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06/07/2023 | FRANCE | N°21/01282

France | France, Cour d'appel de Poitiers, Chambre sociale, 06 juillet 2023, 21/01282


VC/LD































ARRET N° 416



N° RG 21/01282

N° Portalis DBV5-V-B7F-GIA5













[EG]



C/



[T] [XW]

S.A.S. FRANPRIX LEADER PRICE HOLDING

S.A.S. FRANPRIX LEADER PRICE HOLDING

























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POIT

IERS



Chambre Sociale



ARRÊT DU 06 JUILLET 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 mars 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes de POITIERS





APPELANT :



Monsieur [W] [EG]

né le 25 Mars 1973 à [Localité 5] (16)

[Adresse 1]

[Localité 3]



Ayant pour avocat plaidant Me Gérald FROIDEFOND, substitué par Me Aline AS...

VC/LD

ARRET N° 416

N° RG 21/01282

N° Portalis DBV5-V-B7F-GIA5

[EG]

C/

[T] [XW]

S.A.S. FRANPRIX LEADER PRICE HOLDING

S.A.S. FRANPRIX LEADER PRICE HOLDING

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 06 JUILLET 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 mars 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes de POITIERS

APPELANT :

Monsieur [W] [EG]

né le 25 Mars 1973 à [Localité 5] (16)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant pour avocat plaidant Me Gérald FROIDEFOND, substitué par Me Aline ASSELIN, tous deux de la SCP B2F AVOCATS, avocats au barreau de POITIERS

INTIMÉS :

Monsieur [Y] [T] [XW] ès qualité d'ancien gérant de la Société LUDIS

né le 23 Mai 1954 à [Localité 7] (PORTUGAL)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

Et ayant pour avocat plaidant Me Hayat TABOHOUT, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. FRANPRIX LEADER PRICE HOLDING venant aux droits de la société SPRING SUD-OUEST EQUILIBRE et venant aux droits de la société SPRING SUD-OUEST

N° SIRET : 343 045 316

[Adresse 2]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

Et ayant pour avocat plaidant Me Hayat TABOHOUT, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. FRANPRIX LEADER PRICE HOLDING venant aux droits de la société LUDIS

N° SIRET : 343 045 316

[Adresse 2]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

Et ayant pour avocat plaidant Me Hayat TABOHOUT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Avril 2023, en audience publique, devant :

Madame Valérie COLLET, Conseillère

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseillère

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Damien LEYMONIS

GREFFIER, lors de la mise à disposition : Monsieur Lionel DUCASSE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile que l'arrêt serait rendu le 15 juin 2023. A cette date le délibéré a été prorogé au 06 juillet 2023.

- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 5 octobre 2007, la SARL Montdis (Leader Price) a engagé M. [W] [EG] en qualité d'adjoint du directeur de magasin, cadre niveau N7.

Au dernier état de la relation contractuelle, et après plusieurs avenants, M. [EG] a été employé en qualité de Directeur de magasin, par la SNC Ludis qui avait pour gérant, M. [Y] [T] [XW] et pour associés, la SAS Spring Sud Ouest d'une part et la SAS Spring Sud Ouest Equilibre d'autre part.

Le 11 mars 2019, la SNC Ludis a notifié à M. [EG], par lettre recommandée avec avis de réception, son licenciement pour motif économique.

Par requête signée le 17 juin 2019 et reçue le 21 juin 2019, M. [EG] a saisi le conseil de prud'hommes de Poitiers afin d'obtenir le paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le paiement de l'indemnité spéciale de licenciement et le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire.

Le 9 juillet 2019, un procès-verbal de recherches infructueuses a été dressé par l'huissier de justice mandaté par M. [EG] pour faire citer la SNC Ludis devant le conseil de prud'hommes de Poitiers (AR revenu avec la mention 'destinataire inconnu à l'adresse').

Par actes d'huissier du 10 septembre 2019, M. [EG] a fait assigner M. [T] [XW], en sa qualité de gérant de la société Ludis, la SAS Spring Sud Ouest et la SAS Spring Sud Ouest Equilibre, devant le conseil de prud'hommes de Poitiers, afin de leur voir déclarer commun le jugement à intervenir contre la société Ludis.

Par jugement du 22 mars 2021, le conseil de prud'hommes a :

'- retenu l'assignation de la SNC Ludis et pas celle concernant Monsieur [Y] [T] [XW], ès qualité de gérant de la SNC Ludis, la SAS Spring Sud Ouest et la SAS Spring Sud Ouest Equilibre,

- débouté Monsieur [Y] [T] [XW], la SAS Spring Sud Ouest et la SAS Spring Sud Ouest Equilibre de leurs demandes in limine litis déposées en audience de conciliation et d'orientation,

- débouté Monsieur [W] [EG] de sa demande de requalification de son licenciement économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Monsieur [W] [EG] de sa demande de la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- débouté Monsieur [W] [EG] de sa demande des différents rappels de salaire,

- débouté Monsieur [W] [EG] de sa demande de la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné Monsieur [W] [EG] à rembourser à la SNC Ludis la somme de 306,47 euros au titre de la prime de fin d'année 2017,

- débouté la SNC Ludis de sa demande reconventionnelle de 3.067,72 euros au titre du trop perçu de la prime de fin d'année 2018,

- débouté la SNC Ludis de sa demande reconventionnelle de 1.866,48 euros au titre de la fraction du solde de l'indemnité compensatrice de congés payés versée à tort,

- débouté la SNC Ludis de sa demande reconventionnelle de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [W] [EG] aux dépens.'

M. [EG] a interjeté appel, le 20 avril 2021, par voie électronique, du jugement en ce qu'il a :

'- retenu l'assignation de la SNC Ludis et pas celle concernant Monsieur [Y] [T] [XW], ès qualité de gérant de la SNC Ludis, la SAS Spring Sud Ouest et la SAS Spring Sud Ouest Equilibre,

- débouté Monsieur [W] [EG] de sa demande de requalification de son licenciement économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Monsieur [W] [EG] de sa demande de la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- débouté Monsieur [W] [EG] de sa demande des différents rappels de salaire,

- débouté Monsieur [W] [EG] de sa demande de la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné Monsieur [W] [EG] à rembourser à la SNC Ludis la somme de 306,47 euros au titre de la prime de fin d'année 2017,

- condamné Monsieur [W] [EG] aux dépens'.

Parallèlement, en février 2021, la société Spring Sud-Ouest Equilibre a fait l'objet d'une dissolution et d'une transmission de son patrimoine au profit de son associé unique, la société Spring Sud Ouest. Puis, en septembre 2021, la société Ludis a fait l'objet d'une dissolution et d'une transmission de son patrimoine au profit de son associé unique, la société Spring Sud Ouest. Enfin, en octobre 2021, la société Spring Sud Ouest a fait l'objet d'une dissolution et d'une transmission de son patrimoine au profit de son associé unique, la SAS Franprix Leader Price Holding.

La clôture de l'instruction a été prononcée, avant l'ouverture des débats, par mention au dossier, le 25 avril 2023. A l'audience, les parties conviennent que les demandes de M. [EG] formulées dans ses conclusions n° 2 du 19 janvier 2022 doivent s'entendre comme étant dirigées contre la SAS Franprix Leader Price Holding venant aux droits de la SNC Ludis, de la SAS Spring Sud Ouest et de la SAS Spring Sud Ouest Equilibre.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 janvier 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, M. [EG] demande à la cour de :

- infirmer les chefs du jugement mentionnés dans sa déclaration d'appel,

- statuant à nouveau de :

* débouter Monsieur [Y] [T] [XW], la SAS Spring Sud Ouest et la SAS Spring Sud Ouest Equilibre de leurs demandes in limine litis,

* déclarer recevable la procédure initiée à l'encontre de M. [T] [XW] en sa qualité de gérant de la SNC Ludis,

* dire que le jugement attaqué et l'arrêt à intervenir sont opposables et communs à M. [T] [XW], ès qualités, à la SAS Spring Sud Ouest et à la SAS Spring Sud Ouest Equilibre,

* sur le fond, débouter la SNC Ludis, Monsieur [Y] [T] [XW], la SAS Spring Sud Ouest et la SAS Spring Sud Ouest Equilibre de leurs demandes,

* déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* condamner la SNC Ludis à lui payer les sommes de :

- 5.090,40 euros brut au titre des congés payés du 1er juin 2018 au 11 juin 2019,

- 9.194,15 euros brut au titre des primes de fin d'année (13ème mois) pour les années 2016, 2017 et 2018,

- 919,41 euros au titre des congés payés afférents,

* ordonner à la SNC Ludis de lui remettre le bulletin de salaire correspondant aux rappels de salaires sous astreinte de 50 euros par jour calendaire de retard, passé un délai de 15 jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

* condamner la SNC Ludis à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, outre les dépens,

* ordonner l'exécution provisoire,

- y ajoutant :

* condamner la SNC Ludis à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

* condamner la SNC Ludis aux dépens d'appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 avril 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, M. [T] [XW], en sa qualité d'ancien gérant de la société Ludis, et la SAS Franprix Leader Price, venant aux droits de la SAS Spring Sud Ouest laquelle venait également aux droits de la SAS Spring Sud Ouest Equilibre, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il n'a retenu que l'assignation de la SNC Ludis et pas celle concernant M. [Y] [T] [XW], ès qualité désormais d'ancien gérant de la SNC Ludis, la SAS Spring Sud Ouest et la SAS Spring Sud Ouest Equilibre et a en conséquence mis hors de cause M. [Y] [T] [XW], la SAS Spring Sud Ouest et la SAS Spring Sud Ouest Equilibre,

- à titre subsidiaire, en cas d'infirmation totale ou partielle du jugement :

* in limine litis : prononcer la nullité de l'assignation délivrée par M. [EG] à M. [Y] [T] [XW], la SAS Spring Sud Ouest et la SAS Spring Sud Ouest Equilibre et déclarer nulle la procédure subséquente,

- à titre très subsidiaire :

* déclarer irrecevable l'action de M. [EG] à leur encontre,

- en tout état de cause :

* condamner M. [EG] à leur payer, chacun, la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

* condamner M. [EG] à leur payer, chacun, la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

* débouter M. [EG] de l'ensemble de ses demandes à leur encontre et notamment de leur rendre commun le jugement et l'arrêt à intervenir entre la société Franprix Leader Price Holding et M. [EG].

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 avril 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la société Franprix Leader Price Holding venant aux droits de la société Ludis demande à la cour de :

- constater qu'elle s'en rapporte sur la recevabilité de l'action de M. [EG] contre M. [Y] [T] [XW], la SAS Spring Sud Ouest et la SAS Spring Sud Ouest Equilibre,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

'- retenu l'assignation de la SNC Ludis et pas celle concernant Monsieur [Y] [T] [XW], ès qualité de gérant de la SNC Ludis, la SAS Spring Sud Ouest et la SAS Spring Sud Ouest Equilibre,

- débouté Monsieur [W] [EG] de sa demande de requalification de son licenciement économique en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Monsieur [W] [EG] de sa demande de la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

- débouté Monsieur [W] [EG] de sa demande des différents rappels de salaire,

- débouté Monsieur [W] [EG] de sa demande de la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné Monsieur [W] [EG] à rembourser à la SNC Ludis la somme de 306,47 euros au titre de la prime de fin d'année 2017,

- condamné Monsieur [W] [EG] aux dépens',

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles,

- condamner M. [EG] à lui restituer le trop-perçu à hauteur de :

* 1.866,48 euros au titre de la fraction du solde d'indemnité compensatrice de congés payés versée à tort,

* 3.067,72 euros au titre de la fraction de prime annuelle pour 2018 versée à tort, celle-ci n'étant pas due lorsque le contrat de travail est suspendu depuis plus d'un an,

- condamner M. [EG] à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

- débouter M. [EG] de ses demandes,

- constater l'abandon des demandes de M. [EG] au titre d'une indemnité spéciale de licenciement, d'un rappel de salaires sur RTT et congés sur RTT, de l'absence ou imprécisions des motifs ou de procédure irrégulière au titre de licenciement et dire que ces demandes sont infondées,

- A titre subsidiaire, limiter le montant de sa condamnation au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 9.194,15 euros et débouter M. [EG] du surplus de ses demandes,

- en tout état de cause, fixer l'ancienneté à 11 ans et 6 mois et fixer le salaire de référence à la somme de 3.677,76 euros.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de l'assignation délivrée à Monsieur [Y] [T] [XW], la SAS Spring Sud Ouest et la SAS Spring Sud Ouest Equilibre

M. [EG] explique que dès qu'il a connu la date de l'audience devant le conseil de prud'hommes, il a adressé ses pièces à la société Ludis mais que son courrier recommandé est revenu avec la mention 'destinataire inconnu à l'adresse'. Il indique qu'après avoir informé le greffe du conseil de prud'hommes de la situation, ce dernier l'a invité à faire citer la société Ludis en vue de l'audience du 2 septembre 2019. Il précise que l'étude d'huissier a été obligée d'établir un procès-verbal de recherches infructueuses, que la lettre recommandée par l'huissier est revenue avec la mention 'destinataire inconnu à l'adresse', que l'audience a été renvoyée au 4 novembre 2019 et qu'il a été invité à faire citer la société Ludis pour cette nouvelle audience et que dans ces conditions, il a fait citer, le 10 septembre 2019, M. [T] [XW] en sa qualité de gérant de la société Ludis et les deux associés de cette dernière.

Il fait valoir que toutes les dispositions de l'article 56 du code de procédure civile ont été respectées, que M. [T] [XW], la société Spring Sud Ouest et la société Spring Sud Ouest Equilibre connaissaient parfaitement les motifs pour lesquels ils ont été assignés et les demandes présentées à leur encontre. Il ajoute que le gérant de la société Ludis ainsi que les deux propriétaires de cette société avaient un intérêt particulier à assurer la défense de la société Ludis et que leur assignation tendait à cette fin.

M. [T] [XW] et la société Franprix Leader Price Holding font valoir que l'assignation délivrée le 10 septembre 2019 est nulle sur le fondement de l'article 56 2° du code de procédure civile dans la mesure où il n'est pas mentionné l'objet de la demande avec un exposé des moyens. Ils expliquent que Monsieur [Y] [T] [XW], la SAS Spring Sud Ouest et la SAS Spring Sud Ouest Equilibre n'ont pas compris les raisons pour lesquelles ils ont été assignés alors qu'ils ne sont pas les employeurs de M. [EG] et qu'il n'existe aucun lien suffisant pour justifier leur intervention forcée. Ils estiment que la violation de l'article 56 2° précitée leur a causé un grief puisqu'ils ne peuvent que spéculer sur les moyens de fait et de droit à l'appui des prétentions, faisant valoir qu'il s'agit d'une atteinte particulièrement grave aux droits de la défense et au principe du contradictoire. Ils ajoutent que rien juridiquement ne vient justifier la délivrance de telles assignations, M. [EG] affirmant sans preuve qu'il aurait agi ainsi à la demande du conseil de prud'hommes.

*****

Selon l'article 56 2° du code de procédure civile dans sa version applicable au litige : 'L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice :

2°L'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit;'

L'exposé du moyen en fait, comme d'ailleurs celui du moyen en droit et celui de l'objet de la demande, doit permettre au destinataire de l'assignation de savoir ce qu'on lui demande, d'apprécier si le tribunal saisi est compétent, s'il est opportun de se défendre, et par quels moyens. L'énoncé d'un moyen en fait n'est pas le rappel d'un contexte factuel. Il s'agit, bien que ce soit un fait qui est exposé, d'une démarche de qualification, destinée à donner au juge l'outil adéquat pour juger.

Ces dispositions visent à assurer le respect du principe du contradictoire en permettant à la partie assignée de présenter en temps utile ses moyens de défense.

Selon les articles 114 et 115 du code de procédure civile, « Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief ».

En l'espèce, l'assignation délivrée le 10 septembre 2019 à M. [T] [XW], en sa qualité de gérant de la société Ludis, à la société Spring Sud Ouest et à la société Spring Sud Ouest Equilibre comporte 6 phrases dans le paragraphe relatif à l''objet de la demande' aux termes desquelles il est indiqué que :

- M. [EG] en sa qualité de salarié a saisi le conseil de prud'hommes le 19 juin 2019 par requête,

- il a adressé un courrier recommandé avec accusé de réception à la société Ludis qui est revenu avec la mention 'destinataire inconnu à l'adresse',

- il a été invité à assigner la société Ludis pour l'audience du 2 septembre 2019 à 14h55,

- il 'dénonce en tête des présentes tous les actes de procédure auxquels il se réfère expressément et entend obtenir la condamnation de la SNC Ludis au paiement des sommes énoncées dans le cadre de l'avis de convocation devant le conseil de prud'hommes de Poitiers'.

Le corps de l'assignation est complété par un dispositif introduit par : 'Par ces motifs', dans lequel M. [EG] énonce les prétentions suivantes :

'Vu la requête et les pièces déposées auprès du Conseil de Prud'hommes de Poitiers,

Vu le bordereau de pièces et l'ensemble des pièces dénoncées,

Dire et juger la procédure de Monsieur [EG] [W] recevable et bien fondée

Déclarer le jugement à intervenir commun à Monsieur [T] [XW] [Y] ès qualité de gérant de la société Ludis, à la SAS SPRING SUD OUEST et à la SAS SPRING SUD OUEST EQUILIBRE,

Par conséquent,

Condamner la SNC Ludis au paiement des sommes suivantes :

[...]

Condamner la SNC Ludis aux entiers dépens.'

Si les destinataires de l'assignation litigieuse pouvaient effectivement comprendre qu'ils étaient mis en cause devant le conseil de prud'hommes, le contenu de l'assignation ne leur permettait toutefois pas de comprendre les motivations de ces interventions forcées, aucun moyen de fait et de droit n'étant exposé au soutien de la demande en déclaration de jugement commun. La cour relève encore que si M. [T] [XW] a été cité en sa qualité de gérant de la société Ludis, seule cette dernière était l'employeur de M. [EG]. Par ailleurs, l'assignation ne contient aucune mention permettant aux deux personnes morales de savoir qu'elles étaient attraites à la cause en leur qualité d'associés de l'employeur de M. [EG]. Dans ces conditions, tant M. [T] [XW] que la société Spring Sud Ouest et la société Spring Sud Ouest Equilibre étaient dans l'impossibilité de faire valoir leur défense.

Dans ses conclusions transmises au conseil de prud'hommes le 4 novembre 2019 ainsi que dans ses conclusions ultérieures soutenues devant les premiers juges puis devant la cour, M. [EG] a indiqué :

- qu'il avait appelé M. [T] [XW], la société Spring Sud Ouest et la société Spring Sud Ouest Equilibre à la cause, le premier en sa qualité de gérant de la société Ludis et les deux autres en leur qualité d'associés,

- que la société Ludis n'avait pu être touchée ni par lettre recommandée avec accusé de réception ni par acte d'huissier du 9 juillet 2019,

- qu'il avait donc appelé en cause le gérant de la société et ses deux propriétaires pour permettre à la société Ludis de présenter sa défense.

Ces précisions ont ainsi pu permettre aux destinataires de l'assignation litigieuse de comprendre que M. [EG] les a mis en cause afin de s'assurer de la comparution de son employeur, à savoir la société Ludis, dans l'instance prud'homale. La cour considère donc qu'une régularisation de la cause de nullité de l'assignation est intervenue postérieurement ne laissant subsister aucun grief pour M. [T] [XW], la société Spring Sud Ouest et la société Spring Sud Ouest Equilibre puisqu'ils ont pu exposer leurs moyens de défense et notamment soulever l'irrecevabilité de leur intervention forcée.

La cour déboute en conséquence M. [T] [XW] et la société Franprix Leader Price de leur demande de nullité de l'assignation du 10 septembre 2019.

Sur l'irrecevabilité de l'intervention forcée de M. [T] [XW], la société Spring Sud Ouest et la société Spring Sud Ouest Equilibre

M. [EG] soutient qu'il fait délivrer les assignations en intervention forcée à la demande de la juridiction prud'homale puisque la SNC Ludis n'avait pas été touchée ni par lettre recommandée ni par acte d'huissier. Il estime que le lien suffisant entre le gérant de la société et les propriétaires de la société et la société est direct et certain, précisant qu'il était de leur intérêt que la société Ludis puisse assurer sa défense. Il ajoute que l'assignation délivrée au représentant légal de la société Ludis avait pour seul but d'assigner valablement son employeur.

Se fondant sur les articles 66, 325, 327 et 331 du code de procédure civile, M. [T] [XW] et la société Franprix Leader Price Holding font valoir que :

- M. [EG] ne formule aucune prétention à l'encontre de M. [T] [XW], la société Spring Sud Ouest et la société Spring Sud Ouest Equilibre, se contentant de demander que le jugement et l'arrêt à intervenir leur soient rendus communs,

- M. [EG] ne démontre aucun lien suffisant entre l'intervention forcée et les prétentions des parties,

- M. [T] [XW] n'était que le gérant de la société Ludis et les deux autres sociétés étaient des personnes morales totalement indépendantes juridiquement, avec une séparation des patrimoines,

- la société Ludis n'est ni radiée ni liquidée,

- M. [EG] aurait parfaitement pu envoyer un courrier à M. [T] [XW], la société Spring Sud Ouest et la société Spring Sud Ouest Equilibre pour les aviser de l'existence de la procédure prud'homale contre la société Ludis,

- la décision à intervenir ne sera aucunement génératrice de droits pour

M. [EG] à l'égard de M. [T] [XW], la société Spring Sud Ouest et la société Spring Sud Ouest Equilibre.

*****

Aux termes de l'article 325 du code de procédure civile 'L'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant'.

L'article 331 du même code précise que :

'Un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal.

Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.

Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense.'

En l'espèce, la cour observe que M. [EG] ne justifie d'aucun intérêt à rendre commun à M. [T] [XW], la société Spring Sud Ouest et la société Spring Sud Ouest Equilibre le jugement et l'arrêt à intervenir dès lors qu'il les a fait citer uniquement pour s'assurer de la comparution de son employeur dans le cadre de l'instance prud'homale. Il n'est en outre justifié d'aucun lien suffisant entre l'intervention forcée de M. [T] [XW], la société Spring Sud Ouest et la société Spring Sud Ouest Equilibre et les prétentions formulées par M. [EG] contre la société Ludis, étant au surplus relevé que le salarié ne produit aucune pièce pour démontrer que la juridiction de première instance lui aurait fait injonction de mettre en cause M. [T] [XW], la société Spring Sud Ouest et la société Spring Sud Ouest Equilibre. Il est enfin inopérant pour M. [EG] de soutenir que l'assignation de M. [T] [XW] avait pour but d'assigner régulièrement son employeur dès lors que d'une part la société Ludis était régulièrement attraite à la cause par le procès-verbal de recherches infructueuses et que d'autre part, l'objet de l'assignation litigieuse n'était pas d'attraire l'employeur à la cause mais de déclarer commun à son gérant le jugement à intervenir.

En conséquence, il y a lieu déclarer irrecevable les interventions forcées de M. [T] [XW], la société Spring Sud Ouest et la société Spring Sud Ouest Equilibre et d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a 'retenu l'assignation de la SNC Ludis et pas celle concernant Monsieur [Y] [T] [XW], ès qualité de gérant de la SNC Ludis, la SAS Spring Sud Ouest et la SAS Spring Sud Ouest Equilibre' cette formulation ne permettant pas de déterminer si le conseil de prud'hommes a retenu l'exception de nullité de l'assignation ou la fin de non-recevoir concernant les interventions forcées.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [EG] soutient, sur le fondement de l'article L.1233-4 du code du travail, que la société Ludis a manqué à son obligation de reclassement. Il explique que :

- dans la lettre de licenciement, son employeur a indiqué lui avoir proposé un poste de reclassement,

- il n'a toutefois reçu aucune offre de reclassement,

- son employeur ne s'est pas engagé dans une recherche sérieuse et active de reclassement,

- rien ne démontre que les 24 courriers dont se prévaut l'employeur ont effectivement été envoyés à l'exception de 3 pour lesquels une réponse négative a été donnée,

- de son côté, il a adressé au groupe Leader Price son CV dès le 1er mars 2019 et a accepté le contrat de sécurisation professionnelle (CSP),

- l'acceptation du CSP ne fait pas obstacle à la contestation ultérieure par le salarié de la rupture de son contrat de travail.

Il prétend que le barème institué par l'article L.1235-3 du code du travail doit être écarté.

La société Franprix Leader Price Holding fait valoir qu'à réception de sa lettre de licenciement, M. [EG] n'a pas écrit à son employeur pour lui demander des précisions sur les motifs et pour l'aviser des erreurs factuelles liées à un mauvais copier-coller comme pour la mention de l'offre de reclassement du 4 février 2019. Elle considère que M. [EG] ne peut donc pas invoquer une insuffisance de motivation en se basant sur des erreurs factuelles. Elle ajoute que dans la mesure où M. [EG] avait accepté le CSP le 8 mars 2019, il ne pouvait plus reprocher à son employeur, sur la base d'une lettre de licenciement postérieure contenant une erreur, un manquement à son obligation de reclassement alors qu'à partir du 8 mars 2019, cette obligation n'existait plus. Elle affirme que l'employeur a fait des recherches de reclassement, avant la signature du CSP, en s'adressant vainement à l'ensemble des directeurs de service. Elle fait observer que M. [EG] avait indiqué qu'il n'était pas mobile, à l'exception du département de la Vienne, ce qui a réduit le spectre des recherches. Elle estime qu'il est inacceptable de faire peser le doute quant à la réalité de l'envoi des courriers aux autres magasins, insistant sur le fait que chacun étant indépendant rien ne pouvait les contraindre à répondre. Elle explique que M. [T] [XW] a été sollicité en sa qualité de responsable administratif au sein du siège.

Subsidiairement, elle rappelle que l'article L.1235-3 du code du travail s'impose et que dans la mesure où M. [EG] ne justifie pas d'un préjudice particulier en lien avec la rupture de son contrat de travail, son indemnisation doit être limitée à 2,5 mois de salaire.

*****

Aux termes de l'article L.1233-4 du code du travail :

'Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.'

En l'espèce, pour justifier que l'employeur a satisfait à son obligation de recherche loyale et sérieuse d'un poste de reclassement pour M. [EG], la société Franprix Leader Price Holding produit un mail envoyé par Mme [D] [YW], le 14 janvier 2019, à Messieurs [E] [MX],

directeur d'exploitation, [I] [CG], Directeur Régional, [Y] [XW], Responsable administratif, [B] [O], directeur régional, [A] [LX], directeur régional, [U] [K], directeur régional, [F] [P], directeur régional, [F] [DG], directeur d'exploitation, [R] [UN], directeur d'exploitation, [TN] [RF], directeur d'exploitation, [KX] [M], directeur régional, [HO] [JX], directeur régional, [PF] [N], responsable administratif [Localité 6], [IO] [NF], directeur comptable et à Mmes [S] [V], assistante administrative Sud-est, [L] [J], responsable Pôle social pour la société Capdis, [G] [WW], directeur régional, [X] [GO], responsable recrutement, [H] [Z], directrice des ressources humaines, [C] [OF], juriste paie et administration du personnel :

- mentionnant en objet 'demande de reclassement salariés Ludis - M. [W] [EG]',

- dans lequel il est indiqué que la société Ludis n'exploite qu'un seul établissement, qu'une recherche de reclassement est faite pour 9 salariées, qu'une réponse écrite en complétant le document joint est souhaitée et qu'une fiche de poste est jointe correspondant au poste actuel du salarié,

- auquel est jointe la fiche de poste de M. [EG] en sa qualité de directeur de magasin ainsi que des formulaires dans lesquels il est rappelé l'ancienneté de M. [EG], son poste, son temps de travail et sa rémunération ainsi qu'un bordereau vierge de réponse.

La société Franprix Leader Price Holding produit également :

- trois réponses négatives faites les 15, 17 et 19 janvier 2019 par Mmes [S] [V], [L] [J] et [G] [WW].

- le courrier remis en main propre le 15 février 2019 à M. [EG] lui indiquant qu'aucun poste de reclassement n'avait été trouvé et l'invitant à produire son CV et toutes informations supplémentaires notamment ses souhaits de mobilité,

- le courrier du 1er mars 2019 par lequel M. [EG] envoie son CV et précise être mobile dans le département de la Vienne.

Ainsi contrairement à ce que soutient M. [EG] les lettres de recherches de reclassement produites par la société Franprix Leader Price Holding ont bien été envoyées par mail à leurs destinataires, le fait que seulement trois y aient répondu n'étant pas susceptible de remettre en cause la réalité de leur envoi.

Par ailleurs, si la lettre de licenciement comporte effectivement une erreur, ainsi que le reconnaît la société Franprix Leader Price Holding, en ce qu'il est indiqué, à tort, qu'une offre de reclassement a été faite à M. [EG], cette circonstance ne saurait remettre en cause la réalité de la recherche loyale et sérieuse de reclassement dont a fait preuve l'employeur.

Par conséquent, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement et a débouté M. [EG] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de rappel de congés payés

M. [EG] fait valoir que sur son bulletin de salaire de mars 2019 figurent 56 jours de congés payés restants. Il ajoute qu'en juin 2018, il avait acquis 25 jours de congés payés auxquels il fallait ajouter 30 jours correspondant aux congés en cours ainsi qu'une journée de congé payé au titre de l'ancienneté soit 56 jours au total. Il en conclut que de juin 2018 à mars 2019, aucun jour de congés payés n'a été décompté de sorte qu'il peut prétendre à un rappel de congés payés sur 12 mois et 11 jours, incluant la durée de son préavis.

La société Franprix Leader Price Holding, se fondant sur l'article L. 3141-5 du code du travail et l'article 7.1 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, rappelle que M. [EG] a eu un accident du travail en décembre 2016 ce qui lui donnait droit à l'acquisition de congés payés jusqu'en décembre 2017 et que passé cette date, étant toujours en arrêt de travail, le salarié ne pouvait plus acquérir de congés payés. Elle fait valoir que la société Ludis a trop versé à M. [EG] au titre des congés payés puisqu'en décembre 2017, le solde était de 45 jours et que l'indemnité qui a été versée au salarié en mars 2019 correspondait à 56 jours de congés payés, de sorte qu'elle se déclare créancière du différentiel. Elle ajoute que l'état de santé de M. [EG] a été déclaré consolidé le 30 avril 2018 de sorte qu'il n'était plus en arrêt de travail mais en maladie simple ce qui est une cause de suspension du contrat de travail n'ouvrant pas droit à l'acquisition de congés payés, peu important que le pôle social soit saisi d'une contestation.

*****

Selon les articles :

- art. L. 3141-1 du code du travail : 'tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l'employeur',

- art. L. 3141-3 du code du travail : 'le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables',

- article L. 3141-5 5° du code du travail : ' sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé : les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle',

- article L. 3141-7 du code du travail : 'lorsque le nombre de jours ouvrables calculé conformément aux articles L.3141-3 et L.341-6 n'est pas un nombre entier, la durée du congé est portée au nombre entier immédiatement supérieur',

- art. L. 3141-28 du code du travail : ' Lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il a bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27. (...).'

L'article 7.1 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 prévoit notamment que 'La durée des congés payés annuels est fixée conformément à la législation en vigueur. N'entraînent aucune réduction des congés payés tant en ce qui concerne leur durée que le montant de l'indemnité correspondante : les périodes limitées à une durée ininterrompue de 1 an pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ; les absences pour maladie des salariés comptant 2 ans de présence pendant la période de référence au cours de laquelle ils ont acquis des droits à congés payés, dans la limite de 2 mois (si la durée totale des absences a excédé 2 mois, les congés payés sont dus pour 2 mois).'

Il est en outre constant qu'une période d'arrêt maladie ne permet pas d'acquérir des droits à congés payés (Soc. 14 nov .2018, n° 17-21.535) sauf disposition conventionnelle contraire. En revanche, la période de préavis doit être considérée comme une période de travail effectif pour l'ouverture des droits à congés payés, sauf si le salarié était déjà en arrêt maladie avant de débuter la

période de préavis. En cas de rupture du contrat de travail que le droit aux congés payés peut être exercé sous la forme d'une indemnité compensatrice (article L. 3141-28 du code du travail).

En l'espèce, il résulte de l'attestation de paiement des indemnités journalières produit par M. [EG] que ce dernier a été en arrêt de travail pour accident du travail du 29 septembre 2016 au 30 avril 2018 et qu'à compter de cette date, il a été placé en arrêt maladie simple. Il s'ensuit que M. [EG] a pu continuer d'acquérir des congés payés jusqu'au mois d'octobre 2017 et de nouveau en mai 2018 puis en juin et juillet 2018 alors qu'il était en maladie simple de sorte qu'il n'avait acquis que 45 jours de congés payés indemnisables et non 56 voire 86 comme il le revendique.

Il n'est pas contesté que M. [EG] a perçu une indemnité compensatrice de congés payés de 5.939,92 euros correspondant à 56 jours. Il convient donc de le débouter de sa demande en paiement de jours supplémentaires et de le condamner à payer à la société Franprix Leader Price Holding la somme de 1.166,77 euros brut en restitution du trop perçu à ce titre. Le jugement entrepris est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [EG] de sa demande de rappel de salaire mais infirmé en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande de restitution de la fraction du solde de l'indemnité compensatrice de congés payés.

Sur la demande de rappel de primes

M. [EG] soutient que depuis le début de son activité, il a toujours bénéficié d'une prime de fin d'année équivalente à un mois de salaire brut. Il indique qu'en 2016, il n'a perçu aucune prime. Il fait valoir qu'il est bien fondé à demander le paiement de cette prime à la société Ludis qui a repris son contrat de travail auprès de la société Cidis qui était son employeur en 2016. Il ajoute qu'en 2017, une prime de 306,47 euros brut lui a été versée au lieu de 3.677,66 euros brut et que pour l'année 2018, il n'a perçu que la somme de 1.532,36 euros.

La société Franprix Leader Price Holding rappelle qu'en 2016, l'employeur de M. [EG] était la société Cidis et non la société Ludis de sorte qu'il lui appartient de se retourner contre son précédent employeur. Elle ajoute qu'il n'y a eu aucune fusion ou absorption de la société Cidis par la société Ludis de sorte qu'il n'y a eu aucune reprise des contrats de travail des salariés. Elle affirme qu'il n'y a eu qu'une mutation acceptée par M. [EG] avec reprise d'ancienneté mais pas de reprise des engagements du précédent employeur.

Elle fait valoir que M. [EG] ne fonde ni en droit ni en fait sa demande en rappel de prime, précisant que l'article 3.7 de la convention collective applicable prévoit le versement d'une prime annuelle pour les salariés bénéficiant d'un an d'ancienneté sous condition de présence au moment de son versement. Elle affirme que si M. [EG] pouvait prétendre à une prime en décembre 2016 auprès de son ancien employeur, il n'était pas en droit de prétendre à une prime pour 2017 et 2018 puisqu'il était en arrêt de travail depuis plus d'un an. Elle estime que M. [EG] a ainsi trop perçu sur la prime conventionnelle 2017 la somme de 306,47 euros.

*****

En l'espèce, la prime annuelle est prévue par l'article 3.7, dans sa rédaction antérieure à l'avenant n° 70 du 15 janvier 2019, de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, qui stipule :

'Les salariés ont droit au paiement d'une prime annuelle dont le versement pourra s'effectuer en une ou plusieurs fois au cours de l'année. Dans le cas où la prime est versée en plusieurs fois, le ou les versements précédant le solde constituent une avance remboursable si le salarié a quitté l'entreprise avant la date de versement dudit solde.

Cette prime ne fait pas partie de la rémunération totale retenue pour le calcul de l'indemnité de congés payés.

Les conditions d'attribution de cette prime annuelle sont les suivantes :

3.7.1. Un an d'ancienneté dans l'entreprise au moment du versement, l'ancienneté étant appréciée dans les conditions fixées à l'article 3.15 de la présente convention collective. En cas d'ouverture de l'établissement en cours d'année, la condition d'ancienneté est ramenée à 6 mois et la prime sera versée au prorata du temps de présence.

3.7.2. Être titulaire d'un contrat de travail en vigueur au moment du versement. Les salariés dont le contrat de travail n'est pas suspendu depuis plus de 1 an au moment du versement répondent à cette condition.

Toutefois :

- en cas de départ ou de mise à la retraite ;

- d'appel sous les drapeaux, de retour du service national ;

- de décès ;

- de licenciement économique ;

- de départ en congé non rémunéré suspendant le contrat de travail ou de retour d'un tel congé intervenant en cours d'année, la prime sera versée prorata temporis suivant les dispositions prévues au 3.7.4 ci-après.

3.7.3. Le montant de la prime, pour les salariés qui n'ont pas fait l'objet d'absences autres que celles énumérées ci-dessous, est égal à 100 % du salaire forfaitaire mensuel de novembre (heures supplémentaires exceptionnelles exclues)'.

Il est ainsi prévu deux conditions cumulatives pour pouvoir bénéficier de la prime annuelle à savoir :

- avoir un an d'ancienneté au moment du versement,

- être titulaire d'un contrat de travail au moment du versement et ne pas

avoir son contrat de travail suspendu depuis plus d'un an au moment du versement.

M. [EG] remplissait la condition d'ancienneté en 2016, 2017 et 2018. Son contrat de travail était en vigueur en décembre 2016 et n'était pas suspendu depuis plus d'un an. Cependant, si, en vertu de l'article L.1224-1 du code du travail, le contrat de travail en cours au jour de la modification dans la situation juridique de l'employeur subsiste avec le nouvel employeur, ce texte ne fait pas obstacle à ce que, celui-ci, sous réserve de fraude, convienne avec le salarié de nover le contrat en cours. Or, dans le contrat de travail conclu le 1er juillet 2017 entre M. [EG] et la société Ludis, il a été expressément convenu de nover le contrat en cours et d'y substituer le contrat conclu. M. [EG] qui ne fait valoir aucune fraude ne peut donc solliciter auprès de la société Franprix Leader Price Holding venant aux droits de la société Ludis le paiement d'une prime dont était redevable son précédent employeur, à savoir la société Cidis. M. [EG] ne peut donc qu'être débouté de sa demande en paiement au titre de la prime 2016.

S'agissant des primes 2017 et 2018, il y a lieu de constater, ainsi que le relève très justement la société Franprix Leader Price Holding, que le contrat de travail de M. [EG] était suspendu depuis plus d'un an en décembre 2017 mais également en décembre 2018 de sorte qu'il ne peut prétendre au paiement d'aucune prime annuelle pour ces deux années. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [EG] de ses demandes en paiement. Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Il y a lieu par ailleurs de confirmer le jugement entrepris qui a condamné M. [EG] à restituer à la société Franprix Leader Price Holding la somme de 306,47 euros brut au titre du trop versé de prime 2017, le salarié admettant dans ses écritures qu'il avait reçu paiement de cette somme.

Sur la demande de bulletins de salaire sous astreinte

M. [EG] ayant été débouté de l'intégralité de ses demandes, il convient de rejeter sa demande de remise des bulletins de salaire sous astreinte.

Sur les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts pour procédure abusive

Se fondant sur l'article 32-1 du code de procédure civile, M. [T] [XW] et la société Franprix Leader Price Holding venant aux droits de la société Spring Sud Ouest et de la société Spring Sud Ouest Equilibre soutiennent que M. [EG] a engagé à leur encontre une instance injustifiée et qu'il ne s'est pas désister les contraignant ainsi à répondre au fond. Ils estiment qu'il s'agit d'un abus du droit d'ester en justice, l'erreur étant grossière, frisant l'intention de nuire.

*****

En vertu des dispositions de l'article 1382 du code civil tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

L'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

En l'espèce, il n'est démontré aucun abus du droit d'agir en justice de la part de M. [EG] dès lors que ce dernier n'avait pour intention, en attrayant M. [T] [XW], la société Spring Sud Ouest et la société Spring Sud Ouest Equilibre à la cause, que d'assurer la représentation en justice de son employeur à savoir la société Ludis et ce sans aucune intention de nuire aux destinataires de l'assignation du 10 septembre 2019.

Par conséquent, la cour déboute M. [T] [XW] et la société Franprix Leader Price Holding de leur demande de dommages et intérêts.

Sur les frais du procès

M. [EG] qui succombe doit supporter les dépens d'appel qui s'ajoutent aux dépens de première instance, le jugement étant confirmé de ce chef.

Il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu des circonstances entourant le litige et de la situation économique de chacune des parties, de laisser chacune d'elles de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Ludis de sa demande ainsi que M. [EG].

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 22 mars 2021 par le conseil de prud'hommes de Poitiers sauf en ce qu'il a :

- retenu l'assignation de la SNC Ludis et pas celle concernant M. [Y] [T] [XW], ès qualités de gérant de la SNC Ludis, la SAS Spring Sud Ouest et la SAS Spring Sud Ouest Equilibre,

- débouté la SNC Ludis de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 1.866,48 euros au titre de la fraction du solde de l'indemnité compensatrice de congés payés versée à tort,

Statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmés et y ajoutant,

- déboute M. [Y] [T] [XW] et la SAS Franprix Leader Price Holding de leur demande de nullité de l'assignation du 10 septembre 2019,

- déclare irrecevable l'intervention forcée de M. [Y] [T] [XW], ès qualités de gérant de la SNC Ludis, la SAS Spring Sud Ouest et la SAS Spring Sud Ouest Equilibre,

- condamne M. [W] [EG] à payer à la SAS Franprix Leader Price Holding la somme de 1.166,77 euros brut en restitution du trop perçu au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- déboute M. [W] [EG] de sa demande de remise des bulletins de salaire sous astreinte,

- déboute M. [Y] [T] [XW] et la SAS Franprix Leader Price Holding de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- déboute toutes les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne M. [W] [EG] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01282
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.01282 ?
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