la radiation de l'affaire du rôle de la cour, l'appelante n'ayant pas exécuté la décision exécutoire qu'elle déférait à la cour.
Le conseil de la sci [F] ayant sollicité la réinscription de l'affaire au rôle en indiquant que le jugement déféré était désormais exécuté, le conseil de la société ETBB a objecté par courrier que l'instance d'appel était périmée.
Le conseiller de la mise en état a ordonné la réinscription de l'affaire au rôle de la cour pour que cette demande en constatation de la péremption d'instance puisse être examinée, par voie d'incident.
Par ordonnance du 21 février 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de la société ETBB de constat de la péremption d'instance.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 juillet 2022, la sci [F] a demandé de :
'VU les articles 383 et 526 du code de procédure civile
CONSTATER que la SCI [F] a réglé, dans le délai de deux ans à compter de la décision du 23 juillet 2020 la totalité des sommes à laquelle elle était condamnée par le jugement du 27 novembre 2019 puisqu'elle a payé la somme due,
ORDONNER la réinscription au rôle de l'affaire portant le n° de rôle 20/00345.
Au fond
DIRE ET JUGER la SCI [F] recevable et bien fondée en son appel, Y faire droit.
Dire et juger la SAS ETBB exerçant sous l'enseigne « MAISON LAURE » irrecevable et particulièrement mal fondée en ses demandes, fins et conclusions.
La débouter de la totalité de ses demandes,
Dire et juger qu'il n'y a pas eu réception des travaux dès lors que c'est en fraude des droits de la SCI [F] que le prétendu PV a été anti-daté.
Constater que la SCI [F] a émis des réserves,
Ordonner une mesure d'expertise confiée à tel expert et dans ces conditions dire et juger que la date de réception sera fixée judiciairement à la date de la réunion d'expertise.
À titre subsidiaire
Prononcer la réception des travaux
Dire et juger que les désordres énumérés ne sauraient être des désordres apparents.
Dire et juger qu'il s'agit de désordres visés par l'art. 1792 du code civil qui engage la responsabilité décennale de la SAS ETBB exerçant sous l'enseigne « MAISON LAURE ».
À titre infiniment subsidiaire dire et juger que la responsabilité de la SAS ETBB exerçant sous l'enseigne « MAISON LAURE » sera engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
En conséquence débouter la SAS ETBB exerçant sous l'enseigne « MAISON LAURE » de la totalité de ses demandes, fins et conclusions.
Condamner la SAS ETBB exerçant sous l'enseigne « MAISON LAURE » à la somme de 6 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
Condamner la SAS ETBB exerçant sous l'enseigne « MAISON LAURE » à la somme de 2 500 € en application de l'art. 700 du code de procédure civile,
Condamner la SAS ETBB exerçant sous l'enseigne « MAISON LAURE » aux entiers dépens d'instance et d'appel comprenant en outre les frais d'expertise engagés par la SCI [F]'.
Elle a soutenu que :
- le contrat litigieux avait, à l'initiative de l'intimée, fait suite à un premier contrat ;
- l'intimée, qui n'avait pas notifié par courrier recommandé avec réception la date à laquelle l'ouvrage devait être reçu ainsi que stipulé à l'article 2.7 des conditions générales du contrat de construction, ne pouvait dès lors pas demander paiement du solde des travaux ;
- le constructeur avait refusé que soient mentionnées des réserves au procès-verbal de réception puis avait postérieurement antidaté ce document, l'exemplaire en sa possession faisant apparaître la date du 10 mai 2017 ;
- plusieurs réserves avaient émises verbalement à la réception.
Elle a en conséquence demandé que soit ordonnée une expertise.
Subsidiairement, elle a exposé que :
- les désordres réservés n'étaient pas apparents ;
- le constructeur ne l'avait pas informée des conséquences de l'absence de réserves ;
- les désordres réservés étaient de nature décennale ;
- l'intimée avait subsidiairement engagé sa responsabilité contractuelle.
Elle a en outre sollicité l'indemnisation du préjudice subi en raison du comportement selon elle malhonnête du constructeur.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 septembre 2022, la société ETBB a demandé de :
'Recevoir la société ETBB MAISON LAURE en ses écritures,
La déclarer recevable et bien fondée,
Confirmer le jugement du 27 novembre 2019 en ce qu'il a :
- Condamné la SCI [F] à payer à la société ETBB exerçant sous l'enseigne MAISON LAURE, la somme de 5 242,25 € avec intérêt au taux légal de 1% mensuel à compter du 11 mai 2017 et jusqu'au paiement intégral
- Condamné la SCI [F] à payer à la société ETBB exerçant sous l'enseigne MAISON LAURE la somme de 600 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive
- Condamné la SCI [F] à payer à la société ETBB exerçant sous l'enseigne MAISON LAURE la somme de 800 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes
- Condamné la SCI [F] aux entiers dépens.
Y ajoutant :
Constater l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement et en conséquence dire mal fondée la SCI [F] en toutes ses demande, fins et conclusions en ce compris sa demande de dommages et intérêts et sa demande d'expertise judiciaire, et l'en débouter.
Condamner la SCI [F] au paiement d'une somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en paiement des frais irrépétibles exposés par-devant la Cour d'Appel.
Débouter en tout état de cause la SCI [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
La condamner aux entiers dépens'.
Elle a maintenu que :
- la réception avait été prononcée le 26 avril 2017, sans réserves ;
- la sci [F] n'avait pas donné suite à ses demandes en paiement de sa dernière facture ;
- le délai de la garantie de parfait achèvement n'avait pas été interrompu ;
- les désordres dénoncés postérieurement à la réception étaient apparents à la date de celle-ci.
Elle a soutenu que :
- l'expertise graphologique qu'avait fait réaliser unilatéralement la sci [F] était sans valeur probante ;
- la falsification alléguée avait en réalité été réalisée sur l'exemplaire en possession du maître de l'ouvrage ;
- les réserves relatives aux désordres apparents à la réception n'avaient pas été dénoncées dans le délai de 8 jours de celle-ci ;
- l'attestation établie irrégulièrement par le gérant de la société Be Travaux qui est l'oncle de la gérante de l'appelante, société dont le siège social est en Guyane, était sans valeur probante ;
- les conditions permettant d'engager sa responsabilité décennale n'étaient pas réunies.
Elle a conclu au rejet de la demande d'expertise, la juridiction disposant des éléments nécessaires pour statuer.
L'ordonnance de clôture est du 15 janvier 2024.
A l'audience à laquelle l'affaire était appelée, la cour a demandé aux conseils de chacune des parties d'adresser les originaux du procès-verbal de réception en leur possession.
La société ETBB a adressé ce document par courrier recommandé en date du 20 mars 2024, reçu au greffe le 22 mars suivant.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LA RÉCEPTION
L'article 1792-6 alinéa 1er du code civil dispose que :
'La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement'.
L'article 2.7 du contrat de construction, produit en copies difficilement lisibles par chacune des parties, stipule en son article '2.7 RÉCEPTION' que:
'La réception a pour objet de consacrer l'accord des parties sur la conformité de l'ouvrage au présent contrat.
[...]
Elle est sollicitée par la constructeur et, en tout état de cause par la partie la plus diligente, et prononcée contradictoirement.
[...]
Les modalités pour la réception sont définies comme suit :
Dès l'achèvement des travaux prévus au contrat et avant toute occupation, le constructeur proposera au maître de l'ouvrage la date de visite de réception par lettre recommandée avec avis de réception, le préavis étant au moins de huit jours'.
L'intimée a produit l'original en sa possession du procès-verbal de réception. Ce document comporte la date suivante : '26 avril 2017". La forme du '6" pourrait laisser penser qu'avait antérieurement été écrit le chiffre '1".
L'exemplaire produit par l'appelante, en copie, comporte la date suivante : '210/04/2017", il semblerait que figure sous le chiffre '4" celui '5".
L'étude réalisée non contradictoirement par [Y] [G], expert graphologue sollicité par [Z] [F] pour le compte de la sci [F], n'a porté que sur le procès-verbal en possession de cette dernière. Cet
expert a conclu que : 'La date rédigée sur le verso du procès-verbal de réception a d'abord été écrite sous la forme « 10/05/20 » puis corrigé sous la forme « 210/045/2017 », ce qui sous-entend une volonté d'anti-dater le support et en laissant uen confusion sur le jour constitué de 3 chiffres'. Ce rapport ne précise quel aurait été l'auteur de la correction, réalisée sur l'exemplaire en possession de l'appelante.
La date du 10 mai 2020 n'a pas de sens au regard des circonstances de temps du litige.
Le courrier recommandé en date du 15 mars 2018 adressé par la sci [F] à la société ETBB ne mentionne pas de date de réception. Dans ce courrier, la sci [F] a indiqué s'agissant des réserves décrites que :
'C'est pour ces raisons, ces réserves, qu'après la visite, j'ai refusé de signer la réception de la maison puisque le maître d'oeuvre refusait d'écrire mes réserves sur le document de réception.
Une autre cession de réception de la maison a été organisé par M [B] sans le maitre d'oeuvre et nous avons accepté de signer et de laisser M. [B] anti daté le document pour éviter que SAS ETBB MAISON LAURE ait à payer les frais de retard de livraison. Au cas où il y aurait là aussi un oubli sur le fait que justement nous avions déjà émis des réserves, et qu'il y avait déjà eu une tentative de réception, j'ai les preuves nécessaires car naturellement M [B] a daté le document avec la bonne date du jour avant de l'anti daté et j'ai gardé ce document.
De plus nous avons finalement accepté la réception de la maison avec des réserves par oral au vu de la relation de confiance qui régnait entre M [B] et nous. De plus il nous avait expliqué que de toute façon il était tenu de respecter ses engagements'.
L'attestation en date du 11 octobre 2018 établie par l'entreprise BE Travaux mentionne une réception reportée au 10 mai 2017. Cette attestation ne précise pas le nom de son signataire. Cette entreprise, individuelle, a son siège à [Localité 5] (Guyane). La fiche de renseignements produite par l'intimée, issue du site internet 'société.com', mentionne qu'[N] [F] exerce en qualité d'artisan sous l'enseigne 'BE Travaux'. Il n'est pas justifié des travaux qui auraient été confiés à cette entreprise. Le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de la sci [F] mentionne pour associés [H] et [Z] [F]. L'attestation ne fait pas mention du lien de famille entre l'entrepreneur et les associés de l'appelante. Elle est pour ces motifs sans valeur probante.
[S] [D], dont la carte nationale d'identité mentionne qu'elle réside également à [Localité 5], a dans une attestation en date du 12 octobre indiqué : ' en tant que témoin avoir été invitée à constater en mai 2017" les désodrdres. Cette attestation ne précise pas que ce constat a été effectué lors de la réception de l'ouvrage.
L'étude attentive des procès-verbaux de réception conduit à retenir la date du 26 avril 2017 figurant le procès-verbal versé en original aux débats. Cette date, à supposer qu'avait été antérieurement inscrit le 21 avril et non le 26 avril, est favorable aux intérêts de la sci [F].
L'intimée ne justifie pas avoir informé par courrier recommandé le maître de l'ouvrage d'une date de réception de l'ouvrage. Ce défaut de notification est sans incidence sur la régularité de la réception qui a été prononcée contradictoirement.
SUR LES DÉSORDRES
Maître [I] [R], huissier de justice associé à Poitiers, a sur la requête de la sci [F] représentée par [Z] [F] son gérant, dressé le 23 octobre 2018 le procès-verbal de constat suivant :
'La locataire en place nous donne accès aux lieux.
[...]
Sur le côté gauche du pavillon, je constate la présence de fissures verticales voire obliques pour certaines qui prennent vraisemblablement naissance en partie basse des murs de façade.
Au niveau de la baie vitrée donnant en façade je constate que le cache du volet roulant en partie haute est manquant.
A l'intérieur, dans le séjour, à gauche de la baie vitrée, il existe une pièce longue et plate en matière plastique de couleur blanche ; elle pourrait correspondre a un cache de coffre de store.
Au niveau de la béquille extérieure de la porte d`entrée, je constate que cette dernière n'est pas maintenue au carré et qu'elle se retire sans effort.
Dans les toilettes, je constate qu'il y a une fuite à la chasse d'eau.
Dans la cuisine, je constate que la porte d'accès au cellier doit être poussée en direction de ce dernier pour être ouverte ; Monsieur [F] m'indique que c'est l'inverse qui avait été demandée à savoir que l'on tire la porte pour sortir de la cuisine et aller dans le cellier.
Concernant un placard de cuisine, celui en angle, il y a un désordre affectant le circuit de la desserte de gaz qui semble empêcher le placement de l'étagère intérieure'.
SUR LA GARANTIE DE PARFAIT ACHÈVEMENT
L'article 1792-6 alinéa 2 du code civil dispose que : 'La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception'.
L'article L 231-8 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable à la date de la réception, dispose que :
'Le maître de l'ouvrage peut, par lettre recommandée avec accusé de réception dans les huit jours qui suivent la remise des clefs consécutive à la réception, dénoncer les vices apparents qu'il n'avait pas signalés lors de la réception afin qu'il y soit remédié dans le cadre de l'exécution du contrat.
La disposition prévue à l'alinéa précédent ne s'applique pas quand le maître de l'ouvrage se fait assister, lors de la réception, par un professionnel habilité en application de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 précitée ou des articles L. 111-23 et suivants ou par tout autre professionnel de la construction titulaire d'un contrat d'assurance couvrant les responsabilités pour ce type de mission'.
Par courrier recommandé en date du 15 mars 2018 posté le 18 mars suivant, la sci [F] a notamment indiqué à la société ETBB que :
'Pour rappel plusieurs réserves ont été émise en présence de 6 personnes dont M [B] et le Maitre d'oeuvre. Ces mêmes réserves ont été transmises à M. [B]. Je m'étonne de voir que vous n'avez connaissance d'AUCUNE
réserve à ce jour. Je préfère croire à un oubli plutôt qu'autre chose.
Par ce fait et par lettre avec accusé de réception je vous rappelle encore une fois les réserves émises le Jour de la réception de la maison individuelle que nous vous avons demandé de construire :
Reserve 1 : Des fenêtres oscillo-battantes étaient prévues dans la cuisine et les chambres.
Au final le jour de livraison, Aucune fenêtre oscillo-battantes.
[...]
Reserve 2 : L'ouverture des portes cuisine-cellier et garage-cellier était prévue dans un sens précis.
Au final, on se retrouve avec le pire sens d'ouverture de porte possible.
[...]
Reserve 3 : Aucune protection de la laine de verre qui est en vis-à-vis du garage. Il y a littéralement du carton avec des agrafes pour empêcher la laine de verre de tomber. J'ai demandé à mettre une vraie protection.
[...]
Reserve 4 : Le tuyau de gaz dans la cuisine dépassant de 1 mètre du mur vers la pièce et mal fermé. J'ai donc demandé à ce qu'il soit ramené à hauteur de mur et qu'il soit bien fermé, car il y avait un risque évident sur la sécurité des personnes occupant le logement.
[...]
Reserve 5 : l'eau des toilettes coulait sans cesse. Au début c'était un problème de mécanisme, puis un problème de WC, au final aucun WC n'a été changé et au final j'ai dû m'en occuper seul.
Reserve 6 : La protection du volet électrique du salon donnant sur cour tombait à chaque fois. Au final la protection est dans le garage et le volet sans protection. Il est évident que le volet électrique sera usé plus rapidement sans protection.
Reserve 7 : Le mur de l'extérieur à l'opposé du garage est fissuré je l'ai vu pour la première fois le jour de la réception, il se fissure de plus en plus, et les fissures s'étendent et elles deviennent de plus en plus DANGEREUSES'.
[S] [D] précitée a déclaré dans son attestation en date du 12 octobre 2018 que :
'Je soussignée [S] [D] en tant que témoin avoir été invitée à constater en mai 2017 :
- le dysfonctionnement des toilettes (écoulement permanent de l'eau
- le défaut de la poignée de la porte d'entrée (qui tombe)
- la fissure sur le mur extérieur
- le cache du volet électrique côté jardin qui tombe
- le plastique comme protection de la laine de verre dans le garage
- la porte du garage et la porte de la cuisine qui s'entrechoquent
- la longueur du tuyau de gaz'.
Il résulte des termes du courrier en date du 15 mars 2018, de l'attestation précitée et du procès-verbal de constat que l'ensemble des désordres décrits par la sci [F] étaient apparents à la date de la réception de l'ouvrage.
Ils n'ont pas été dénoncés par la sci [F] dans le délai de 8 jours courant à compter de la date de la réception, que celle-ci fût en avril ou en mai 2017.
La largeur des fissurations de l'enduit extérieur n'a pas été précisée au procès-verbal de constat. Elles sont d'une très faible largeur sur les photographies annexées à ce document. Aucun élément des débats n'établit
qu'elles évoluent, compromettent à ce jour la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination au sens de l'article 1792 du code civil. Il n'y a dès lors pas lieu d'ordonner une mesure d'expertise de ces fissurations.
La sci [F] n'est pour ces motifs pas fondée à refuser le paiement de la facture litigieuse.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé de ce chef.
SUR UNE RÉSISTANCE ABUSIVE
L'article 1231-6 du code civil dispose que :
'Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire'.
L'intimée ne justifie pas d'un préjudice subi indépendant du retard de paiement que viennent réparer les intérêts moratoires. Sa demande présentée sur le fondement de l'article 1231-6 précité n'est en conséquence pas fondée.
Le jugement sera pour ces motifs infirmé en ce qu'il a condamné la sci [F] au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive.
SUR LES DÉPENS
La charge des dépens d'appel incombe à l'appelante.
SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Le premier juge a équitablement apprécié l'indemnité due sur ce fondement par l'appelante.
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire droit aux demandes présentées de ce chef devant la cour.
PAR CES MOTIFS,
statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du 27 novembre 2019 du tribunal d'instance de Poitiers, sauf en ce qu'il :
'CONDAMNE la SCI [F] à payer à la Société ETBB, exerçant sous l'enseigne " MAISON LAURE" la somme de 600 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive' ;
et statuant à nouveau de ce chef d'infirmation,
DÉBOUTE la société ETBB de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la sci [F] ;
CONDAMNE la sci [F] aux dépens d'appel ;
REJETTE les demandes présentées devant la cour sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,