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04/07/2023 | FRANCE | N°21/03181

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 04 juillet 2023, 21/03181


ARRÊT N°323



N° RG 21/03181



N° Portalis DBV5-V-B7F-GMZ4















[NE]



C/



[A]

[F]

















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 04 JUILLET 2023





Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 octobre 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de POITIERS





APPE

LANT :



Monsieur [CH] [L] [NE]

[Adresse 19]

[Localité 20]



ayant pour avocat postulant Me Isabelle NOCENT, avocat au barreau de POITIERS







INTIMÉS :



Monsieur [I], [WA] [A]

né le 03 Décembre 1974 à [Localité 26] (86)

[Adresse 1]

[Localité 21]



Madame [KD], [Y] [F]

née l...

ARRÊT N°323

N° RG 21/03181

N° Portalis DBV5-V-B7F-GMZ4

[NE]

C/

[A]

[F]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 04 JUILLET 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 octobre 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de POITIERS

APPELANT :

Monsieur [CH] [L] [NE]

[Adresse 19]

[Localité 20]

ayant pour avocat postulant Me Isabelle NOCENT, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉS :

Monsieur [I], [WA] [A]

né le 03 Décembre 1974 à [Localité 26] (86)

[Adresse 1]

[Localité 21]

Madame [KD], [Y] [F]

née le 01 Mars 1977 à MEULAN (78)

[Adresse 1]

[Localité 20]

ayant tous deux pour avocat postulant Me Philippe BROTTIER de la SCP PHILIPPE BROTTIER - THIERRY ZORO, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 15 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte du 3 juin 2004, [I] [A] et [KD] [F] ont acquis des héritiers de [SC] [E] la propriété d'un ensemble immobilier situé à [Localité 20] (Vienne), cadastré section C n° [Cadastre 9], [Cadastre 11] et [Cadastre 14].

Par acte notarié du 25 février 1983, [CH] [NE] a acquis de [UB] [JG] la propriété des parcelles cadastrée section C n° [Cadastre 17] (anciennement [Cadastre 15]), [Cadastre 4] et [Cadastre 6]. Par acte du 23 septembre 1991, il a acquis de [RF] [LF] la propriété de la parcelle cadastrée section C n° [Cadastre 5].

Par acte du 20 janvier 2021, [I] [A] et [KD] [F] ont fait assigner [CH] [NE] devant le tribunal judiciaire de Poitiers. Ils ont demandé de dire que l'immeuble situé sur la parcelle cadastrée section C n° [Cadastre 14] bénéficiait d'une servitude conventionnelle de passage sur celle cadastrée section C n° [Cadastre 17] et de condamner sous astreinte le défendeur à laisser libre le passage. Ils ont en outre demandé paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts.

Ils ont soutenu que leur fonds bénéficiait par titre de cette servitude.

[CH] [NE] a conclu au rejet de ces demandes. Il a soutenu que la servitude n'était constituée qu'à la condition qu'elle fût stipulée au titre du propriétaire du fonds servant, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

Par jugement du 1er octobre 2021, le tribunal judiciaire de Poitiers a statué en ces termes :

'DECLARE recevable l'action de Monsieur [I] [A] et Madame [KD] [F] formée à l'encontre de Monsieur [CH] [NE];

DIT que Monsieur [I] [A] et Madame [KD] [F] bénéficient d'une servitude conventionnelle de passage sur la parcelle sise commune de [Localité 20] cadastrée section C n° [Cadastre 17] appartenant à Monsieur [CH] [NE];

CONDAMNE Monsieur [CH] [NE] à laisser libre l'espace;

CONDAMNE Monsieur [CH] [NE] à l'interdiction de stationnement de tout véhicule empêchant la libre circulation de Monsieur [N] [A] et Madame [KD] [F];

CONDAMNE Monsieur [CH] [NE] à stopper les travaux en cours et à démolir les constructions commencées sous une astreinte de 50 € par jour et par fait constaté à compter du prononcé de la décision;

CONDAMNE Monsieur [CH] [NE] à payer à Monsieur [I] [A] et Madame [KD] [F] la somme de 600 € à titre de dommages et intérêts;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

CONDAMNE Monsieur [CH] [NE] à verser à Monsieur [I] [A] et Madame [KD] [F] la somme de 800 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE Monsieur [CH] [NE] aux entiers dépens;

CONSTATE l'exécution provisoire de la présente décision'.

Il a considéré :

- qu'il résultait des actes des 20 février 1962, 25 février 1983 constituant le titre du défendeur, 3 juin 2004 et 8 mars 2006 produits aux débats que les demandeurs justifiaient d'une servitude conventionnelle de passage grevant la parcelle n° [Cadastre 17] au profit de celle n° [Cadastre 14] ;

- que l'obstruction du passage par [CH] [NE] était fautive.

Par déclaration reçue au greffe le 5 novembre 2021, [CH] [NE] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 janvier 2022, il a demandé de :

'Dire et juger l'appel de Monsieur [NE] recevable et bien fondé.

Y faisant droit, réformer le jugement attaqué et débouter Monsieur [A] et Madame [F] de toutes leurs demandes comme étant mal fondées par application des dispositions des articles 688, 691 et 682 et de la jurisprudence rendue aux visas de celles-ci.

En conséquence, faire défense à Monsieur [A] et Madame [F] d'avoir à pénétrer et/ou stationner ou autoriser tout visiteur à stationner tous véhicules sur la parcelle n°[Cadastre 17].

Subsidiairement, dans l'hypothèse où le Tribunal viendrait à reconnaître une servitude de passage sur la parcelle n°[Cadastre 17] de Monsieur [NE] au profit de parcelle n° [Cadastre 14] appartenant à Monsieur [A] et Madame [F],

Accueillir alors Monsieur [NE] en sa demande reconventionnelle et l'autoriser à poser une clôture délimitant sa parcelle n° [Cadastre 17] de la parcelle n° [Cadastre 14] appartenant à ses voisins, avec un espace de 3 mètres entre ladite clôture et le coin de son hangar situé en face de sa maison d'habitation afin de permettre au véhicule de Monsieur [A] et Madame [F] d'accéder à leur parcelle n° [Cadastre 14].

Condamner in solidum Monsieur [A] et Madame [F] à régler à Monsieur [NE] une indemnité de 4.000 € par application des dispositions de l'article 700 du CPC au titre des frais irrépétibles exposés en 1ère instance et en cause d'appel'.

Il a exposé :

- qu'existait sur la parcelle n° [Cadastre 17] un couloir formant passage commun au profit de la commune, permettant l'accès de la [Adresse 19] au hangar et à la cave et inversement, situé sur l'ouest de la parcelle ;

- que les intimés pour accéder à leur fonds empruntaient les parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 16] et [Cadastre 24] (anciennement [Cadastre 13]) ;

- que les parcelles cadastrées même section n ° [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 12] étaient toutes grevées d'un droit de passage de 3 mètres de largeur.

Il a contesté l'existence d'un droit de passage grevant la parcelle n° [Cadastre 17] au profit de celle n° [Cadastre 14], son titre de propriété et les actes antérieurs n'en faisant pas mention. Il a ajouté que les titres des intimés et de leurs auteurs ne stipulaient pas un tel droit de passage.

Il a précisé que la mention dans son titre d'une 'portion commune' ne renvoyait pas à la notion de cour commune, chaque parcelle étant précisément délimitée.

Selon lui, le titre des intimés ne stipulait pas un droit de passage grevant son fonds au profit du leur, ni l'acte du 8 mars 2006, la déclaration de l'adjoint au maire sur un droit de passage n'ayant aucun fondement juridique.

Il a contesté avoir dans un courrier en date du 18 mars 2020 reconnu l'existence de ce droit de passage.

Il a ajouté que la parcelle n° [Cadastre 14] n'était pas enclavée au sens de l'article 682 du code civil, l'accès étant possible en raison d'un droit de passage existant sur d'autres parcelles.

Il a conclu au rejet de la demande de dommages et intérêts formée à son encontre en l'absence d'une part de droit de passage, d'autre part le muret réalisé pour éviter un ruissellement des eaux de pluie sur son fonds, déposé par [I] [A], n'ayant nullement obstrué le passage revendiqué, enfin la caméra installée étant factice ainsi qu'avaient selon lui pu le constater les gendarmes s'étant déplacés sur les lieux.

Il a en outre demandé qu'il soit fait défense aux intimés de pénétrer sur son fonds.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 mars 2022, [I] [A] et [KD] [F] ont demandé de :

'Vu les articles 637 et suivants, 682 et 701 du Code Civil

Vu les actes notariés des auteurs de M. [NE] pour la parcelle [Cadastre 17]

Vu les différents actes des propriétés contigües (parcelles [Cadastre 16] et [Cadastre 24])

Vu les actes de propriétés des concluants

Dire et juger irrecevable et mal fondé M. [NE] en toutes ses demandes, fins et conclusions d'appel,

L'en débouter.

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel, sauf en ce qu'il a limité les dommages et intérêts à 600 € et Condamner M. [NE] [CH] au paiement d'une somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts.

Condamner M. [NE] [CH] au paiement d'une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens'.

Ils ont exposé que :

- leur titre faisait mention du droit de passage revendiqué et d'un droit de puisage sur la parcelle n° [Cadastre 17] ;

- l'acte du 20 février 1962 constituant le titre de l'auteur de l'appelant avait fait mention d'une 'portion commune' sur laquelle s'exerçait le passage litigieux;

- l'appelant se prévalait opportunément de l'omission de cette mention dans l'acte du 25 février 1983 ;

- l'acte du 13 septembre 2010 mentionnait une parcelle n° [Cadastre 16] à usage de passage et un acte du 8 novembre 2017 un droit de passage sur la parcelle n° [Cadastre 24] au profit des parcelles n° [Cadastre 17] et [Cadastre 14], ce passage impliquant un passage sur la parcelle n° [Cadastre 17] ;

- l'appelant avait dans un courrier en date du 18 mars 2020 admis le droit de passage revendiqué.

Ils ont ajouté que l'appelant obstruait le passage, avait installé des caméras de surveillance dirigées vers leur propriété, avait adressé des courriers malveillants à la préfecture et à l'employeur de [I] [A].

Ils ont pour ces motifs conclu à la confirmation du jugement et maintenu leur demande de dommages et intérêts.

L'ordonnance de clôture est du 13 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A - SUR L'EMPLACEMENT DES PARCELLES LITIGIEUSES

Les parties ont produit aux débats le plan cadastral, rapporté en extrait ci-dessous :

B - SUR LA SERVITUDE

L'article 686 du code civil dispose que :

'Il est permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n'aient d'ailleurs rien de contraire à l'ordre public.

L'usage et l'étendue des servitudes ainsi établies se règlent par le titre qui les constitue ; à défaut de titre, par les règles ci-après'.

1 - sur le titre des intimés

Par acte du 3 juin 2004, [I] [A] et [KD] [F] ont acquis des consorts [E] la propriété des parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 9],[Cadastre 11] et [Cadastre 14].

Il a été stipulé en page 6 et 7 de cet acte, au paragraphe 'rappel des servitude' que :

'dans l'acte de vente par Mme [P] à M. [SC] [E], du 22 juillet 1965, ci-après analysé en l'origine de propriété, il a été mentionné ce qui suit, littéralement rapporté :

"Commune de [Localité 20]

"Dans l'acte de vente en date du quatre août mil neuf cent vingt trois ci-après rapporté en l'origine de propriété, l'ensemble d'immeubles dont s'agit a été désigné de la façon suivante, avec les servitudes pouvant le grever ou lui profiter, le tout littéralement rapporté :

"La partie (C [Cadastre 14]) située au midi d'une maison d'habitation sise à [Localité 20]

[...]

"Un jardin (C [Cadastre 9]) d'environ six ares au levant de la maison et un autre jardin (C [Cadastre 11]) d'environ cinq ares au midi de la maison et de la cour.

"Le tout d'un seul ensemble confronte, au nord : un passage commun (C [Cadastre 17], 509 et [Cadastre 16] donnant accès à la voie publique) et les portions (C [Cadastre 7] et [Cadastre 8]) de maison et de jardin vendues à M. [Z], au midi : le jardin vendu à la Commune et les dépendances de la Chapelle de [Localité 20], au levant : un jardin vendu à Mademoiselle [SZ] et encore le jardin vendu à la Commune, et au couchant : la portion de cour et du hangar vendue à Mademoiselle [SZ] et un

jardin vendu à M. [BN].

"le jardin (C [Cadastre 11]) situé au midi de la maison présentement vendue devra souffrir le long du mur de la chapelle, au profit des parcelles de jardin vendues à la Commne de [Localité 20], à Mademoiselle [SZ] et à M. [MC], un droit de passage sur une largeur de trois mètres pour aller rejoindre la [Adresse 27] à [Localité 25]. (il est précisé que le jardin cadastré C [Cadastre 11] comporte une clôture grillagée, située à trois mètres du mur de la chapelle)

"Et ce même jardin et les bâtiments ci-dessus vendus auront droit de passage sur la parcelle de jardin (C [Cadastre 12]) vendue à M. [BN] pour aller rejoindre la [Adresse 27] à [Localité 25].

[...]

"La maison présentement vendue aura droit de puisage au puits (situé sur le n° [Cadastre 17]) qui se trouve près de la maison vendue à M. [Z], et aussi droit au lavoir et de puisage au ruisseau sur la partie de pré vendue à M. [BN].

Les vendeurs déclarent que le lavoir se trouve sur le n° 716 de la section C'.

Cette citation caractérise un droit de passage grevant la parcelle n° [Cadastre 17] au profit du fonds des intimés.

Les actes de 22 juillet 1965 et 4 août 1923 cité par le notaire ayant instrumenté n'ont pas été produits aux débats.

Le droit de puisage permet un accès de la parcelle n° [Cadastre 14] à la parcelle n° [Cadastre 17] pour tirer l'eau du puits. Il n'institue pas un droit de passage grevant la parcelle n° [Cadastre 17] pour accéder à la voie publique à partir de la parcelle n° [Cadastre 14].

Le passage de 3 mètres de largeur grevant les parcelles n° [Cadastre 6], [Cadastre 2], [Cadastre 9] et [Cadastre 12] n'est pas l'objet du litige dont est saisie la cour.

2 - sur le titre de l'appelant et de ses auteurs

[CH] [NE] a par acte du 25 février 1983 acquis de [UB] [JG] la propriété des parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 17], [Cadastre 6] et [Cadastre 4].

Cet acte ne fait mention que du droit de passage grevant la parcelle n° [Cadastre 6].

L'acte du 23 septembre 1991 de vente à l'appelant de la parcelle cadastrée section C n° [Cadastre 5] ne fait mention que du passage sur les parcelles n° [Cadastre 6], [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 12].

[UB] [JG] avait recueilli la propriété des trois parcelles précitées dans la succession des époux [WF] [OB] et [S] [JG] ses parents.

[WF] [OB] avait acquis la propriété des ces parcelles alors cadastrées section C n° [Cadastre 15], [Cadastre 6] et [Cadastre 4] des époux [T] [B] et [U] [K]. L'acte de vente du 20 janvier 1962 décrit comme suit la parcelle n° [Cadastre 15] (actuellement [Cadastre 17]) :

'Une maison d'habitation sise à [Localité 20], comprenant : au rez-de-chaussée deux pièces et un couloir commun avec la commune, grenier sur les chambres et sur le couloir entrée commune pour le grenier, avec la commune de [Localité 20], Cave sous partie de l'immeuble, courette à l'est de la maison, avec water-closets, portion commune au sud de la maison, au sud de la portion commune, terrain sur lequel est édifié un hangar de deux travées'.

[T] [B] avait acquis de [WF] [SZ] la propriété de ces parcelles, mentionnées être cadastrées section C n° [Cadastre 15], [Cadastre 3] et [Cadastre 4]. Le bien situé sur la parcelle n° [Cadastre 15] a été décrit comme suit :

'Commune de [Localité 20].

1°.- Une maison...comprenant : au rez-de-chaussée deux pièces et un vestibule commun avec la Commune, au premier étage: deux pièces et un couloir commun avec la Commune, grenier sur les chambres et sur le couloir, entrée commune pour le grenier avec la Commune, Cave sous partie de l'immeuble, courette à l'Est de la maison avec water-closets, portion commune au Sud de la maison, au Sud de la portion commune, terrain sur lequel est édifié un hangar de deux travées.

Le tout joint : au Nord : la [Adresse 19]...au Sud: [BN] et [R], à l'Est : [R] et autres, à 1'0uest : la Commune de [Localité 20] et figure au cadastre sous le numéro [Cadastre 15] de la section C'.

La description du bien faite à ces deux actes est identique.

La 'portion commune' est située au sud de la parcelle n° [Cadastre 17], anciennement n° [Cadastre 15]. Elle est contiguë à la parcelle n° [Cadastre 14] propriété des intimés. Ces derniers ont ainsi un droit d'accès sur la partie sud de la parcelle n° [Cadastre 17].

Les actes précités ne stipulant pas que la mention d'une 'portion commune' s'entend d'un droit de passage, il convient de rechercher quelles sont les stipulations des actes de vente des parcelles voisines cadastrées n° [Cadastre 24] et [Cadastre 16].

3 - sur les actes de vente des parcelles voisines

Par acte du 8 mars 2006, la commune de [Localité 20] représentée par [IE] [W], premier adjoint au maire, a vendu à [C] [XC] et [VD] [GF] un bien immobilier situé sur les parcelles cadastrées section C n° [Cadastre 23] et [Cadastre 18], ainsi que la parcelle cadastrée section C n° [Cadastre 24]. Cette dernière parcelle est contiguë aux parcelles n° [Cadastre 16] et [Cadastre 17].

Il a été stipulé en page 7 de cet acte, au paragraphe 'rappel de servitude', que :

'Il est ici rappelé qu'aux termes de l'acte d'acquisition par la Commune de [Localité 20] des 18 octobre et 2 novembre 1923, l'immeuble aujourd'hui cadastré section C, n°s [Cadastre 23] et [Cadastre 24] a été désigné de la manière suivante, ci-après littéralement rapportée :

"°I La partie ouest d'une maison d'habitation, située à [Localité 20] [Adresse 19], occupée par la poste, et consistant en vestibule et escalier communs avec le surplus de la maison vendue à Mademoiselle [SZ]

[...]

Le tout joignant, du nord, la place publique de l'église, au midi un passage commun, avec les maisons voisines, au levant l'autre partie de la maison, vendue à Mademoiselle [SZ], au couchant la maison vendue à [BN], mur mitoyen entre devx,

2° Portion telle qu'elle est bornée de la cour intérieure située à [Localité 20] et des écuries à la suite, construites sous le hangar, contenant environ un are, joignant au nord le passage commun

[...]

Monsieur [W], ès-qualités, précise que la cour intérieure est grevée d'un droit de passage au profit des propriétés cadastrées section C, n°s [Cadastre 17] et [Cadastre 14]".

Par acte du 13 septembre 2010, [G] [O] et [Y] [J] ont vendu à [PD] [V] et [TE] [M] la parcelle cadastrée section C n° [Cadastre 16].

Il a été stipulé en page 8 de l'acte que :

'aux termes d'un acte reçu par Maître [AD] [H], alors notaire à [Localité 21], le 27 juin 1973, publié au bureau des hypothèques de POITIERS, le 29 juin 1973, volume 5268, numéro 9, il a été indiqué ce qui suit ci-après littéralement rapporté :

Concernant le passage cadastré section C numéro [Cadastre 16] :

"Il est ici rappelé, sur les indications de Monsieur [BN], vendeur, que le terrain dont il est parlé audit article 2, est grevé d'un droit de passage au profit des propriétaires riverains".

Il résulte des ces développements que, d'est en ouest :

- la parcelle n° [Cadastre 24] est grevée d'un droit de passage au profit des parcelles n° [Cadastre 17] et [Cadastre 14] ;

- la parcelle [Cadastre 16] est grevée d'un droit de passage au profit de ces mêmes parcelles.

Il s'ensuit que la parcelle n° [Cadastre 17] est grevée d'un droit de passage au profit de la parcelle n° [Cadastre 14] située au sud (au midi), permettant l'accès aux parcelles n° [Cadastre 24] et [Cadastre 16] précitée et à la voie publique.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé de ce chef.

C - SUR L'EXERCICE DE LA SERVITUDE DE PASSAGE

Maître [D] [EG], huissier de justice à [Localité 28], a sur la requête des intimés fait le 3 juin 2000 le constat suivant :

'Au niveau du droit de passage :

Le chemin d'accès est recouvert d"enrobé goudronne et il n'y a pas de délimitation parcellaire.

L'enrobé commence depuis la voie publique au chemin de la Ragondilière et s'arrête au niveau de la maison des requérants.

Sur le chemin goudronné, un véhicule est stationné, il s'agit d"un camping-car de marque FLEURETTE immatriculé [Immatriculation 22].

Lors de ma venue le temps à la pluie, toutefois, sous le camping-car, l'enrobé ne présente pas de traces d'humidité.

Derrière le camping-car, un muret en parpaing est posé sur environ deux parpaings de hauteur, le muret commence depuis la propriété voisine et arrive à la moitié du chemin'.

Il résulte des photographies annexées au procès-verbal de constat et de celles produites tant par l'appelant que les intimés que ce véhicule, stationné en permanence sur la 'portion commune', fait obstacle à l'exercice du droit de passage.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a sous astreinte enjoint à [CH] [NE] de laisser libre le passage et lui a interdit de stationner tout véhicule empêchant la libre circulation des intimés.

D - SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS

[CH] [NE], en faisant obstacle au passage des intimés, a commis une faute à l'origine d'un trouble dans la jouissance paisible de leur bien.

Il a installé sur un poteau situé sur son fonds, en limite des parcelles n°[Cadastre 14] et [Cadastre 17], à hauteur de l'angle nord-ouest de la parcelle n° [Cadastre 14], une caméra de surveillance orientée tant vers son camping-car que vers la maison d'habitation des intimés. Une seconde caméra (dôme) a été installée sur sa maison d'habitation. Elle apparaît sur une photographie annexée à la pièce 19 produite par les intimés. Elle est orientée comme la précédente. Selon [CH] [NE], ces caméras auraient été factices.

La première caméra apparaît sur les photographies produites par les intimés (pièce n° 6), sur celle constituant la pièce n° 10 de l'appelant mais non plus celle constituant sa pièce n° 9. Il n'est pas établi que la seconde caméra demeure en place.

L'installation de ces caméras même factices, sans en avoir prévenu ses voisins vers lesquels elles étaient dirigées et en cela susceptibles de porter atteinte à leur vie privée, constitue une faute.

[I] [A] a produit un courrier posté le 14 février 2020 adressé à son employeur selon lui par [CH] [NE], rédigé en ces termes : 'Votre representant de commerce Mr [A] est un bon a rien et ne connait pas les produits qu'il vend a vous de voir'.

Un courrier a été reçu au cabinet du préfet le 14 février 2020. Les intimés l'attribuent à l'appelant. Il a été rédigé en ces termes :

'Madame la Prefete si je vous écris c'est pour signaler le comportement anormal de Mr [X] [A]...ce monsieur ce croit au dessus des lois en ce faisant faire une piscine enterre a cote d'un monument historique le tout sans permis de construire il a également construit un abris de jardin de grande superficie et cela aussi sans permis

je compte sur vous pour faire respecter la loi

Merci d'avance'.

[CH] [NE] n'a pas contesté l'envoi de ces courriers.

Ces dénonciations, dont aucun élément des débats n'établit qu'elle seraient même partiellement fondées, sont fautives. Elles entachent la réputation de [I] [A] et de [KD] [F].

Le préjudice de jouissance et moral subi par les intimés imputable à faute à l'appelant sera réparé par l'attribution de la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a limité cette indemnisation à 600 €.

E - SUR LES DÉPENS

La charge des dépens d'appel incombe à l'appelant.

F - SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Le premier juge a équitablement apprécié l'indemnité due sur ce fondement par l'appelant.

Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits des intimés de laisser à leur charge les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à leur demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du 1er octobre 2021 du tribunal judiciaire de Poitiers sauf en ce qu'il :

'CONDAMNE Monsieur [CH] [NE] à payer à Monsieur [I] [A] et Madame [KD] [F] la somme de 600 € à titre de dommages et intérêts' ;

et statuant à nouveau de ce chef d'infirmation,

CONDAMNE [CH] [NE] à payer à titre de dommages et intérêts à [I] [A] et de [KD] [F] la somme de 2.000 € ;

CONDAMNE [CH] [NE] aux dépens d'appel ;

CONDAMNE [CH] [NE] à payer en cause d'appel à [I] [A] et de [KD] [F] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/03181
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;21.03181 ?
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