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07/05/2024 | FRANCE | N°22/01878

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 07 mai 2024, 22/01878


ARRÊT N° 163



N° RG 22/01878



N° Portalis DBV5-V-B7G-GTCU





[N]



C/



[M]

[I] épouse [M]











Loi n° 77-1468 du30/12/1977

Copie revêtue de la formule exécutoire



Le à



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Copie gratuite délivrée



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS
r>1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 07 MAI 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 mai 2022 rendu par le Tribunal Judiciaire de POITIERS





APPELANTE :



Madame [J] [N]

née le 06 Janvier 1971 à [Localité 5] (16)

[Adresse 2]

[Localité 10]



ayant pour avocat postulant Me Philippe BROTTIER de...

ARRÊT N° 163

N° RG 22/01878

N° Portalis DBV5-V-B7G-GTCU

[N]

C/

[M]

[I] épouse [M]

Loi n° 77-1468 du30/12/1977

Copie revêtue de la formule exécutoire

Le à

Le à

Le à

Copie gratuite délivrée

Le à

Le à

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 07 MAI 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 mai 2022 rendu par le Tribunal Judiciaire de POITIERS

APPELANTE :

Madame [J] [N]

née le 06 Janvier 1971 à [Localité 5] (16)

[Adresse 2]

[Localité 10]

ayant pour avocat postulant Me Philippe BROTTIER de la SCP PHILIPPE BROTTIER - THIERRY ZORO, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉS :

Monsieur [D] [M]

né le 29 juillet 1963 à [Localité 9] (ALGÉRIE)

[Adresse 1]

[Localité 10]

Madame [L] [I] épouse [M]

née le 17 novembre 1971 à [Localité 7] (79)

[Adresse 1]

[Localité 10]

ayant pour tous deux pour avocat postulant Me Ludivine SCHAUSS, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte du 10 juin 2009, [J] [N] a acquis la propriété d'une maison d'habitation située [Adresse 2] à [Localité 10] (Vienne), cadastrée section AZ n° [Cadastre 4].

Les termes d'une convention de servitudes établie par acte authentique du 14 janvier 1978 régulièrement publié y ont été rappelés.

Par acte du 1er juillet 2006, les époux [D] [M] et [L] [I] ont acquis la maison d'habitation située sur le fonds contigu au précédent, situé [Adresse 1] à [Localité 10] et cadastré section AZ n° [Cadastre 3].

Les maisons d'habitation sont jumelées. Elles ont été édifiées en 1963 par [Z] et [E] [Y], père et fils.

Un litige sur l'évacuation des eaux usées et pluviales ainsi que sur la présence d'un arbre a opposé [J] [N] aux époux [D] [M] et [L] [I].

Un expert a été missionné par l'assureur de [J] [N]. Le rapport d'expertise est en date du 26 juillet 2017.

[J] [N] a assigné les époux [D] [M] et [L] [I] devant le tribunal d'instance de Poitiers.

Par jugement du 18 septembre 2019, ce tribunal a ordonné une expertise confiée à [C] [G]. Le rapport d'expertise est en date du 16 mars 2020.

[J] [N] a postérieurement demandé de condamner les époux [D] [M] et [L] [I] à :

- faire procéder sous astreinte à l'enlèvement des racines du laurier dépassant sur sa propriété ;

- supprimer sous astreinte le réseau actuel d'évacuation des eaux usées de leur immeuble en ce qu'il est raccordé au nord à son réseau d'évacuation des eaux usées ;

- faire réaliser sous astreinte les travaux de descentes d'eaux pluviales de leur toit permettant d'éviter que les eaux des toits ne stagnent sur leur fond devant le mur sud de l'ensemble immobilier ;

- supprimer sous astreinte les murets construits en 2018 et toute construction faisant obstacle à l'écoulement naturel des eaux pluviales.

Elle a en outre demandé de :

- constater l'extinction de la servitude conventionnelle prévue par acte notarié du 14 janvier 1978 prévoyant le passage du réseau d'évacuation des eaux usées par le sud de sa propriété, du fait du non usage trentenaire,

- condamner les défendeurs au paiement de la somme de 1200 € à titre de dommages et intérêts.

Les époux [D] [M] et [L] [I] ont conclu au rejet des ces demandes aux motifs que :

- la servitude d'évacuation des eaux usées avait été acquise par un usage trentenaire ;

- si la servitude conventionnelle était éteinte, leur fonds se trouvait enclavé et bénéficiait d'une servitude légale d'écoulement des eaux usées par le nord sur le fonds voisin, à défaut par le sud.

Par jugement du 6 mai 2022, le tribunal judiciaire (anciennement tribunal d'instance) de Poitiers a statué en ces termes :

'CONSTATE l'extinction de la servitude conventionnelle résultant d'un acte de convention de servitude reçu par Maître [A] [H] notaire à [Localité 6] le 14 janvier 1978 publié au bureau des hypothèques de Poitiers le 06 février 1978 prévoyant le passage du réseau d'évacuation des eaux usées par le Sud de la propriété de Madame [N] du fait du non usage trentenaire,

CONSTATE l'existence d'une servitude légale du réseau d'évacuation des eaux usées de l'immeuble appartenant aux Epoux [M] en ce qu'il peut être raccordé au réseau d'évacuation des eaux usées de l'immeuble appartenant à Madame [N] par le Nord,

DIT que Madame [J] [N] et les Epoux [M] devront procéder à l'installation de tampons hydrauliques sur leur propre regard d'eaux usées situé au Nord, chacun gardant la charge de ses propres frais liés à l'installation,

CONDAMNE les Epoux [M] à remboîter les tuyaux PVC de leur installation permettant l'évacuation de leurs eaux pluviales situés à proximité du portail séparatif et à supprimer la poussée de leur portail sur l'installation des tuyaux de Madame [N],

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

DIT n'y avoir lieu à. application de l'article 700 du Code de procédure civile,

DIT que les dépens en ce compris les honoraires de l'expert judiciaire seront partagés par moitié'.

Il a considéré que :

- la preuve d'un lien de causalité entre la présence de racines d'un laurier abattu et de fissures sur le bien de la demanderesse n'était pas rapportée ;

- la servitude conventionnelle d'écoulement des eaux usées par le sud était éteinte, en raison d'un non-usage trentenaire ;

- du fait de cette extinction, les défendeurs étaient fondés à se prévaloir d'une servitude légale de passage sur le fonds voisin, au nord ;

- l'expert judiciaire n'avait pas relevé de non conformité de l'écoulement des eaux pluviales du fonds des défendeurs, seuls les tuyaux pvc devant être réemboîtés ;

- les odeurs justifiaient la pose par chacune des parties de tampons hydrauliques sur les regards des réseaux d'évacuation des eaux usées ;

- les infiltrations en pied de mur de la demanderesse n'étaient pas imputables à ses voisins.

Par déclaration reçue au greffe le 21 juillet 2022, [J] [N] a interjeté appel limité de ce jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 octobre 2022, [J] [N] a demandé de :

'Vu les articles 670 à 673 du Code civil

Vu les articles 680 et suivants du Code civil

Vu les articles 651, 1240 et 1242 du Code civil

Vu l'article 706 du Code civil

Infirmer le jugement dont appel en son dispositif

CONDAMNER les consorts [M] à aménager leur système d'évacuation des eaux usées pour le rendre conforme à la servitude conventionnelle du 14 janvier 1978, le tout sous astreinte de 50 € par jour calendaire de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et l'établissement d'un procès-verbal de constat d'huissier constatant la réalisation des travaux.

En conséquence ORDONNER la suppression du réseau actuel d'évacuation des eaux usées de l'immeuble des consorts [M] en ce qu'il est raccordé au réseau d'évacuation des eaux usées de l'immeuble de la concluante par le Nord et dire qu'il incombera à la partie adverse de faire constater par l'établissement d'un procès-verbal de constat d'huissier (à leur charge) la réalisation des travaux nécessaires à la suppression du raccordement par le Nord.

CONDAMNER les consorts [M] à réaliser les travaux de descentes d'eaux pluviales de leur toit dans le respect des règles de l'art, le tout sous la même astreinte.

CONDAMNER les consorts [M] à entreprendre les travaux afin de désactiver définitivement les racines de leur laurier sous la même astreinte.

CONDAMNER les consorts [M] à supprimer les murets construits en 2018 et toute construction faisant obstacle à l'écoulement naturel des eaux, le tout sous la même astreinte.

CONDAMNER les consorts [M] à verser à la concluante la somme de 1 200 € à titre de dommages intérêts en réparation des troubles anormaux de voisinage.

Les CONDAMNER à verser à la concluante la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les CONDAMNER aux entiers dépens dont compris les frais d'expertise amiable du cabinet PRUNAY et judiciaire ainsi que les frais des constats d'huissier dont l'assistance est requise pour attester de la réalisation des travaux mise à la charge des consorts [M] s'agissant de l'évacuation des eaux usées du fond de ces derniers'.

Elle a soutenu que :

- les expertises avaient établi que l'évacuation des eaux usées du fonds voisin n'était pas conforme à la convention de servitude ;

- le branchement sud demeurant possible, l'enclavement du fonds des intimés n'était pas établi ;

- le délai trentenaire de prescription acquisitive n'avait pu courir qu'à compter du jour où elle avait eu connaissance de l'évacuation sur son fonds ;

- la servitude alléguée, non apparente, ne pouvait être établie que par titre ;

- les fonds ne provenant pas de la division d'une même parcelle, les intimés n'étaient pas fondés à se prévaloir d'une servitude du père de famille.

Elle a maintenu le défaut de conformité de l'évacuation des eaux pluviales, la conduite se déversant sur le fonds voisin et les eaux retenues par les murets édifiés par les intimés étant à l'origine d'infiltrations.

Elle a ajouté être fondée à solliciter la destruction de la souche de l'arbre située sur le fonds voisin à une distance illégale, dont une racine débordait sur son fonds.

Elle a soutenu que les nuisances olfactives résultant du réseau d'évacuation des eaux usées, la présence de la racine précitée, les infiltrations d'eaux pluviales, les fissurations de son bien et l'affaissement d'un muet constituaient un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 octobre 2022, les époux [D] [M] et [L] [I] ont demandé de :

'Vu les articles 673, 690 et suivants du Code civil,

Vu les articles 902 et suivants du Code de procédure civile,

Déclarer irrecevable la demande de Madame [N] à « la condamnation des consorts [M] à aménager leur système d'évacuation des eaux usées pour le rendre conforme à la servitude conventionnelle du 14 janvier 1978, le tout sous astreinte de 50 € par jour calendaire de retards passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir' »,

Confirmer purement et simplement le jugement du Tribunal Judiciaire de Poitiers du 6 mai 2022,

Débouter Madame [N] de l'ensemble de ses demandes,

La condamner à verser à Monsieur et Madame [M] la somme de 4000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

La condamner aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise amiable et judiciaire'.

Ils ont soutenu que :

- l'appelante était irrecevable à solliciter que le réseau d'évacuation des eaux usées empruntât la servitude conventionnelle, le jugement étant irrévocable en ce qu'il a déclaré cette servitude éteinte ;

- leur fonds était enclavé, l'évacuation ne pouvant être réalisée que par le nord ;

- l'expert judiciaire avait considéré conforme l'évacuation des eaux pluviales et que celle-ci n'était à l'origine d'aucun dommage sur le fonds voisin ;

- l'arbre ayant été abattu pour prévenir toute difficulté, la présence d'une racine provenant de la souche morte n'était à l'origine d'aucun dommage ;

- le trouble anormal de voisinage allégué n'était pas établi.

L'ordonnance de clôture est du 14 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA SERVITUDE CONVENTIONNELLE

[J] [N] avait demandé au premier juge de :

'- constater l'extinction de la servitude conventionnelle prévue par acte notarié du 14 janvier 1978 prévoyant le passage du réseau d'évacuation des eaux usées par le Sud de la propriété de Madame [N] du fait du non usage trentenaire'.

L'appel, principal ou incident, ne porte pas sur les chefs suivants du dispositif du jugement :

'CONSTATE l'extinction de la servitude conventionnelle résultant d'un acte de convention de servitude reçu par Maître [A] [H] notaire à [Localité 6] le 14 janvier 1978 publié au bureau des hypothèques de Poitiers le 06 février 1978 prévoyant le passage du réseau d'évacuation des eaux usées par le Sud de la propriété de Madame [N] du fait du non usage trentenaire,

DIT que Madame [J] [N] et les Epoux [M] devront procéder à l'installation de tampons hydrauliques sur leur propre regard d'eaux usées situé au Nord, chacun gardant la charge de ses propres frais liés à l'installation'.

Est dès lors irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée la demande de [J] [N], de :

'CONDAMNER les consorts [M] à aménager leur système d'évacuation des eaux usées pour le rendre conforme à la servitude conventionnelle du 14 janvier 1978, le tout sous astreinte de 50 € par jour calendaire de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et l'établissement d'un procès-verbal de constat d'huissier constatant la réalisation des travaux'.

SUR L'ÉVACUATION DES EAUX PLUVIALES

L'article 681 du code civil dispose que : 'Tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique ; il ne peut les faire verser sur le fonds de son voisin'.

Aux termes de l'article 640 du même code :

'Les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué.

Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement.

Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur'.

Maître [W] [T], huissier de justice à [Localité 8] a constaté le 10 mai 2019 sur la requête de l'appelante que :

'Je constate que le terrain situé à l'avant de la parcelle de Mme [N] se poursuit sur la parcelle voisine, sise [Adresse 1] : ce terrain est en légère pente descendante depuis la parcelle de Mme [N] vers la parcelle voisine.

Par ailleurs, je constate que les descentes d'eaux pluviales de la maison sise [Adresse 1] sont refoulées sur le terrain situé devant cette maison'.

Cet huissier de justice a constaté le 22 novembre 2021 que :

'Je note également que les tubes PVC qui conduisent les eaux pluviales en provenance du toit du [Adresse 1] sont déboîtés à proximité du portail séparatif avec la propriété de la requérante (photo 13), si bien que l'eau stagne à cet endroit et que de la mousse est visible sur le chapeau du muret, en limite de propriété (photo 14)'.

[F] [S], de la société Prunay Protection Juridique commise par l'assureur de protection juridique de l'appelante, a dans son rapport en date du 26 juillet 2017 indiqué que :

'2. Le réseau d'eau pluviale

Nous examinons l'installation d'eaux pluviales réalisée par les époux [M] :

' Les descentes d'eaux pluviales ont été prolongées et posées à même le sol, en Nord et en Sud de la parcelle (photo ci-contre).

' L'installation en Nord de la propriété est non-conforme, mais Madame [N] ne conteste pas cette installation qui ne lui occasionne aucun dommage

' L'installation en Sud de la propriété est non-conforme. Madame [N] souhaite que cette dernière soit réalisée dans les règles de l'art, afin d'évacuer les eaux pluviales dans le jardin.

A ce jour, les eaux pluviales sont redirigées de telle façon que l'eau s'infiltre en pieds de mur dans le sous-sol de Madame [N].

Madame [N] ne déclare à ce jour aucun dommage, mais les murs sont humides selon sa déclaration. Ce que nous n'avons pas pu constater par temps le jour de l'expertise, par temps sec.

Monsieur et Madame [M] confirment que des infiltrations se produisent dans le sous-sol de leur habitation, par temps de pluie.

Monsieur [M] relate qu'un mur va être érigé entre les deux propriétés et que les eaux pluviales seront redirigées lors des travaux'.

Cet expert n'a toutefois pas précisé en quoi l'installation serait non conforme.

L'expert judiciaire a en pages 8 et 9 de son rapport que :

'4.2 Description et causes des désordres

Les Eaux de pluie :

- Les eaux de pluie de Mme [N] et des consorts [M] sont séparées des eaux usées et s'évacuent dans leurs terrains respectifs

Les installations sont conformes au DTU 40.5, à l'article 681 du Code Civil et à l'article L421-6 Code de l'urbanisme.

[...]

J'ai pu constater que le regard des EU situé au Sud (cf. photos 5 et 6) n'est pas étanche et rempli d'eau.

[...]

De même le pourtour de la maison de Mme [N] n'est pas drainé, ce qui favorise des éventuelles entrées d'eau dans les parties enterrées.

Déficience du système électrique de l'immeuble de Mme [N] : sans objet;

les EP des consorts [M] s'évacuent au Sud dans leur terrain, à l'opposé de la direction du câble électrique vers le garage de Mme [N]. Il est

impossible de connaître les raisons pour lesquelles le câble enterré d'alimentation électrique de l'immeuble de Mme [N] a été endommagé (vétusté, eau de pluie , travaux ,...)

Lors de la réunion d'expertise du 26 novembre 2019, j'ai noté que l'installation électrique « provisoire » de la maison de Madame [N] alimentée par un câble à même le sol depuis son garage, n'était absolument pas aux normes et présentait un danger potentiel'.

Il a conclu en page 10 de son rapport que : 'Le système d'évacuation des eaux de pluie de Monsieur et Madame [M] est conforme aux règles de l'art, au DTU, aux dispositions légales et aux dispositions en matière d'urbanisme'.

Il résulte de ces développements que :

- l'évacuation des eaux pluviales du fonds des intimés est conforme ;

- la preuve d'une aggravation de la servitude d'écoulement des eaux pluviales n'est pas rapportée ;

- les infiltrations dans les sous-sols des deux bâtiments n'ont pas pour cause l'installation d'évacuation des eaux pluviales des intimés.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées de ce chef par l'appelante.

SUR L'ÉVACUATION DES EAUX USÉES

L'article 691 du code civil dispose que :

'Les servitudes continues non apparentes, et les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titres.

La possession même immémoriale ne suffit pas pour les établir, sans cependant qu'on puisse attaquer aujourd'hui les servitudes de cette nature déjà acquises par la possession, dans les pays où elles pouvaient s'acquérir de cette manière'

La servitude de passage des canalisations d'évacuation des eaux usées, continue et non apparente, ne peut être acquise par l'effet d'une prescription trentenaire.

L'article 682 du code civil dispose que : 'Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner'.

L'article 683 précise que :

'Le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique.

Néanmoins, il doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé'.

L'article 684 rappelle que :

'Si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes.

Toutefois, dans le cas où un passage suffisant ne pourrait être établi sur les fonds divisés, l'article 682 serait applicable'.

Aucun des titres produits aux débats ne permet de retenir que les dispositions de l'article 684 précité peuvent trouver application.

[Z] [Y] a dans une attestation en date du 6 septembre 2018 déclaré que :

'la construction des 2 maisons jumelées...de 1963 construite par [Z] et [E] [Y] avec la société de maçonnerie 'LA FRATERNELLE'

[...]

Ces constructions sont identiques depuis 1963 et n'ont subi aucune transformation aussi bien concernant les bâtiments que les évacuations d'eaux de pluie et d'eaux usées, le réseau a toujours été suivant le schéma ci-joint. Il n'y a eu aucune modification ni travaux sur l'installation des eaux usées et des eaux de pluie ces 2 maisons sont construites sur le même plan...donc les eaux usées partent du même côté soit au Nord'.

Les experts, amiable ou judiciaire, n'ont relevé aucune non-conformité de cette installation.

L'expert amiable s'est limité à constater que : 'le réseau d'eau usées est relié en Nord et ne respecte pas la convention de servitude'.

L'expert judiciaire a indiqué en page 8 de son rapport que :

'Les eaux usées de Mme [N] et des consorts [M] sont séparées des eaux de pluie et s'évacuent dans le réseau communal

L'évacuation des eaux usées des consorts [M] n'est pas conforme à l'acte notarié du 14 janvier 1978 dressé par Maître [H], notaire à [Localité 6] (cf extrait de l'acte notarié page 14)'.

Il a établi en page 4 de son rapport de son rapport un schéma de l'installation actuelle d'évacuation des aux pluviales et usées :

En page 9, il a établi un le schéma de la modification du réseau d'évacuation des eaux usées en tenant compte de l'acte du 14 janvier 1978 :

Le réseau d'évacuation des eaux usées emprunte dans cette hypothèse le fonds de l'appelante, au sud et non plus au nord.

L'entreprise générale du bâtiment Etablissements Bosseboeuf s.a.r.l. de Couhé-Vérac a dans un courrier en date du 20 janvier 2021 indiqué à [L] [M] que :

'Suite à mon passage, à votre demande, à votre domicile : [Adresse 1] [Localité 10], pour faire un devis pour dévoyer les eaux usées de votre pavillon, j'ai constaté que la pente pour raccorder les vidanges ne sont pas bonnes. En effet, pour ce genre de vidange, une pente de 1,50 % est requise, et cela est impossible. Il m'est donc impossible d'entreprendre ce travail et par conséquent de faire un devis'.

Les rapports d'expertise ne permettent pas de considérer erronée cette affirmation d'un professionnel du bâtiment. L'appelante ne rapporte pas la preuve contraire.

Il s'ensuit, ainsi que retenu par le premier juge, que le fonds des intimés est, s'agissant de l'évacuation des eaux usées, enclavé au sens de l'article 682 précité.

L'installation existante, qui est celle d'origine, emprunte le trajet le plus court et le moins dommageable.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé de ce chef.

[J] [N], qui a interjeté appel du jugement en ce qu'il : 'DIT que Madame [J] [N] et les Epoux [M] devront procéder à l'installation de tampons hydrauliques sur leur propre regard d'eaux usées situé au Nord, chacun gardant la charge de ses propres frais liés à l'installation', n'a formé aucune prétention de ce chef dans ces dernières écritures. Les intimés ont conclu à la confirmation du jugement ce point. Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.

SUR LES RACINES DU LAURIER,

L'article 673 du code civil dispose que :

'Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent.

Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative.

Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible'.

[Z] [Y] précité a indiqué dans son attestation que : 'Concernant le laurier, il a été planté par ma mère après la construction des maisons en 1965".

Dans son rapport en date du 26 juillet 2017, [F] [S] précitée a indiqué en page 4 que : 'Monsieur [M] nous précise que l'arbre est trentenaire, néanmoins, il s'engage à supprimer cet arbre afin de ne pas occasionner de dommages sur la propriété de Madame [N]'.

Dans une attestation en date du 8 septembre 2018, [R] [V], collègue d'[D] [M], a déclaré que :

'Fin septembre 2017 je suis allé chez mon collègue de travail [D] [M] pour couper entièrement un arbre qui genait sa voisine Nous avons ensuite mis un produit sur la souche pour la détruire.

Le 20 juillet 2018 je suis retourné chez [D] [M] pour tronçonner le racine qui part de l'arbre chez la voisine Nous avons ensuite mis un produit destructeur de souche'.

Maître [W] [T] avait fait le 10 mai 2019 le constat suivant:

'A l'arrière de la parcelle, je constate que des racines, provenant visiblement d'un arbre situé sur la parcelle voisine...planté juste derrière le portillon en métal, prospèrent à la surface du sol.

Depuis la parcelle de Mme [N], je peux voir que l'arbre en question est coupé et qu'une souche est visible'.

Il a indiqué au procès verbal de constat du 22 novembre 2021 que :

'A l'arrière de la maison, depuis la fenêtre de la salle de bain, je constate l'existence d'une souche d'arbre positionnée sur le terrain de la maison sise [Adresse 1] à [Localité 10], en limite de la propriété de la requérante et du muret de clôture commun (photos 1et 2).

Mme [N] me signale que la pousse de l'arbre et l'expansion de ses racines (constatée le 14/05/ 2019), dont la souche est toujours existante, a provoqué la fissure du muret de clôture qui se trouve à l'arrière de sa propriété et son affaissement.

Je constate l'existence d'une fissure sur le muret de clôture situé sur la propriété de la requérante, à l'arrière de la maison (photos 3 à 5), ainsi qu'une fissure sur la continuité de ce muret, située sur la parcelle voisine du [Adresse 1] (photo 6)'.

[J] [N] ne demande pas qu'il soit procédé à la réfection du muret.

L'arbre a été abattu, les racines ont été tronçonnées et du destructeur de souche a été appliqué à deux reprises.

Il n'est pas établi que les racines sont demeurées vivantes et progressent ou croissent depuis l'intervention de juillet 2018.

L'appelante dispose par ailleurs droit de couper ces racines.

Les photographies annexées au procès-verbal de constat du 22 novembre 2021 produit en copie aux débats ne permettent pas d'imputer à l'arbuste abattu les fissures sur le muret et son inclinaison, son affaissement selon l'huissier de justice. Les racines litigieuses, qui étaient visibles sur les photographies annexées au premier procès-verbal de constat, ne sont plus apparentes sur les photographies annexées au second procès-verbal de constat.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formée de ce chef.

SUR LES MURETS

Les rapports précités n'établissent pas que ces murets ont aggravé la servitude d'écoulement des eaux pluviales et sont à l'origine des infiltrations dénoncées par l'appelante.

Cette dernière n'est donc pas fondée à demander leur enlèvement ainsi que celui de constructions non précisées qui seraient à l'origine de ces infiltrations.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

SUR UN TROUBLE ANORMAL DE VOISINAGE

L'article 544 du code civil sur lequel la demanderesse fonde ses prétentions dispose que 'la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements'. Le propriétaire d'un fonds ne peut toutefois imposer à celui d'un fonds voisin des troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage. Il appartient à celui qui s'en prévaut de démontrer le trouble subi.

Il résulte des développements précédents que la preuve du trouble allégué excédant les inconvénients normaux du voisinage n'est pas rapportée.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de l'appelante présentée de ce chef.

SUR LES DÉPENS

Chacune des parties ayant été condamnée, le premier juge a justement partagé entre elles les dépens incluant les fais d'expertise. Le jugement sera confirmé sur ce point.

La charge des dépens d'appel incombe à l'appelante.

SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Le premier juge a équitablement apprécié n'y avoir lieu de faire application des ces dispositions.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire droit aux demandes présentées de ce chef devant la cour.

PAR CES MOTIFS,

statuant dans les limites de l'appel interjeté, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

DECLARE irrecevable la demande [J] [N] de : 'CONDAMNER les consorts [M] à aménager leur système d'évacuation des eaux usées pour le rendre conforme à la servitude conventionnelle du 14 janvier 1978, le tout sous astreinte de 50 € par jour calendaire de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et l'établissement d'un procès-verbal de constat d'huissier constatant la réalisation des travaux' ;

CONFIRME le jugement du 6 mai 2022 du tribunal judiciaire de Poitiers ;

CONDAMNE [J] [N] aux dépens d'appel ;

REJETTE les demandes présentées devant la cour sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/01878
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;22.01878 ?
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