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21/03/2024 | FRANCE | N°24/00009

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Référés premier président, 21 mars 2024, 24/00009


Ordonnance n 14

















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21 Mars 2024

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N° RG 24/00009 -

N° Portalis DBV5-V-B7I-G6WY

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[H] [J]

C/

[I] [L]

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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE POITIERS



ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE



RÉF

ÉRÉ









Rendue publiquement le vingt et un mars deux mille vingt quatre par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Mada...

Ordonnance n 14

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21 Mars 2024

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N° RG 24/00009 -

N° Portalis DBV5-V-B7I-G6WY

---------------------------

[H] [J]

C/

[I] [L]

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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

ORDONNANCE DE LA PREMIERE PRÉSIDENTE

RÉFÉRÉ

Rendue publiquement le vingt et un mars deux mille vingt quatre par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Madame Inès BELLIN, greffière,

Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le vingt deux février deux mille vingt quatre, mise en délibéré au vingt et un mars deux mille vingt quatre.

ENTRE :

Monsieur [H] [J]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Stéphanie DUBIN de la SELARL GASTON - DUBIN SAUVETRE - DE LA ROCCA, avocat au barreau de POITIERS

DEMANDEUR en référé ,

D'UNE PART,

ET :

Monsieur [I] [L]

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représenté par Me Lucien VEY de la SELARL VEY GABORIAUD-CAILLEAU, avocat au barreau des DEUX-SEVRES, substitué par Me Amélie GUILLOT, avocat au barreau de POITIERS

DEFENDEUR en référé ,

D'AUTRE PART,

Faits et procédure :

Par acte en date du 23 juin 2003, Monsieur [H] [J] a consenti à Monsieur [I] [L] un bail rural portant sur douze parcelles situées à [Localité 7] (79), d'une superficie de 19 ha 88 a 30 ca, ainsi que deux bâtiments agricoles, moyennant un fermage d'un montant annuel de 2 594,30 euros, soit 130,48 euros l'hectare.

Par acte sous seing privé en date du 2 juin 2015, Monsieur [I] [L] a sous-loué à Monsieur [R] le bâtiment situé sur la parcelle cadastrée section BC n°[Cadastre 4], dont Monsieur [H] [J] est propriétaire.

Monsieur [H] [J] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Bressuire d'une demande de résiliation du bail rural ainsi que d'une demande de restitution des sous-loyers.

Selon jugement en date du 30 juin 2023, le tribunal paritaire des baux ruraux de Bressuire a :

prononcé la résiliation du contrat de bail consenti le 23 juin 2003 par Monsieur [H] [J] à Monsieur [I] [L] portant sur les parcelles et bâtiments agricoles, cadastrés section BC n°[Cadastre 3] à [Cadastre 5], n°[Cadastre 6], n°[Cadastre 9] et n°[Cadastre 2] situés à [Localité 7] (Deux-Sèvres), à compter du 30 juin 2023,

condamné Monsieur [I] [L] à payer à Monsieur [H] [J] la somme de 2 800 euros au titre des sous-loyers perçus du 2 juin 2015 au 2 juin 2022 ;

condamné Monsieur [I] [L] aux dépens de l'instance ;

condamné Monsieur [I] [L] à payer à Monsieur [H] [J] la somme 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Monsieur [I] [L] a interjeté appel dudit jugement selon déclaration en date du 21 juillet 2023.

Par exploit en date du 22 janvier 2024, Monsieur [H] [J] a fait assigner Monsieur [I] [L] devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant en référé, aux fins d'obtenir, par application des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, la radiation de l'affaire du rôle de la cour.

L'affaire, appelée une première fois à l'audience du 8 février 2024, a été renvoyée à l'audience du 22 février 2024 lors de laquelle les parties ont déposé leur dossier.

Monsieur [H] [J] fait valoir que Monsieur [I] [L] ne se serait pas acquitté des termes du jugement et qu'il aurait indiqué que nonobstant le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux il entendait poursuivre l'exploitation des terres et utiliser les bâtiments agricoles.

Il indique que Monsieur [I] [L] n'aurait ni procédé, ni proposé un commencement d'exécution du jugement entrepris, de sorte que l'affaire pendante devant la chambre sociale de la cour d'appel de Poitiers encourrait la radiation.

Il soutient que les fermages dus ne seraient pas réglés alors que Monsieur [I] [L] se maintiendrait dans les lieux et poursuivrait l'exploitation.

Il fait valoir, en outre, que l'exécution provisoire du jugement est de droit et que Monsieur [I] [L] ne l'aurait pas discutée en première instance, de sorte qu'il serait irrecevable à le faire dans le cadre de la procédure d'appel.

Il sollicite la condamnation de Monsieur [I] [L] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [I] [L] soutient que Monsieur [H] [J] aurait donné son accord verbal pour la sous-location, de sorte qu'il serait parfaitement informé de la présence de Monsieur [R] sur l'exploitation.

Il prétend que Monsieur [H] [J] entendrait résilier le bail dans la perspective de louer la totalité des biens objets du bail qui lui a été consenti à Monsieur [B] [R].

Il indique qu'en exécution du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux, il n'aurait pas repris le travail des terres, souhaitant, compte-tenu du redressement judiciaire en cours et de l'appel interjeté que Monsieur [H] [J] pourrait l'autoriser à exploiter afin de finir le plan de redressement,

Il fait cependant valoir qu'il ne pourra plus respecter son plan de redressement si son exploitation est amputée de 19 ha 88.

Il soutient que Monsieur [H] [J] qui aurait réclamé le paiement d'un fermage postérieurement au jugement résiliant de bail mettrait à sa disposition les parcelles dont résiliation contre perception d'un fermage, de sorte qu'il ne pouvait invoquer une inexécution du jugement.

Il fait valoir, en outre, qu'en vertu de l'article L.411-39 du code rural, un fermier est autorisé à sous-louer des terres si cette sous-location a pour conséquence d'assurer une meilleure exploitation.

Il indique ainsi qu'ayant moins de matériel et par conséquent un bâtiment inutilisé, il relevait bien de la meilleure exploitation de le rentabiliser en le sous-louant et qu'il aurait obtenu l'accord verbal du bailleur pour se faire, tel que cela serait attesté par plusieurs éléments factuels.

Il indique ainsi avoir de solides arguments pour demander la réformation du jugement dont appel, mais ne pas être en mesure de régler la somme de 4 800 euros au titre des condamnation mises à sa charge.

Il soutient que l'exécution dudit jugement aurait pour lui des conséquences manifestement excessives et sollicite qu'il soit sursis à l'exécution du jugement de première instance.

En réponse à l'argumentation de Monsieur [I] [L], Monsieur [H] [J] fait valoir que ce dernier ne démontrerait pas que l'exécution de la décision litigieuse serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou qu'il serait dans l'impossibilité de l'exécuter.

Il soutient que l'exploitation des parcelles ne constituerait pas la principale source de revenus de Monsieur [I] [L] et que les terres exploitées seraient de faibles importances, de sorte qu'elles ne permettraient pas de redresser la situation de Monsieur [I] [L].

Il indique que Monsieur [I] [L] ne verserait aux débats aucun élément financier de nature à justifier qu'il serait dans l'impossibilité d'exécuter la décision dont appel.

Sur la demande reconventionnelle d'arrêt de l'exécution provisoire, Monsieur [H] [J] fait valoir que Monsieur [I] [L] ne se serait pas opposé à l'exécution provisoire en première instance, de sorte qu'il serait irrecevable en sa demande à défaut de justifier que les conséquences manifestement excessives risquant d'être induites par l'exécution provisoire se seraient révélées postérieurement à la décision de première instance.

Motifs :

Sur la demande de radiation :

L'article 524 du code de procédure civile dispose que lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

La demande de l'intimé doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être présentée avant l'expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911.

La décision de radiation est notifiée par le greffe aux parties ainsi qu'à leurs représentants par lettre simple. Elle est une mesure d'administration judiciaire.

La demande de radiation suspend les délais impartis à l'intimé par les articles 905-2, 909, 910 et 911.

Ces délais recommencent à courir à compter de la notification de la décision autorisant la réinscription de l'affaire au rôle de la cour ou de la décision rejetant la demande de radiation.

La décision de radiation n'emporte pas suspension des délais impartis à l'appelant par les articles 905-2, 908 et 911. Elle interdit l'examen des appels principaux et incidents ou provoqués.

Le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation. Il est interrompu par un acte manifestant sans équivoque la volonté d'exécuter. Le premier président ou le conseiller de la mise en état peut, soit à la demande des parties, soit d'office, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, constater la péremption.

Le premier président ou le conseiller de la mise en état autorise, sauf s'il constate la péremption, la réinscription de l'affaire au rôle de la cour sur justification de l'exécution de la décision attaquée.

L'affaire ayant été orientée en circuit court devant la cour d'appel en application de l'article 905 du code de procédure civile, aucun conseiller de la mise en état n'a été désigné, de sorte que le premier président reste compétent pour statuer sur la radiation de l'appel.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur [I] [L] bénéficie d'un plan de redressement depuis le 7 mai 2014. Il indique qu'il ne sera pas en mesure de respecter son plan de redressement s'il ne peut exploiter les terres louées à Monsieur [H] [J] et soutient, en outre, ne pas être en mesure de s'acquitter de la somme 4 800 euros à laquelle il a été condamné, au risque d'une liquidation judiciaire.

Dans ces conditions, il apparaît que la situation financière de Monsieur [I] [L] est particulièrement fragile et que l'exécution des condamnations seraient de nature à le priver des capacités de financement de son activité et d'exécution du plan de redressement, avec un risque sérieux de liquidation judiciaire, de sorte qu'il convient de considérer que l'exécution provisoire de la décision litigieuse serait de nature à entraîner pour lui des conséquences manifestement excessives.

En conséquence, il ne sera pas fait droit à la demande de Monsieur [H] [J] tendant à voir prononcer la radiation de l'affaire sur le fondement des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile.

Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire :

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Il en découle que l'arrêt de l'exécution provisoire est subordonné à la réalisation des deux conditions, cumulatives, suivantes : la démonstration de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision qui en est assortie, et la justification de ce que l'exécution de cette décision risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Concernant la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire, le deuxième alinéa de l'article 514-3 précité prévoit, plus strictement, qu'elle ne sera recevable à demander l'arrêt de l'exécution provisoire qu'à la condition d'établir, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance.

Monsieur [I] [L] sollicite, à titre reconventionnel, l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel.

Monsieur [I] [L] ne conteste pas n'avoir pas présenté d'observation sur l'exécution provisoire en première instance.

Il doit ainsi démontrer, pour être reçu en sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire, que les circonstances manifestement excessives dont il se prévaut sont apparues postérieurement au jugement de première instance.

Or, la difficulté relative à l'exécution du plan de redressement dont Monsieur [I] [L] bénéficie était connue antérieurement à la décision de première instance.

Ainsi, Monsieur [I] [L] ne rapporte pas la preuve de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance que risquerait d'entraîner l'exécution du jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Bressuire le 30 juin 2023 ; dès lors, l'une des deux conditions cumulatives de l'arrêt de l'exécution provisoire n'étant pas satisfaite, il n'y pas lieu de rechercher si l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de cette décision est démontrée, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de Monsieur [I] [L] sera déclarée irrecevable.

Chacune des parties succombant en ses demandes, conservera la charge des frais irrépétibles et dépens qu'elle a exposés dans le cadre de la présente instance. Monsieur [H] [J] sera donc débouté de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Décision :

Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire :

Déboutons Monsieur [H] [J] de sa demande de radiation,

Déclarons la demande reconventionnelle d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par Monsieur [I] [L] irrecevable ;

Disons que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés dans le cadre de la présente procédure ;

Déboutons Monsieur [H] [J] de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.

La greffière, La conseillère,

Inès BELLIN Estelle LAFOND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Référés premier président
Numéro d'arrêt : 24/00009
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;24.00009 ?
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