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09/04/2024 | FRANCE | N°23/00377

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 2ème chambre, 09 avril 2024, 23/00377


ARRET N°132

CL/KP

N° RG 23/00377 - N° Portalis DBV5-V-B7H-GXP3













[Z]



C/



[U]



































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



2ème Chambre Civile



ARRÊT DU 09 AVRIL 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00377 - N° Portalis DBV5-V

-B7H-GXP3



Décision déférée à la Cour : jugement du 13 décembre 2022 rendu par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE.





APPELANT :



Monsieur [G] [Z]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 7] (57)

[Adresse 5]

[Localité 4]



Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-...

ARRET N°132

CL/KP

N° RG 23/00377 - N° Portalis DBV5-V-B7H-GXP3

[Z]

C/

[U]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 09 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00377 - N° Portalis DBV5-V-B7H-GXP3

Décision déférée à la Cour : jugement du 13 décembre 2022 rendu par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE.

APPELANT :

Monsieur [G] [Z]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 7] (57)

[Adresse 5]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Marie-Eve CHAUVET de la SELARL REYNAUDI - CHAUVET, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT.

INTIMEE :

Madame [I] [U]

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 8] (57)

[Adresse 6]

[Localité 3]

Ayant pour avocat plaidant Me Stéphane PRIMATESTA de la SELARL TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Le 16 décembre 1992, Madame [I] [U] et Monsieur [G] [Z] se sont mariés sous le régime de la séparation de biens.

Le 16 juillet 2007, Madame [I] [U] et Monsieur [G] [Z] ont créé la société civile immobilière Nassuad (la société) avec leurs deux enfants, au capital social de 500 euros représentant 50 parts sociales réparties comme suit :

- Madame [U] : une part ;

- Monsieur [Z] : 37 parts ;

- leurs deux enfants: 6 parts chacun en nue propriété.

Par ordonnance du 5 décembre 2017, le juge des référés du tribunal judiciaire de La Rochelle a ordonné une mesure d'expertise judiciaire aux fins:

- de se faire remettre tous documents utiles et notamment l'ensemble des documents comptables de la société depuis sa création en 2007;

- d'examiner les écritures passées au titre des comptes courants d'associés depuis cette date ;

- de dire si des distributions de résultat étaient intervenues depuis la création de la société ;

- de dire si ces écritures étaient sincères et conformes aux règles de comptabilité ;

- dans l'hypothèse inverse de rétablir leur montant;

- de se prononcer sur l'absence de compte courant existant au nom de Madame [U] et sur l'absence de distribution à son profit; le cas échéant préciser quel devrait en être leur montant à ce jour;

- chiffrer les préjudices éventuels subis par la demanderesse.

L'expert a déposé son rapport le 4 juin 2018.

Par jugement en date du 25 janvier 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de La Rochelle a prononcé le divorce de Madame [I] [U] et de Monsieur [G] [Z]

Madame [U] a saisi le tribunal judiciaire de La Rochelle d'une action aux fins de paiement.

Par jugement du 17 novembre 2020, le tribunal a notamment condamné la société à verser à Madame [U] la somme de 51.370,79 euros au titre de son compte courant d'associé, sommes impayées en raison de sa qualité d'usufruitière de la moitié des parts des enfants et de titulaire d'une part sociale en pleine propriété et celle de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 14 septembre 2021, Madame [U] a attrait Monsieur [Z] devant le tribunal judiciaire de La Rochelle, en exercice d'une action aux fins de paiement en sa qualité d'associé tenu des dettes sociales.

En dernier lieu, Madame [U] a demandé la condamnation de Monsieur [Z] à lui payer :

- en sa qualité d'associé de la société, la somme de 51 300,11 euros au titre de sa responsabilité indéfinie en qualité d'associé à l'égard des tiers, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er novembre 2020 ;

- la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, Monsieur [Z] a demandé le débouté intégral des prétentions de Madame [U], et la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement en date du 13 décembre 2022, le tribunal judiciaire de La Rochelle a :

- condamné Monsieur [Z] à verser à Madame [U] la somme de 51.300,11 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2021, en sa qualité d'associé tenu à proportion du montant de ses droits dans la société;

- débouté Madame [U] de ses plus amples demandes ;

- condamné Monsieur [Z] à verser à Madame [U] la somme de 4.500 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 13 février 2023, Monsieur [Z] a relevé appel de ce jugement en intimant Madame [U].

Le 15 septembre 2023 Monsieur [Z] a demandé :

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'avait condamné à payer à Madame [U] la somme de 51.300,11€ outre les intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2021 en sa qualité d'associé tenu à proportion du montant de ses droits dans la société et la somme de 4.500€ au titre des frais irrépétibles ;

et statuant à nouveau, de :

- débouter Madame [U] de ses demandes au titre de l'obligation aux dettes ;

en tout état de cause,

- débouter Madame [U] de l'ensemble de ses demandes contraires ;

- débouter Madame [U] de ses demandes au titre des frais irrépétibles ;

- condamner Madame [U] à lui verser la somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles des deux instances ;

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il avait débouté Madame [U] de ses plus amples demandes dont sa demande de dommages intérêts.

Le 5 janvier 2024, Madame [U] a demandé :

- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il avait condamné Monsieur [Z] en sa qualité d'associé de la société à lui payer la somme de 51.300,11 € ainsi que le cours des intérêts à compter du 24 juin 2021, date de réception par Monsieur [Z] de la mise en demeure, et de prononcer l'anatocisme pour les intérêts de plus d'une année en application de l'article 1343-2 du Code civil,

- d'infirmer le jugement sur le rejet de la demande de dommages et intérêts ;

- de condamner Monsieur [G] [Z] à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

y ajoutant, de :

- condamner Monsieur [Z] à lui payer la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- condamner Monsieur [Z] aux entiers dépens des deux instances en ce compris ceux relatifs à la saisie-attribution.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 janvier 2024.

MOTIVATION :

Au regard des écritures des parties, concordantes sur ce point, il y aura lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande au titre de la saisie-attribution.

Sur l'exercice préalable de vaines poursuites:

Selon l'article 1857 du Code civil, à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements; l'associé qui n'a apporté que son industrie est tenu comme celui dont la participation en capital social est la plus faible.

Selon l'article 1858 du même code, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

La mise en oeuvre de ce régime de poursuites subsidiaires à l'encontre des associés nécessite, de la part du créancier, l'exercice de poursuites préalables de la société, mais encore la démonstration de l'insuffisance de l'actif social pour désintéresser le créancier.

Le caractère vain des poursuites implique, après l'obtention du titre exécutoire, l'accomplissement d'au moins un acte d'exécution resté infructueux et susceptible de prouver l'insolvabilité de la société.

Il ressort des écritures des parties, concordantes sur ce point, que le jugement du 17 novembre 2020, qui a notamment condamné la société à verser à Madame [U] la somme de 51.370,79 euros au titre des sommes impayées en raison de sa détention d'une part sociale et de sa qualité d'usufruitière des 6 parts des enfants et celle de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles, est irrévocable.

Madame [U] recherche Monsieur [Z] en sa qualité d'associé de la société, et comme tel indéfiniment tenu aux dettes sociales à proportion de sa participation dans celle-ci, soit à hauteur de 86 %, au titre de cette condamnation.

Mais ce dernier lui objecte l'absence de démonstration suffisante de vaines poursuites à l'encontre de la société.

Monsieur [Z] fait grief au premier juge d'avoir retenu à ce titre un commandement aux fins de saisie-vente en date du 1er décembre 2021.

En effet, le dit commandement ayant été délivré à la diligence de Monsieur [Z] et à l'encontre de Madame [U], ne pouvait pas compter au nombre des vaines poursuites exercées par Madame [Z] à l'encontre de la société.

Madame [U] justifie cependant :

- d'un courrier de mise en demeure à la société en date du 8 juin 2021 (accusé de réception signé le 9 juin 2021) d'avoir à lui régler la somme totale de 59 203,84 euros, se décomposant en 51 370,79 euros au titre de la condamnation prononcée par le jugement du 17 novembre 2020, outre les frais d'expertise mis intégralement à la charge de la société à hauteur de 4012,80 euros, les frais irrépétibles à hauteur de 4000 euros, et les dépens de 120,25 euros ;

- d'un procès-verbal de saisie-attribution pratiqué le 10 août 2021 entre les mains de la Banque Populaire, s'avérant infructueux, l'établissement bancaire répondant que la société ne possède aucun compte ouvert dans les livres, alors que les documents comptables antérieurs pour l'exercice 2017 établissaient l'existence de comptes ouverts dans les livres de cette banque; Madame [U], observant, sans réplique adverse, que Monsieur [Z], gérant de la société, avait clôturé ce compte en février 2018 ;

- de la mise en vente courant 2017 du bien immobilier détenu par la société au prix de 591 000 euros, constituant les murs du cabinet d'expertise comptable au sein duquel Monsieur [Z] exerçait son activité, à une autre société dans laquelle Monsieur [Z] était intéressé ;

- de ce que les comptes de la société étaient déficitaires de 3643 euros à la clôture des comptes au 31 décembre 2017.

Alors que les statuts de la société mettent en évidence qu'au moment de sa constitution, son seul patrimoine immobilier était constitué par les murs du cabinet d'expertise comptable au sein duquel Monsieur [Z] exerçait son activité, que ce bien immobilier a été vendu, et que Madame [U] affirme que celui-ci constituait le seul actif immobilier de la société, qui n'en avait acquis aucun autre, sans observation de la part de Monsieur [Z], il sera retenu qu'au jour des poursuites intentées par Madame [U], la société ne disposait plus d'aucun patrimoine immobilier.

Cette analyse s'imposera d'autant plus au regard du caractère familial de la société, et du divorce de ses deux associés, suivant la vente du bien immobilier de la société et l'arrêt de l'activité de cette dernière.

Il se déduira du tout que la saisie-attribution du 10 août 2021, infructueuse, est à elle seule de nature à démontrer l'insolvabilité de la société en raison de l'insuffisance de son patrimoine social, tant mobilier qu'immobilier.

Madame [U] a ainsi suffisamment justifié de l'exercice préalable de vaines poursuites contre la société.

Sur la demande de Madame [Z] en qualité de tiers à la société dirigée à l'encontre de Monsieur [Z] pris en sa qualité d'associé tenu aux dettes sociales :

Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Selon l'article 32 du même code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

L'existence du droit invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action, mais uniquement de son bien fondé.

Selon l'article 1857 du Code civil, alinéa un,

A l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements.

Les associés ne peuvent se prévaloir de l'obligation aux dettes sociales instituée au seul profit des tiers par ce texte (Cass. com., 3 mai 2012, n°11-14.844, publié).

Selon l'article 578 du Code civil,

L'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance.

L'usufruitier a un droit aux dividendes et bénéfices distribués, mais n'a aucun droit sur les bénéfices qui ont été mis en réserve, lesquels constituent l'accroissement de l'actif social et reviennent en tant que tel au nu-propriétaire.

Il résulte de l'article 1844 du code civil, dans ses versions tant antérieure que postérieure à la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, entrée en vigueur le 21 juillet 2019, que si un part sociale est grevée d'usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l'affectation des bénéfices, où il est réservé à l'usufruitier.

L'usufruitier exerce certaines prérogatives d'associé, non seulement celle de percevoir les fruits, mais également des prérogatives qui sont au service de ce droit.

Le nu-propriétaire a la qualité d'associé (Cass. com., 4 janvier 1994, n° 91-20.256, Bull. 1994, IV, n°10).

L'usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d'associé, qui n'appartient qu'au nu-propriétaire, mais peut provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.

Les usufruitiers de parts sociales d'une société civile immobilière n'ayant pas soutenu que la question à soumettre à l'assemblée générale avait une incidence directe sur le droit de jouissance des parts dont ils avaient l'usufruit, une cour d'appel a retenu à bon droit que leur demande de désignation d'un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés était irrecevable (Cass. 3e civ., 16 février 2022, n°20-15.164, Bull., 2016, III, n°110).

La cession de l'usufruit de droits sociaux, qui n'emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux, au sens de l'article 726 du code général des impôts, et n'est donc pas soumise au droit d'enregistrement prévu par ce texte (Cass. com., 30 novembre 2022, n°20-18.884, publié).

* * * * *

Pour faire droit à la demande de Madame [U] [Z], le premier juge avait certes relevé que les associés ne pouvaient pas se prévaloir de la solidarité aux dettes sociales instituée au profit des tiers par l'article 1857 du code civil.

Mais il a observé qu'à défaut de saisine du juge de la mise de la mise en état, seul compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir, d'un quelconque incident soulevant le défaut de qualité à agir, Monsieur [Z] n'était désormais plus habile à opposer à Madame [U] un quelconque défaut de qualité.

Mais cependant, l'existence ou non du droit de Madame [Z] à agir sur le fondement de l'article 1857 du code civil, touchant au fond du droit et nécessitant de déterminer si celle-ci est ou non tierce à la société, est étrangère à sa qualité ou à son intérêt à agir à ce titre.

Ne relevant pas d'une quelconque fin de non-recevoir, cette question n'avait pas à être soumise au juge de la mise en état, et devait être tranchée par le premier juge saisi du fond, qui s'en est abstenu.

* * * * *

Monsieur [Z] dénie à Madame [U] sa qualité de tierce à la société, pour en être l'associée, et être partie au contrat de société.

Madame [U] réplique que quoique titulaire d'une part sociale en pleine propriété, elle ne peut pas être considérée comme associée s'agissant des 6 autres parts dont ses enfants ont la nue-propriété et dont elle-même n'a que l'usufruit, car l'usufruitier des parts sociales est un tiers à la société, seul le nu-propriétaire ayant la qualité d'associé.

Mais le point en litige n'est pas de savoir si Madame [U] a ou non la qualité d'associé, aux fins de déterminer notamment ses prérogatives tenant par exemple à l'assistance aux décisions collective et au droit de vote, tiré notamment de l'article 1844 du code civil, mais bien plutôt de déterminer si elle est tierce à la société, au sens de l'article 1857 de ce code.

Sa demande, portant sur la seule part sociale dont elle est titulaire en pleine propriété, et lui conférant à ce titre la qualité d'associée, ne pourra manifestement pas prospérer.

Et pour le surplus, alors qu'elle est usufruitière des 6 autres parts sociales dont ses enfants ont la nue-propriété, et qu'elle se trouve investie du droit d'en percevoir les fruits, mais également des prérogatives qui sont au service de ce droit, Madame [U] ne peut pas être considérée comme tierce à la société.

Son action ne peut donc pas se fonder sur l'article 1857 du code civil.

Il y aura donc lieu de débouter Madame [U] de sa demande formée à l'encontre de Monsieur [Z] en sa qualité d'associé tenu indéfiniment aux dettes sociales de la société à proportion de ses droits, et le jugement sera infirmé de ce chef.

Subséquemment, elle sera déboutée de sa demande tendant à voir ordonner la capitalisation des causes de la condamnation sollicitée.

Sur la demande indemnitaire de Madame [U] à l'encontre de Monsieur [Z] pris en sa qualité de gérant :

Un préjudice est réparable à condition de caractériser son lien de causalité avec un fait générateur.

C'est à celui qui invoque un préjudice d'en rapporter la preuve.

Pour être réparable, un dommage doit être actuel et certain, et non potentiel et hypothétique.

Selon l'article 1850 du Code civil, en son premier alinéa,

Chaque gérant est responsable individuellement envers la société et envers les tiers, soit des infractions aux lois et règlements, soit de la violation des statuts, soit des fautes commises dans sa gestion.

Vis-à-vis des associés, le gérant ne peut voir sa responsabilité engagée que si celui-ci établit souffrir d'un préjudice personnel et distinct du préjudice social.

Mais l'associé ne peut pas demander réparation du préjudice afférent à la dépréciation de ses titres sociaux, ce préjudice n'étant que le corollaire de celui causé à la société et ne présentant pas de caractère personnel.

Madame [U] sollicite son indemnisation à hauteur de 10 000 euros des fautes de gestion de Monsieur [Z] en sa qualité de gérant.

Elle souligne que ce dernier a commis une violation des statuts en continuant à s'attribuer, via son compte courant personnel, l'ensemble des revenus de la société ou encore à céder l'immeuble détenu par la société dans des conditions particulièrement discutables.

Elle renvoie pour ce faire aux observations de l'expert, qui a constaté que l'immeuble de la société avait été revendu au prix où il avait été acquis 10 ans auparavant, circonstance inattendue vu l'évolution des valeurs immobilières en général durant la période en cause.

Elle souligne encore que son comportement ensuite de la séparation d'avec elle est démonstratif de son souhait de s'approprier l'intégralité du patrimoine du couple.

Le rapport d'expertise met en évidence que :

- le compte courant d'associé au sein de la société a été ouvert, au nom de Monsieur [Z] exclusivement ;

- ce compte a fonctionné, au moins initialement, comme un compte indivis de Monsieur [Z] et de Madame [U] ;

- ce compte a été crédité depuis l'origine de la quote-part des bénéfices revenant à Madame [U], sans mention du compte des enfants ;

- des virements ont été opérés depuis ce compte courant sur le compte joint des époux, permettant le règlement des impôts du couple ;

- aucun acte n'établit pour le compte de qui les paiements de la société à destination du compte joint des époux ont été faits, tandis que les comptes où ils ont été inscrits comprenaient des sommes appartenant, provenant des dividendes, tant à Monsieur [Z] qu'à Madame [U] ;

- l'absence de compte courant ouvert au nom de Madame [U] n'était pas justifiable, ou l'était mal, jusqu'au moment, difficile à déterminer, où des conflits ou des possibilités de conflit entre associés sont apparues, c'est-à-dire au plus tard probablement en avril 2015, lorsque Monsieur [Z] s'est attribué à titre propre le compte joint jusqu'alors indivis.

Mais conformément à sa mission, l'expert a chiffré le montant de la distribution devant revenir à Madame [U], en l'absence de compte courant d'associé existant à son nom, en prenant comme hypothèse qu'elle était propriétaire d'une part sociale en pleine propriété et détenait l'usufruit de 6 parts sociales à la somme de 51 730,11 euros.

Et il a précisé que dans cette hypothèse, le préjudice de Madame [U] découlant de n'avoir pas été recréditée de sa part dans les résultats de la société devait être fixé à cette somme.

Or, c'est précisément cette somme qui lui a été allouée à ce titre par le jugement du 17 novembre 2020.

Au surplus, il découle des éléments qui précèdent qu'après la vente de l'unique bien immobilier de la société, celle-ci a été mise en sommeil et ses associés n'ont pu en tout état de cause plus en percevoir le moindre revenu.

Madame [U] ne saurait donc faire valoir que la violation des statuts par Monsieur [Z], consistant selon elle à continuer s'attribuer via un compte courant personnel l'ensemble des revenus de la société, a pu lui causer un préjudice, distinct du défaut de perception de son chef des résultats sociaux, alors que le jugement du 17 novembre 2020 l'a exactement remplie de ses droits à ce titre.

En outre, Madame [U] ne démontre pas que la vente du bien immobilier de la société, à un prix selon elle discutable, aurait pu générer de son chef un préjudice autre que celui affectant la valeur des parts sociales, mais qui ne constitue que le corollaire du préjudice subi par la société, et qui n'est donc pas un préjudice qui lui est personnel.

Enfin, l'invocation du comportement de Monsieur [Z] ensuite de la séparation d'avec Madame [U], démonstratif selon celle-ci du souhait de celui-là de s'approprier l'intégralité du patrimoine du couple, est étrangère à l'exercice de ses fonctions de gérant de la société.

Et en tout état de cause, Madame [U] ne verse aucune pièce démontrant cette dernière allégation.

Enfin, Madame [U] ne vient pas critiquer les autres motivations du jugement ayant retenu qu'elle ne justifiait pas de l'existence de son préjudice.

A l'issue de cette analyse, il sera retenu que [U] défaille à faire la preuve du préjudice qu'elle allègue.

Il y aura donc lieu de débouter Madame [U] de sa demande de dommages-intérêts, et le jugement sera confirmé de ce chef.

* * * * *

Il sera rappelé que le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré.

L'issue du litige à hauteur de cour conduira à infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur [Z] aux dépens de première instance et à payer à Madame [U] la somme de 4500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, en le déboutant de sa demande au même titre.

Madame [U] sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Madame [U] sera condamnée aux entiers dépens des deux instances et d'appel et à payer à Monsieur [Z] la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :

- rejeté la demande au titre des frais de la saisie attribution ;

- débouté Madame [I] [U] de sa demande de dommages-intérêts ;

Confirme le jugement déféré de ces seuls derniers chefs ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Déboute Madame [I] [U] de sa demande tendant à voir Monsieur [T] [Z] condamné à lui payer la somme de 51 300,11 euros avec intérêts à compter du 24 juin 2021, avec anatocisme ;

Rappelle que le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré ;

Déboute Madame [I] [U] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Condamne Madame [I] [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à Monsieur [T] [Z] la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel :

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/00377
Date de la décision : 09/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-09;23.00377 ?
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