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02/05/2024 | FRANCE | N°22/00135

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 02 mai 2024, 22/00135


MHD/PR































ARRET N° 205



N° RG 22/00135



N° Portalis DBV5-V-B7G-GOON













[C]



C/



S.A.S. VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre sociale



ARRÊT DU 02 MAI 2024<

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Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 décembre 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHELLE





APPELANT :



Monsieur [F] [C]

né le 22 mars 1967 à [Localité 2] (17)

[Adresse 1]

[Localité 2]



Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS



Ayant pour...

MHD/PR

ARRET N° 205

N° RG 22/00135

N° Portalis DBV5-V-B7G-GOON

[C]

C/

S.A.S. VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre sociale

ARRÊT DU 02 MAI 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 décembre 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHELLE

APPELANT :

Monsieur [F] [C]

né le 22 mars 1967 à [Localité 2] (17)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel TURPIN de la SELEURL JURIS LABORIS, avocat au barreau de SAINT MALO

INTIMÉE :

S.A.S. VINCI CONSTRUCTION GRANDS PROJETS

Venant aux droits de la SAS GEOCEAN

N° SIRET : 343 088 134

[Adresse 3]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Thomas PASSERONE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 17 janvier 2024, en audience publique, devant :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport

Monsieur Nicolas DUCHÂTEL, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère

Monsieur Nicolas DUCHÂTEL, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile que l'arrêt serait rendu le 21 mars 2024. A cette date, le délibéré a été prorogé au 2 mai 2024.

- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 10 octobre 2014, soumis à la convention collective des travaux publics ETAM 3005, Monsieur [F] [C] a été engagé en qualité de grutier offshore, ETAM D, par la SASU Géocéan moyennant notamment :

- une rémunération mensuelle brute de 3 600 € sur 13 mois pour 35 heures par semaine, soit 151,67 heures par mois par la société Géocéan, entreprise située en France, intervenant de manière habituelle à l'international, dans le secteur de la construction d'ouvrages en mer,

- l'exercice des premières fonctions à [Localité 5] (13),

- la possibilité d'exercer des missions de courte durée en France et à l'étranger pour lesquelles il sera indemnisé par des primes.

Soutenant que l'employeur le ferait travailler en violation totale de l'ensemble des règles relatives au temps de travail et que les heures supplémentaires de travail qu'il aurait effectuées ne lui auraient pas été rémunérées en dépit de ses demandes, Monsieur [C] a saisi le conseil de prud'hommes de La Rochelle, par requête en date du 24 juillet 2020, afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Le 13 novembre 2020, Monsieur [C] a fait l'objet d'un licenciement économique.

Par jugement du 15 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de La Rochelle a :

- jugé que la société Géocéan est régie par le droit français et se voit appliquer le code du travail, incluant le cadre applicable aux contrats de travail : le contrat de travail de Monsieur [C] est donc de droit français,

- condamné la société Géocéan à verser à Monsieur [C] la somme de 32 321,96 € à titre de régularisation des heures supplémentaires, outre 3 232,96 € au titre des congés payés afférents,

- condamné la société Géocéan à verser à Monsieur [C] la somme de 5 000 € au titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de travail et des temps de pause,

- débouté Monsieur [C] de sa demande de 3 000 € de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

- débouté Monsieur [C] de sa demande de 69 785,88 € pour dommages et intérêts en raison du prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,

- débouté Monsieur [C] de sa demande de 16 893,99 € d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Monsieur [C] de sa demande de 69 785,88 € pour travail dissimulé,

- condamné la société Géocéan à verser à Monsieur [C] la somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration d'appel du 14 janvier 2022, en intimant la SAS Vinci Construction Grands Projets venant aux droits de la SASU Géocéan, Monsieur [C] a interjeté un appel limité de cette décision aux chefs suivants :

- limitation de la condamnation de la Société Géocéan à lui verser la somme de 32 321,96 € au titre de régularisation des heures supplémentaires, outre 3 232,96 € au titre des congés payés afférents,

- débouté de sa demande de 3 000 € de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

- débouté de sa demande de 69 785,88 € pour dommages et intérêts en raison du prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,

- débouté de sa demande de 16 893,99 € d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté de sa demande de 69 785,88 € pour travail dissimulé.

***

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 décembre 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions du 12 décembre 2023 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Monsieur [C] demande à la cour de :

- le déclarer bien fondé en son appel et l'y recevoir,

- infirmer la décision attaquée en ce qu'elle l'a débouté de toutes ses demandes indemnitaires,

- confirmer la décision attaqué en ce qu'elle a jugé que la loi française est la loi applicable au contrat de travail le liant à la société Géocéan,

- condamné la Société Vinci Construction Grands Projets au paiement des sommes de :

° 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de travail, des temps de pause, et des repos,

° 157 220 € à titre de rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires non payées, ainsi que 15 720 € pour les congés payés afférents,

° 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité-résultat,

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la Société Vinci Construction Grands Projets,

- constater la requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner en conséquence la Société Vinci Construction Grands Projets au paiement d'une indemnité de 69 785,88 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la Société Vinci Construction Grands Projets au paiement d'une indemnité de 69 785,88 € au titre du travail dissimulé,

*à titre subsidiaire,

- juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement économique,

- condamner en conséquence la Société Vinci Construction Grands Projets au paiement d'une indemnité de 69 785,88 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* en tout état de cause,

- déclarer la société Vinci Construction Grands Projets mal fondée en son appel incident ; l'en débouter,

- débouter la société Vinci Construction Grands Projets de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et conclusion,

- condamner la Société Vinci Construction Grands Projets à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux éventuels dépens.

Par conclusions du 22 novembre 2023 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SAS Vinci Construction Grands Projets venant aux droits de la société Géocéan demande à la cour de :

- confirmer la décision attaquée en ce qu'elle a débouté Monsieur [C] de ses demandes indemnitaires,

- infirmer la décision attaquée en ce qu'elle a condamné la Société Géocéan à verser à Monsieur [C] les sommes de :

° 32 321,96 € au titre de la régularisation des heures supplémentaires,

° 3 232,96 € au titre des congés payés y afférents,

° 5 000 € au titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de travail et de pause,

* à titre principal,

- débouter Monsieur [C] de toutes ses demandes, fins et prétentions et décharger la Société Géocéan de toute condamnation,

* à titre subsidiaire,

- limiter le montant d'heures supplémentaires à 19 001,74 € au titre de la régularisation des heures supplémentaires,

- limiter le montant d'indemnité sans cause réelle et sérieuse à 3 mois de salaires,

- rembourser le montant de l'indemnité supra-légale de licenciement d'un montant de 25 897,72 €,

* en tout état de cause,

- condamner Monsieur [C] au versement d'une somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux éventuels dépens.

SUR QUOI,

I - SUR L'EXÉCUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL :

A - Sur l'application de l'accord sur l'aménagement du temps de travail au sein de Géocéan :

Une convention d'entreprise est une convention ou un accord conclu soit au niveau du groupe, soit au niveau de l'entreprise, soit au niveau de l'établissement.

Il est acquis que si les parties signataires d'une convention d'entreprise peuvent exclure de son champ d'application une catégorie des salariés, encore faut - il que cette exclusion soit expresse.

En l'espèce, un accord d'entreprise sur l'aménagement du temps de travail applicable aux employés, techniciens et agents de maîtrise de la société (ETAM), conclu le 7 novembre 2014 au sein de la société Géocéan, déposé auprès de la Direction Régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur et auprès du conseil de prud'hommes de Marseille, est entré en vigueur le 1er janvier 2015.

Après avoir précisé en son article 1 qu'il 's'applique à tout le personnel à temps complet de la société Géocéan relevant de la catégorie ' employés' techniciens et agent de maîtrise sous contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée', il prévoit en ses articles :

* 3.3 que : ' Les salariés devront effectuer 39 heures par semaine entre le lundi et le vendredi en respectant les horaires d'entrée et de sortie ci-dessous :

Arrivée : entre 8h00 et 9h30

Départ : entre 17h30 et 19h30 sauf le vendredi 16h30 ' 18h30 »,

* 3.4 que : ' Les salariés seront prévenus des changements d'horaires au moins 5 jours calendaires à l'avance, sauf contraintes et circonstances particulières affectant de manière non prévisible le fonctionnement de l'entreprise. Les représentants du personnel seront informés de ce ou ces changements et des raisons qui l'ont ou les ont justifiés',

* 3.5 que les ETAM bénéficient de 20 jours RTT,

* 3.6.1 que : ' Pour la mise en 'uvre de la répartition dans un cadre annuel comme convenu par le présent accord, sont applicables sauf dérogation de l'inspecteur du travail, les limites ci-après :

-10 heures par jour ;

-8 heures par jour pour les travailleurs de nuit ;

-44 heures hebdomadaires calculées sur une période quelconque de 12 semaines ;

- 48 heures au cours d'une même semaine',

* 3.6.3 que : 'S'il apparaît à la fin de la période de référence que la durée annuelle de 1 607 heures de travail effectif a été dépassée, les heures excédentaires ouvrent droit à une majoration de salaire ou un à repos de remplacement calculé conformément à l'article L. 3121-24 et suivants du code du travail dans les conditions fixées à l'article L. 3121- 22 du Code du travail',

Il en résulte donc que cet accord - qui s'applique à tous les ETAM de la société, qu'ils soient en contrat à durée déterminée ou en contrat à durée indéterminée - prévoit une durée de référence pour le seuil de déclenchement des heures supplémentaires à 1607 heures par an.

***

Monsieur [C] soutient en substance :

- que cet accord qui prévoit une durée hebdomadaire de 39 heures, pour 1607 heures travaillées chaque année ne lui est pas applicable dans la mesure où son temps de travail n'est pas organisé sur la base régulière de 39 heures par semaines comprenant la réalisation systématique de 4 heures supplémentaires par semaine compensée par la prise de 20 jours RTT par an,

- que cet aménagement annuel du temps de travail ne règle pas les conditions de l'alternance entre les périodes embarquées et non embarquées et ne tient pas compte de la réalité des heures de travail effectif réalisées pendant l'embarquement, en dehors de tout respect des limites maximales de travail et des temps de pause,

- que ce n'est que par pure opportunité que la société entend désormais en faire application, afin de limiter subsidiairement le montant des rappels de salaires qui lui sont dus,

- qu'en tout état de cause, la société entend se prévaloir de certaines dispositions d'un accord dont elle ne respecte pas elle-même le contenu,

- que la cour ne pourra qu'interpréter cet accord 'en recherchant la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral', comme il est préconisé dans l'article 1188 du code civil, qui précise en outre que 'lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation'.

En réponse, la société Vinci objecte pour l'essentiel :

- que contrairement à ce qu'essaie de prétendre Monsieur [C], l'accord d'annualisation lui était applicable, l'ensemble des ETAM de la société étant bien compris dans son champ d'application et lui était appliqué comme en témoigne l'octroi de 20 jours RTT figurant sur ses bulletins de paie,

- que pour calculer le nombre d'heures supplémentaires prétendument effectuées par Monsieur [C], il convient de prendre en compte la référence de 1607 heures par an,

- que par conséquent, quand bien même la cour reconnaîtrait, par extraordinaire, la réalisation d'heures supplémentaires, il lui est demandé de reconnaître que le quantum de ces heures supplémentaires doit tenir compte de l'accord d'annualisation et devrait être, en tout état de cause, réduit à un montant bien inférieur à celui avancé par Monsieur [C].

***

Cela étant, même si le contrat de travail de Monsieur [C] n'a pas fait l'objet d'un avenant pour l'adapter à l'accord d'aménagement sur le temps de travail et si certaines dispositions de l'accord peuvent s'appliquer difficilement en l'espèce, il n'en demeure pas moins :

- que cet accord est applicable à l'ensemble des ETAM de la société sans aucune distinction et sans exception, notamment au profit des grutiers,

- que contrairement à ce que l'appelant prétend, ses bulletins de salaire mentionnent régulièrement l'existence de 20 jours RTT.

En conséquence, l'accord litigieux s'applique en l'espèce et c'est à la lumière de cet accord que la demande d'heures supplémentaires formée par le salarié doit être examinée.

Il convient de confirmer le jugement attaqué de ce chef et de souligner que c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a relevé qu'il aurait été souhaitable qu'un avenant au contrat de travail du salarié soit établi.

B - Sur les heures supplémentaires :

En application de l'article L3171-4 du code du travail, "en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d' heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable".

Il résulte des dispositions de l'article L3171-2 al. 1 (imposant à l'employeur l'établissement des documents nécessaires au décompte de la durée de travail, hors horaire collectif), de l'article L3171-3 (imposant à l'employeur de tenir à disposition de l'inspection du travail lesdits documents et faisant référence à des dispositions réglementaires concernant leur nature et le temps de leur mise à disposition) et de l'article L3171-4 précité, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant,

Il est précisé que les éléments apportés par le salarié peuvent être établis unilatéralement par ses soins, la seule exigence posée étant qu'ils soient suffisamment précis pour que l'employeur puisse y répondre.

***

En l'espèce, Monsieur [C] soutient :

- que dans l'exercice de ses fonctions il était amené à effectuer des horaires de travail dépassant de très loin les 35 heures par semaine prévues dans son contrat,

- que depuis son embauche en 2014, il travaillait presque tous les jours 12 heures de travail consécutives, il ne bénéficiait d'aucune pause,

- que cette situation a entraîné des conséquences sur son état de santé,

- qu'en effet, il est confronté à des troubles anxiodépressifs et se trouve dans un état de fatigue considérable.

- que lors de ses périodes de présence sur les barges de l'entreprise, il ne disposait d'aucun jour de repos hebdomadaire,

- qu'il fournit les relevés d'heures journaliers remplis et signés par son supérieur hiérarchique, de sorte que la preuve de l'accomplissement de ces heures est apportée de manière irréfutable,

- qu'il n'a perçu aucune rémunération au titre des heures supplémentaires effectuées,

- qu'ainsi, il a réalisé pour la période du 1er août au 31 décembre 2017, 545 heures supplémentaires, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2018, 1 284 heures supplémentaires,

- que le constat d'huissier communiqué par la société Géocéan ne prouve strictement rien, qu'il est totalement dénué d'intérêt puisque l'huissier ne s'est jamais déplacé sur la barge pour constater les conditions d'exécution des prestations de travail et de fonctionnement des grues,

- qu'il existait un temps pendant lequel la grue était arrêtée afin que ses collègues interviennent,

- que pour autant ces intervalles entre deux utilisations ne lui laissaient pas le temps de quitter la cabine et qu'il y restait bien souvent bloqué du matin au soir, qu'il ne pouvait vaquer librement à ses occupations personnelles, de telle sorte qu'il s'agissait de temps de travail,

- que le deuxième conducteur de grue, Monsieur [K], atteste des heures réalisées : ' nos périodes sur la barge PROTIS sont de 6 semaines de travail puis 6 semaines de congés à la maison en France ceci avec des heures suivant les chantiers : 7h00 ' 19h00 ou 12h00 ' 24h00, 24h00 ' 12h00 soit des postes de travail de 12h journalier, 7 jours sur 7 durant 6 semaines voire plus si besoin',

- que de même, Monsieur [S] fait mention des interventions des grutiers pendant ses heures de repos.

A l'appui de ses allégations, il produit :

- les relevés d'heures journaliers remplis et signés par son supérieur hiérarchique (pièces 3 à 6 de son dossier),

- le relevé d'activité de son homologue, Monsieur [K] (pièce 16 de son dossier),

- le carnet d'activités des grues et les photographies des grues (pièces 16 et 17 de son dossier),

- l'attestation de Monsieur [K], le deuxième conducteur de grue, son collègue de travail direct,

- les attestations de Messieurs [T], [S], [N],

- l'extrait du Cambridge dictionnary définissant l'expression anglaise 'working hours',

- le planning de la barge de juillet 2020 à février 2021.

Il en résulte que le salarié produit des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures accomplies, d'y répondre utilement.

A ce titre, l'employeur objecte pour l'essentiel :

- que Monsieur [C] se borne à fournir des documents en lien avec son travail qui cependant n'apportent pas le moindre élément précis permettant de savoir s'il a réalisé ou pas des heures supplémentaires,

- que les attestations que le salarié verse soit ne remplissent pas les conditions de validité et de recevabilité en justice posées par l'article 202 du code de procédure civile, soit font état de fait qui ne le concernent même pas, soit sont très générales,

- que les fonctions de grutier de Monsieur [C] amenaient celui-ci à exécuter des man'uvres avec la grue lorsque cela était nécessaire car lorsque la barge était en mouvement, la grue ne pouvait pas être utilisée quand bien même Monsieur [C] était embarqué,

- qu'ainsi, comme le mentionne [Y] [B] dans son attestation, 'les grues sont dans l'impossibilité d'être opérées pendant les transit',

- que pour la période allant du 22 août au 9 octobre 2017, les grues SKK et Manitowoc n'ont pas du tout été utilisées alors que Monsieur [C] était à bord et que de ce fait, il avait toute liberté pour descendre de la grue quand elle n'était pas utilisée, que les espaces de détente au sein de la barge étaient prévues pour cela,

- que pour la période du 7 novembre au 9 décembre 2017, soit 33 jours, la grue SKK a été utilisée pendant 62 heures et la grue Manitowoc 109 heures, soit un temps d'utilisation journalier moyen de moins de 2 heures pour la première et d'un peu moins de 3h30 pour la seconde alors que Monsieur [C] indique avoir travaillé 12 heures par jour de façon discontinue pendant toute cette période, ce qui est tout simplement impossible,

- que le commandant de bord atteste que la grue n'est pas toujours utilisée en continu, que des pauses régulières étaient prévues dans la journée : pauses café, déjeuners ou dîners et que des salles spécialement dédiées au repos et au divertissement existent sur les barges,

- que lorsque Monsieur [C] travaillait les samedis et dimanches, il bénéficiait de jours de récupération supplémentaires,

- que les reproches formulés par Monsieur [C] sur l'insuffisance de repos sont donc tout à fait irrecevables et révèlent sa mauvaise foi.

Afin d'étayer ses allégations, il verse au débat :

- les attestations de Messieurs [B] et [P], respectivement responsable de la barge et membre du CSE pour le premier et capitaine de barge pour le second,

- les rapports d'avancement quotidiens établissant l'activité de la grue,

- le rapport photo 'inside Géocéan Protis',

- le tableau de synthèse 'heure amplitude',

- des photos de grues attachées,

- le constat d'huissier vidéos,

- les modalités de la validation des états de présence fournis par Monsieur [C],

- la synthèse des temps de repos de Monsieur [C].

***

Cela étant :

- même si les attestations fournies par Monsieur [C] ' toutes recevables dans la mesure où comme la preuve est libre en droit du travail, elles n'ont pas à répondre - pour être recevables - aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile mais doivent en revanche se fonder sur des faits précis, objectifs et identifiés (donc vérifiables) ' concernent pour l'essentiel Monsieur [K], son collègue direct avec lequel il partageait la conduite de la grue en alternance sur 24 heures,

- même si durant les périodes de tempête ou les temps de déplacement de la barge, les grues n'étaient pas en activité,

- même si les relevés journaliers de temps de Monsieur [C] établis par le responsable concernent le temps de travail celui-ci,

il n'en demeure pas moins - comme le premier juge l'a très justement relevé -:

- que le salarié devait rester à disposition de son employeur pendant ses périodes de poste de 12 heures journalières et ne pouvait pas vaquer librement à ses occupations,

- que contrairement à ce que soutient l'employeur, seule une pause déjeuner d'une heure peut être retenue dans la mesure où elle revêtait un caractère habituel alors que les autres pauses étaient à l'initiative du salarié sous le contrôle de sa hiérarchie,

- que dans le cadre de ses fonctions, le salarié devait accomplir des tâches de maintenance complémentaire liées aux grues alors même qu'il ne les pilotait pas.

En conséquence :

* au vu :

- de l'ensemble des éléments précités,

- de l'organisation du temps de travail du salarié annualisé sur la base de 1607 heures par an avec une durée hebdomadaire de référence de 39 heures et 20 jours de RTT compensant les heures supplémentaires sur la base légale de 35 heures auxquels se rajoutent des périodes de récupération équivalente à celle de son temps d'activité embarquée sur barge, du déclenchement des majorations d'heures supplémentaires à 50 % à partir de la 2023ème heure,

* et après avoir pris en considération les éléments fournis par le salarié qu'elle a analysés,

la cour confirme le jugement attaqué dans sa fixation du volume des heures supplémentaires réalisées par Monsieur [C] et dans sa fixation des créances salariales s'y rapportant, soit la somme de 32 321, 96€ au titre des rappels de salaires pour heures supplémentaires.

En revanche, elle l'infirme en ce qui concerne l'indemnité de congés payés mise à la charge de l'employeur qui s'élève à la somme de 3232, 19€ et non à celle de 3232, 96€.

C - Sur le non-respect des temps de travail et des temps de pause :

En application de l'article L3121-16 du code du travail : 'dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes consécutives'.

Tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L3131-2 et L3131-3 ou en cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret.

Le temps de pause est donc un temps pendant lequel durant leur journée de travail, les salariés ne sont pas à la disposition de l'employeur, ne se conforment pas à ses directives et peuvent librement vaquer à leurs occupations personnelles.

Le temps de pause s'oppose donc au temps de travail effectif, qui correspond à un temps pendant lequel le salarié est sous la subordination juridique de son employeur.

Dès lors que l'employeur ne respecte pas les temps de pause, le salarié peut saisir - outre l'inspection du travail - le conseil de prud'hommes afin d'obtenir la réparation de son préjudice.

Il incombe à l'employeur de prouver qu'il a accordé ses temps de pause au salarié.

***

En l'espèce, Monsieur [C] soutient en substance qu'il ne bénéficiait d'aucune pause.

En réponse, la société objecte pour l'essentiel :

- qu'il est impossible que Monsieur [C] ait travaillé plus de 10 heures par jour,

- que les attestations produites témoignent de l'existence de nombreux temps de pause qui permettaient en tout point de respecter la réglementation,

- qu'il a été démontré que le salarié n'effectuait pas d'heures supplémentaires, que ses heures de travail ne dépassaient pas les durées maximales de travail et respectaient les périodes minimales de repos,

- que de ce fait, le salarié doit être débouté de sa demande en dommages et intérêts.

***

Cela étant, il vient d'être jugé que Monsieur [C] a réalisé des heures supplémentaires dans le cadre de l'accord d'aménagement du temps de travail en vigueur au sein de la société.

Il résulte des attestations produites par le salarié que l'employeur n'a pas toujours respecté ses temps de pause et de travail même si une heure de pause journalière lui était reconnue pour le déjeuner.

Cependant, Monsieur [C] - qui se borne à soutenir que le manquement de l'employeur a contribué à dégrader son état de santé - ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'il dit avoir subi alors que le non respect des temps de travail et des temps de pause n'entraîne pas un préjudice nécessaire (le non-respect des temps de pause (Soc., 19 mai 2021, pourvoi n° 20-14.730 ; le non-respect de la durée légale du travail et des repos) (Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-21.369).

En conséquence, il doit être débouté de sa demande formée de ce chef.

Le jugement attaqué doit donc être infirmé.

D - Sur l'obligation de sécurité :

Dans le cadre de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur destinée notamment à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, la loi lui fait obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

De ce fait, l'article L4121-1 du code du travail lui fait obligation de mettre en place :

- des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

- des actions d'information et de formation,

- une organisation et des moyens adaptés,

et de veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L 4121-2 du même code précise que les mesures prévues par l'article L 4121-1 susvisées tendent notamment à éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail, le choix des équipements et des méthodes de travail, ou donner des instructions appropriées aux travailleurs.

***

En l'espèce, Monsieur [C] soutient en substance :

- qu'il exerçait ses fonctions dans des conditions qui étaient très éprouvantes pour lui, notamment au regard de sa charge de travail, de son impossibilité de prendre des repos, du travail effectué mais non rémunéré,

- que l'employeur était parfaitement informé de la situation, puisque les feuilles d'heures étaient signées par l'un de ses représentants,

- que malgré les signaux envoyés, la société ne tenait aucun compte de la situation dans laquelle il se trouvait et ne prenait absolument aucune mesure pour améliorer la situation,

- que le dépassement de durée maximale de travail l'a privé de repos et lui a causé, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu'il est porté atteinte à sa santé et à sa sécurité.

En réponse, la société objecte pour l'essentiel :

- que Monsieur [C] n'effectuait pas d'heures supplémentaires,

- que ses heures de travail ne dépassaient pas les durées maximales de travail et respectaient les périodes minimales de repos,

- que l'organisation du travail permettait, par ailleurs, au salarié de ne passer que six semaines sur la barge, puis six semaines de repos à terre, ce qui ménageait des périodes de repos,

- que de surcroît, outre ses jours de congés payés et les 20 jours RTT par an dont il bénéficiait, il a disposé de nombreux jours de récupération comme en témoignent ses bulletins de salaire,

- qu'enfin, il ne s'est jamais plaint de sa situation avant la saisine du conseil de prud'hommes.

***

Cela étant, il vient d'être jugé que Monsieur [C] a effectué 1092,42 heures supplémentaires sur trois ans, soit un peu plus de 300 heures par an.

Compte-tenu de l'aménagement de son temps de travail alternant des périodes de 6 semaines de repos et 6 semaines de travail, des 20 jours de RTT par an et des jours de récupération dont il a bénéficié outre de ses jours de congés payés, il convient de constater que l'employeur a, contrairement à ce que soutient le salarié, pris des mesures pour préserver sa santé au vu des heures supplémentaires qu'il a accomplies.

En conséquence, celui - ci doit être débouté de sa demande de dommages intérêts fondée sur l'obligation de sécurité à laquelle l'employeur est tenu.

Le jugement attaqué doit donc être confirmé.

II - Sur la rupture du contrat de travail :

Par application de l'article 1184 ancien du code civil devenu l'article 1227, le salarié peut solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur des obligations en découlant.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être établis par le salarié et d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

L'appréciation de la gravité du manquement relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Lorsque les manquements sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse soit les effets d'un licenciement nul si elle est fondée sur des faits de harcèlement moral.

Par ailleurs lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour inaptitude au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.

A - Sur les manquements de l'employeur :

Monsieur [C] sollicite le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur dans la mesure où ce dernier a manqué gravement à ses obligations sur de nombreux points, à savoir :

- les centaines d'heures supplémentaires qu'il a réalisées au cours des trois dernières années et dont l'employeur avait connaissance et qu'il n'a jamais voulu rémunérer,

- le non respect des temps de pause et de temps intervenu dans des proportions plus que considérables qui ne pouvaient être soutenues longtemps même pour un salarié dont l'état de santé était bon,

- l'absence de repos hebdomadaire pendant ses périodes de travail, l'amenant à enchaîner des périodes allant jusqu'à plus de quarante jours de travail consécutifs sans le moindre repos ;

- le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité-résultat en ne prenant aucune mesure pour remédier à cette situation en dépit des demandes qu'il avait formées,

- que ces manquements sont si nombreux et d'une gravité telle, qu'il est inenvisageable que le contrat de travail puisse se poursuivre dans des conditions satisfaisantes,

- qu'il n'a donc pas d'autres choix que de solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail, rendue nécessaire du fait des agissement de son employeur.

En réponse, la société objecte pour l'essentiel :

- qu'elle n'a commis aucun manquement permettant de caractériser une faute suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail de Monsieur [C] à ses torts,

- que le laps de temps écoulé entre les faits qui lui sont reprochés et la saisine du premier juge démontre que ces faits n'empêchaient pas la poursuite du contrat de travail du salarié qui ne s'est d'ailleurs jamais plaint auprès de sa direction et n'a jamais formulé la moindre remarque dans les entretiens d'évaluation.

***

Cela étant, Monsieur [C] vient d'être débouté de ses demandes relatives au non-respect des temps de travail et des temps de repos et au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

En revanche, la cour a confirmé le jugement attaqué en ce qu'il avait reconnu qu'il avait réalisé des heures supplémentaires et avait condamné son employeur à lui payer les sommes de 32 321,96€ au titre desdites heures outre 3232,19€ au titre des congés payés afférents.

Ainsi, il en résulte que le salarié a été privé chaque année, pendant trois ans de suite, d'une somme d'environ 10 000€ représentant le montant des heures supplémentaires réalisées durant l'année outre les congés payés afférents.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, le fait que les manquements se soient étalés sur plusieurs années consécutives, que le salarié n'ait jamais évoqué la situation avec lui et qu'il ait continué malgré tout à travailler n'empêche pas le prononcé de la résiliation du contrat dès lors que ces manquements :

- en portant sur des montants substantiels,

- en ne s'arrêtant qu'à la suite du prononcé du licenciement pour motif économique du salarié intervenu postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail et non à la suite d'une régularisation de la situation par l'employeur qui continue - même dans le cadre de la présente instance - à nier l'existence d'heures supplémentaires,

revêt un caractère suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail fixée au 13 novembre 2020, date du licenciement économique.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement attaqué de ce chef.

B - Sur les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail :

1 - Sur les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

La résiliation judiciaire ouvre droit à toutes les indemnités de rupture : l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de licenciement, légale ou conventionnelle, des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul.

***

En l'espèce, Monsieur [C] soutient en substance :

- qu'il est en droit de prétendre en application de l'article L1235-3 du code du travail à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 6 mois de salaire au maximum,

- que de ce fait, il est fondé à solliciter une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 69 785,88 €.

En réponse, la société objecte pour l'essentiel :

- qu'en l'espèce, Monsieur [C] ne justifie pas d'un préjudice,

- qu' il pourra toujours retrouver du travail en France sans aucune difficulté car les postes de grutier sont très recherchés,

- que si par extraordinaire la cour devait prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [C], l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ne pourra pas être supérieure à trois mois de salaires.

***

Cela étant, le 13 novembre 2020, date de la prise d'effet de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, Monsieur [C], âgé de 53 ans et demi, présentait une ancienneté dans l'entreprise de 6 ans et un mois.

La moyenne brute des 12 derniers mois de son salaire - heures supplémentaires réintégrées - s'élevait à la somme de 8 416,54€.

Il ne fournit aucun élément sur sa situation professionnelle du 13 novembre 2020 à aujourd'hui.

En conséquence, il convient de fixer le montant des dommages intérêts auxquels il peut prétendre au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 30 781,40 € et de condamner l'employeur à lui payer ce montant ; étant toutefois précisé que cette somme doit être exprimée en brut et non pas en net (Soc. 15 décembre 2021, pourvoi n° 20-18.782). 

Le jugement attaqué doit donc être infirmé de ce chef.

2 - Sur le remboursement des sommes perçues au titre du licenciement économique :

Dès lors que le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail, il ne se prononce pas sur le bien-fondé du licenciement notifié entre temps.

De ce fait, les sommes versées au salarié consécutivement à ce licenciement lui restent donc acquises.

Ainsi, un salarié qui a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique est en droit de conserver les sommes qu'il a perçues en exécution du plan de sauvegarde de l'emploi, dans la mesure où le juge qui a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat ne s'est pas prononcé sur le bien-fondé du licenciement économique (Cass. soc., 13 juin 2018, n° 16-27.617).

***

Il convient en conséquence, en l'espèce, de débouter la société de sa demande de remboursement de toutes les sommes perçues par le salarié dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, à savoir les sommes de 25 897,72 € au titre de l'indemnité supra légale de licenciement et de 11 169 € au titre de l' indemnité de licenciement.

C - Sur le travail dissimulé :

En application des articles :

* L 8221-1 alinéa 3 du code du travail :

' Sont interdits :

3° Le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé,'

* L 8221-5 alinéa 2 du même code, pris dans sa rédaction applicable au présent litige :

'Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ';

Il en résulte que la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

***

En l'espèce, Monsieur [C] soutient en substance :

- que le caractère intentionnel de travail dissimulé est établi dans la mesure où les horaires réalisés chaque jour étaient invariablement mentionnés sur un relevé signé par son responsable hiérarchique,

- que de surcroît, la société a été condamnée par le conseil de prud'hommes de Dinan le 7 octobre 2019, pour des faits identiques à verser à son homologue grutier, Monsieur [K], qui sollicitait le paiement des heures supplémentaires réalisées (en moyenne 12 heures de travail par jour) la somme de 113 235,73 € à titre de rappels de salaire et qu'elle n'a pas interjeté appel de cette décision.

En réponse, la société Vinci constructions objecte pour l'essentiel :

- que les éléments versés aux débats permettant d'établir l'absence d'heures supplémentaires,

- qu'elle ne saurait être reconnue responsable du délit de travail dissimulé,

- que la seule absence de mention des heures supplémentaires sur le bulletin de paie du salarié ne saurait suffire à établir le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi. 

***

Cela étant, les relevés horaires du salarié étaient quotidiennement signés par le responsable hiérarchique de Monsieur [C] qui de ce fait, connaissait donc l'existence des heures supplémentaires réalisées par le salarié.

Ce seul élément établit le caractère intentionnel du défaut de déclaration desdites heures.

En conséquence, il convient de condamner l'employeur à payer à Monsieur [C] la somme de 46 172, 11€ au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.

III - Sur les dépens et les frais du procès :

Les dépens doivent être supportés par la SAS Vinci Construction Grands Projets.

***

Il n'est pas inéquitable :

- de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné l'employeur à verser à Monsieur [C] la somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tout en déboutant l'employeur de sa propre demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner à hauteur l'employeur à payer au salarié la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile tout en le déboutant de sa propre demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement prononcé le 15 décembre 2021 par le conseil de prud'hommes de La Rochelle en ce qu'il a :

- 'jugé que la société Géocéan est régie par le droit français et se voit appliquer le code du travail, incluant le cadre applicable aux contrats de travail : le contrat de travail de Monsieur [C] est donc de droit français,' (sic),

- condamné la société Géocéan à verser à Monsieur [C] la somme de 32 321,96 € au titre de régularisation des heures supplémentaires,

- débouté Monsieur [C] de sa demande de 3 000 € de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

- condamné la société Géocéan à verser à Monsieur [C] la somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné la société Géocéan aux dépens,

Infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS Vinci Constructions Grands Projets venant aux droits de la SAS Géocéan à payer à Monsieur [C] la somme de 3 232, 96 € au titre de l'indemnité des congés payés afférents au rappel de salaires pour heures supplémentaires,

Déboute Monsieur [C] de sa demande formée au titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de travail et des temps de pause,

Prononce la résiliation du contrat de travail liant Monsieur [C] à la SAS Géocéan,

Dit que la résiliation du contrat de travail prend effet le 13 novembre 2020 et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Vinci Constructions Grands Projets venant aux droits de la SAS Géocéan à payer à Monsieur [C] les sommes de :

- 30 781,40 € brut au titre des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 46 172, 11€ au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

Déboute la SAS Vinci Constructions Grands Projets venant aux droits de la SAS Géocéan de sa demande de remboursement des sommes versées à Monsieur [C] dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi,

Condamne la SAS Vinci Constructions Grands Projets venant aux droits de la SAS Géocéan aux dépens,

Condamne la SAS Vinci Constructions Grands Projets venant aux droits de la SAS Géocéan à payer à Monsieur [C] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS Vinci Constructions Grands Projets venant aux droits de la SAS Géocéan de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00135
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.00135 ?
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