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10/04/2024 | FRANCE | N°22/00480

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 4ème chambre, 10 avril 2024, 22/00480


ARRET N°



N° RG 22/00480 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GPLR









[N]



C/



[Y]



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



4ème Chambre Civile



ARRÊT DU 10 AVRIL 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00480 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GPLR



Décision déférée à la Cour : jugement du 31 janvier 2022

rendu par le Juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de LA ROCHELLE.





APPELANTE :



Madame [L] [Z] [N]

née le [Date naissance 5] 1964 à [Localité 11]

[Adresse 1]

[Localité 13]



ayant pour avocat Me Julien GUILLARD de la SELARL BONNEAU- CASTE...

ARRET N°

N° RG 22/00480 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GPLR

[N]

C/

[Y]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

4ème Chambre Civile

ARRÊT DU 10 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00480 - N° Portalis DBV5-V-B7G-GPLR

Décision déférée à la Cour : jugement du 31 janvier 2022 rendu par le Juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de LA ROCHELLE.

APPELANTE :

Madame [L] [Z] [N]

née le [Date naissance 5] 1964 à [Localité 11]

[Adresse 1]

[Localité 13]

ayant pour avocat Me Julien GUILLARD de la SELARL BONNEAU- CASTEL-PORTIER-GUILLARD, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/1291 du 15/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de POITIERS)

INTIME :

Monsieur [U] [Y]

né le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 12]

[Adresse 8]

[Localité 13]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Sophie BONFILS, membre de la SELARL COMETE AVOCATS, avocat au barreau de LA ROCHELLE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Denys BAILLARD, Président

Madame Marie-Béatrice THIERCELIN, Conseillère

Madame Véronique PETEREAU, Conseillère, qui a présenté son rapport

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Diane MADRANGE,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

**********************

EXPOSE DU LITIGE

Dans des conditions de régularité, de forme et de délai non discutées, Mme [L] [N] a interjeté appel le 24 février 2022 d'un jugement rendu le 31 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de La Rochelle ayant notamment :

- fixé la date de jouissance divise au jour du présent jugement, soit le 31 janvier 2022,

- fixé la valeur de l'immeuble indivis sis [Adresse 1] [Localité 13] à la somme de 346.000 euros,

- débouté Mme [N] de sa demande de créance à l'encontre de l'indivision post-communautaire,

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme [N], à l'indivision post-communautaire, à la somme de 95.048,15 euros arrêtée au 31 janvier 2022 et à parfaire au jour du partage,

- débouté Mme [N] de sa demande au titre du préjudice de jouissance,

- débouté Mme [N] de sa demande de récompense,

- ordonné le partage conformément au présent jugement, et désigné Maître [R] [O], notaire, aux fins de dresser l'acte de liquidation partage conforme,

- renvoyé les parties devant le notaire ainsi désigné,

- débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts,

- débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles,

- condamné Mme [N] aux dépens de la présente instance, lesquels comprendront le coût de l'expertise judiciaire.

L'appelante, Mme [N], conclut à l'infirmation de la décision entreprise et demande à la cour :

Statuant à nouveau, de :

- ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de l'indivision [N]/[Y],

- juger que Mme [N] opérera une reprise de fonds propres à hauteur de 14.020 euros,

- juger que Mme [N] ne sera redevable d'aucune indemnité d'occupation,

- dire que le notaire liquidateur devra prendre en compte dans le partage :

- Récompense due à Mme [N] par la communauté : 14.020 euros,

- Immeuble [Adresse 1] à [Localité 13] : 285.000 euros,

- Créance de Mme [N] contre M. [Y] :

- Compte d'administration : 24.553,40 euros,

- Prestation compensatoire : 20.000 euros + intérêts majorés, - Préjudice de jouissance : 23.100 euros,

- condamner M. [Y] à verser à Mme [N] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise.

L'intimé, M. [U] [Y], forme appel incident et demande à la cour de :

- déclarer Mme [N] mal fondée en toutes ses demandes,

- déclarer M. [Y] bien fondé en son appel incident,

- confirmer le jugement du juge aux affaires familiales de La Rochelle du 31/01/2022, en ce qu'il a :

- débouté Mme [N] de sa demande de récompense contre la communauté,

- débouté Mme [N] de sa demande tendant à voir juger prescrite la demande d''indemnité d'occupation envers l'indivision post-communautaire,

- débouté Mme [N] de sa demande tendant à être exonérée du paiement d'une indemnité d'occupation,

- débouté Mme [N] de sa demande tendant à voire réduire de 66% l'indemnité d'occupation par elle due, pour que ne subsiste à sa charge qu'un tiers de la somme,

- débouté Mme [N] de sa demande non fondée d'indemnisation d'un préjudice de jouissance,

- condamné Mme [N] à supporter les dépens de l'instance qui incluront les frais d'expertise,

- infirmer le jugement du juge aux affaires familiales de La Rochelle du 31/01/2022, en ce qu'il a :

- fixé la valeur de l'immeuble sis [Adresse 1] [Localité 13] à la somme de 346.000 euros,

- appliqué un abattement de 30% sur l'indemnité d'évaluation proposée par l'expert, et

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme [N] à l'indivision post-communautaire à la somme de 95.048,15 euros arrêtée au 31 janvier 2022 et à parfaire au jour du partage,

- fixé la date de la jouissance divise au 31/12/2022,

- ordonné le partage conformément au jugement et désigné Me [R] [O] aux fins de dresser un acte liquidatif conforme,

- rappelé qu'en cas de refus par une des parties de signer l'acte de partage établi conformément au jugement, l'autre partie pourra saisir le juge aux fins d'homologation, et que dans ce cas les frais de la procédure pourront être mis à la charge de l'opposant ou du défaillant,

- débouté M. [Y] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- débouté M. [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et les demandes de Mme [N] :

- débouter Mme [N] de la demande qu'elle formule également sous l'intitulé de demande de reprise de fonds propres à hauteur de 14.020 euros,

- juger que l'indemnité d'occupation due par Mme [N] à l'indivision au 31/12/2023 sera la suivante :

- Indemnité d'occupation due du 06/05/2010 au 31/12/2020 : 122.660,32 euros,

- Indemnité d'occupation due du 01/01/2021 au 31/12/2021 : (12 mois x 1.010,40) 12.124,80 euros,

- Indemnité d'occupation due du 01/01/2022 au 31/12/2022 (12 mois x 1.305,45) 12.425,40 euros,

- Indemnité d'occupation due du 01/01/2023 au 31/12/2023 (12 mois x 1.071,63) 12.859,56 euros,

soit un sous-total au 31/12/2023 : 160.070,08 euros,

- juger que cette somme sera à parfaire à la date à laquelle interviendra le partage,

- juger que, conformément à la règle, les biens seront estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu'elle sera fixée par l'acte de partage, en tenant compte, s'il y a lieu, des charges les grevant,

- débouter Mme [N] de sa demande de créances tant contre l'indivision post-communautaire que contre M. [Y],

- désigner en application des articles 1364 et suivants du code de procédure civile, tel notaire qu'il plaira à la cour pour procéder aux opérations de partage,

- commettre un juge pour surveiller ces opérations,

- rappeler qu'en application des articles 1364 et suivants du code de procédure civile : le notaire désigné dispose d'un délai d'un an à compter de la réception de la présente décision pour dresser un état liquidatif qui établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties, la composition des lots à répartir ; ce délai est suspendu en cas de désignation d'un expert et jusqu'à la remise du rapport ; le notaire désigné convoque d'office les parties et leurs avocats et demande la production de tout document utile à 1'accomplissement de sa mission ; il leur impartit des délais pour produire les pièces sollicitées, rend compte au juge des difficultés rencontrées et peut solliciter de lui toute mesure de nature à faciliter le déroulement des opérations (injonctions, astreintes, désignation d'un expert en cas de désaccord, désignation d'un représentant à la partie défaillante, conciliation en sa présence devant le juge, vente forcée d'un bien...) ; si un acte de partage amiable est établi, le notaire en informe le juge qui constate la clôture de la procédure, étant rappelé que les parties peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et réaliser un partage amiable ; en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmet au juge un procès-verbal reprenant les dires des parties ainsi que le projet d'état liquidatif ; rappeler qu'en application des dispositions de l'article 841-1 du code civil : si le notaire commis pour établir l'état liquidatif se heurte à l'inertie d'un indivisaire, il peut le mettre en demeure, par acte extrajudiciaire, de se faire représenter ; faute pour l'indivisaire d'avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure, le notaire peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu'à la réalisation complète des opérations,

- condamner Mme [N] à payer à M. [Y] la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

- débouter Mme [N] de toutes demandes contraires et de toutes autres demandes,

- débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [N] à payer à M. [Y] en application de l'article 700 du code de procédure civile :

- la somme de 5.000 euros au titre de la procédure de la première instance,

- la somme de 5.000 euros au titre de la procédure d'appel,

- condamner Mme [N] à supporter les dépens de première instance qui incluront les frais d'expertise et les dépens de l'appel.

Vu les dernières conclusions de l'appelante en date du 16 janvier 2024 ;

Vu les dernières conclusions de l'intimé en date du 8 janvier 2024 ;

La clôture initialement prévue pour le 17 janvier 2024 a été reportée au 31 janvier 2024.

SUR QUOI

M. [U] [Y] et Mme [L] [N] se sont mariés le [Date mariage 2] 1997 à [Localité 13] (Charente-Maritime), en faisant précéder leur union d'un contrat de mariage reçu le 4 octobre 1997 par Maître [J], notaire à [Localité 14]. Par ce contrat, ils ont adopté un régime de la communauté de biens réduite aux acquêts et M. [Y] a apporté à la communauté une maison d'habitation sise [Adresse 1] à [Localité 13], laquelle est devenue le domicile conjugal. M. [Y] avait, pour ce faire, procédé au rachat des droits de son frère et de sa soeur de ce bien immobilier reçu en héritage pour un montant de 720.000 francs (soit 109.763,30 euros).

De cette union, sont nés trois enfants : [C] le [Date naissance 3] 1987, [H] le [Date naissance 6] 2000 et [D] le [Date naissance 9] 2004.

Suivant ordonnance de non conciliation rendue le 6 mai 2010, sur la requête de l'époux, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de La Rochelle a notamment attribué la jouissance du domicile conjugal à Mme [N], à titre onéreux.

Suivant jugement du 13 octobre 2014, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de La Rochelle a prononcé le divorce des époux [Y] et [N] et a ouvert les opérations de compte, liquidation et partage du régime matrimonial et renvoyé les parties à désigner amiablement le notaire chargé d'y procéder.

Suivant arrêt du 28 octobre 2015, la cour d'appel de Poitiers, saisie par Mme [N] qui avait interjeté appel, a infirmé le jugement sur les chefs critiqués et a condamné M. [Y] à verser à Mme [N] une somme de 20.000 euros au titre de la prestation compensatoire et à lui verser également une somme de 360 euros au titre de la contribution à l'entretien et à l'éducation des deux enfants mineurs.

M. [Y] a confié les opérations de liquidation et partage du régime matrimonial et de l'indivision post communautaire à Maître [E], notaire à [Localité 14].

Malgré l'intervention du notaire, aucun partage amiable n'a pu aboutir.

Par acte du 16 mai 2018, M. [Y] a fait assigner Mme [N], devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de La Rochelle, sollicitant avant dire droit une expertise judiciaire portant sur l'évaluation du bien immobilier indivis et au fond, le partage judiciaire de la communauté ayant existé entre les époux, la taxation d'une indemnité d'occupation de 1.100 euros par mois à la charge de Mme [N], son expulsion du logement et sa condamnation à des dommages et intérêts.

Suivant jugement du 20 mai 2019, le juge aux affaires familiales a, avant dire droit, ordonné une mesure d'expertise judiciaire aux fins d'estimation de la valeur locative et d'achat du bien immobilier, et a sursis à statuer pour le surplus dans l'attente du dépôt du rapport.

L'expert judiciaire qui a déposé son rapport le 10 décembre 2020 conclut notamment que la valeur vénale du bien en 2010, libre de toute occupation, était de 275.000 euros et la valeur actualisée en 2020 de 346.000 euros.

Par jugement du 13 novembre 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de La Rochelle a fixé à 180 euros par mois et par enfant le montant de la pension alimentaire.

Par arrêt du 9 février 2022, la cour d'appel de Poitiers, saisie par Mme [N] qui avait interjeté appel, a infirmé le jugement et a condamné M. [Y] à verser une contribution à l'entretien et à l'éducation de 100 euros par mois et par enfant.

Dans le cadre de la procédure d'appel, Mme [N] a sollicité devant le conseiller de la mise en état une nouvelle expertise judiciaire aux fins d'estimation du bien immobilier aux motifs que le marché immobilier de l'Ile de Ré a encore évolué. Par ordonnance du 27 juin 2023, le conseiller de la mise en état a débouté Mme [N] de sa demande d'expertise et l'a condamnée à payer à M. [Y] une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de cette seule procédure d'incident et une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée également aux dépens.

* * *

Sur la demande d'ouverture des opérations de compte liquidation partage, la valeur du bien de l'immeuble et la date de jouissance divise

M. [Y] demande qu'il soit procédé aux opérations de compte liquidation et partage de la communauté et revendique ses droits ; il souhaite que l'immeuble soit vendu et que le produit de la vente soit partagé au prorata des droits de chacun et tient à ce titre que Mme [N] s'acquitte de l'indemnité d'occupation dont elle est redevable envers l'indivision post-communautaire. Il estime que l'orientation vers la procédure de partage non complexe de l'article 1361 du code de procédure décidée par le premier juge n'est pas adaptée à la situation, notamment car aucune des parties n'a les moyens financiers de se faire attribuer la propriété de l'immeuble commun et de payer pour cela une soulte à l'autre.

Il sollicite également l'infirmation du jugement sur la fixation de la valeur du bien aux motifs que l'expert en 2020 a retenu une valeur du bien à 346.000 euros compte tenu de l'importance des travaux à réaliser, chiffrés à 130.000 euros, mais que depuis, le marché de l'immobilier sur l'Ile de Ré a évolué et qu'ils ont reçu une proposition d'achat à 500.500 euros nets vendeur ; que la maison n'est pas vendue pour la seule raison que Mme [N] s'y refuse. Il estime que la valeur de la maison correspondra donc à son prix de vente qui est aujourd'hui inconnu.

Enfin concernant la date de jouissance divise, il soutient que le premier juge a fixé la date de la jouissance divise au 31/01/2022, date de son jugement alors même que cette fixation n'avait pas été demandée par aucune des parties et qu'en application de l'article 829 du code civil, celle-ci est la plus proche possible du partage. Il fait valoir que l'immeuble ne devra être estimé à sa valeur à la date de la jouissance divise telle qu'elle sera fixée par l'acte de partage, en tenant compte, s'il y a lieu, des charges le grevant.

Mme [N] soutient que la valeur du bien doit être fixée à la somme de 287.000 euros, comme l'expert l'a fixée ; que cet immeuble a fait l'objet d'une surélévation ancienne, qui s'est lourdement dégradée au fil du temps ; que l'enduit a fini par se décoller, laissant apparaître de gros trous dans les murs des chambres ; que le coût des travaux de reprise pour la surélévation en bois s'élève à 92.450 euros et 3.000 euros pour la réfection de la terrasse, outre 15.000 euros de travaux supplémentaires.

* * *

Selon l'article 1364 du code de procédure civile, 'si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. Le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d'accord, par le tribunal.'

Selon l'article 829 du code civil, 'en vue de leur répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu'elle est fixée par l'acte de partage, en tenant compte, s'il y a lieu, des charges les grevant. Cette date est la plus proche possible du partage.

Cependant, le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité.'

En l'espèce, il convient de rappeler que l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage a d'ores et déjà été ordonnée lors du jugement de divorce du 13 octobre 2014. Maître [E], notaire avait été choisi pour parvenir à un partage amiable, lequel a échoué.

Il convient donc de désigner un nouveau notaire afin que son impartialité ne soit pas remise en cause par l'une ou l'autre partie et Me [R] [O], notaire à [Localité 10], sera désigné à cette fin.

Cette désignation sera donc confirmée.

Mais il convient, en l'espèce, de désigner également un juge commis conformément à l'article 1364 du code de procédure civile car, s'il n'y a qu'un seul bien immobilier à partager, il n'en demeure pas moins que le partage est complexe puisqu'un co-indivisaire occupe le bien, que celui-ci ne fait aucune diligence pour que le bien soit vendu, que ce bien immobilier ne pourra être attribué à aucun des co-indivisaires, que ce bien est le seul patrimoine financier, lequel permettrait à l'un comme à l'autre, s'il était vendu, de trouver une certaine stabilité financière.

Comme cela a été clairement exposé dans l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 27 juin 2023, la valeur dudit bien est amenée à évoluer et à accroître régulièrement et la véritable valeur du bien immobilier correspondra en réalité au prix auquel les parties réussiront à le vendre, étant rappelé qu'aucune des parties ne pourra se voir attribuer le bien au vu de leurs capacités financières respectives. Le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d'expertise du bien immobilier sollicitée par Mme [N] au motif que cette dernière, en réalité, ne souhaitait pas vendre et que cette demande, formée 5 jours avant la clôture des débats, était purement dilatoire, raison pour laquelle elle a été condamnée à payer à M. [Y] une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il convient, dans l'intérêt des parties, de ne pas fixer de date de jouissance divise, celle-ci devant être la plus proche possible du jour du partage, ce jour était encore très éloigné compte tenu de ce que le bien indivis doit être préalablement vendu et que Mme [N] qui y réside s'oppose toujours à cette vente.

La valeur du bien ne sera donc pas fixée, sa valeur devant être fixée à la date de la jouissance divise telle qu'elle sera fixée par l'acte de partage, en tenant compte, s'il y a lieu, des charges le grevant.

La décision déférée sera donc infirmée sur ces points.

Les points de désaccords soumis au tribunal seront d'ores et déjà tranchés.

Sur la demande de récompense formée par Mme [N]

Mme [N] soutient qu'elle a apporté à la communauté 6.000 euros d'héritage de son oncle en 2003 et 8.020,82 euros provenant d'une indemnité personnelle à la suite d'un procès avec son employeur qui demeure un propre à Mme [N] ; que les époux sont mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, de sorte que les fonds que reçoit Mme [N], tant au titre de l'héritage de son oncle en 2003 que de l'indemnité prud'homale, sont nécessairement reçus par la communauté ; que la Cour infirmera la décision sur ce point et dira que le notaire liquidateur devra intégrer une récompense au profit de Mme [N] à hauteur de 14.020 euros.

M. [Y] soutient que le jugement doit être confirmé aux motifs que Mme [N] ne justifie pas de la perception effective des sommes qu'elle prétend avoir reçues, et ne démontre pas l'encaissement par la communauté de fonds propres ; que les conditions du droit à récompense fixées par l'article 1433 du code civil ne sont donc pas remplies.

* * *

Aux termes de l'article 1402 alinéa 1er du code civil, 'Tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve pas qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi'.

L'article 1403 du même code indique que 'chaque époux conserve la pleine propriété de ses propres.

La communauté n'a droit qu'aux fruits perçus et non consommés. Mais récompense pourra lui être due, à la dissolution de la communauté, pour les fruits que l'époux a négligé de percevoir ou a consommé frauduleusement, sans qu'aucune recherche, toutefois, soit recevable au-delà des cinq dernières années.'

L'article 1433 du code civil énonce que 'la communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres. Il en est ainsi, notamment, quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d'un propre, sans qu'il en ait été fait emploi ou remploi. Si une contestation est élevée, la preuve que la communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous les moyens, même par témoignages et présomptions.

En l'espèce, Mme [N] soutient avoir reçu un héritage de 6.000 euros de son oncle en 2003. Elle produit deux pièces qui permettent d'établir que son oncle lui a effectivement envoyé un chèque de 6.000 euros avec 'le souhait que la part de [C] et [H] (les deux fils de Mme [N]) leur profite au maxi', ce qui sous-entend que la somme ne lui revenait pas dans sa globalité. Par ailleurs, Mme [N] ne démontre pas que ces fonds ont été remis à la communauté.

Concernant l'autre somme (8.020 euros) sollicitée, Mme [N] produit deux seules pièces lesquelles ne permettent aucunement d'établir que cette somme déposée par chèque sur un compte commun le 14 janvier 2000 serait en réalité des fonds propres de Mme [N].

En conséquence, il convient de rejeter cette demande de reprise de fonds propres formée par Mme [N].

La décision déférée sera sur ce point confirmée.

Concernant l'indemnité d'occupation due par Mme [N]

Mme [N] soutient que l' indemnité d'occupation allant du 13 octobre 2014 au 13 octobre 2019 est prescrite ; que l'expert a estimé une valeur locative à 10 euros le mètre carré, pour une habitation de 119 m² ; que l'expert s'est trompé dans ses calculs, la surface n'étant que de 110 m² ; que la valeur fixée par l'expert est une valeur locative, et non une indemnité d'occupation et l'abattement usuel de 30% sur les indemnités d'occupation doit donc s'appliquer, soit 770 euros par mois, et donc 385 euros par indivisaire. Par ailleurs, elle fait valoir qu'elle ne doit pas être redevable de cette indemnité d'occupation ou qu'il faut alors la réduire de 66 % pour qu'elle ne soit redevable que d'un tiers ; qu'il faut prendre en considération le fait que depuis le jugement du 9 novembre 2017, le juge aux affaires familiales de La Rochelle a ordonné la suspension de la pension alimentaire mise à sa charge ; qu'il n'a pas non plus été pris en compte l'absence totale de paiement au titre de la prestation compensatoire et du désastre que cela constitue sur son patrimoine ; qu'elle est ainsi condamnée à payer une indemnité d'occupation pour un immeuble commun dans lequel vivaient ses enfants ; que ses revenus sont extrêmement modestes et qu'elle a toujours à sa charge [H], lui-même handicapé, qui rencontre des difficultés d'insertion dans la vie professionnelle ; qu'[D] est, quant à elle, toujours à sa charge également puisqu'elle est étudiante ; qu'elle ne vit pas confortablement dans cet immeuble délabré ; si elle s'y est maintenue, c'est qu'elle ne dispose d'aucun autre endroit où aller, alors qu'au regard de la faiblesse de ses revenus, le parc locatif privé lui est fermé, le parc locatif public étant surchargé ; que ses enfants ont toutes leurs attaches dans l'île de Ré.

M. [Y] soutient que la demande de la prescription de la défenderesse est mal fondée ; qu'il n'y a pas lieu à appliquer un abattement de 30% sur l'indemnité d'évaluation, pourcentage supérieur à la pratique habituelle ; que Mme [N] qui se maintient dans les lieux depuis 2010, malgré toutes les démarches de M. [Y] pour tenter de vendre le bien, n'est pas dans une situation plus précaire que celle d'un locataire ; que l'expert, pour fixer le montant de la valeur de l'indemnité d'occupation, a d'ores et déjà pris en considération l'état de l'immeuble, lequel n'était pas dégradé en 2010 comme il l'est en 2020 ; que la valeur actuelle de l'immeuble est de l'ordre de 500.500 euros , qui sur la base habituellement pratiquée d'une valeur locative moyenne de 4%, devrait générer un loyer annuel de 20.000 euros (soit 1 666 €/mois). Par ailleurs, il fait valoir que la jouissance du domicile conjugal a été attribuée à Mme [N] pour la durée de la procédure de divorce et expressément à titre onéreux, en considération d'un équilibre économique global ; que lui contribuait parallèlement aux besoins des enfants ; que dès l'ordonnance de non-conciliation de divorce, une pension alimentaire a été mise à sa charge et qu'il les a payées comme cela a été dit par la cour d'appel de Poitiers qui l'a relaxé du chef des poursuites engagées contre lui pour abandon de famille ; que, quant au non-paiement de la prestation compensatoire mise à sa charge, elle ne relève pas d'une intention délibérée, mais elle est la conséquence de son impossibilité à la payer due à la faiblesse de ses revenus et surtout due au refus de Mme [N] de vendre l'immeuble commun, et qu'elle occupe toujours, bien que le divorce soit définitif depuis 2015 ; qu'il est de bonne foi et qu'il vit une situation de surendettement laquelle lui a permis une suspension de l'exigibilité des créances à son encontre, afin de permettre la vente de l'immeuble commun toujours occupé par Mme [N] ; que rien ne justifie qu'aujourd'hui Mme [N] soit exonérée du paiement d'une indemnité d'occupation prévue dès le stade de l'ordonnance de non-conciliation de divorce.

* * *

Aux termes de l'article 815-9 du code civil, 'chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.

L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.'

L'article 815-10 alinéa 3 du même code dispose que ' aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera, toutefois, recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l'être.'

- concernant la prescription :

Concrètement, la prescription quinquennale qui s'applique à l'indemnité d'occupation ne peut commencer à courir qu'à compter du jour où le jugement de divorce acquiert force de chose jugée.

En outre, la jurisprudence a précisé que le délai de cinq ans pouvait être interrompu par une assignation, sous réserve que celle-ci tende à la reconnaissance d'un droit et identifie suffisamment le débiteur et la dette ou par l'établissement d'un procès-verbal de difficultés dressé par le notaire chargé de la liquidation et du partage, dès lors que celui-ci contient une demande portant sur le droit dont la prescription est alléguée.

Il sera relevé à titre liminaire que l' indemnité d'occupation est due depuis le 6 mai 2010, date de l'ordonnance de non-conciliation.

En l'espèce, il convient de relever que le jugement de divorce est intervenu le 13 octobre 2014 mais que Mme [N] a fait appel de la décision sur des chefs autres que le prononcé du divorce, notamment sur la prestation compensatoire. M. [Y], dans le cadre de cette procédure, n'a pas fait appel du divorce, ce qui est confirmé par ses conclusions portées devant la cour d'appel le 7 septembre 2015. C'est cette date qu'il convient donc de retenir : le divorce est donc devenu définitif le 7 septembre 2015.

La prescription quinquennale court donc qu'à partir de cette date.

M. [Y] devait donc engager une action pour revendiquer une indemnité d'occupation dans les 5 ans à compter de cette date.

En l'espèce, M. [Y] a fait assigner Mme [N] par acte du 16 mai 2018 dans lequel il demande de 'dire que Mme [N] est redevable de manière rétroactive à compter du prononcé du divorce d'une somme de 1 100 euros par mois à l'indivision formée avec lui et ce, au titre de l'indemnité d'occupation'.

Cette demande, même si elle n'est pas une demande expresse de paiement comme le souligne Mme [N] et même si le montant de l'indemnité n'était pas encore fixé, elle est suffisamment claire pour que Mme [N] comprenne ce qui lui était réclamé et permet de considérer cet acte comme un acte interruptif de prescription quant à l'indemnité d'occupation.

En conséquence, il n'y a pas lieu d'appliquer la prescription quinquennale et l'indemnité d'occupation reste due à compter du 6 mai 2010.

La décision déférée est confirmée sur ce point.

- concernant le montant

Les règles d'évaluation de l'indemnité d'occupation relèvent du pouvoir d'appréciation du juge du fond. Pour en fixer son montant, il convient de déterminer la valeur locative du bien mais d'autres éléments propres à l'espèce peuvent aussi être pris en considération. Le droit de l'occupant étant plus précaire que celui d'un locataire protégé par un statut légal, il convient d'opérer une réfaction sur la valeur locative.

En l'espèce, le raisonnement de Mme [N], laquelle sollicite un montant moindre que celui fixé par le premier juge, n'est pas compréhensible puisque, tandis qu'elle critique le montant retenu par l'expert au regard de la surface erronée calculée par ce dernier, elle sollicite une valeur de 770 euros par mois et ce, alors même que le premier juge a retenu, en fonction des années, entre 623 euros et 706, 63 euros par mois, soit un montant moindre. Ce raisonnement ne sera donc pas retenu étant relevé que Mme [N] sollicite au dispositif de ses conclusions à n'être redevable d'aucune indemnité d'occupation.

En l'espèce, même si l'expert judiciaire s'est trompé de 10 m2 quant à la surface de la maison ce qui, au surplus, n'est pas clairement établi, cette erreur est peu significative et ne vient pas remettre en cause la valeur locative fixée par l'expert. Ce dernier a retenu un loyer en 2010 de 890 euros avec indexation sur l'indice de référence des loyers pour atteindre en 2020 un loyer de 1.009,47 euros.

L'expert a souhaité remarquer que l'aspect extérieur du pavillon était très dégradé, contrairement à l'intérieur, qui ne présente pas de désordre apparent, mais souligne que, pour autant, cet intérieur n'est pas conforme à la réglementation en vigueur et aux normes de confort en matière locative. Ainsi le chauffage est obsolète, le tableau électrique est non conforme et il y a un défaut de diagnostics.

Eu égard au statut de l'indivisaire occupant plus précaire que celui d'un locataire et eu égard à la vétusté d'une partie du bien, il convient de retenir un abattement de 30 % sur la valeur locative retenue par l'expert judiciaire, soit en 2010, 890 euros - 30 % soit 623 euros, et en 2020, 1.009,47 - 30 % soit 706,63 euros, le montant étant soumis à indexation sur l'indice de référence des loyers (IRL).

Le calcul effectué par le premier juge sera donc validé.

Mme [N] est donc redevable à l'indivision d'une somme globale de 95.048,15 euros au titre de l' indemnité d'occupation due à compter du 6 mai 2010 arrêtée au 31 janvier 2022, somme à parfaire au jour du partage.

Il convient de souligner auprès de Mme [N] que cette indemnité d'occupation n'est pas due à M. [Y] mais à l'indivision dont elle fait elle-même partie.

La décision déférée est donc confirmée sur ce point.

- concernant l'exigibilité de l'indemnité d'occupation

La jurisprudence a pu rappeler que la présence des enfants peut amener le juge à réduire, voire à supprimer, l'indemnité pour jouissance privative due par l'époux occupant.

Toutefois, en l'espèce, il convient de relever que dès l'ordonnance de non-conciliation, le juge a décidé d'attribuer la jouissance du domicile conjugal à Mme [N] à titre onéreux et a mis à la charge de M. [Y] une pension alimentaire mensuelle de 300 euros (soit 150 euros par enfant) pour sa contribution à l'entretien et à l'éducation de leurs deux enfants communs. Au regard de la situation financière de M. [Y], le montant de la contribution à l'entretien et à l'éducation fixé n'était pas dérisoire.

Il n'y a pas lieu non plus de prendre en considération le fait que M. [Y] n'ait pas réglé la prestation compensatoire à Mme [N] dès lors qu'il est établi par les pièces produites au dossier que M. [Y] s'est retrouvé en situation de surendettement et qu'il a pu obtenir une suspension de l'exigibilité de ses créances, étant par ailleurs souligné qu'il a toujours réglé les contributions à l'entretien et à l'éducation de ses enfants. Comme il l'a déjà été exposé dans l'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 27 juin 2023, M. [Y] n'a pas pu payer la prestation compensatoire en raison de sa situation financière délicate, et non en raison d'une intention frauduleuse de sa part. La situation financière de Mme [N] est, certes, également délicate mais la solution réside simplement mais uniquement dans la vente de ce bien immobilier dans lequel elle réside et qui permettrait à l'un comme à l'autre de retrouver une stabilité financière. Si Mme [N] rapporte la preuve qu'elle a fait des démarches pour obtenir un logement social, elle ne démontre pas avoir fait diligence pour vendre le bien.

Au vu de ces éléments, il n'y a pas lieu d'accueillir le demande de Mme [N] et il convient de dire que l'indemnité d'occupation est exigible.

La décision déférée sera sur ce point confirmée.

Sur les créances de Mme [N] à l'encontre de M. [Y]

- Sur les dépenses faites au profit de l'indivision :

Mme [N] demande le remboursement des sommes pour l'entretien de la chaudière et pour le fioul dépensé, outre le remboursement des frais occasionnés pour la conservation de la surélévation de l'immeuble, et les travaux nécessaires pour remplacer la chaudière ainsi que des travaux en vue de réparer la toiture (fuites) outre les travaux à réaliser en urgence à la suite de l'effondrement de la façade de l'immeuble en novembre 2023, soit un total de 24.553,40 euros.

M. [Y] soutient que Mme [N] n'est pas fondée à solliciter les sommes réclamées car elle ne justifie d'aucune dépense au titre de l'importante dégradation de la surélévation bois et de la vétusté du chauffage susceptible de justifier une indemnisation sur le fondement de l'article 815-13 du code civil ; quant aux frais d'entretien de la chaudière et de consommation de fioul, il s'agit de dépenses de fluides et d'entretien courant qui doivent rester à sa charge en sa qualité d'occupante du bien.

* * *

Selon l'article 815-13 du code civil, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.

Inversement, l'indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute.

La jurisprudence souligne que le juge apprécie souverainement si les travaux réalisés constituent une dépense nécessaire à la conservation du bien indivis. Si les travaux, même simples d'entretien, d'un immeuble indivis ont été nécessaires à sa conservation, alors l'indivisaire qui a engagé des frais est fondé à obtenir une indemnité prévue par l'article 815-13 du code civil.

En l'espèce, il ressort des pièces produites par Mme [N] que le logement s'est dégradé à l'extérieur et que des travaux étaient absolument nécessaires afin que le bien ne se dégrade pas davantage.

Il est également établi que Mme [N] a eu des gros problèmes de chauffage ; elle a dû engager des frais tant pour l'entretien que pour la réparation de la chaudière. Ces dépenses d'entretien ont permis la conservation du bien, sans lesquelles le bien aurait pu connaître une dépréciation. Dès lors, toutes les dépenses en lien avec la chaudière qu'elles soient d'entretien ou de réparation doivent être retenues au titre des dépenses faites par Mme [N] au profit de l'indivision.

Il convient donc de retenir la facture de septembre 2017 (pièce 19) d'un montant de 246, 65 euros ainsi que pour 2018, la somme de 77 euros. En effet, Mme [N] a pu, à cette époque, obtenir une aide financière par le conseil départemental de sorte qu'il ne lui restait plus que 77 euros à sa charge (pièce 20). Il convient également de retenir le remplacement de la chaudière au regard des justificatifs produits : les factures de 2021 pour un montant total de 6.594,40 euros et celles de 2022 de 616 euros.

Ainsi pour l'entretien de la chaudière et le remplacement de celle-ci, il convient de retenir une somme de 7.534 euros.

En revanche, Mme [N] ne rapporte pas la preuve que sa forte consommation de fioul était en lien avec le dysfonctionnement du chauffage de sorte que les dépenses liées à cette consommation n'a pas à être prise en charge par l'indivision.

En ce qui concerne les travaux conservatoires pour réparer les façades extérieures, il est constant que l'état était très dégradé et que des travaux étaient nécessaires. À ce titre, il convient de relever que certaines factures soumises à la cour étaient en double exemplaire (pour exemple, factures Leroy Merlin n° 470160, 460724) et que certaines d'entre elles ne concernaient manifestement pas des réparations extérieures puisqu'elles portaient sur l'achat de joints de cuvettes, grille pour lavabo, patins chaussants glissants, étagères en pin, peinture cuisine et salle de bains, éclairage, mitigeur de douche siphon lavabo, tapis blanc oval (pour exemple : factures Leroy Merlin n° 84869, 38270, 77475, 30866). Au regard des travaux conservatoires accomplis, lesquels étaient absolument nécessaires pour la bonne conservation du bien indivis, il convient d'allouer à Mme [N] la somme de 1.262 euros.

En ce qui concerne les travaux antérieurs à la surélévation, Mme [N] sollicite 5.000 euros mais ne rapporte aucune justification ni explication concernant ces travaux. Elle en sera donc déboutée.

Mme [N] sollicite également une somme de 6.258,12 euros au titre des travaux d'effondrement de la façade en novembre 2023. Ces travaux nécessaires et d'importance ont permis la conservation du bien. Les photographies produites justifient que les travaux ont bel et bien été réalisés. Au regard des factures communiquées lesquelles ont toutes été retenues à l'exception des factures Leroy Merlin n° 88592 et 474846 lesquelles ne concernent manifestement pas la réfaction des façades, il convient d'allouer à Mme [N] la somme de 5.963 euros.

En conséquence, au vu de tous ces éléments, il convient de fixer la créance de Mme [N] à l'égard de l'indivision à la somme de 14.759, 05 euros pour l'ensemble des dépenses qu'elle a réalisées au bénéfice de l'indivision.

La décision sera donc infirmée sur ce point.

- Sur le préjudice de jouissance

Mme [N] soutient que M. [Y] a sciemment laissé son épouse et ses deux enfants vivre dans des conditions effroyables, avec un chauffage lourdement défectueux, au sein d'une maison dont la surélévation présentait des trous en façade et elle n'avait pas les moyens de procéder aux travaux de reprises ; lui, n'a jamais souhaité procéder aux réparations et elle a toujours voulu quitter cet endroit ; elle a présenté des demandes de relogement partout, sans réponse. Elle soutient avoir subi un trouble de jouissance important du fait de cette inertie et demande 385 euros par mois d'occupation, sur les cinq dernières années, soit la somme de 23.100 euros, ce qui correspond à la part de Mme [N] dans l'indemnité d'occupation.

M. [Y] soutient que Mme [N] n'est pas fondée à solliciter un préjudice de jouissance car elle ne l'a jamais sollicité pour effectuer des travaux ; de plus, les pannes et dégradations procèdent d'un défaut d'entretien ; cela a été pris en compte dans le pourcentage d'abattement retenu par le premier juge. Il souligne que Mme [N] a refusé en février 2018 l'attribution d'un logement social T3 à [Localité 14] ; dans les lieux depuis 2010, elle s'oppose farouchement à toutes les tentatives de vente du bien par M. [Y], qui lui permettraient pourtant de se reloger. La prestation compensatoire n'entre pas dans les créances entre époux au titre de la liquidation du régime matrimonial.

* * *

En l'espèce, Mme [N] est mal fondée à solliciter une indemnisation pour son préjudice de jouissance alors même que, si un préjudice de jouissance peut être établi, Mme [N] ne démontre pas avoir demandé à M. [Y] de réaliser des travaux d'urgence et d'importance sauf en novembre 2023 et qu'il est établi que ce dernier n'était pas en capacité financière d'effectuer des travaux, notamment ces dernières années ; il n'est pas démontré d'intention de M. [Y] de maintenir dans de mauvaises conditions de logement ses enfants et Mme [N]. Cette dernière a, au surplus, contribué à la réalisation de son propre préjudice en se maintenant dans ce logement sans chercher à le vendre alors qu'il aurait été plus aisé de commencer par vendre le bien indivis puis de chercher un logement, lequel aurait pu alors être trouvé dans le secteur privé au vu de sa situation financière améliorée en raison du montant de la vente du bien.

Il sera en outre ajouté que la vétusté du bien a déjà été prise en compte dans la fixation du montant de l'indemnité d'occupation et que Mme [N] bénéficie donc déjà de manière indirecte d'une indemnisation pour le préjudice subi.

En conséquence, Mme [N] sera déboutée de sa demande et la décision déférée sera sur ce point confirmée.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [Y]

M. [Y] demande des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 code civil ajoutant que la résistance abusive se définit par la contrainte pour une partie d'intenter une action en justice pour parvenir à ses fins ; que Mme [N] oppose bien une résistance abusive au partage, qui lui crée un préjudice ; que son maintien obstiné dans l'immeuble commun depuis 2010 et son opposition farouche à toutes les tentatives de vente de M. [Y], ne peuvent pas s'expliquer par ses difficultés à trouver un autre logement ; il lui appartenait d'accepter ce logement T3 à [Localité 14] en 2018 ; la vente du bien lui permettrait précisément se reloger grâce au capital correspondant à ses droits dans le bien, augmenté de la prestation compensatoire que M. [Y] a été condamné à lui payer ; que par cette attitude fautive, Mme [N] contraint notamment M. [Y] à régler un loyer mensuel de 600 euros, alors que si l'ancien domicile conjugal avait été vendu, il aurait pu depuis des années acquérir son propre logement avec sa part du produit de la vente ; à cela s'ajoutent les frais de justice qui s'accumulent.

Mme [N] ne répond pas.

Selon l'article 1240 du code civil, 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'

En l'espèce, il convient de relever à titre liminaire que la preuve n'est pas rapportée que Mme [N] aurait refusé un logement T3 à [Localité 14] en 2018 comme le soutient M. [Y]. Pour autant, il est manifeste que Mme [N] n'entreprend aucune diligence pour mettre en vente le bien, persuadée qu'elle doit préalablement trouver le bon logement adapté à sa situation personnelle et financière. Or, ce raisonnement n'est pas constructif car elle se maintient dans un logement inadapté et de manière temporaire puisqu'il n'existe aucune solution pour qu'elle puisse le conserver. En revanche, la vente rapide du bien compte tenu de l'évolution très favorable du marché de l'immobilier lui permettrait de louer dans un premier temps puis éventuellement d'acheter son propre logement. Alors même qu'elle fait obstacle à la vente en refusant notamment de recevoir l'agence immobilière laquelle avait trouvé des acquéreurs proposant un prix supérieur à 500.000 euros, elle lance des procédures pour réclamer sa prestation compensatoire et ce, alors qu'il est établi que M. [Y] est en situation financière délicate, ayant été placé en situation de surendettement et qu'il ne peut régler la prestation compensatoire sans la vente du bien immobilier indivis.

Mme [N] ne peut donc ignorer que son inertie fautive accroît les difficultés financières de M. [Y]. La pièce 26 qui est le courrier du notaire envoyé à l'avocat de M. [Y] faisant état des sommes dues en sus du montant initial de la prestation compensatoire (actes de procédure : 1.393,74 euros ; intérêts courus au 4 janvier 2024 : 12.586,57 euros) l'établit sans conteste.

En conséquence, il est démontré que Mme [N] agit avec un comportement fautif et que ce comportement engendre un dommage pour M. [Y]. Mme [N] doit donc être condamnée pour la réparation du préjudice de M. [Y] à lui allouer la juste somme de 6.000 euros.

Sur les demandes accessoires

Il convient de dire que les dépens de première instance, en ceux compris les frais d'expertise, et les dépens en cause d'appel seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de la moitié chacun.

En première instance, il convient de débouter les parties de leurs demandes formées sur l'article 700 du code de procédure civile.

La décision sera confirmée sur ce point.

En cause d'appel, les parties ayant toutes deux succombé partiellement, leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront également rejetées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant dans les limites de l'appel,

Au fond,

Infirme la décision déférée en ce qu'elle a fixé la date de la jouissance divise au 31/12/2022, fixé la valeur de l'immeuble sis [Adresse 1] [Localité 13] à la somme de 346.000 euros, ordonné le partage conformément au jugement, débouté Mme [N] de sa demande de récompense, débouté M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, condamné Mme [N] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit n'y avoir lieu à fixer la date de la jouissance divise, laquelle doit être la plus proche possible du jour du partage,

Dit n'y avoir lieu fixer la valeur du bien immobilier, ce bien devant être estimé à sa valeur à la date de la jouissance divise telle qu'elle sera fixée par l'acte de partage, en tenant compte, s'il y a lieu, des charges les grevant,

Désigne Me [O], notaire demeurant [Adresse 7] à [Localité 10], en application des articles 1364 et suivants du code de procédure civile,

Commet un juge commis aux opérations de comptes, liquidation partage, du tribunal judiciaire de La Rochelle,

Rappelle qu'en application des articles 1364 et suivants du code de procédure civile :

- le notaire désigné dispose d'un délai d'un an à compter de la réception de la présente décision pour dresser un état liquidatif qui établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties, la composition des lots à répartir ; ce délai est suspendu en cas de désignation d'un expert et jusqu'à la remise du rapport,

- le notaire désigné convoque d'office les parties et leurs avocats et demande la production de tout document utile à l'accomplissement de sa mission,

- il leur impartit des délais pour produire les pièces sollicitées, rend compte au juge des difficultés rencontrées et peut solliciter de lui toute mesure de nature à faciliter le déroulement des opérations (injonctions, astreintes, désignation d'un expert en cas de désaccord , désignation d'un représentant à la partie défaillante, conciliation en sa présence devant le juge, vente forcée d'un bien...),

- si un acte de partage amiable est établi, le notaire en informe le juge qui constate la clôture de la procédure, étant rappelé que les parties peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et réaliser un partage amiable,

- en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmet au juge un procès-verbal reprenant les dires des parties ainsi que le projet d'état liquidatif,

- rappelle qu'en application des dispositions de l'article 841-1 du code civil : si le notaire commis pour établir l'état liquidatif se heurte à l'inertie d'un indivisaire, il peut le mettre en demeure, par acte extrajudiciaire, de se faire représenter ; faute pour l'indivisaire d'avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure, le notaire peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu'à la réalisation complète des opérations,

Dit que Mme [L] [N] a une créance à l'égard de l'indivision post-communautaire, au titre des dépenses de conservation effectuées sur le bien indivis, à hauteur de 14.759,05 euros,

Condamne Mme [N] à payer à M. [Y] la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

Dit que les dépens de première instance, en ceux compris les frais d'expertise, seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de la moitié chacun,

Confirme la décision déférée pour le surplus,

Y ajoutant,

Dit que les dépens en cause d'appel seront employés en frais privilégiés de partage et supportés par les parties à proportion de la moitié chacun,

Déboute les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Le présent arrêt a été signé par Denys BAILLARD, Président et par Diane MADRANGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

D. MADRANGE D. BAILLARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/00480
Date de la décision : 10/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-10;22.00480 ?
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