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27/06/2023 | FRANCE | N°21/02668

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 27 juin 2023, 21/02668


ARRÊT N°319-3





N° RG 21/02668



N° Portalis DBV5-V-B7F-GLPH









S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL



C/



[W]

[K]

S.A.R.L. LSP

























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 27 JUIN 2023









Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 juillet

2021 rendu par le Tribunal de Commerce de SAINTES





APPELANTE :



S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL

N° SIRET : 752 223 099

[Adresse 6]

[Localité 2]



ayant pour avocat postulant Me Nicolas GILLET de la SELARL MADY-GILLET-BRIAND-PÉTILLION, avocat au barreau de POITIERS











INTIMÉS :


...

ARRÊT N°319-3

N° RG 21/02668

N° Portalis DBV5-V-B7F-GLPH

S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL

C/

[W]

[K]

S.A.R.L. LSP

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 27 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 juillet 2021 rendu par le Tribunal de Commerce de SAINTES

APPELANTE :

S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL

N° SIRET : 752 223 099

[Adresse 6]

[Localité 2]

ayant pour avocat postulant Me Nicolas GILLET de la SELARL MADY-GILLET-BRIAND-PÉTILLION, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉS :

Madame [X] [W] épouse [K]

agissant es qualité d'associée de la SARL LSP

née le 16 Janvier 1950 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Monsieur [N] [K]

agissant es qualité d'associé de la SARL LSP

né le 20 Novembre 1951 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 3]

S.A.R.L. LSP

N° SIRET : 487 483 588

[Adresse 7]

[Localité 1]

ayant tous les trois pour avocat postulant Me Anne laure LANGLOIS de la SELARL GAIRE LANGLOIS, avocat au barreau de SAINTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 24 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Madame Anne VERRIER, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société LSP exploitait un fonds de commerce de restauration à Meschers et avait pour cogérants, avant sa dissolution, Mme [X] [K] et M. [N] [K].

Elle faisait appel à la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL pour la tenue de sa comptabilité,

Le 29 avril 2016, la S.A.R.L. LSP cédait son fonds de commerce moyennant un prix de 295.000,00 euros et le 3 mai 2017, la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL procédait à la dissolution de cette société,

Le 27 août 2018, la S.A.R.L. LSP allait faire l'objet d'une vérification de comptabilité par l'administration fiscale pour les exercices clos de 2015, 2016 et 2017, les conséquences étant une rectification fiscale et une majoration de 40 % prévue par l'article 1729-a du code général des impôts,

C'est dans ces conditions que les consorts [K] allaient être destinataires de leurs avis d'imposition rectifiés, soit 168.000,00 euros, au titre de l'impôt sur les revenus 2016 et 6.282,00 euros au titre de l'impôt sur les revenus de 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 février 2019, le conseil de M. et Mme [K], adressait un courrier à S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL, afin que celui-ci se positionne sur sa responsabilité.

Par acte d'huissiers de justice, en date du 13 mars 2020, Mme [X] [K] et M. [N] [K] ont fait délivrer assignation d'avoir à comparaître devant le tribunal de commerce de SAINTES à la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL.

Par leurs dernières écritures, ils sollicitaient du tribunal :

- de condamner la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL à payer aux consorts [K], la somme de 85.179,00 euros à titre de dommages et intérêts en raison des sommes dues au titre de la rectification fiscale,

- de condamner la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL à leur payer la somme de 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier et moral,

- de condamner la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL à payer à la S.A.R.L. LSP la somme de 2.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'inexécution contractuelle,

- de condamner la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL à payer aux consorts [K] la somme de 1500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance,

- d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

En défense, la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL sollicitait du tribunal de

- débouter en conséquence les époux [K] et la société LSP de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL,

A titre subsidiaire, de dire et juger n'y avoir lieu à exécution provisoire,

En toute hypothèse, de condamner les époux [K] et la Société LSP à payer à la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL, la somme de 3.000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

De les condamner en tous les frais et dépens de l'instance et de dire et juger qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire,

Par jugement contradictoire en date du 15/07/2021, le tribunal de commerce de SAINTES a statué comme suit :

'Condamne la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL à indemniser les époux [K] de la somme de 51 817 € au titre des majorations et intérêts de retard de leur IRPP de l'année 2016,

Déboute les époux [K] de leur demande d'indemnisation des intérêts de retard et des majorations de leur IRPP pour l'année 2017,

Déboute les époux [K] de leur demande d'indemnisation de leur préjudice moral et financier,

Déboute la S.A.R.L. LSP de sa demande d'indemnisation au titre l'inexécution contractuelle de la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL,

Dit en vertu de l'article 514-1 du code de procédure civile, qu'il n'y a pas lieu à écarter l'exécution provisoire de droit,

Dit ne pas y avoir lieu à l'octroi d'un article 700 du code de procédure civile.

Condamne la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL aux entiers dépens de l'instance et frais de greffe, liquidés à la somme de 63.36 euros, dont 10.56 euros de TVA',

Le premier juge a notamment retenu que :

- le 29 avril 2016, la S.A.R.L. LSP cédait son fonds de commerce moyennant un prix de 295 000 €.

- une partie de cette somme soit 250 000 €, après avoir transité par un compte séquestre, a été versée sur le compte bancaire de la S.A.R.L. LSP le 28 septembre 2016,

Le jour même, M. et Mme [K] de leur propre initiative et sans avis de leur expert-comptable ont viré ces 250 000 € sur leur compte bancaire personnel, plaçant ainsi les comptes courants d'associés en position débitrice.

- lors de l'établissement des comptes annuels, la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL a alors créé un compte 46760000 DEBITEUR B afin de solder les comptes courants débiteurs des associés et cogérants [K]. Ce compte devenait débiteur.

- la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL a établi la déclaration d'IRPP des époux [K] pour l'année 2016, celle de 2017 ayant été établie par les époux [K].

- suite à sa vérification, l'administration fiscale a procédé un redressement fiscal des époux [K] pour leurs revenus des années 2016 et 2017 avec application d'une majoration de 40 % et des intérêts de retard.

- au regard de l'article 109 du code général des impôts, sauf preuve contraire les comptes courants débiteurs ouverts dans une société au nom des associés sont considérés comme des revenus distribués.

C'est donc bien à raison que l'administration fiscale a considéré que les comptes courants débiteurs N° 455710, N° 455711, N° 467600 pour l'exercice clos au 31/12/2016 et N° 455172 pour l'exercice clos le 31/12//2017 devaient être regardés comme un revenu distribué.

- les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ont donc été appliquées, une majoration de 40 % étant infligée pour manquement délibéré.

- M. et Mme [K] ont prélevé ces fonds de leurs propres initiatives sans une assemblée générale, et que les comptes débiteurs ont été délibérément soldés par le compte 467600 DEBITEUR B et non déclarés à l'IRPP par la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL

- la S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT a établi les bilans 2016 et 2017 de la S.A.R.L. LSP, ainsi que la déclaration d'IRPP des époux [K] pour l'année 2016,

- la S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT ne pouvait ignorer les dispositions légales applicables et aurait dû procéder à une régularisation légale des comptes courants débiteurs qu'elles qu'en soient les conséquences fiscales et sociales pour son client, cela soit en décidant de la distribution de dividendes nécessitant la décision préalable de l'assemblée générale des associés de la S.A.R.L. LSP, décision non prise avant le retrait des 250 000 € par les époux [K], soit en actant une rémunération des associés.

- la S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT a donc bien commis une faute en ne déclarant pas volontairement à l'IRPP cette rémunération.

- les époux [K] ont certes viré l'argent de leur propre initiative mais ne l'ont pas dissimulé à la S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT d'autant que lors de l'établissement du bilan l'expert-comptable en a eu parfaitement connaissance. Le dol ne peut être retenu.

- le redressement fiscal des époux [K] est bien la conséquence de la faute commise par la S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT qui n'a pas déclaré le solde négatif des comptes courants d'associés,

- la conséquence de cette faute pour l'année 2016 est une majoration de 46 473 € et l'application d'intérêts de retard d'un montant de 5 344 €, la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL qui a effectué la déclaration à l'IRPP de M. et Mme [K] pour l'année 2016, sera condamnée à les indemniser d'une somme de 51 817 €.

- les époux [K] ont effectué seuls leur déclaration à l'IRPP pour l'année 2017, la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL ne sera pas condamnée à indemniser les conséquences de la non déclaration comme revenu du montant du compte courant négatif,

-aucune assemblée générale des associés n'a préalablement décidé de la distribution des 250 000 €, l'abattement des 40 % n'a pas été retenu à juste titre par l'administration fiscale.

Les époux [K] qui, de leur propre chef, ont prélevé 250 000 € sans qu'il y ait préalablement une décision prise par l'assemblée générale des associés seront déboutés de leur demande de prise en charge de la perte de l'application de l'abattement de 40 %,

- sur le préjudice économique, le redressement fiscal ne fait qu'entériner les conséquences du retrait délibéré qu'ils ont opéré, il n'y a pas lieu d'accorder aux époux [K] une indemnisation au titre d'un préjudice économique.

- la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL a bien exécuté son contrat puisqu'elle a établi les comptes annuels et la déclaration à l'IRPP des époux [K], et il n'y a pas lieu à condamner la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL au versement de la somme de 2 000 € à la S.A.R.L. LSP au titre de l'inexécution du contrat.

- les époux [K] ont dû s'acquitter des majorations et intérêts de retard importants, l'exécution provisoire de droit prévue à l'article 514-1 du code de procédure civile sera accordée

LA COUR

Vu l'appel en date du 03/09/2021interjeté par la société S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT

Vu l'article 954 du code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 11/05/2022, la société S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT a présenté les demandes suivantes :

'Vu le bordereau de pièces fondant les prétentions de la société LITTORAL EXPERT CONSEIL annexé aux présentes conclusions par application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

Infirmer le jugement rendu le 15 juillet 2021 par le tribunal de commerce de SAINTES en toutes ses dispositions.

Et, statuant à nouveau.

Dire et juger que la société LITTORAL EXPERT CONSEIL n'a pas commis de faute en relation de causalité avec un préjudice indemnisable.

Débouter en conséquence les époux [K] de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société LITTORAL EXPERT CONSEIL.

Les débouter de tout appel incident qu'ils formeraient. Débouter la S.A.R.L. LSP de toutes demandes comme étant irrecevables.

Condamner les époux [K] à payer à la société LITTORAL EXPERT CONSEIL la somme de 5 000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de 1ère instance et la procédure d'appel.

Les condamner en tous les frais et dépens tant de 1ère instance que d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de la SELARL MADY-GILLET-BRIAND-PETILLION, avocat, qui pourra les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile'.

A l'appui de ses prétentions, la société S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT

soutient notamment que :

- la déclaration d'appel interjeté par la concluante ne l'a été qu'à l'égard des époux [K] et non vis-à-vis de la S.A.R.L. LSP

Or, tant les époux [K] que la S.A.R.L. LSP ont constitué avocat devant la cour.

Dans l'hypothèse où la S.A.R.L. LSP entendrait présenter des demandes dans le cadre du présent appel où elle n'est pas l'une des parties intimées, celles-ci seraient irrecevables.

La S.A.R.L. LSP n'est en effet pas partie à l'instance de sorte que dans cette hypothèse, elle n'est pas en droit de former un appel incident.

L'irrecevabilité de toute demande qui émanant de la S.A.R.L. LSP, faute pour elle d'être partie à l'instance d'appel ne peut qu'être prononcée.

- sur le fond, aux termes d'un acte sous seing privé en date du 29 avril 2016, la S.A.R.L. LSP a vendu son fonds de commerce moyennant le prix principal de 295 000 € au profit de la S.A.R.L. LE MOUSSAILLON, dirigée par M. [F] [H].

- le prix de vente du fonds de commerce de la S.A.R.L. LSP a logiquement été séquestré dans l'attente des oppositions d'éventuels créanciers.

Il résulte des pièces adverses qu'une partie du prix de vente a été versée sur le compte bancaire de la S.A.R.L. LSP le 28 septembre 2016 à hauteur de la somme de 250 000 €.

- le même jour, les époux [K], sans en référer à quiconque, ont versé ce prix de vente sur leur compte bancaire personnel, plaçant ainsi leur compte courant d'associé ouvert au sein de la S.A.R.L. LSP en position débitrice.

- lors de l'élaboration des comptes annuels de la S.A.R.L. LSP, la société S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT, placée devant le fait accompli, a avisé les époux [K] de la situation plus que délicate dans laquelle ils s'étaient placés eux-mêmes.

- elle a procédé à la déclaration des revenus distribués par la S.A.R.L. LSP mais se souvient clairement avoir indiqué qu'il fallait déclarer les revenus distribués par la S.A.R.L. LSP.

- les époux [K] n'ont pas souhaité procéder de cette façon et ont seulement déclaré, par l'intermédiaire de la concluante, leurs revenus autres.

- elle a indiqué aux époux [K] qu'il conviendrait a minima de régulariser la situation lors de la déclaration de revenus suivante.

- la société S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT a fait établir un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire le 3 mai 2017 ouvrant la procédure de liquidation amiable de cette société, ainsi qu'un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire ouvrant la procédure de liquidation amiable de la S.C.I. LE CHENAL, Mme [K] étant désignée comme liquidateur amiable des deux sociétés.

- les époux [K] ont déclaré par eux-mêmes leurs revenus au titre de l'année 2017 sans intervention de la société S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT .

Là encore, ils n'ont pas mentionné les revenus distribués par la S.A.R.L. LSP au titre de l'année 2017.

- la vérification de comptabilité a mis en exergue que les époux [K] ont continué à procéder de la sorte au titre de l'exercice 2017 en effectuant de multiples paiements ou retraits d'espèces portant in fine le solde débiteur de leur compte courant d'associé à hauteur de la somme de 242 338 €.

- M. et Mme [K] ont tenté de faire porter auprès de l'administration fiscale la responsabilité de la situation sur la société S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT mais l'administration fiscale a refusé de les prendre en considération par lettre du 14 février 2019.

- l'administration fiscale a établi un avis d'impôt sur les revenus au titre des années 2016 et 2017 à hauteur des sommes respectives de 168 000 € et 6 282 €.

- l'ordre des experts comptables de la région Poitou-Charentes, saisi par le conseil de M. Et Mme [K], a répondu qu'il n'avait pas à s'immiscer dans ce litige, celui-ci relevant exclusivement de la compagnie d'ASSURANCES garantissant la responsabilité civile professionnelle de la concluante.

- la société S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT a respecté son devoir de conseil.

Les époux [K] ont procédé eux-mêmes à un virement de la somme de 250 000 € sur leur compte bancaire et il a été constaté des prélèvements effectués par les époux [K] au titre de l'exercice 2017.

- l'ensemble de ces prélèvements a placé le compte courant d'associé des époux [K] en position débitrice, celui-ci s'établissant à la somme de 229891 € à la fin de l'année 2016 et à celle de 242338,45 € à la fin de l'année 2017.

- les époux [K] ne pouvaient pas ignorer qu'il leur était interdit de placer leur compte courant d'associé en position débitrice. Ils ne pouvaient non plus ignorer l'interdiction de distribuer des sommes versées à la société, placées

sur leur compte courant d'associé, sans réaliser la moindre formalité dont, notamment, une délibération l'autorisant.

Or, un client ne peut reprocher à des professionnels des éléments dont il avait d'ores et déjà connaissance et M. et Mme [K] étaient les dirigeants de la société depuis 11 ans.

- la société S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT a été placée devant le fait accompli.

Lorsqu'elle a dû établir les comptes annuels de la société au titre de l'exercice 2016, elle n'a pu que constater les versements que les époux [K] s'étaient autorisés à réaliser.

- le tableau normalisé établi avant de dresser les comptes annuels précise clairement l'existence d'un compte courant débiteur avec la mention suivante: "C/C Débiteur : 230 K€ (250 K€ prélevés au 30.9.2016".

- ce document de travail porte une rubrique intitulée "Comptes courants d'associés" précisant s'agissant d'un "point avec le client sur la position des CC des associés", que ledit point a été "fait".

Dans ce document de travail, dans la rubrique "Synthèse, conclusions et observations", il est encore mentionné : "C/C Débiteur : 230 K€ (250 K€ prélevés au 30 septembre 2016"

- la S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT a donc exercé son devoir de conseil.

- les époux [K] ont commis une faute exclusive de toute responsabilité de la S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT. Ils ont réalisé des prélèvements sauvages et il ne pouvait être établi une assemblée générale antidatée.

- M. [S] a le souvenir très clair outre les documents qui précèdent, d'avoir alerté tant la société que les associés de celle-ci sur le risque qu'ils prenaient en laissant leur compte courant débiteur et en ne déclarant pas les sommes perçues.

Les époux [K] et la société n'ont tenu aucun compte de ces avertissements.

- la S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT a donc réalisé la seule chose qui pouvait être faite, à savoir, établir le 3 mai 2017 un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire décidant de la dissolution de la S.A.R.L. LSP et ouvrant, une procédure de liquidation amiable dans le cadre de laquelle Mme [K] était désignée liquidatrice amiable.

- la S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT ne pouvait à aucun titre contraindre les époux [K] de se conformer à la loi.

- elle ne pouvait régulariser la situation. Il aurait fallu que les époux [K] remboursent le montant débiteur de leur compte courant d'associé ouvert au sein de la société et la seule solution possible en l'absence de remboursement des sommes prélevées a donc consisté à créer un sous-compte courant d'associé, mais sa responsabilité civile professionnelle ne peut être recherchée dans ce cadre.

- la faute reprochée à la concluante ne se trouve pas en relation de causalité avec un préjudice indemnisable.

M. et Mme [K] ont adopté un comportement de nature dolosive. Tant la perte de l'abattement de 40% que les pénalités pour manquement délibéré aux obligations déclaratives procèdent de la mauvaise foi des demandeurs à l'action en responsabilité, et ils ne peuvent dans ces circonstances faire consacrer la responsabilité civile professionnelle d'un tiers.

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 09/06/2022,Mme [X] [W] épouse [K] et M. [N] [K], ainsi que la S.A.R.L. LSP en cours de dissolution, ont présenté les demandes suivantes :

'DÉCLARER recevable mais mal fondé l'appel principal interjeté par la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL ;

DÉCLARER recevable et fondé l'appel incident formé par les consorts [K] et la S.A.R.L. LSP ;

DÉBOUTER la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées contre les consorts [K] et la S.A.R.L. LSP ;

CONFIRMER la décision déférée en ce qu'elle a :

- CONDAMNE la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL à indemniser les époux [K] de la somme de 51.817,00 € au titre des majorations et intérêts de retard de leur IRPP de l'année 2016 ;

- CONDAMNE la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL aux entiers dépens de l'instance et frais de greffe ;

- DIT qu'en vertu de l'article 514-1 du code de procédure civile, qu'il n'y a pas lieu à écarter l'exécution provisoire de droit ;

REFORMER la décision entreprise en ce qu'elle a :

- DÉBOUTE les époux [K] de leur demande d'indemnisation des intérêts de retard et des majorations de leur IRPP pour l'année 2017 ;

- DÉBOUTE les époux [K] de leur demande d'indemnisation de leur préjudice moral et financier ;

- DÉBOUTE la S.A.R.L. LSP de sa demande d'indemnisation au titre de l'inexécution contractuelle de la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL ;

- DIT ne pas à avoir lieu à l'octroi d'un article 700 du code de procédure civile;

Et statuant à nouveau :

DIRE ET JUGER que la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL a commis une faute en lien de causalité avec un préjudice indemnisable à l'égard des consorts [K] ;

CONDAMNER la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL à indemniser les consorts [K] de la somme de 51.817,00 € au titre des majorations et intérêts de retard de leur IRPP de l'année 2016 ;

CONDAMNER la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL à indemniser les époux [K] de la somme de 1.827,00 € au titre des majorations et intérêts de retard de leur IRPP de l'année 2017 ;

CONDAMNER la Société à responsabilité limitée LITTORAL EXPERT CONSEIL à leur payer la somme de 5.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier et moral ;

CONDAMNER la Société à responsabilité limitée LITTORAL EXPERT CONSEIL à payer à la S.A.R.L. LSP la somme de 2.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'inexécution contractuelle ;

CONDAMNER la Société à responsabilité limitée LITTORAL EXPERT CONSEIL à payer aux consorts [K] la somme de 4.000,00 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la Société à responsabilité limitée LITTORAL EXPERT CONSEIL à payer à la S.A.R.L. LSP la somme de 1.000,00 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la Société à responsabilité limitée LITTORAL EXPERT CONSEIL aux entiers dépens en permettant à Maître Anne-Laure LANGLOIS-HASKO, en application de l'article 699 du code de procédure civile, de recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

DIRE qu'en vertu de l'article 514-1 du code de procédure civile, qu'il n'y a pas lieu à écarter l'exécution provisoire de droit'.

A l'appui de leurs prétentions, 09/06/2022, Mme [X] [W] épouse [K] et M. [N] [K], ainsi que la S.A.R.L. LSP soutiennent notamment que :

- ils sont bien fondés à former appel incident de la décision rendue.

-la société LSP, non intimée par l'appel, est recevable à intervenir volontairement dès lors que cette intervention se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant, comme en l'espèce.

La Société LSP a qualité à intervenir volontairement à la présente instance, en sa qualité de partie en première instance

L'intervention volontaire et l'appel incident de la Société LSP seront déclarés recevables.

- sur le fond, la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL, consciente des erreurs qu'elle avait commises dans la gestion de leur comptabilité, a tenté de mettre le poids de sa propre faute sur les consorts [K].

- l'administration fiscale a retenu que ' sur les éventuelles négligences du comptable ces dernières, ne vous exonère pas de votre propre responsabilité.

L'administration n'établit pas que le contribuable, qui, en raison de la négligence de son comptable, n'a pas tenu en temps utile sa comptabilité et qui, par voie de conséquence, a souscrit des déclarations insuffisantes ou n'en a pas souscrit du tout, se soit livré pour autant à des manoeuvres frauduleuses. En revanche, elle établit sa mauvaise foi'.

- ni l'expert - comptable ni les collaborateurs n'avaient estimé utile de prévenir M. et Mme [K] des conséquences des prélèvements d'argent sur le compte bancaire de la S.A.R.L. LSP, pas plus qu'il ne leur a été indiqué que ces sommes devaient être déclarées au titre de l'impôt sur le revenu.

- la S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT ne les a pas mis en garde mais a d'ailleurs plutôt tenté de dissimuler lesdits prélèvements alors que les déclarations d'impôt étaient réalisées par le cabinet.

- si les époux [K] ont effectué eux-même leur déclaration sur les revenus 2017, il n'est pas démontré qu'ils avaient été prévenus qu'il convenait de déclarer les prélèvements effectués.

- les modifications des intitulés des comptes courants d'associés ont été faites par le cabinet comptable.

- M. et Mme [K] ont été dans l'obligation de vendre un bien immobilier afin de régler l'intégralité des sommes dues au trésor public.

- les bilans des exercices clos les 31 décembre 2016 et 31 décembre 2017 ont bien été établis par ledit cabinet comptable.

- l'administration fiscale a retenu que les comptes courants d'associés et le compte 'Débiteurs [K] doivent être regardés comme un revenu distribué sans qu'aucune décision d'assemblée générale n'ait autorisé ces distributions.

- la S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT aurait dû refuser d'attester des comptes annuels ou à tout le moins, aurait dû conseiller et inviter ses clients à régulariser la situation.

Or, elle a tenté de « cacher » la situation, en créditant les comptes courants d'associés de M. et Mme [K], et en ajoutant un nouveau compte courant débiteur au nom de « Débiteurs B ».

- sur leur connaissance de l'interdiction des comptes courants d'associés débiteurs, ils étaient gérants d'un restaurant et non experts-comptables et le mécanisme de comptes courants d'associés leur échappe pleinement.

En outre, la société LITTORAL EXPERT CONSEIL avait masqué le débit des comtes courants d'associés.

- aucun comportement dolosif ne peut leur être reproché.

- sur le manquement à devoir de conseil, la preuve apportée par la société LEC consiste en un document de travail sur lequel le collaborateur lui-même a noté que le point aurait été fait avec les clients, et ce document ne prouve rien. Les simples déclarations de l'expert-comptable ne constituent pas des preuves.

- si la société LEC avait respecté ses obligations légales et professionnelles, elle aurait dû refuser d'arrêter le bilan de l'exercice clos en 2016, faisant état de comptes courants d'associé débiteur et elle aurait dû informer les consorts [K] des conséquences et des risques fiscaux à ne pas déclarer lesdits revenus, ce qu'elle n'établit pas.

- sur le préjudice, sans l'erreur de leur cabinet comptable, ils ne se seraient pas vu appliqué la majoration de 40% pour manquement délibéré et auraient pu bénéficier de l'abattement de 40% sur les revenus distribués.

- compte tenu de l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL à indemniser les époux [K] de la

somme de 51 817 € au titre des majorations et intérêts de retard de leur IRPP de l'année 2016.

- le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté les époux [K] de leur demande d'indemnisation des intérêts de retard et des majorations de leur IRPP pour l'année 2017 puisque les déclarations fiscales et les bilans comptables ont également été faits par la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL en 2017, la somme de 1 827 € étant réclamée au titre de l'année 2017.

- sur la possibilité de régularisation, l'expert-comptable aurait pu déclarer ces sommes en rémunération soumise à cotisations sociales et impôt, mais a préféré arrêter un bilan en tentant de masquer les comptes courants débiteurs de la société.

- le préjudice financier et moral de M. et Mme [K] doit être indemnisé à hauteur de la somme de 5000 €.

- la société LITTORAL EXPERT CONSEIL a failli à ses obligations contractuelles à l'égard de la société LSP en arrêtant des comptes annuels présentant une irrégularité importante et n'a pas poursuivi sa mission, une somme de 2000 € lui étant réclamée à titre indemnitaire.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 27/03/2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire et de l'appel incident de la société S.A.R.L. LSP :

L'article 325 du code de procédure civile dispose que 'l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant'.

Elle l'espèce, la société S.A.R.L. LSP, demanderesse en première instance, a été déboutée de ses demandes dans le cadre du jugement entrepris.

Dans le cadre de son appel limité, la société S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL n'a intimé que M. et Mme [K].

La société S.A.R.L. LSP est recevable a intervenir pour soutenir pour soutenir les prétentions des époux [K]

Elle est en revanche irrecevable à solliciter l'infirmation du jugement qui l'a déboutée de sa demande indemnitaire et à reformuler cette prétention devant la cour, puisqu'il s'agirait d'un appel, et qu'elle n'a ni formé appel principal dans le délai, ni la qualité d'intimée requise au sens de l'article 909 du code de procédure civile pour former appel incident.

Ainsi, la SARL LSP est recevable en son intervention volontaire au soutien des prétentions des époux [K], mais irrecevable en son appel incident.

Sur le fond du litige.

L'article 1134 ancien du code civil dispose que :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

Le principe de ces dispositions est repris désormais aux articles 1103 du code civil : ' les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits,' et 1104 du code civil 'les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi'.

L'engagement de la responsabilité contractuelle trouve son fondement dans l'article 1231-1 du code civil (1147 ancien) qui dispose que 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, à paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure'.

L'article 1353 du même code dispose que 'celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation'.

L'article 155 du Décret du 30 mars 2012 relatif à l'exercice de la profession d'expert-comptable dispose que 'dans la mise en oeuvre de chacune de leurs missions, les personnes mentionnées à l'article 141 sont tenues vis - à vis de leur client ou adhérent à un devoir d'information et de conseil, qu'elles remplissent dans le respect des textes en vigueur'.

En l'espèce, la S.A.R.L. LSP, constituée entre les époux [K] et M. [L] [K] avait pour objet social l'exploitation d'un fonds de commerce de restauration, bars, glacier, vente à emporter, crêperie.

Les mêmes avaient constitué une S.C.I. dénommée LE CHENAL, propriétaire de l'immeuble dans lequel le fonds de commerce était exploité, les époux [K] y demeurant également.

La S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL, expert comptable, était chargée de la comptabilité générale, de la TVA et des déclarations d'impôts de la S.A.R.L. LSP.

Elle réalisait une mission de présentation des comptes annuels et avait également à sa charge les déclarations IRPP des associés et gérants, Mme [X] [W] épouse [K] et M. [N] [K].

Par acte sous seing privé en date du 29 avril 2016, la S.A.R.L. LSP a vendu son fonds de commerce moyennant le prix principal de 295 000 € au profit de la S.A.R.L. LE MOUSSAILLON, dirigée par M. [F] [H].

La S.C.I. DU CHENAL a également cédé l'immeuble dont elle était propriétaire dans lequel était exploité le fonds de commerce à la S.C.I. MADALES , également dirigée par M. [H], moyennant le prix de 355 000 € par acte authentique reçu par Maître [O], notaire.

Si le prix de vente du fonds de commerce de la S.A.R.L. LSP a d'abord été séquestré dans l'attente des oppositions d'éventuels créanciers, une partie du prix de vente à hauteur de 250 000 € a été versée sur le compte bancaire de la S.A.R.L. LSP le 28 septembre 2016.

Or, le même jour, et sans qu'il soit produit une quelconque demande d'avis de la S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT, M. et Mme [K] ont versé ce prix de vente sur leur compte bancaire personnel, plaçant ainsi leur compte courant d'associé ouvert au sein de la S.A.R.L. LSP en position débitrice.

Le 27 août 2018 la S.A.R.L. LSP a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour les exercices clos les 31/12/2015, 31/12/2016 et 31/12 2017, et suite à cette vérification, l'administration fiscale a procédé un redressement fiscal des époux [K] pour leurs revenus des années 2016 et 2017 avec application d'une majoration de 40 %, outre des intérêts de retard.

Cette administration a considéré qu'au titre de l'exercice clos le 31/12/2016, M et Mme [K] avaient appréhendé la somme de 229 891 €.

Au titre de l'exercice clos le 31/12/2017, le compte courant ouvert à leur nom étant débiteur d'une somme de 242 338 €, soit une variation positive en 2017 qu'il conviendra de taxer à hauteur de 12 447 €.

Selon sa proposition de vérification en date du 30/11/2018, l'administration fiscale relevait que 'En tant que seuls associés et co-gérants de la société, cette situation ne pouvait échapper à M et MME [K] d'autant plus que les fonds de la société ont été appréhendés sans aucune décision d'assemblée générale.

Le bilan de l'exercice clos en 2016 ne faisait pas apparaître de compte courant d'associé débiteur : l'écriture passée au 31/12/2016 (OD 734 du 31/12/2016) consistant à créditer les comptes courants débiteurs n°455170 et n°455171 ouverts aux noms de M et MME [K] pour les solder par le débit d'un compte 467 « Débiteurs B » apparaît destiné à masquer l'existence d'un compte courant d'associé débiteur. Toutefois, le compte courant débiteur « 455712 - M et MME [K] » réapparaît clairement sur l'exercice 2017.

[...]

Il s'agit bien d'actes conscients et volontaires de la part de M et MME [K] destinés à donner l'apparence de la sincérité à des déclarations en réalité inexactes et impliquant l'intention manifeste d'éluder tout ou partie de l'impôt.

C'est pourquoi il sera fait application de la majoration de 40% prévue par l'article 1729-a du CGI.'.

S'il ne peut être reproché à l'expert comptable le virement des fonds intervenu de la volonté de M. et Mme [K], il appartenait par contre à la société S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL, dès qu'informée de ce premier mouvement de fonds, de les alerter des conséquences sociales et fiscales d'une opération nullement autorisée par une décision de l'assemblée générale de la société, et d'exercer alors pleinement son devoir de conseil.

Toutefois, si la société S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL indique par ses écritures qu'elle 'se souvient clairement avoir indiqué qu'il fallait déclarer les revenus distribués par la S.A.R.L. LSP' ou encore que 'M. [S] a le souvenir très clair outre les documents qui précèdent, d'avoir alerté tant la société que les associés de celle-ci sur le risque qu'ils prenaient en laissant leur compte courant débiteur et en ne déclarant pas les sommes perçues' elle ne verse aux débats aucun courrier ni message ni autre élément probant de nature à établir la réalité des avertissements et conseils qu'elle évoque.

La seule pièce versée est un document de travail émanant la société appelante elle-même, sous la forme d'un tableau normalisé qu'elle a établi avant de dresser les comptes annuels , qui mentionne d'un compte courant débiteur avec la mention suivante : "C/C Débiteur : 230 K€ (250 K€ prélevés au 30.9.2016".

Si ce document de travail comprend une rubrique intitulée "Comptes courants d'associés" portant s'agissant d'un "point avec le client sur la position des CC des associés", la mention "fait", puis dans la rubrique "Synthèse, conclusions et observations" : "C/C Débiteur : 230 K€ (250 K€ prélevés au 30 septembre 2016", il a été établi par la société S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL, et ne précise nullement la nature et la portée du 'point' qui aurait été fait avec le client, et ne démontre pas sa réalité.

Il doit être retenu alors que même mis devant 'le fait accompli' du virement de 250 000 € intervenu , il appartenait à l'expert comptable de prodiguer sans retard son conseil avisé, dès lors que sont considérés comme revenus distribués, selon les termes de l'article 109 du code général des impôts

'1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ;

2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices', l'article 111 du même code disposant que:

'Sont notamment considérés comme revenus distribués :

a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes'.

L'article 1729 du code général des impôts dispose quant à lui que ' les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indument obtenu de l'état entraînent l'application d'une majoration de ;

a, 40 % en cas de manquement délibéré'.

La société S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL, tenu à un devoir de conseil, ne justifie d'aucune manoeuvre dolosive de la part de ses clients à son endroit, de nature à exonérer sa responsabilité.

Elle ne démontre ni avoir prodigué le conseil requis, ni avoir effectué une proposition tendant à défaut de restitution des sommes prélevées, à la distribution de dividendes nécessitant la décision préalable de l'assemblée générale des associés de la S.A.R.L. LSP.

Alors qu'il était possible d'acter une rémunération des associés et à tout le moins de refuser d'arrêter le bilan de l'exercice clos en 2016, faisant état de comptes courants d'associé débiteurs en informant explicitement les consorts [K] des conséquences et des risques fiscaux à ne pas déclarer lesdits revenus, la société S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL a au contraire créé un compte 46760000 DEBITEUR B afin de solder les comptes courants

débiteurs des associés et cogérants [K], ce compte 46760000 DEBITEUR B devenant à son tour débiteur, alors que l'article L 225-43 du code du commerce dispose :

'À peine de nullité du contrat, il est interdit aux administrateurs autres que les personnes morales de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert, en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers'.

Si l'administration fiscale a certes retenu la mauvaise foi de M. et Mme [K], l'emploi d'une telle procédure constitue également un manquement de l'expert-comptable à son devoir de conseil au titre de l'exercice 2016.

Il en résulte que le redressement fiscal des époux [K] est bien la conséquence des défauts de conseil commis par la S.A.R.L. LITTORAL CONSEIL EXPERT qui n'a pas déclaré le solde négatif des comptes courants d'associés mais a au contraire tenté de les masquer, puis a effectué la déclaration à l'IRPP de M. et Mme [K] pour l'année 2016 sans tenir compte des revenus distribués dans la réalité.

La conséquence de cette faute pour l'année 2016 est une majoration de 46 473 € et l'application d'intérêts de retard d'un montant de 5 344 € , la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL devant être condamnée, par confirmation du jugement entrepris, à indemniser les M. et Mme [K] à hauteur de la somme de 51 817 €.

S'agissant de la déclaration de revenu 2017, celle-ci a été établie par M. et Mme [K] de leur responsabilité, sans le concours de la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL, et alors que des prélèvements se sont poursuivis durant l'année 2017 - tel que relevé par l'administration fiscale - à hauteur d'une somme de 12447 €, une majoration et des intérêts de retard ayant été retenus pour une somme de 1827 €.

Il n'y a pas lieu, dans ces circonstances, de condamner la S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL à indemniser M. et Mme [K] des conséquences d'un défaut de déclaration qui ne lui incombait pas.

Sur la demande indemnitaire formée par M. et Mme [K] au titre de l'indemnisation de leur préjudice financier et moral :

Mme [X] [W] épouse [K] et M. [N] [K], indemnisés des conséquences de la faute de conseil de leur expert comptable, ne justifient pas au surplus de leur préjudice financier, alors qu'ils se devaient de régler les montant dus au titre de leurs revenus distribués, et encore moins d'un préjudice moral qu'ils n'établissent nullement.

Ces demandes seront en conséquence rejetées, pas confirmation du jugement entrepris.

Sur les dépens et l'application de l'article 699 du code de procédure civile:

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de la société S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable de dire que chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,

DIT la SARL LSP recevable en son intervention volontaire au soutien des prétentions des époux [K].

LA DÉCLARE irrecevable en son appel incident.

CONFIRME le jugement entrepris.

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d'appel.

CONDAMNE la société S.A.R.L. LITTORAL EXPERT CONSEIL aux dépens d'appel, étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/02668
Date de la décision : 27/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-27;21.02668 ?
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