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02/05/2024 | FRANCE | N°22/00868

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 02 mai 2024, 22/00868


MHD/PR































ARRET N° 208



N° RG 22/00868



N° Portalis DBV5-V-B7G-GQKT













[W]



C/



SARL ATLANTIQUE APPLICATIONS (en LJ)

[F] [S]

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 6]





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APP

EL DE POITIERS



Chambre sociale



ARRÊT DU 02 MAI 2024





Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 mars 2022 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHELLE





APPELANT :



Monsieur [Z] [W]

Né le 1er janvier 1971 à [Localité 10] (MAROC)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Ayant pour avocat Me Jean-Michel BALLOTE...

MHD/PR

ARRET N° 208

N° RG 22/00868

N° Portalis DBV5-V-B7G-GQKT

[W]

C/

SARL ATLANTIQUE APPLICATIONS (en LJ)

[F] [S]

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 6]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre sociale

ARRÊT DU 02 MAI 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 mars 2022 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHELLE

APPELANT :

Monsieur [Z] [W]

Né le 1er janvier 1971 à [Localité 10] (MAROC)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant pour avocat Me Jean-Michel BALLOTEAU de la SCP BALLOTEAU LAPEGUE CHEKROUN, avocat au barreau de LA ROCHELLE- ROCHEFORT

INTIMÉS :

SARL ATLANTIQUE APPLICATIONS

[Adresse 5]

[Localité 4]

(Société placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de La Rochelle du 19 octobre 2021)

Représentée par :

La SCP [F] [S] en qualité de mandataire liquidateur

de la SARL ATLANTIQUE APPLICATIONS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Ayant pour avocat Me Caroline BROCHET, avocat au barreau de LA ROCHELLE- ROCHEFORT

ASSOCIATION UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 6]

Les bureaux du Parc

[Adresse 7]

[Localité 6]

Ayant pour avocat Me Renaud BOUYSSI de la SELARL ARZEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 17 janvier 2024, en audience publique, devant :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport

Monsieur Nicolas DUCHÂTEL, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère

Monsieur Nicolas DUCHÂTEL, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile que l'arrêt serait rendu le 21 mars 2024. A cette date, le délibéré a été prorogé au 2 mai 2024.

- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 octobre 2018, soumis à la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment, M. [Z] [W] a été engagé par la SARL Atlantique Applications en qualité d'enduiseur «Classification 'Enduiseur' niveau IV coefficient 250 » moyennant un salaire brut de 2 199,21 € par mois.

Le 18 février 2020, il a été victime d'un accident du travail qui lui a occasionné un traumatisme au pied et à la cheville gauche et il a été placé en arrêt maladie jusqu'au 3 mai 2020.

Par courrier du 2 avril 2020, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 14 avril 2020 en vue d'un licenciement pour faute lourde avec notification d'une mise à pied conservatoire, entretien auquel il ne s'est pas présenté puisque la lettre de convocation ne lui a été remise que le 17 avril 2020.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 22 avril 2020, il a été licencié pour faute lourde caractérisée par :

- la réalisation de travaux chez les voisins de M. et Mme [R] avec suspicion de travail dissimulé ;

- la réalisation d'un ouvrage pour M. et Mme [R] avec manquement grave au standard de finition ;

- un détournement de clientèle par opportunisme.

Par jugements des 30 septembre 2020 et 19 octobre 2021, le tribunal de commerce de La Rochelle a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Atlantique Applications puis a prononcé sa liquidation judiciaire et a désigné la SCP [F] [S] en qualité de mandataire liquidateur.

Par requête déposée le 21 décembre 2020, M. [W] a saisi le conseil des prud'hommes de La Rochelle pour voir prononcer la nullité de son licenciement et obtenir des indemnités subséquentes.

Par jugement rendu le 23 mars 2022, le conseil de prud'hommes de La Rochelle a :

- dit et jugé que le licenciement pour faute lourde du 22 avril 2020 à l'encontre de M. [W] [Z] est requalifié en licenciement pour faute réelle et sérieuse ;

- fixé la créance de M. [W] [Z] envers la procédure collective de la SARL Atlantique Applications aux sommes suivantes :

¿ indemnité de préavis : 2.200 € bruts ;

¿ indemnité de licenciement : 825 € ;

¿ indemnité de congés payés : 220 € bruts ;

¿ article 700 du code de procédure civile : 1.200 € nets ;

- déclaré le jugement opposable à Maître [S], ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Atlantique Applications et au CGEA de [Localité 6] qui garantira les sommes dues dans la limite de sa garantie légale ;

- dit que les dépens et frais d'exécution passeront en frais privilégiés de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société défenderesse ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

M. [W] a interjeté appel de cette décision par déclaration électronique en date du 1er avril 2022.

Dans ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 28 juin 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, M. [W] demande à la cour :

¿ de réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande tendant à obtenir le prononcé de la nullité de son licenciement ;

Et statuant à nouveau :

- de prononcer la nullité du licenciement pour être intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article L.1226-8 du code du travail ;

En conséquence :

- de fixer sa créance à l'égard de la SARL Atlantique Applications représentée par Me [S], à la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

¿ de réformer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [W] de ses demandes tendant à obtenir les sommes suivantes :

- 3.637,26 € de dommages et intérêts pour non-respect des obligations de l'employeur en matière d'accident du travail ;

- 13.200 € de dommages et intérêts pour réalisation d'un travail dissimulé ;

- 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau :

- de fixer sa créance à l'égard de la SARL Atlantique Applications représentée par Me [S] de la manière suivante :

** 3.637,26 € de dommages et intérêts pour non-respect des obligations de l'employeur en matière d'accident du travail ;

** 13.200 € de dommages et intérêts pour réalisation d'un travail dissimulé ;

** 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

¿ de confirmer pour le surplus les dispositions du jugement déféré concernant le préavis, les congés payés et l'indemnité de licenciement ainsi que l'article 700 du code de procédure civile ;

¿ de juger que cette décision sera opposable au CGEA de [Localité 6] ès qualités.

Dans ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 11 septembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SARL Atlantique Applications demande à la cour :

- de réformer le jugement en ce qu'il a :

- requalifié le licenciement pour faute lourde en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- alloué à M. [W] les sommes de :

** 825 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

** 2.200 € au titre de l'indemnité de préavis ;

** 220 € au titre des congés afférents ;

** 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

- de débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes ;

Subsidiairement :

- de confirmer le jugement entrepris ;

- de ramener l'indemnité de licenciement à une somme inférieure à 4.000 € ;

- de statuer ce que de droit sur les demandes des AGS ;

- de condamner M. [W] à verser la somme de 2.500 € à la concluante au visa de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 8 septembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 6], ci-après désigné le CGEA, demande à la cour de :

¿ de réformer le jugement en ce qu'il a :

- requalifié le licenciement pour faute lourde en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- alloué à M. [W] les sommes de :

** 825 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

** 2.200 € au titre de l'indemnité de préavis ;

** 220 € au titre des congés afférents ;

** 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

- de débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes ;

¿ Subsidiairement :

- de confirmer le jugement entrepris ;

- de dire et juger que la décision à intervenir ne sera opposable au CGEA que dans les limites légales et sous réserve d'un recours pouvant être introduit ;

- de dire et juger que le CGEA ne pourra consentir d'avances au mandataire liquidateur que dans la mesure où la demande entre bien dans le cadre des dispositions des articles L3253-6 et suivants du code du travail ;

- de dire et juger que l'AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances « de la salariée » confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants et D.3253-5 du code du travail ;

- de dire et juger que les sommes qui pourraient être fixées au titre des dommages et intérêts procéduraux ou ne découlant pas directement de l'exécution du contrat de travail, telles qu'astreintes, dépens, ainsi que sommes dues au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sont exclues de la garanties AGS, de sorte que « les décisions » à intervenir sur de telles demandes ne pourront être déclarées opposables au CGEA de [Localité 6], qui devra être mis hors de cause.

SUR QUOI

I ' SUR LE LICENCIEMENT

La lettre de licenciement notifiée le 22 avril 2020 est libellée comme suit :

« Objet : Notification d'un licenciement pour faute lourde

[...]

Monsieur,

Vous n'avez pas répondu à la convocation qui vous a été adressée le 2 avril 2020 pour un entretien le 14 Avril 2020.

Nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute lourde compte tenu des éléments suivants :

- Réalisation de travaux chez les voisins de Monsieur et Madame [R] ([Localité 9] 17) avec suspicion de travail dissimulé.

Réalisation de l'ouvrage de Monsieur et Madame [R] avec manquement grave au standard de finition. (Litige en cours)

Détournement de clientèle par opportunisme (A évaluer)

La gravité exceptionnelle des faits qui vous sont reprochés rend impossible votre maintien dans l'entreprise y compris pendant la durée de votre préavis.

Votre licenciement intervient donc à première présentation de cette lettre, sans préavis, ni indemnité de licenciement, ni indemnité compensatrice de congés payés.

Votre solde de tout compte et vos documents sociaux sont tenus à votre disposition.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de nos sentiments distingués. »

M. [W] demande à la cour de prononcer la nullité du licenciement.

Au soutien de ses prétentions, il invoque les dispositions des articles L.1226-7 à L1226-9 et L1226-13 du code du travail et il fait valoir :

- que le contrat de travail d'un salarié victime d'un accident du travail est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ;

- qu'au cours de cette période de suspension, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ;

- que toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions est nulle ;

- que la faute grave est celle dont la gravité est telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;

- qu'en l'espèce, le licenciement est intervenu alors que M. [W] était en arrêt maladie suite à l'accident du travail du 18 février 2020 et que les faits invoqués par l'employeur ne revêtent pas une gravité justifiant la cessation immédiate du contrat de travail ;

- que l'employeur ne peut pas se contenter d'invoquer une simple « suspicion» de travail dissimulé pour rompre le contrat de travail ;

- que le prétendu manquement aux standards de finition ne lui est pas imputable puisqu'il était en arrêt de maladie depuis le mois de février et que les désordres ont été signalés par mail du 8 avril, soit deux mois plus tard.

La SARL Atlantique Applications et le CGEA demandent à la cour de réformer le jugement déféré en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute lourde en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes.

Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir :

- que les «manquements graves de standard de finition sur le chantier [R] » sont établis par les mails adressés par le client qui démontrent la réalité des faits reprochés au salarié ;

- que ce chantier a dû être intégralement repris alors que M. [W] a 20 ans d'expérience et est chef d'équipe ;

- que M. [W] accuse l'employeur de travail dissimulé alors que c'est lui qui a proposé ses services aux voisins des époux [R] ;

- que l'attestation de Mme [D] démontre que M. [E], gérant de la SARL Atlantique Applications, a toujours interdit l'utilisation des machines à enduire en dehors des heures de travail pour éviter de telles déviances ;

- qu'il résulte de l'article L.1121-1 du code du travail que l'abus ou le non-respect d'une restriction « justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché » peut constituer une faute grave ;

- que la gravité de la faute et l'impossibilité de maintenir M. [W] dans l'entreprise justifient son licenciement.

Sur ce, l'article L.1132-1 du code du travail, dans sa version en vigueur au moment du licenciement, prévoit notamment qu'aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de son état de santé.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L.1226-7, L.1226-9 et L.1226-13 du code du travail dans sa version applicable au litige :

- que le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie ;

- qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ;

- que toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions de l'article L.1226-9 est nulle.

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement.

Il appartient au juge d'apprécier la nature de la faute invoquée par l'employeur. La gravité de la faute s'apprécie en tenant compte du contexte des faits, de l'ancienneté du salarié, des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié, de l'existence ou de l'absence de précédents disciplinaires.

La faute lourde, dont le degré de gravité est le plus important, implique la volonté du salarié de porter préjudice à l'employeur dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise (Soc., 22 octobre 2015, pourvoi n° 14-11.801).

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, l'employeur est non seulement tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de notification, sous peine de voir reconnu un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais il lui incombe alors également, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile, de rapporter la preuve :

- de la réalité de la faute grave, qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié personnellement entraînant une violation des obligations découlant du contrat ;

- de la teneur de la faute, qui doit être telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.

En l'espèce, au soutien des fautes invoquées dans la lettre de licenciement, la société Atlantique Applications verse aux débats :

¿ un courrier électronique de M. [L] [X], maître d''uvre, en date du 8 avril 2020 à 17 heures 55 selon lequel « si les enduits sont en effet désormais terminés, il reste encore des sujets à régler :

- « reprise complète du mur à droite de la porte d'entrée,

- problème de spectre parpaing sur le mur à gauche de la porte d'entrée,

- quelques petites reprises diverses ».

¿ un courrier électronique en réponse de la société Atlantique Applications le 8 avril 2020 à 18 heures 09 prévoyant « une équipe demain matin pour terminer le chantier » ;

¿ un courrier électronique en réponse de M. [X] le 8 avril 2020 à 18 heures 29 selon lequel l'entreprise devait « prendre en compte les éléments suivants » pour le chantier :

- « reprise complète du mur à droite de la porte d'entrée,

- problème de spectre parpaing sur le mur à gauche de la porte d'entrée (je pense que la solution passe par la peinture de la façade),

- quelques petites reprises diverses,

- arrête relevé d'acrotère local technique inclinée ...

- Travaux en plus : enduire mur de clôture voisin au nord (voir avec M. [U]) 4 à 5 m² ».

¿ un courrier électronique de M. [X] en date du 10 avril 2020 qui indique : « suite à votre visite de ce jour, j'ai fait le point avec M. [R].

- concernant la façade à gauche de la porte d'entrée, il ne faut pas mettre un hydrofuge mais peindre, sinon le spectre restera, c'est certain.

- concernant le mur à droite de la porte d'entrée, c'est-à-dire au fond lorsqu'on arrive, une peinture n'enlèvera pas l'effet de vague de l'enduit .. mais bon au pire cela rattrapera les chocs ...

- Je pense qu'il faut également repeindre la façade de la grande baie vitrée (à facturer à l'électricien, j'y veillerais, mais il n'y aura pas de soucis)

- Il y a donc les quelques mètres carrés à faire côté voisin à l'Est et éventuellement chez les Pedron (voisin Sud) si vous tombez d'accord avec eux

- Par contre, gros sujet sur les 2 murs de clôture d'entrée (voit photo jointe), il y a clairement une différence de teinte et d'application, la dernière partie (la plus récente) est elle parfaite. Il faut donc impérativement reprendre cela à la peinture. »

¿ une attestation établie le 10 mai 2021 par Mme [B] [D] selon laquelle « depuis que Monsieur [O] [E] est le gérant de l'entreprise ATLANTIQUE APPLICATIONS, il a toujours interdit à ses salariés, l'utilisation des machines à enduire en dehors des heures de travail » ;

¿ une attestation de M. [A] [M] en date du 28 mai 2021 selon laquelle « Monsieur [W] avait démissionné en 2019 de manière cavalière en déposant sa démission sans préavis avec effet immédiat. En qualité de responsable d'exploitation, je m'étais opposé à ce que Monsieur [E] le réembauche dans nos effectifs car lors de son départ de l'entreprise, il avait fallu trouver des solutions pour assurer le carnet de commandes sachant qu'il était chef d'equipe et c'est l'ensemble des equipes qui avait pâti de cette situation. Malgré tout, et au vu des besoins de l'entreprise Monsieur [E] a repris Monsieur [W] dans les effectifs. Concernant le chantier sur Fourras Réf. [R], Monsieur [W] avait la responsabilité de ce chantier en qualité de chef d'equipe. Je me suis rendu sur le chantier le jeudi 6 février 2020 pour lui montrer ce qu'il y avait à faire. Monsieur [W] indique le lundi 10 février 2020 à la débauche que le chantier est terminé. Naturellement, je me rend sur le chantier le mardi 11 février 2020 pour constater les travaux et obtenir la réception et le reglement du client. Le chantier et tout simplement catastrophique. En 20 ans de métier, je n'ai jamais vu ça ! Le chantier est à reprendre dans sa quasi-totalité, ce qui veut dire que non seulement il va falloir le reprendre mais en plus ce chantier va nous coûter de l'argent ! (perte d'exploitation, achat de matière première, mobilisation de personnel). En regardant de plus près, je vois que les murettes de la voisine sont faites. Naturellement, je me demande qui a pu de manière synchronisé réaliser l'ouvrage ! La voisine étant dans son jardin, elle m'explique que Monsieur [W] a realisé les travaux ! J'ai immédiatement informé Monsieur [J] pour prendre les mesures nécessaires. Par ailleurs, je me suis entretenu avec M. [W] le mardi 11 février 2020 et ce dernier ma confirmé avoir realisé les travaux pour son compte ! Le comportement de M. [W] a été déloyal et opportuniste alors que l'entreprise avait besoin de la mobilisation de tous en cette période covid ! Nous sommes aujourd'hui au mois de mai 2021 et malgré le SAV réalisé le reglement du client ne nous est toujours pas parvenu car le dossier est en contentieux ».

Il résulte de ce qui précède que les griefs liés à la réalisation de travaux chez les voisins de M. et Mme [R] avec suspicion de travail dissimulé et au détournement de clientèle par opportunisme ne sont établis que par l'attestation de M. [M]. Or, il ressort de cette attestation que ce dernier n'a pas personnellement constaté que M. [W] avait réalisé des travaux « chez les voisins de M. et Mme [R] » et qu'il ne fait que relater des propos qui auraient été tenus par la « voisine » qui aurait bénéficié desdits travaux, voisine dont l'identité n'est pas précisée, ou les propos qui auraient été tenus par le salarié mais que celui-ci conteste. Aucune des autres pièces versées aux débats ne vient étayer l'attestation établie par M. [M] alors que M. [W] travaillait avec d'autres salariés sur ce chantier, lesquels auraient également pu attester des faits de travail dissimulé ou de détournement de clientèle qui lui sont reprochés par l'employeur.

En outre, l'attestation établie par M. [M] doit être examinée avec prudence puisqu'il fait état d'une démission de M. [W] qui serait intervenue en 2019 suivie d'une nouvelle embauche alors que le seul contrat de travail versé aux débats est daté du 15 octobre 2018 pour une embauche le jour même et que le certificat de travail établi par la société Atlantique Applications le 30 avril 2020 indique que M. [W] a fait partie du personnel du 25 octobre 2018 au 22 avril 2020.

Cette attestation est en conséquence insuffisante pour rapporter la preuve des faits liés à la réalisation de travaux chez les voisins de M. et Mme [R] avec suspicion de travail dissimulé et de détournement de clientèle reprochés à M. [W].

S'agissant du chantier [R], si M. [W] prétend que, contrairement à ce que soutient l'employeur, il n'avait pas la qualité de chef d'équipe, la cour observe que la classification d'enduiseur niveau 4 coefficient 250 correspond notamment à celle d'un chef d'équipe.

Il apparaît toutefois :

- que M. [W] aurait terminé ce chantier le 10 février 2020 selon l'attestation de M. [M], dont il a déjà été indiqué qu'elle doit être examinée avec prudence ;

- que M. [M] aurait vérifié le chantier dès le lendemain et qu'il aurait constaté qu'il était « tout simplement catastrophique » et à « à reprendre dans sa quasi-totalité ».

Or, aucune des pièces versées aux débats ne permet d'établir que ce chantier aurait fait l'objet de la moindre réserve les 10 ou 11 février 2020 tant de la part du client ou du maître d''uvre auprès de la société Atlantique Applications que de la part de cette dernière auprès de M. [W], alors qu'il ressort de l'attestation de M. [M] qu'il aurait « immédiatement prévenu Monsieur [J] pour prendre les mesures nécessaires ».

Les pièces produites ne permettent donc pas d'établir que les malfaçons visées par le maître d''uvre dans ses courriels du 8 avril 2020 sont imputables à M. [W], celui-ci faisant à juste titre valoir qu'il ne travaillait plus sur ce chantier depuis 2 mois lorsque ces réserves ont été émises.

Il résulte de ce qui précède qu'aucun des griefs visés dans la lettre de licenciement n'est fondé de sorte qu'en l'absence de faute grave ou lourde, la société Atlantique Applications ne pouvait pas licencier M. [W] pendant son arrêt de travail.

Ce licenciement, qu'il soit ou non justifié par une cause réelle et sérieuse, est en conséquence nul.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute lourde de M. [W] en licenciement pour faute réelle et sérieuse et il sera dit que ce licenciement est nul.

II ' SUR LES DEMANDES INDEMNITAIRES

A - Sur la demande au titre du licenciement abusif

M. [W] demande à la cour de fixer sa créance à l'égard de la SARL Atlantique Applications représentée par Me [S] à la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

La SARL Atlantique Applications et le CGEA de [Localité 6] demandent à la cour de débouter M. [W] de cette demande ou, à titre subsidiaire, d'en réduire le montant.

Sur ce, il résulte des dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail que l'article L.1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa de cet article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

L'article L.1235-3-1 alinéa 2 du code du travail prévoit que les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont notamment afférentes au licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées à l'article L.1132-4 du code du travail, lequel indique que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du chapitre de ce code relatif au « principe de non-discrimination », chapitre dans lequel est inséré l'article L.1132-1 du code du travail, est nul.

En l'espèce, M. [W] sollicite une indemnité de 10.000 € au titre du licenciement abusif, un licenciement nul étant en tout état de cause abusif, ce qui correspond à moins de six mois de salaire.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande d'indemnité au titre du licenciement abusif et la créance de ce dernier sera fixée à la somme de 10.000 € au passif de la procédure collective de la société Atlantique Applications au titre de l'indemnité pour licenciement nul.

B - Sur la demande au titre du non-respect des obligations de l'employeur en matière d'accident du travail

M. [W] demande à la cour de fixer sa créance à l'égard de la SARL Atlantique Applications à la somme de 3.637,26 € de dommages et intérêts sur ce fondement.

Au soutien de ses prétentions, il invoque les dispositions des articles L.441-1 et R.441-3 du code de la sécurité sociale et il fait valoir :

- que l'employeur doit déclarer tout accident dont il a eu connaissance à la caisse primaire d'assurance maladie dont relève la victime de l'accident du travail ;

- que cette déclaration doit être faite dans les 48 heures, à charge pour l'employeur, en cas de litige, d'apporter la preuve qu'il l'a effectuée dans le délai prescrit ;

- que M. [W] n'a perçu aucune indemnité journalière pendant longtemps, « avant de finalement en recevoir avec beaucoup de retard, ce qui lui a naturellement causé un préjudice » ;

- que, sauf preuve contraire rapportée par l'employeur, ce retard ne peut être que le fait d'une tardive déclaration ou délivrance des informations nécessaires à la caisse primaire d'assurance maladie ;

- qu'il a subi une perte importante de revenus puisqu'il n'a perçu de la caisse primaire d'assurance maladie que la somme de 3.623,26 € pour la période d'arrêt de travail du 19 février au 3 mai 2020 ;

- qu'il a alors sollicité auprès de « la compagnie d'assurance » Pro BTP des indemnités complémentaires au titre du régime de prévoyance souscrit par l'employeur, laquelle lui a indiqué qu'elle devait intervenir auprès de l'employeur pour lui demander une déclaration d'arrêt de travail, cette déclaration étant un préalable nécessaire au versement d'indemnités complémentaires ;

- que l'employeur ne fournit aucune explication sur l'absence de règlement des indemnités complémentaires ;

- que le manque de diligence de l'employeur lui a causé une perte importante de revenus, soit un préjudice qui devra donner lieu à condamnation de l'employeur au versement de la somme de 3.637,26 €.

La SARL Atlantique Applications et le CGEA de [Localité 6] demandent à la cour de débouter M. [W] de cette demande aux motifs :

- que les allégations de M. [W] selon lesquelles il n'aurait perçu aucune indemnité journalière durant son arrêt maladie sont fausses ;

- qu'il semble que ces indemnités aient été versées sur le compte de son épouse pour éviter une saisie de ces dernières ;

- que l'employeur justifie de l'envoi, par son cabinet comptable, des déclarations obligatoires le 21 février 2020 ainsi que de l'ouverture du dossier par la caisse primaire assurance maladie le 10 mars suivant ;

- que, contrairement à ce qui est affirmé par M. [W], la déclaration d'accident de travail a été réalisée en temps et en heure par l'employeur ;

- que le courrier de la CPAM du 10 mars 2020 démontre que la déclaration d'accident de travail faite par l'employeur a été prise en compte quinze jours après les faits, soit dans le délai requis.

Sur ce, il résulte des dispositions combinées de l'article R.441-3 du code de la sécurité sociale que la déclaration de l'employeur ou l'un de ses préposés doit être faite, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, dans les quarante-huit heures non compris les dimanches et jours fériés.

En l'espèce, il ressort des éléments versés aux débats :

- que la société Atlantique Applications a établi le vendredi 21 février 2020 la déclaration d'accident de travail de M. [W] survenu le mardi 18 février 2020, soit au-delà du délai de 48 heures prévu par l'article R.441-3 du code de la sécurité sociale ;

- que cet accident a néanmoins été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels selon l'avis de la caisse primaire d'assurance maladie notifié à la société Atlantique Applications le 10 mars 2020 ;

- que M. [W] a perçu les indemnités journalières auxquelles il pouvait prétendre à compter du 19 février 2020, soit dès le lendemain de son accident de travail ;

- que M. [W] a, par courrier en date du 8 février 2021 (et non pas 2020 comme mentionné par erreur sur ce courrier) sollicité le complément de revenu pouvant être pris en charge par Pro BTP pour l'arrêt de travail consécutif à l'accident du travail du 21 février 2020 (arrêt de travail du 19 février au 3 mai 2020) ;

- que par courrier en date du 8 mai 2021, l'organisme de prévoyance Pro BTP lui a répondu qu'il intervenait auprès de son employeur pour lui demander une déclaration d'arrêt de travail ;

- que la société Atlantique Applications a rempli la déclaration de travail le 14 septembre 2021.

Il résulte de ce qui précède si la société Atlantique Applications a déclaré à la CPAM de la Charente Maritime l'accident de travail dont M. [W] a été victime au-delà du délai de 48 heures prévu par l'article R.441-3 du code de la sécurité sociale, cet accident a néanmoins fait l'objet d'une prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels dès le 10 mars 2020.

Dès lors, M. [W] ne démontre pas en quoi le manquement de la société Atlantique Applications à son obligation de déclarer l'accident du travail à la CPAM de la Charente-Maritime, retard limité à quelques heures, lui aurait causé préjudice.

S'agissant du défaut de déclaration de l'accident du travail à l'organisme de prévoyance PRO BTP, la cour observe que M. [W] n'invoque au soutien de son argumentation que l'article L.441-5 du code de la sécurité sociale selon lequel, en cas d'accident du travail, l'employeur est tenu de délivrer une feuille d'accident nécessaire à l'indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles.

Or, cette feuille d'accident n'est pas destinée à l'organisme de prévoyance pour mettre en 'uvre une éventuelle garantie au titre de la perte de salaire mais est seulement destinée à permettre au salarié victime d'un accident de travail de bénéficier de la gratuité des soins liés à cet accident.

M. [W] ne démontre donc pas en quoi la société Atlantique Applications avait l'obligation de déclarer spontanément son accident du travail auprès de Pro BTP de même qu'il ne démontre pas en quoi le fait que l'employeur ait attendu 4 mois pour répondre à la demande de l'organisme de prévoyance lui a causé un préjudice du fait d'une perte de revenus. La cour observe à cet égard que M. [W] est totalement taisant sur les suites apportées à sa demande de prise en charge de la garantie des salaires.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce que M. [W] a été débouté de cette demande.

C - Sur la demande au titre du travail dissimulé

M. [W] demande à la cour de fixer sa créance à l'égard de la SARL Atlantique Applications à la somme de 13.200 € de dommages et intérêts pour réalisation d'un travail dissimulé.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir :

- qu'en application de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel un employeur a eu recours à du travail dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ;

- qu'en l'espèce, il a effectué à plusieurs reprises des chantiers non déclarés ;

- que c'est le cas notamment d'un chantier effectué le 25 septembre 2018 à [Localité 8] ;

- que l'employeur occulte une attestation parfaitement détaillée au motif que le client cité ne figure pas dans sa comptabilité alors que cela ne fait que confirmer la réalisation d'un travail dissimulé.

La SARL Atlantique Applications et le CGEA de [Localité 6] demandent à la cour de débouter M. [W] de cette demande au motif que ce dernier affirme qu'il aurait « effectué à plusieurs reprises des chantiers non déclarés » mais qu'il ne produit à cet égard qu'une attestation qu'il a lui-même établie, ce qui n'est pas une preuve suffisante.

Sur ce, il résulte des dispositions combinées des articles L. 8223-1 et L.8221-5 du code du travail :

- qu'en cas de travail dissimulé, le salarié dont le contrat de travail est rompu peut prétendre à une indemnité forfaitaire d'un montant égal à six mois de salaire ;

- que le travail dissimulé consiste notamment dans le fait pour l'employeur de ne mentionner sur le bulletin de paie du salarié qu'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

En l'espèce, M. [W] produit au soutien de cette demande une « attestation sur l'honneur » établie par M. [V] [G], attestation dépourvue de toute pièce justificative d'identité et ne précisant pas les liens de cette personne avec les parties, selon laquelle il aurait travaillé avec M. [W] le 25 septembre 2018 sur un chantier payé en espèces et dont le paiement n'a pas figuré sur leurs fiches de paie car « le patron nous a dit que c'était un chantier non déclaré ».

Or, outre le fait qu'il est constant que le dernier contrat de travail a été conclu entre les parties le 15 octobre 2018, et qu'il est donc postérieur aux faits évoqués par M. [V], la cour observe que cette attestation n'a pas une valeur probante suffisante s'agissant notamment de l'identité de son auteur et de ses liens avec les parties pour démontrer la réalité des faits de travail dissimulé imputés à la société Atlantique Applications.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. [W] de cette demande.

D- Sur la demande au titre de l'indemnité de licenciement

La société Atlantique Applications et le CGEA de [Localité 6] demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré de ce chef tandis que M. [W] conclut à sa confirmation.

Sur ce, il résulte des dispositions combinées des articles L.1234-9, R.1234-1 et R.1234-2 du code du travail dans leur version en vigueur au jour du licenciement de M. [W] :

- que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement ;

- que les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait avant la rupture du contrat de travail ;

-que cette indemnité ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines ;

- qu'en cas d'année incomplète, l'indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets ;

- qu'elle ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans et un tiers de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

Pour la détermination du nombre de mois de services, il est tenu compte de la durée du préavis, même si le salarié a été dispensé de l'exécuter, sauf en cas de faute grave.

En cas de suspension du contrat de travail pour cause de maladie, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est selon la formule la plus avantageuse, celui des douze ou des trois derniers mois précédant l'arrêt de travail pour maladie (Soc. 23 mai 2017, n 15-22.223).

En l'espèce, il ressort du contrat de travail à durée indéterminée du 15 octobre 2018 versé aux débats que M. [W] justifie d'une ancienneté de 19 mois dans la société.

Par ailleurs, bien que les parties n'aient pas jugé utile de produire les bulletins de salaires de M. [W] dans les 12 mois précédant son licenciement, il ressort de son contrat de travail et du reçu de solde de tout compte établi par la société Atlantique Applications le 30 avril 2020 que M. [W] a perçu pendant la durée de son contrat de travail un salaire brut d'un montant de 2.199,21 € par mois.

Il convient en conséquence de faire droit à la demande de M. [W] tendant à la confirmation du jugement déféré qui lui a alloué la somme de 825 € de chef.

E- Sur les demandes au titre de l'indemnité de préavis et de congés payés y afférents

Il résulte des dispositions de l'article L.1234-1 du code du travail que « lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié. »

En l'espèce, et dans la mesure où M. [W] avait une ancienneté comprise entre 6 mois moins de 2 ans au moment de son licenciement, il peut se prévaloir d'une indemnisation de ce chef correspondant à un mois de salaire.

En conséquence, conformément à sa demande, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a fixé la créance de M. [W] à la liquidation judiciaire de la société Atlantique Applications à la somme de 2.200 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 220 € au titre des congés payés afférents.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé de ces chefs.

IV- SUR LES AUTRES DEMANDES ET LES DÉPENS

Le CGEA de [Localité 6] sera tenu à garantie pour les sommes fixées par la présente décision dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponibles.

Par ailleurs, et conformément aux dispositions des articles L.622-28 et L.641-3 du code de commerce, il sera rappelé que le jugement d'ouverture d'une procédure collective et que le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire arrêtent le cours des intérêts légaux et conventionnels.

La décision déférée sera en revanche infirmée des chefs des dépens et des frais d'exécution forcés et la créance de M. [W] au titre des dépens sera fixée au passif de la procédure collective de la société Atlantique Applications puisqu'elle succombe principalement en première instance et en appel.

S'agissant des frais d'exécution forcée, la cour observe que la charge de ces frais est régie par les dispositions d'ordre public de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution et qu'il n'appartient pas au juge du fond de statuer par avance sur le sort de ces frais.

S'agissant des demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, la décision déférée sera confirmée en ce que la créance de M. [W] a été fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Atlantique Applications à la somme de 1.200 € et la créance de M. [W] au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel sera fixée à 1.500 €.

La société Atlantique Applications sera en outre déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré sauf des chefs de la requalification du licenciement pour faute lourde en licenciement pour cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour licenciement abusif, des dépens et des frais d'exécution forcé ;

Infirme le jugement déféré de ces quatre chefs ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Dit que le licenciement de M. [Z] [W] pour faute lourde est nul ;

Fixe la créance de M. [Z] [W] au passif de la procédure collective de la société Atlantique Applications à la somme de 10.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement nul ;

Rappelle qu'en application de l'article L. 622-28 et L641-3 du code de commerce le jugement d'ouverture d'une procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ;

Dit que la présente décision est opposable à l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 6] dans les conditions et limites légales ;

Rappelle :

- que le CGEA ne pourra consentir d'avances au représentant des créanciers que si la demande entre dans le cadre des dispositions des articles L3253-6 et suivant du code du travail ;

- que l'AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L.3253-17 et suivants et D.3253-5 du code du travail ;

Fixe au passif de la procédure collective de la SARL Atlantique Applications les dépens de première instance ;

Rappelle que le sort des frais d'exécution forcée est fixé par les dispositions de l'article L.111-8 du code de procédure civile d'exécution ;

Y ajoutant :

Fixe au passif de la procédure collective de la SARL Atlantique Applications les dépens d'appel ;

Fixe au passif de la procédure collective de la SARL Atlantique Applications la créance de M. [Z] [W] à la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00868
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.00868 ?
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