ARRÊT N°195
N° RG 23/01889
N° Portalis DBV5-V-B7H-G3QY
[U]
C/
CONSEIL DE L'ORDRE
DES AVOCATS DU BARREAU DE SAINTES
Loi n° 77 - 1468 du 30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le 14 mai 2024 aux avocats
Copie gratuite délivrée
Le 14 mai 2024 aux avocats
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 14 MAI 2024
Suivant recours formé par Madame [P] [U] à l'encontre d'une décision du 26 juin 2023 rendue par le Conseil de l'ordre des avocats du barreau de SAINTES
APPELANTE :
Madame [P] [U]
née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 3]
[Adresse 2]
représentée par Me Anne CADIOT-FEIDT de la SELARL CADIOT-FEIDT, avocat au barreau de BORDEAUX
EN PRÉSENCE :
CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE SAINTES
Palais de Justice
[Adresse 5]
représenté par Me François LEROY, avocat au barreau de SAINTES
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Février 2024, en Chambre du conseil, devant la Cour en sa formation solennelle composée conformément à l'ordonnance n° 24/24 de la Première présidente de la Cour d'Appel de Poitiers en date du 13 février 2024 de :
Madame Gwénola JOLY-COZ, Première Présidente
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
qui a présenté son rapport
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Nicolas DUCHATEL, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
MINISTÈRE PUBLIC
non comparant, ni représenté
Les réquisitions ayant été préalablement communiquées aux parties.
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Madame Gwénola JOLY-COZ, Première Présidente ou et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
EXPOSÉ :
Le conseil de l'Ordre du barreau de Saintes a été saisi par pli du 12 mai 2023, reçu le 17 mai 2023, d'une demande d'inscription à son tableau, émanant de madame [P] [U], laquelle sollicitait son admission à raison des activités exercées, en vertu de l'article 98-6° du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 et de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971, indiquant qu'elle exerçait depuis le 5 janvier 2010 en qualité de juriste salarié au cabinet d'avocat de maître [L] [N], avocate au barreau de Bordeaux.
Mme [U] a été entendue par le conseil de l'Ordre le 26 juin 2023.
Par décision du 4 juillet 2023, le conseil de l'Ordre du barreau de Saintes a rejeté la demande d'inscription de Mme [P] [U].
Pour en décider ainsi, le conseil de l'Ordre a retenu au visa de l'article 98, 6° du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 et de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 que Mme [U] remplissait la condition tenant à la titularité du diplôme et celle tenant à l'absence de condamnation sur le bulletin n°3 de son casier judiciaire mais pas celle tenant à un exercice professionnel en qualité de juriste salarié à temps plein durant huit années,
-les attestations communiquées justifiant, hormis celle émanant de son employeur, de fonctions de gestion des dossiers de postulation qui peuvent être effectués par une secrétaire qualifiée, mais pas de fonctions effectives de juriste qualifié pour des tâches d'analyse, de rédaction et de résolution de problèmes juridiques, et le coefficient figurant sur ses bulletins de salaire correspondant, de fait, à celui d'une secrétaire qualifiée en cabinet d'avocat
-et Mme [U] ne justifiant pas d'un exercice professionnel pendant une durée de huit années en exécution d'un emploi à plein temps, alors qu'elle a travaillé à temps partiel du 7 juin 2010 au 1er février 2019 au cabinet de maître [L] [N].
Cette décision a été notifiée à Mme [U] par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 5 juillet 2023, reçue le 8 juillet.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 juillet 2023 de son conseil adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel, Mme [P] [U] a déclaré former un recours contre cette décision devant la cour d'appel.
Le président de la première chambre civile de la cour d'appel de Poitiers à laquelle l'affaire a été attribuée a pris le 4 septembre 2023 une ordonnance, notifiée par le greffe au conseil constitué pour l'appelante, au procureur général près la cour d'appel de Poitiers, au conseil de l'Ordre du barreau de Saintes ainsi qu'au bâtonnier de ce barreau, fixant l'affaire à l'audience solennelle du jeudi 23 novembre 2023 à 11h30, contenant calendrier de la procédure, rappelant que la cour statuerait après avoir invité le bâtonnier à présenter ses observations, et énonçant qu'elle valait convocation.
L'affaire fixée au 23 novembre 2023 a fait l'objet d'un renvoi à la demande de Mme [U], en raison de son changement de conseil.
Un nouveau calendrier de procédure a été diffusé auprès de toutes les parties.
Mme [P] [U] a transmis le 23 janvier 2024 des conclusions aux termes desquelles elle demande à la cour
* de juger son appel recevable
* d'infirmer la décision du conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Saintes en date du 26 juin 2023
Et par voie de conséquence :
* de juger fondée sa demande d'admission à l'Ordre des avocats du barreau de Saintes
* d'enjoindre de procéder à son inscription au tableau de l'Ordre des avocats de Saintes sous condition de réussite à l'examen prévu à l'article 98-1 du décret du 27 novembre 1991
* de statuer ce que de droit sur les dépens.
Elle rappelle qu'il n'existe pas de contestation sur le fait qu'elle remplit les conditions de diplôme et d'absence de mention au casier judiciaire.
Elle soutient remplir également la condition tenant à huit années de pratique professionnelle en se prévalant de l'arrêt P n°22-14389 prononcé le 23 mars 2023 par la Cour de cassation, qui a jugé que pour le calcul de l'ancienneté requise afin de bénéficier de la dispense prévue à l'article 98 (4°) du décret du 27 novembre 1991, les périodes de temps partiel dans l'exercice des fonctions juridiques devaient être prises en compte au prorata temporis.
Elle indique produire l'intégralité des bulletins de salaire établis par son employeur maître [L] [N] pour la période allant du 7 juin 2010 jusqu'à ce jour, dont il ressort qu'elle a exercé à temps partiel du 7 juin 2010 au 31 janvier 2019 puis à temps complet à compter du 1er février 2019 jusqu'à la date de sa demande d'inscription au barreau de Saintes et au-delà jusqu'à ce jour.
Elle soutient qu'il en ressort la preuve d'un exercice de 10 ans et 7 jours, supérieur donc à la durée minimale requise de huit années, de sorte qu'elle remplit la condition légale et réglementaire.
S'agissant de la condition tenant à sa fonction de juriste, elle fait valoir au vu d'un arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 16 novembre 2015 que l'appréciation de la qualité de juriste dans un cabinet d'avocat doit s'effectuer indépendamment de toute considération de coefficient ou de qualification inscrite sur les bulletins de salaire ou sur son contrat de travail, et affirme rapporter la preuve au moyen d'attestations concordantes que ses fonctions ont été et sont réellement des fonctions de juriste au cabinet d'avocats qui l'emploie. En réponse aux objections formulées à ce titre par l'Ordre des avocats au barreau de Saintes, elle indique qu'il est courant aujourd'hui qu'un juriste, comme d'ailleurs l'avocat lui-même, accomplisse certaines tâches de secrétariat telles répondre au téléphone, ou scanner ou photocopier des documents, le
métier de secrétaire d'avocat ayant tendance à disparaître. Elle conteste qu'il faille prendre en considération comme un élément d'appréciation le nombre de deux postulations au moins dans une année auquel se réfère l'un des attestants.
Le conseil de l'Ordre du barreau de Saintes a transmis, en dernier lieu le 8 février 2024, un mémoire récapitulatif concluant au rejet des demandes de la requérante et à la confirmation de la décision déférée.
Faisant valoir que l'accès à la profession d'avocat par la voie de l'article 98 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 constitue une voie dérogatoire dont le régime est d'interprétation stricte, il estime que la requérante ne remplit pas la condition d'exercice de huit années qui s'entend d'un exercice à temps plein puisqu'il ressort des bulletins de salaire produits qu'elle a travaillé à temps partiel du7 juin 2010 au 31 janvier 2019, ne travaillant à temps plein que depuis le 1er février 2019, et il récuse la proratisation dont argue la requérante, en soutenant que l'arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation dont celle-ci se prévaut n'est pas applicable au cas d'espèce car il a été rendu dans un litige portant sur une demande de dispense prévue à l'article 98, 4° du décret, relatif aux fonctionnaires ou assimilés ayant exercé en cette qualité pendant huit ans au moins des activités juridiques dans une administration, un service public ou une organisation internationale, alors que la présente demande est fondée sur l'article 98, 6° du décret. Il se prévaut de l'arrêt du 5 février 2009 de la même chambre de la Cour de cassation qui dans une espèce identique a dit que ne remplissait pas la condition requise une juriste d'avocat qui justifiait d'une pratique sur une période excédant au total huit années mais pas d'une durée effective d'au moins huit ans en exécution d'un emploi à temps complet.
Pour le cas où la cour considérerait néanmoins que Mme [U] remplit la condition tenant à la durée effective de huit années d'exercice, l'Ordre des avocats au barreau de Saintes soutient qu'elle ne remplit en tout état de cause pas la condition tenant aux fonctions effectivement exercées. Il affirme à cet égard qu'un faisceau d'indices exclut que les fonctions effectivement exercées par Mme [U] dans le cabinet de Me [N] aient été à temps complet celles de juriste qualifié pour des tâches d'analyse, de rédaction et de résolution de problèmes juridiques, en ce que le coefficient 265, niveau III figurant sur ses bulletins de salaire est celui d'une secrétaire qualifiée; qu'elle a elle-même indiqué qu'il n'y avait pas de secrétaire au cabinet de Me [N] et qu'elle y effectuait des tâches de juriste mais également des tâches de secrétariat ; et que les tâches décrites dans les attestations produites, y compris celles de gestion de procédures de postulation, correspondent aux missions classiques d'une secrétaire qualifiée de cabinet d'avocat. Il indique qu'à la question posée à Mme [U] lorsqu'elle a été entendue par le conseil de l'Ordre, elle a répondu clairement que la répartition de ses tâches s'établissait à 40% de secrétariat et 60% de 'juriste pur'. Il observe qu'appliqué à la période de travail exercé par l'intéressée, pour partie à temps partiel, ce ratio de 40% implique qu'elle n'a donc exercé des fonctions de juriste que 6 ans et 4 jours, soit moins des huit années requises. Il discute la portée des attestations produites par Mme [U].
Le procureur général près la cour d'appel de Poitiers a transmis en date du 25 octobre 2023 un mémoire notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à toutes les autres parties à l'instance aux termes duquel il émet un avis favorable à la confirmation de la décision déférée.
Il considère que Mme [U] ne justifie pas d'une pratique professionnelle de juriste au sein d'un cabinet d'avocat d'une durée effective d'au moins huit ans au sens où l'entend la Cour de cassation
-d'une part, parce que ces huit années doivent être des années d'exercice d'un emploi à temps plein alors qu'il ressort des pièces qu'elle a communiquées que Mme [U] n'a travaillé à temps plein qu'à compter du 1er février 2019
-et d'autre part, parce qu'elle a elle-même indiqué lors de son audition par le conseil de l'Ordre ne pas seulement exercer au sein du cabinet de Me [N] des fonctions de juriste mais également des tâches de secrétariat qu'elle a estimées à 40% de son temps de travail.
À l'audience, tenue en chambre du conseil -ce à quoi les parties ont déclaré opiner- il a été constaté que l'affaire était en état d'être jugée ; pris acte que le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Saintes, avisé et averti qu'il pourrait être entendu en ses observations, n'était pas présent ès qualités ; après quoi il a été procédé à la lecture du rapport.
Le parquet général n'était pas représenté.
Le conseil de l'appelante a repris et soutenu les termes de ses conclusions écrites.
L'avocat du conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Saintes a fait de même.
Le conseil de Mme [P] [U] a eu la parole en dernier.
Madame [P] [U] a eu la parole en dernier, et déclaré n'avoir rien à ajouter à ce que son conseil avait dit pour elle.
À l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré à ce jour, par voie de mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le recours de Madame [P] [U], fait dans les formes et délais, est régulier et recevable.
Mme [U] a justifié à l'appui de sa demande d'inscription au tableau être titulaire d'une maîtrise en droit et sciences politiques mention droit pénal et carrières judiciaires qui lui a été délivrée par l'université de [4] au titre de l'année universitaire 2005-2006 et a produit un extrait du bulletin n°3 du casier judiciaire vierge de mention, et il n'existe pas de discussion de ce chef.
La discussion porte sur la nature et la durée de son activité professionnelle.
L'article 98 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat édicte en sa rédaction applicable en la cause, issue du décret du 15 avril 2013 :
Sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocats :
[.....]
6° Les juristes salariés d'un avocat, d'une association ou d'une société d'avocats, d'un office d'avoué ou d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, justifiant de huit ans au moins de pratiques professionnelles en cette qualité, postérieurement à l'obtention du titre de diplôme mentionné au 2° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971...'.
Il prévoit in fine que les personnes mentionnées au 6° peuvent avoir exercé leurs activités dans plusieurs des fonctions visées dans ces dispositions dès lors que la durée totale de ces activités est au moins égale à huit ans.
Il résulte du principe d'égalité entre le travail à temps plein et le travail à temps partiel légalement reconnu par l'article L.3123-5 du code du travail pour le traitement des salariés, comme de l'accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu le 6 juin 1997 mis en oeuvre par la directive 97/81 CE du Conseil du 15 décembre 1997, et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne relative aux discriminations indirectes développée à partir de l'article 119 du Traité de Rome, que les périodes de temps partiel sont prises en compte prorata temporis pour le calcul de l'ancienneté.
Ainsi, et contrairement à ce qu'a considéré l'Ordre des avocats au barreau de Saintes, les périodes de temps partiel dans l'exercice de la pratique professionnelle de juriste salarié de Mme [U] doivent être prises en compte prorata temporis pour apprécier le critère posé au 6° de l'article 98 du décret, qui correspond à l'existence d'un certain volume d'activité.
Les bulletins de salaire établis par son employeur maître [L] [N] produits par Mme [U] pour la période du 7 juin 2010 au 12 mai 2023 établissent qu'elle a travaillé dans ce cabinet d'avocat au barreau de Bordeaux dans le cadre de contrats à temps partiel du 7 juin 2010 au 31 janvier 2019, puis à temps complet à compter du mois de février 2019 jusqu'à la date de sa demande d'inscription auprès du barreau de Saintes, et jusqu'à ce jour encore ainsi qu'il ressort de sa production complémentaire devant la cour pour la période postérieure au 12 mai 2023.
Il en ressort qu'elle a travaillé
. à mi-temps, pour une durée mensuelle de 95,33 heures, du 7 juin 2010 au 28 février 2015
. pour une durée hebdomadaire de 28h17mn, soit 80% d'un temps complet, du 1er mars 2015 au 31 octobre 2016
. pour une durée hebdomadaire de 30 heures, soit 85% d'un temps complet, du 1er novembre 2016 au 31 juillet 2019
.à temps complet, pour une durée hebdomadaire de 35h, depuis le 1er août 2019.
La durée de travail effectif de Mme [U] dans le cabinet d'avocats de maître [N] est donc de
. 2 ans, 4 mois et 15 jours du 7 juin 2010 au 28 février 2015 (mi-temps)
. 1 an 3 mois et 10 jours du 1er mars 2015 au 31 octobre 2016 (temps partiel de 80%)
. 1 an et 11 mois du 1er novembre 2016 au 31 juillet 2019 (temps partiel de 85%)
. 4 ans, 2 mois et 12 jours du 1er août 2019 au 13 mai 2023 (temps complet)
soit plus que les huit années d'exercice requises par l'article 98,6° du décret.
Ce texte, dérogatoire, est d'interprétation stricte.
Le Conseil constitutionnel, comme la Cour de cassation, rappellent que les conditions d'accès à la profession d'avocat fixées par la loi du 31 décembre 1971 et le décret du 27 novembre 1991 poursuivent un but légitime permettant de garantir les compétences des personnes exerçant cette profession par un niveau de connaissance suffisant aussi bien du droit que de ses conditions de mise en oeuvre (CC décision n°2016-551 QPC du 6 juillet 2016 ; Cass. Civ. 1° 14.12.2016 P n°15-26635).
La condition d'exercice quotidien d'activités juridiques requise pour accéder à la profession d'avocat en bénéficiant de la dispense prévue à l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 doit ainsi être établie et constatée dans son effectivité, quantitative et qualitative.
Tous les bulletins de paie de Mme [U] désignent son emploi comme celui de 'juriste'.
Son employeur a établi en date du 12 mai 2023 une attestation selon laquelle 'les activités au cabinet de madame [U] sont les suivantes:
* recherches juridiques et procédurales
* veille jurisprudentielle
* rédaction des actes de procédure tels qu'assignation, requête, conclusions, etc
* rédaction de protocole transactionnel
* contacts et entretiens avec les clients pour suivi et gestion du dossier
* gestion complète du RPVA
* contacts et entretiens avec les confrères pour tous les dossiers'.
Le conseil de l'Ordre a pertinemment observé dans sa décision déférée, et dans son mémoire devant la cour, que les bulletins de paie de Mme [U] mentionnent depuis novembre 2016 un coefficient 265, niveau III resté inchangé qui, au vu de la classification issue de la convention collective nationale des avocats et de leur personnel du 20 février 1979 étendue par arrêté du 13 novembre 1979, correspond à celui d'une secrétaire qualifiée.
La force probante de l'attestation de l'employeur s'apprécie au regard de ce double constat que son auteur est l'avocat qui a saisi la cour du recours contre la décision du conseil de l'Ordre, et que ses énonciations ne sont pas en cohérence avec les bulletins de paie que ce même auteur de l'attestation a établis en sa qualité d'employeur, puisque le coefficient qu'il a appliqué à sa salariée ne correspond pas à celui qu'appelleraient les fonctions qu'il décrit dans son attestation.
Mme [U] produit aussi, et en tout et pour tout, à l'appui de sa demande, et au soutien de son recours, deux attestations d'avocats,
-l'une d'une avocate au barreau de la Guadeloupe attestant :
'Le cabinet [N] m'adresse régulièrement des demandes de postulations, au moins deux par an, ayant une clientèle régulière sur l'île.
Mon interlocuteur principal est madame [P] [U] qui m'adresse les demandes et actes et me fournit toutes les informations juridiques relatives au dossier.
..c'est avec elle que j'échange au téléphone sur la ligne directrice des dossiers, tout particulièrement quand elle souhaite qu'un dossier soit plaidé.
Ceci a pu se produire quand elle m'appelle mais également quand c'est moi qui l'appelle.
Je n'échange quasiment pas avec Me [L] [N] et jusqu'à ce jour, nos dossiers ont toujours été menés à bien.
Au regard de nos échanges, je peux confirmer que Mme [U] est à l'origine des actes qu'elle m'envoie puisqu'elle en a une parfaite maîtrise.
Enfin, suite à mon déplacement à [Localité 3] en décembre 2019, c'est également avec Madame [P] [U] que j'ai fait le point sur les dossiers en cours.
Dans ces conditions, je confirme qu'à mon sens, Madame [U] assure la gestion des dossiers judiciaires en toute autonomie depuis 2011. '
-l'autre d'une avocate au barreau de Marmande indiquant en date du 21 septembre 2022 correspondre régulièrement et depuis plusieurs années avec le cabinet de Maître [L] [N] avocat au barreau de Bordeaux et attestant :
'J'ai à ces occasions eu régulièrement à faire à sa juriste Madame [P] [U] et ce depuis 2011 jusqu'à ce jour.
Madame [P] [U] gère les procédures de postulant et me tient régulièrement informée de l'avancement de celles-ci, attirant si nécessaire mon attention sur les incidents de procédure, prenant soin de lire au préalable les conclusions qu'elle me transmet.
J'ai également eu l'occasion d'envoyer des clients à ce Cabinet. Madame [U] les a correctement orientés lors du premier contact téléphonique.'.
Ces attestations, circonstanciées, établissent la réalité de l'exercice par Mme [U] au cabinet de maître [N] d'une activité de juriste et d'une activité qui relève de celle de secrétaire qualifiée, dans des proportions respectives qu'elles n'éclairent pas.
Le Conseil de l'Ordre indique sans contestation que lors de son audition devant lui du 26 juin 2023 consécutive à sa convocation du 8 juin énonçant qu'il avait décidé par délibération du 7 juin de l'entendre avant de se prononcer sur sa demande d'inscription au barreau, Mme [U], à la question qui lui était posée : 'Pouvez-vous définir la ventilation entre le temps de secrétariat et de juriste', a répondu : 'la répartition est 40% secrétariat et 60% juriste pur'.
Dans ces conditions, et à tenir pour avérée cette répartition, qui ne repose que sur l'affirmation de la requérante, le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Saintes est fondé à faire valoir qu'appliqué à la période de travail de 10 ans et 7 jours avancée par Mme [U] elle-même, ce ratio de 60% implique qu'elle n'a donc effectivement exercé des fonctions de juriste que 6 ans et 4 jours, soit moins des huit années requises.
En tout état de cause, la preuve que madame [U] a exercé de façon effective pendant huit ans au moins des fonctions de juriste salarié d'un avocat ou d'un cabinet d'avocat n'est pas rapportée.
Madame [U] ne remplissait ainsi pas à la date de sa demande, ni ne remplit à ce jour, toutes les conditions requises pour son inscription au barreau de Saintes, et la décision déférée du conseil de l'Ordre qui a rejeté sa demande sera ainsi confirmée.
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le recours de Mme [P] [U] contre la décision du conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Saintes du 4 juillet 2023 qui a rejeté sa demande d'inscription à ce barreau
LE GREFFIER, LA PREMIÈRE PRÉSIDENTE,