ARRET N°93
FV/KP
N° RG 23/01522 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G2RL
[M]
C/
S.C.I. BGM
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 12 MARS 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01522 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G2RL
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 29 juin 2021 rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de SAINTES.
APPELANTE :
Madame [N] [M]
née le 08 Avril 1946 à SAIGON (VIETNAM)
[Adresse 6]
[Localité 5]
Ayant pour avocat postulant Me Anne DE CAMBOURG de la SELARL ANNE DE CAMBOURG, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant Me Yvès PETIT, avocat au barreau de BOBIGNY.
INTIMEE :
S.C.I. BGM, prise en la personne de son représentant légal.
[Adresse 2]
[Localité 1]
Défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
Monsieur Cédric LECLER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 23 mars 2020, la SCI BGM a consenti à Madame [N] [M] un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 4], sur la commune de Royan (17200), pour un loyer mensuel révisable de 1.500€, une remise de 300€ par mois étant accordée durant les quatre premiers mois d'occupation, soit jusqu'au 31 août 2020.
Par acte du 26 mai 2021, la SCI BGM a attrait Madame [M] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saintes aux fin d'obtenir, notamment, la résiliation du contrat de bail, l'expulsion de tout occupant et la condamnation de Madame [M] au paiement d'une provision de 14.530 € à valoir sur le montant des loyers impayés de mai 2020 à février 2021 et de la taxe foncière 2020, majorée des intérêts aux taux légal à compter du 5 mars 2021, date du commandement de payer.
Par ordonnance de référé du 29 juin 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Saintes a :
- Condamné Madame [M] à payer à la SCI BGM une provision de 12.600 €,
- Constaté la résiliation du bail portant sur les locaux situés [Adresse 3] à la date du 06 avril 2021 conformément à la clause résolutoire,
- Condamné Madame [M] à libérer les lieux loués,
- Dis qu'à défaut pour Madame [M] de libérer volontairement les lieux, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec si nécessaire le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier,
- Condamné Madame [M] à payer à la SCI BGM une provision de 1.500 mensuels à valoir sur l'indemnité d'occupation à compter du 6 avril 2021 et jusqu'à la libération effective des lieux,
- Condamné Madame [M] aux dépens de l'instance qui comprendront le coût du commandement de payer du 5 mars 2021,
- Condamné Madame [M] à payer à la SCI BGM la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration en date du 28 juin 2023, Madame [M] a relevé appel de cette ordonnance en visant les chefs expressément critiqués.
Dans ses dernières conclusions RPVA du 06 février 2024, Madame [M] sollicite de la cour de :
- Dire Madame [M] recevable et bien fondée en son appel,
- A titre principal, prononcer la nullité de l'ordonnance entreprise,
Subsidiairement,
- Constater l'existence de contestations sérieuses,
- Par suite, infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,
- Condamner la SCI BGM à payer à Madame [M], par application de l'article 700 du Code de procédure civile la somme de 3 000 €.
-La condamner aux entier dépens.
Par exploits remis à l'étude, des 05 septembre 2023 et 05 octobre 2023, l'appelant a respectivement signifié sa déclaration d'appel et ses conclusions à personne morale. Au regard des dispositions de l'article 473du Code de procédure civile, le présent arrêt sera rendu par défaut.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
La clôture de l'instruction de l'affaire est intervenue suivant ordonnance datée du 09 janvier 2024 en vue d'être plaidée à l'audience du 06 février 2024, date à compter de laquelle elle a été mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité de l'ordonnance de référé
1. L'appelante explique qu'en choisissant de faire délivrer tous les actes (assignation, signification, voies d'exécution dont une prétendue reprise des lieux par huissier) à l'adresse de l'établissement fermé à Royan, la SCI BGM aurait lourdement engagé sa responsabilité dès lors que son adresse figurait dans l'extrait Kbis remis à la représentante de la société civile bailleresse pour compléter la constitution du dossier de bail commercial.
2. La cour observe que l'appelant ne fournit aucune précision sur le fondement juridique permettant de faire droit à cette prétention.
3. Il résulte des dispositions de l'article 12 du Code de procédure civile qu'en l'absence de toute précision sur le fondement juridique d'une prétention, les juges du fond doivent examiner les faits sous tous leurs aspects juridiques conformément aux règles de droit qui leur sont applicables.
4. A cet égard, deux possibilités s'offrent à la cour, à savoir, l'appel annulation de l'article 542 du Code de procédure civile et l'appel nullité de la décision.
5. Selon l'article 542 du Code civil, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel. Il est constant que ce texte permet de sanctionner une irrégularité dans la procédure d'élaboration d'un jugement.
6. Or, Madame [M], ne critique pas le jugement déféré mais le comportement de son ancien bailleur de sorte que l'article 542 susmentionné ne peut trouver à s'appliquer en l'espèce.
7. S'agissant de l'appel nullité, il est établi que celui-ci ne peut prospérer que s'il est relevé, cumulativement, que la décision à l'encontre de laquelle l'appel est interjeté est affectée par un vice suffisamment grave constitutif d'un excès de pouvoir, et qu'en outre, aucune autre voie de recours ne soit ouverte.
8. La cour observe que la décision déférée ne ressortit pas davantage de ce cadre de sorte que sur l'un ou l'autres des fondements juridiques précités, il y a lieu de rejeter la prétention formée de ce chef.
Sur l'existence d'une contestation sérieuse
9. Au titre des éléments de contestation sérieuse, l'appelante cite :
L'impact du COVID 19 à l'époque des faits, qui a empêché nombre de restaurateurs et d'entreprises liées au tourisme dans la région de subsister et qui serait constitutif d'une force majeure ;
Un accord de compensation en date du 05 novembre 2020, entre tous les loyers impayés et les travaux réalisés par les exploitants du restaurant à l'époque où Madame [I] était gérante de la SCI BGM ;
Le piratage de l'alimentation électrique destinée au restaurant par le bailleur lui-même ;
Les obstacles voulus par la SCI pour empêcher les exploitants de faire visiter les lieux à d'éventuels repreneurs ;
Le fait qu'elle aurait remis les clés fin décembre 2020, raison pour laquelle le bailleur détenait en réalité ces clés et à fait obstacle aux visites d'éventuels repreneurs de sorte qu'aucune indemnité d'occupation ne serait due ;
La confiscation du mobilier du restaurant acheté par les exploitants, que la SCI BGM a pu ensuite revendre à son seul bénéfice, ces agissements étant constitutifs d'une abus de confiance et d'une tromperie ;
L'impossibilité de savoir si son dépôt de garantie d'un montant de 3.000 € aurait été pris en compte dans le décompte du bailleur faute d'avoir eu communication de ce dernier.
10. A titre liminaire la cour fait observer à l'appelante que sa pièce 18, qui n'est autre qu'un courrier électronique ne vaut pas accord d'une possibilité de compensation entre des créances de loyer et d'éventuels travaux réalisés par le preneur dont la réalité n'est d'ailleurs pas rapportée.
11. La cour rappelle ensuite que le premier alinéa de l'article 1218 du Code civil dispose qu'il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur
12. Au visa de ce texte, la cour fait observer qu'il est désormais établi que pour échapper au paiement de ses loyers, un locataire n'est pas fondé à invoquer à son profit la force majeure résultant de la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets n° 2020-293 du 23 mars 2020 et n° 2020-423 du 14 avril 2020.
13. Il s'ensuit qu'aucune contestation sérieuse n'existe de ce chef.
14. En outre, la cour considère que sur les autres éléments constitutifs d'une contestation sérieuse, hormis celui attenant au dépôt de garantie, la preuve de leur existence n'est pas rapportée par l'appelante, ceci, en méconnaissance de l'article 9 du Code de procédure civile. Dès lors, aucune contestation sérieuse n'existe de ces chefs.
15. S'agissant de ce dépôt de garantie, la cour indique que faute d'avoir les éléments du décompte, il y a lieu de déduire de la provision allouée par le premier juge à la SCI BGM, la somme de 3.000 € de sorte que la décision entreprise sera réformée sur ce point sans que cette réformation partielle ne modifie les autres chefs de jugement critiqués.
Sur les autres demandes
16. Il apparaît équitable d'allouer à Madame [M] une somme de 2.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
17. La SCI BGM supportera la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Réforme partiellement l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Saintes en date du 29 juin 2021 en ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau,
Condamne Madame [N] [M] à payer à la SCI BGM la somme provisionnelle au titre des loyers et charges de 9.600 €,
Y ajoutant,
Déboute Madame [N] [M] de ses autres demandes,
Condamne la SCI BGM à payer à Madame [N] [M] une indemnité de 2.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la SCI BGM aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,