ARRET N°309
N° RG 21/02741 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GLWI
[A]
C/
[U]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 27 JUIN 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02741 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GLWI
Décision déférée à la Cour : jugement du 19 mars 2021 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINTES.
APPELANTE :
Madame [I] [A]
née le 16 Décembre 1955 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
ayant pour avocat postulant Me Charlotte JOLY de la SCP BCJ BROSSIER - CARRE - JOLY, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Aurélie ROCHEREUIL, avocat au barreau de RENNES
INTIMEE :
Madame [M], [R], [F] [U]
née le 16 Août 1964 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 1]
ayant pour avocat Me Alisson CURTY-ROBAIN, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
- Contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS
Par acte de vente du 2 août 2005, [I] [X], épouse [A] a acquis un cheval frison pure race nommé Merlot des prés d'Eve (Merlot), né le 18 juin 2004.
C'est sa fille [S] [X] qui s'en occupait.
[S] [X] et le cheval ont été hébergés un temps par Mme [U].
Courant décembre 2011, [S] [X] est partie, a laissé le cheval chez cette dernière.
Les années ont passé.
Le 27 avril 2016, Mme [U] envoyait un courriel à Mme [A], lui précisait ne plus avoir de nouvelles d'[S] depuis décembre 2011.
'En faisant une recherche sur internet sur les origines de Merlot, j'ai vu que vous en étiez propriétaire.
J'avais accepté d'héberger provisoirement Merlot pour laisser à [S] le temps de trouver une solution.
Je m'en occupe maintenant depuis plus de quatre ans et j'aimerais clarifier cette situation car je ne peux plus le garder.
L'idéal pour moi serait que vous le récupériez, ce serait le plus simple.
Je ne dispose pas de ses papiers, de ce fait je me trouve dans une situation délicate pour l'assurer, le transporter. (...)
J'aurais éventuellement une possibilité de le placer mais pour cela je dois connaître votre position avant la fin du mois d'avril. Cordialement. '
Mme [A] a répondu par courrier recommandé du 7 octobre 2016.
Elle indiquait n'avoir jamais eu les coordonnées de Mme [U] avant le courriel précité, souhaitait reprendre le cheval , transmettait ses coordonnées, la remerciait 'de bien vouloir fixer une date à laquelle je pourrais passer prendre mon cheval au plus tôt '.
Par courrier du 28 octobre 2016, le conseil de Mme [U] écrivait à Mme [A], assurait que le cheval avait été abandonné et que Mme [U] en était devenue propriétaire.
Par acte du 6 septembre 2017, Mme [A] a saisi le juge des référés aux fins de restitution.
Par ordonnance du 10 octobre 2017, le juge des référés s'est déclaré incompétent.
Par acte du 25 avril 2019, Mme [A] a assigné Mme [U] devant le tribunal de grande instance de Saintes aux fins de restitution du cheval, à titre subsidiaire, aux fins de paiement d'une somme de 28 000 euros correspondant à la valeur du cheval et de 63 000 euros au titre du préjudice subi.
Mme [U] a conclu au débouté, a demandé reconventionnellement la condamnation de Mme [A] à l'indemniser des frais d'entretien du cheval.
Par jugement du 19 mars 2021 , le tribunal judiciaire de Saintes a statué comme suit :
'-dit que l'action de Mme [X] n'est pas prescrite
-dit que Mme [U] doit restituer à Mme [X] le cheval de race frison nommé Merlot des Prés identifié par le transpondeur n°
-dit qu'il appartient à Mme [X] de venir reprendre possession de cet animal au domicile de Mme [U]
-rejette la demande d'astreinte
-condamne Mme [X] à payer à Mme [U] la somme de 16.200€ en remboursement des dépenses faites pour la conservation du cheval du 1 er janvier 2012 au 31 décembre 2020
-déboute les parties du surplus de leurs demandes
-dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés
-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du CPC '
Le premier juge a notamment retenu que :
-sur l'action en revendication
Mme [A] justifie de sa propriété sur le cheval Merlot par la production du certificat de propriété corroboré par la copie du site internet de l'éleveur.
Cette propriété a en outre été reconnue par Mme [U] dans son mail du 27 avril 2016.
Mme [U] a pu croire qu'[S] [X] était propriétaire, mais se savait détenteur précaire de l'animal. Elle ne s'est jamais considérée comme le propriétaire légitime.
Elle ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 2276 du code civil pour faire échec à la revendication du véritable propriétaire dont le droit est imprescriptible en application de l'article 2227 du code civil.
La perte du droit de propriété ne peut résulter que d'une renonciation à ce droit, ne se présume pas.
Il convient de faire droit à la revendication du cheval par Mme [A].
La remise provisoire s'analyse comme un dépôt.
Il appartient à Mme [A] de venir reprendre possession de son animal que Mme [U] devra tenir à sa disposition.
Le prononcé d'une astreinte n'est pas pertinent.
Il n'est pas démontré que le cheval a engendré des produits, des profits perçus par Mme [U].
-sur le remboursement des frais exposés
Les frais exposés seront évalués à 150 euros par mois.
Mme [A] sera condamnée à payer à Mme [U] la somme de 16 200 euros pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2020.
Le dépositaire peut retenir le dépôt jusqu'à l'entier paiement de ce qui lui est dû à raison du dépôt.
LA COUR
Vu l'appel en date du 16 septembre 2021 interjeté par Mme [A]
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 16 mars 2023, Mme [A] a présenté les demandes suivantes :
Vu les dispositions des articles 515-14, 528, 2276, 2227, 1915 et suivants, 1231-1, 1347
et 1348, 2224 et suivants du Code Civil,
Vu les dispositions de l'art. L 131-1 du Code des Procédures civiles d'exécution,
Vu le jugement déféré, Vu les pièces versées,
-Confirmer le jugement déféré en ce, qu'après avoir considéré qu'il convenait de faire droit à l'action en revendication de Mme [A], il a :
-dit que l'action de Madame [I] [X] épouse [A] n'est pas prescrite ;
-dit que Madame [U] doit restituer à Madame [X] épouse [A] le cheval de race frison nommé Merlot des Prés d'Eve identifié par le transpondeur n°52821000018855.
Réformant et complétant le jugement :
- Préciser que les frais d'entretien dus par Mme [A] à Mme [U], au titre du dépôt non salarié de Merlot, ne sauraient excéder la somme de 150 € par mois, du 15 avril 2015 au 11 octobre 2016, soit : 2.683,00 €.
-préciser que les frais d'entretien ultérieurs devront peser sur Mme [U] qui a retenu abusivement l'animal.
-condamner en revanche Mme [U] à régler à Mme [A] la somme de 47.000,00 € en réparation des préjudices causés par le manquement à ses obligations contractuelles, ladite somme se décomposant comme suit :
' perte de chances de gains de 2017 à 2021 : 42.000€
'préjudice moral : 5.000€
-ordonner la compensation entre les obligations réciproques des parties.
-assortir l'obligation de restitution du cheval MERLOT par Mme [U] à Mme [A] d'une astreinte de 1.000 € par jour de retard, à compter :
' soit de la signification de l'arrêt à intervenir si, après compensation, le solde est en faveur de Mme [A] ;
' soit du règlement des sommes dues par Mme [A] pour l'entretien de MERLOT si, après compensation, le solde est en faveur de Madame [U].
- Subsidiairement, en cas d'impossibilité de restitution de MERLOT, pour une raison qu'il lui appartiendrait à Mme [U] de développer :
' condamner Mme [U] au paiement de la somme de 28.000 euros représentant la valeur de MERLOT à l'époque où Madame [A] en avait demandé restitution.
'préciser qu'en l'absence de restitution de l'animal, aucun frais de conservation ne pourra être mis à la charge de Mme [A].
'condamner en revanche Mme [U] à régler à Mme [A] la somme de 47.000,00 € en réparation des préjudices causés par le manquement à ses obligations contractuelles.
En tout état de cause,
-débouter Mme [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
-condamner Mme [U] à payer à Mme [A] la somme de 4.000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel.
-condamner Mme [U] aux entiers dépens de l'appel.
A l'appui de ses prétentions, Mme [A] soutient en substance que :
-sur la propriété du cheval
Seul le possesseur de bonne foi peut se prévaloir des dispositions de l'article 2276 du code civil.
Le droit de propriété est imprescriptible.
La carte d'immatriculation est confortée par d'autres éléments: le certificat de propriété établi à son nom, le site internet de l'éleveur qui la désigne comme propriétaire de Merlot, les attestations produites.
-Le 27 avril 2016, Mme [U] a reconnu qu'elle était la propriétaire du cheval. Elle se savait détentrice précaire.
-Elle émet des doutes sur l'existence du cheval. Elle a des craintes légitimes renforcées, ignore où est son cheval.
-Mme [U] est tenue d'informer le propriétaire du lieu de détention.
Elle a fait réaliser une enquête le 26 mars 2019 qui conclut à l'existence d'indices laissant penser que le cheval a été déplacé, vendu.
-Le 14 décembre 2021, Mme [U] a répondu à la sommation interpellative qui lui était adressée: Oui je possède toujours le cheval et il est en parfaite santé. Non je refuse que vous procédiez à la vérification.
Les factures produites sont anciennes, datent de 2018, 2019.
Le tableau qu'elle a établi est sans valeur probatoire. Elle réitère sa demande d'astreinte.
-Elle n'est pas en mesure de payer les frais mis à sa charge par le premier juge.
-La somme de 28 000 euros correspond au prix du cheval à la date où elle en a demandé restitution en octobre 2016. Il était âgé de 12 ans, était en pleine forme compte tenu de son niveau de dressage, de sa formation, sa beauté, son caractère.
Ce n'était pas un simple cheval de loisir. Une activité de reproduction était possible.
-sur les frais d'entretien
Mme [U] est fondée à demander le remboursement des dépenses faites pour la conservation de la chose déposée. Le tribunal a retenu 150 euros par mois du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2020. Elle conteste la durée retenue.
-Le dépôt doit être remis au déposant aussitôt qu'il le réclame. Mme [U] devait restituer le cheval à compter du 11 octobre 2016, l'a ensuite retenu abusivement.
-Partie de la créance entre 1er janvier 2012 et 11 octobre 2016 est prescrite.
-La demande reconventionnelle en paiement n'a été présentée que le 15 avril 2020.La créance relative aux frais antérieurs au 15 avril 2015 est prescrite.
-Les frais dus entre le 15 avril 2015 et le 11 octobre 2016 s'élèvent à 2683 euros.
Les frais ne se justifient que si le cheval a été conservé.
-Elle estime en outre avoir subi un préjudice qu'elle évalue à la somme de 47000 euros.
-Mme [U] a manqué à ses obligations de dépositaire.
-Le droit de rétention suppose une créance certaine.
-Elle a été privée de la jouissance du cheval dont elle n'a pu exploiter la carrière.
-Elle a subi une perte de chance de gains, aurait pu louer le cheval 1000 euros par mois.
-Elle a subi un préjudice moral, des tracas, une anxiété qu'elle évalue à 5000 euros.
-Elle réitère sa demande de compensation.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 11 mars 2023, Mme [U] a présenté les demandes suivantes :
Vu l'article 2276 du Code civil, les article 1937 et suivants du Code civil,
Vu les pièces,
-REFORMER la décision entreprise,
Statuant de nouveau,
A titre principal,
-DEBOUTER Mme [X] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Dire et juger que Mme [U] est possesseur de bonne foi du cheval Merlot depuis 2012.
Dire et juger que l'action en revendication est forclose au jour de l'assignation au fond.
-CONDAMNER Mme [X] à payer la somme de 10.000€ de dommages et intérêts pour les préjudices subis en raison de l'acharnement dont elle a fait preuve.
A titre subsidiaire,
-CONFIRMER la décision en ce qu'elle a retenu qu'il existait un contrat de dépôt entre les parties.
-CONFIRMER la décision en ce qu'elle a retenu une somme mensuelle de 150€ à devoir à Mme [U] pour les frais d'entretien du cheval de 2012 jusqu'à la restitution du cheval.
-DEBOUTER Mme [X] de ses autres demandes.
En tout état de cause,
- La CONDAMNER à payer à Madame [U] la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.
A l'appui de ses prétentions, Mme [U] soutient en substance que :
-sur la propriété
Mme [A] ne produit pas de facture d'achat.
Le cheval était détenu par sa fille qui ne pouvait régler les frais.En décembre 2011, elle est partie sans plus donner de nouvelles.
Mme [A] ne s'est pas inquiétée du cheval durant des années. Elle a fait établir la carte d'immatriculation le 27 octobre 2016. C'est un élément de preuve accessoire.
-Il a été immatriculé 11 ans après l'achat.
-Il y a eu dépossession volontaire de la propriété.
-La possession de l'acquéreur doit être réelle, utile et de bonne foi.
-Elle avait la possession, produit des factures d'entretien. Elle s'est comportée en qualité de propriétaire aux yeux du vétérinaire, des voisins, du maréchal-ferrant.
-Quand elle est entrée en possession, elle croyait tenir la chose du véritable propriétaire.
-La demande de revendication au jour de l'assignation au fond était forclose.
-Le cheval est bien vivant, a 18 ans. Il ne vaut pas 28 000 euros.
-Il n'est plus monté, n'a jamais sailli.
-Il n'a pas été retenu abusivement alors qu'un débat existe sur sa propriété
-La demande d'indemnisation à hauteur de 47 000 euros est risible s'agissant d'un cheval frison de loisir.
-Le tribunal a qualifié le contrat de dépôt.
Elle a la qualité de dépositaire depuis janvier 2012 jusqu'à novembre 2022, demande une somme de 43 200 euros à parfaire jusqu'au prononcé de l'arrêt.
-Elle demande des dommages et intérêts, s'estimant victime de l'acharnement de Mme [A].
-Elle produit une attestation de Mme [V] qui indique que Merlot était sorti dans la carrière tous les jours, que son gardiennage était assuré en l'absence de propriétaire, son box entretenu.
-Mme [W], voisine de Mme [U] atteste qu'elle s'occupe de ses chevaux surtout de son gros cheval noir Merlot. Son box est en face de sa fenêtre. Le cheval est sorti nourri ,brossé.
-[J] [U] soeur de Mme [U] atteste le 11 février 2022 avoir rencontré [S] en 2011 au domicile de sa soeur. Elle était alors l'amie de son neveu, était en rupture avec sa mère.
Elle indique que sa soeur l'avait accueillie avec ses animaux pour quelques semaines, qu'elle était sans aucun revenu, est partie du jour au lendemain en décembre 2011, que sa soeur a tenté de la joindre en vain, qu'elle s'est occupée du cheval, veut lui offrir une retraite heureuse comme pour ses autres chevaux.
-Elle produit des justificatifs de frais vétérinaires.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 30 mars 2023 .
SUR CE
-sur l'action en revendication
L'article 2276 du code civil dispose : en fait de meubles, la possession vaut titre.
Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans, à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient.
Les conditions d'application de ce texte exigent une possession à titre de propriétaire.
Le possesseur doit croire de bonne foi être propriétaire
C'est au moment de l'entrée en possession que doivent s'apprécier les conditions de cette possession.
La présomption qui résulte de la possession implique, pour le demandeur en revendication qui prétend avoir remis à titre précaire les meubles au défendeur la charge de justifier la précarité de la possession à défaut de quoi le défendeur a titre pour les conserver.
Le revendiquant doit prouver une possession régulière antérieure et le caractère involontaire de la dépossession.
Mme [U] se dit possesseur de bonne foi du cheval.
Il résulte des écritures et productions que Mme [U] a accueilli chez elle [S] [X], à l'époque amie de son fils, et ses animaux dont le cheval Merlot.
Après que [S] [X] et le fils de Mme [U] ont rompu, [S] [X] est partie courant décembre 2011 sans s'expliquer sur ses intentions, a laissé le cheval .
Mme [U] ,comme le démontre le courriel envoyé le 27 avril 2016, confirmé par l'attestation de sa soeur [J] [U] a gardé le cheval en attendant qu'[S] [X] trouve une solution.
Il s'agissait manifestement d'un service rendu, d'un acte de complaisance exclusif de tout contrat.
Mme [U] était fondée à croire qu'[S] [X] viendrait récupérer le cheval dès que cela lui serait possible.
La situation s'est néanmoins prolongée pendant des années jusqu'à ce que Mme [U] fasse des recherches pour retrouver le propriétaire du cheval et lui demander de le reprendre le 27 avril 2016.
Les termes utilisés dans ce courriel sont parfaitement clairs et démontrent que Mme [U] ne possédait pas le cheval à titre de propriétaire même si elle a pu croire dans un premier temps que le cheval appartenait à [S] [X] et non à sa mère [I] [X], épouse [A].
Le fait que Mme [U] a ensuite changé d'avis et soutenu à compter du 28 octobre 2016 qu'elle était devenue propriétaire du cheval ne saurait occulter les termes du courriel du 27 avril 2016 par lequel elle rappelait s'occuper du cheval depuis plus de 4 ans, ne plus pouvoir le faire et demandait à son propriétaire d'en reprendre possession.
Par courriel du 7 octobre 2016, Mme [A] disait ne jamais avoir eu ses coordonnées avant le 27 avril 2016.
Elle indiquait vouloir reprendre Merlot le plus tôt possible, demande réitérée le 19 octobre 2016.
Mme [U] ne justifie pas avoir possédé le cheval à titre de propriétaire.
Mme [A] établit être désignée en qualité de propriétaire du cheval sur le certificat de propriété, par le site internet de l'éleveur et avoir fait établir le certificat d' immatriculation à son nom serait-ce tardivement.
Elle prouve une dépossession involontaire dès lors que le cheval avait été confié à sa fille qui avait alors rompu tous liens avec sa mère.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que Mme [A] démontrait être la propriétaire du cheval et a condamné Mme [U] à restituer le cheval.
Il n'est pas démontré que le cheval n'existe plus.
Mme [U] a répondu le 14 décembre 2021 à l'huissier de justice qui la sommait de s'expliquer sur ce point que le cheval existait toujours et était en bonne santé.
La demande d'astreinte réitérée en appel est justifiée dès lors que le cheval n'a pas été restitué en dépit des demandes formées en octobre 2016 et du jugement du 19 mars 2021.
-sur le contrat de dépôt
Les parties ne contestent pas la qualification opérée par le tribunal qui a retenu l'existence d'un contrat de dépôt.
Il est de droit constant que le déposant peut mettre fin au dépôt quand bon lui semble aussitôt qu'il le réclame.
-sur la prescription de l'action en remboursement des dépenses d'entretien
Selon l'article 1947 du code civil, la personne qui a fait le dépôt est tenue de rembourser au dépositaire les dépenses qu'il a faites pour la conservation de la chose déposée, et de l'indemniser de toutes les pertes que le dépôt peut lui avoir occasionnées.
L'action se prescrit selon le délai de droit commun applicable aux contrats.
Il est certain que Mme [U] a exposé des frais d'entretien du cheval depuis 2011, que Mme [A] a demandé à reprendre possession de son cheval à compter du 7 octobre 2016, demande à laquelle Mme [U] s'est opposée.
Il n'est pas contesté que la demande de remboursement des frais d'entretien a été faite dans les conclusions déposées le 15 avril 2020.
La recevabilité de la demande est donc limitée aux frais exposés entre le 15 avril 2015 et le 15 avril 2020.
Mme [U] ne peut qu'être déboutée de sa demande au titre des frais exposés postérieurement au 15 octobre 2016, frais qu'elle a exposés en dépit de la demande de restitution du cheval .
La demande d'indemnisation est donc fondée au titre des seuls frais exposés entre le 15 avril 2015 et le 15 octobre 2016.
Mme [U] ne conteste pas l'évaluation qui a été faite par le tribunal des frais d'entretien mensuels à la somme de 150 euros par mois.
Mme [A] sera donc condamnée à lui payer la somme de 150 euros x 18 = 2700 euros.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
-sur la demande d'indemnisation formée par Mme [A]
Mme [A] sollicité une somme de 47 000 euros qui inclut un préjudice résultant d'une perte de chance de gains entre 2017 et 2021, un préjudice moral.
Il résulte des productions que la situation a pour cause la rupture de lien entre Mme [A] et sa fille, rupture qui a duré des années.
Mme [A] ne justifie d'aucune démarche avant le 27 avril 2016 pour avoir tenté de retrouver le cheval.
Elle ne justifie pas que le cheval Merlot avait été exploité avant 2011, avait été loué ou produit des gains.
Elle ne justifie pas non plus d'un préjudice moral d'autant que c'est sa fille qui s'occupait du cheval avant Mme [U].
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [A] de sa demande d'indemnisation.
-sur les autres demandes
Mme [U] qui succombe dans son action en revendication sera déboutée de sa demande d'indemnisation fondée sur l'acharnement prêté à Mme [A].
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les parties conserveront à leur charge les frais irrépétibles et dépens exposés.
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
-confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a :
-condamné Mme [X] épouse [A] à payer à Mme [U] la somme de 16 200 euros en remboursement des dépenses faites entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2020.
Statuant de nouveau sur les points infirmés :
-dit irrecevable car prescrite la demande de remboursement au titre des frais exposés entre décembre 2011 et le 15 avril 2015
-condamne Mme [X] épouse [A] à payer à Mme [U] la somme de 2700 euros en remboursement des dépenses faites entre le 15 avril 2015 et le 15 octobre 2016 .
Y ajoutant :
-dit que Mme [A] reprendra possession du cheval dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt
-dit que Mme [U] sera redevable d'une astreinte de 50 euros par jour de retard durant 3 mois, à l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt .
-déboute les parties de leurs autres demandes
-laisse à la charge de chacune des parties les dépens et frais irrépétibles exposés par elle en appel
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,