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27/06/2023 | FRANCE | N°21/01967

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 2ème chambre, 27 juin 2023, 21/01967


ARRET N°301

CL/KP

N° RG 21/01967 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GJXQ













[Adresse 7]

[Adresse 7]

S.C.E.A. SCEA VILLE DES EAUX



C/



[P]



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



2ème Chambre Civile



ARRÊT DU 27 JUIN 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01967 - N° Portalis DBV5-V-B

7F-GJXQ



Décision déférée à la Cour : jugement du 01 mars 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de Niort.





APPELANTS :



Monsieur [U] [O]

né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 8] (79)

L'Arcanade

[Localité 5]



Ayant pour avocat plaidant Me Lucien VEY de l...

ARRET N°301

CL/KP

N° RG 21/01967 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GJXQ

[Adresse 7]

[Adresse 7]

S.C.E.A. SCEA VILLE DES EAUX

C/

[P]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 27 JUIN 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01967 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GJXQ

Décision déférée à la Cour : jugement du 01 mars 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de Niort.

APPELANTS :

Monsieur [U] [O]

né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 8] (79)

L'Arcanade

[Localité 5]

Ayant pour avocat plaidant Me Lucien VEY de la SELARL VEY GABORIAUD-CAILLEAU, avocat au barreau de DEUX-SEVRES.

Monsieur [E] [O]

né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 8] (79)

L'Arcanade

[Localité 5]

Ayant pour avocat plaidant Me Lucien VEY de la SELARL VEY GABORIAUD-CAILLEAU, avocat au barreau de DEUX-SEVRES

S.C.E.A. VILLE DES EAUX

L'Arcanade

[Localité 5]

Ayant pour avocat plaidant Me Lucien VEY de la SELARL VEY GABORIAUD-CAILLEAU, avocat au barreau de DEUX-SEVRES

INTIME :

Monsieur [J] [P]

né le [Date naissance 1] 1950 à VAILLES SUR [Localité 6] (79)

[Adresse 9]

[Localité 4]

Ayant pour avocat plaidant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

Par acte sous seing privé du 4 avril 2004, Monsieur [J] [P] a constitué l'exploitation agricole à responsabilité limitée [P], dont il était le seul gérant et possédait 770 parts sociales.

Par acte du 31 mars 2005, M. [P] a cédé :

- 265 parts à Monsieur [U] [O],

- 265 parts à Monsieur [E] [O],

- 90 parts à Madame [A] [O],

demeurant ainsi titulaire de 150 parts.

L'earl [P] a été transformée en société civile d'exploitation agricole Ville des Eaux (la société) et les consorts [O] en ont été nommés cogérants.

Par actes du 31 mars 2005, Monsieur [P] a mis à disposition de la société les baux ruraux dont il était titulaire ainsi que les biens ruraux dont il était propriétaire, jusqu'au 29 septembre 2015.

Par acte du 31 mars 2005, il a été convenu d'une part que le travail de M. [P] serait rémunéré à hauteur de 7 000 euros annuels, mais réglé mensuellement à hauteur de 583,33 euros à compter du 1er janvier 2006, et d'autre part que la mise à disposition des bâtiments et des terres appartenant à Monsieur [P] serait compensée à hauteur de 11 500 euros annuellement.

Par courrier du 26 janvier 2015 adressé à Monsieur [U] [O], Monsieur [P] a informé ses associés de son intention de mettre fin à la collaboration. Il leur a proposé en ce sens, soit de racheter leurs parts sociales au sein de la société, soit de leur vendre les siennes. Il a en outre confirmé la fin de la mise à disposition des biens fonciers dont il était le propriétaire.

Par acte du 27 mai 2016, Monsieur [P] a fait assigner la société, ainsi que Monsieur [U] [O] et Monsieur [E] [O] (les consorts [O]) devant le tribunal judiciaire de Niort aux fins de les voir condamner notamment à payer diverses sommes.

Par ordonnance du 19 janvier 2017, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Niort a ordonné une expertise confiée à Monsieur [M] [G].

Le 12 juillet 2018, l'expert commis a déposé son rapport.

Dans le dernier état de ses demandes, Monsieur [P] a demandé :

- d'homologuer le rapport d'expertise, sauf en ce qu'il avait écarté le préjudice lié à l'appauvrissement des terres ;

- dire que les conventions de mise à disposition avaient cessé de plein droit le 29 septembre 2015 ;

- condamner solidairement la société et les consorts [O] à lui payer les sommes de :

-14.285 euros au titre des sommes dues pour la mise à disposition au cours de l'année 2015 de biens lui appartenant ;

- 24.822 euros au titre du remboursement des fermages qu'il avait réglés ;

- 5.250 euros en rémunération de son travail ;

- 8131 euros au titre de la valeur des 150 parts lui appartenant et cédée à la société ;

- 21 112 euros au titre du coût de la remise en état des terres exploitées par la société ;

- condamner in solidum la société et les consorts [O] à lui restituer ses droits d'irrigation, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

- condamner in solidum la société et les consorts [O] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- débouter la société et les consorts [O] de l'ensemble de leurs demandes;

- condamner in solidum la société et les consorts [O] à lui payer la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, la société et les consorts [O] ont demandé de :

- déclarer irrecevables les demandes à l'encontre des consorts [O] ;

- condamner Monsieur [P] à leur payer la somme de 2000 euros chacun ;

- dire que Monsieur [P] était toujours associé de la société ;

- ordonner à Monsieur [P] de remettre les terres disposition sous astreinte de 50 euros par hectare et par mois ;

- débouter Monsieur [P] de l'ensemble de ses demandes ;

- ordonner une expertise afin de chiffrer le préjudice de la société du fait du refus de mise à disposition des 173 ha et du refus de travailler de Monsieur [P] ;

- condamner Monsieur [P] à leur payer la somme de 10'000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- condamner Monsieur [P] à leur payer la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire en date du 1er mars 2021, le tribunal judiciaire de Niort a :

- déclaré irrecevables les demandes de Monsieur [P] à l'encontre des consorts [O], en paiement des dettes de la société à son égard ;

- dit que Monsieur [P] était toujours associé de la société ;

- dit que la société devait à Monsieur [P] les sommes de :

- 14.285 euros au titre des sommes dues pour la mise à disposition au cours de l'année 2015 de biens lui appartenant ;

- 24 822 euros au titre du remboursement des fermages qu'il avait réglés ;

- 5250 euros en rémunération de son travail ;

- dit que Monsieur [P] devait à la société la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- constaté la confusion des deux dettes ;

- condamné la société à payer à Monsieur [P] la somme de 34 357 euros ;

- rejeté la demande de M. [P], tendant à voir condamner la société à lui payer la somme de 8.131 euros, au titre de la valeur des 150 parts lui appartenant et cédée à la société ;

- rejeté les demandes de Monsieur [P] tendant à voir condamner la société à lui payer la somme de 21 112 euros, au titre du coût de la remise en état des terres exploitées par la société ;

- rejeté la demande de Monsieur [P] tendant à voir condamner la société et les consorts [O] à lui restituer ses droits d'irrigation, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

- rejeté la demande de Monsieur [P] tendant à voir condamner la société à lui payer la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts ;

- ordonné à Monsieur [P] de remettre à disposition de la société les baux ruraux dont il avait la jouissance, en application de la convention du 31 mars 2005 ;

- dit n'y avoir lieu à assortir cette obligation d'une astreinte ;

- rejeté la demande de la société d'ordonner une expertise ;

- dit n'y avoir lieu à prononcer de condamnation au titre des frais irrépétibles ;

- condamné Monsieur [P] et la société aux dépens qui seraient partagés par moitié entre les parties, en ce compris les frais de l'expertise.

Le 24 juin 2021, la société et les consorts [O] ont relevé appel de ce jugement, en intimant Monsieur [P].

Par ordonnance en date du 8 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné une médiation.

Le 9 mai 2022, le médiateur a indiqué n'avoir pu rapprocher les parties.

Le 19 mai 2022, Monsieur [P] a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident aux fins de voir constater la caducité de la déclaration d'appel.

Par ordonnance du 21 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a :

- dit n'y avoir lieu à caducité de la déclaration d'appel en date du 24 juin 2021;

- déclaré l'appel recevable ;

- constaté que seule la cour était saisie du moyen tiré de l'absence d'effet dévolutif de l'appel.

Le 9 février 2023, la société et les consorts [O] ont demandé de :

- réformer le jugement entrepris ;

- juger que Monsieur [P] était toujours associé de la société ;

- débouter Monsieur [P] de ses demandes en paiement des sommes de 14.285 euros, 24 822 euros, et 5250 euros ;

- condamner Monsieur [P] à payer à la société la somme de 10 000 euros en plus du préjudice résultant de la privation des 173 ha devant être mis à disposition ;

- condamner Monsieur [P] à remettre à disposition de la société les parcelles prévues à la convention du 31 mars 2005 ;

- ordonner une expertise complémentaire afin de déterminer le préjudice subi sur les hectares dont la société était privée ;

- condamner, s'il n'était pas fait droit à la demande d'expertise, Monsieur [P] à payer à la société la somme de 480.595,50 euros et 68 656,50 euros par an jusqu'à libération des lieux, Monsieur [P] ayant engagé sa responsabilité contractuelle en violant la convention de mise à disposition du 31 mars 2005 ;

- confirmer pour le surplus le jugement entrepris ;

- débouter Monsieur [P] de toutes ses demandes ;

- condamner Monsieur [P] à leur payer chacun la somme de 3000 euros au visa des frais irrépétibles.

Le 25 avril 2023, Monsieur [P] a demandé de :

A titre principal,

- constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par la société et les consorts [O] et en conséquence confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que la société lui devait les sommes de :

-14.285 euros au titre des sommes dues pour la mise à disposition au cours de l'année 2015 de biens lui appartenant ;

-24.822 euros au titre du remboursement des fermages qu'il avait réglés,

- 5.250 euros en rémunération de son travail ;

- dit n'y avoir lieu à assortir cette obligation d'une astreinte ;

- rejeté la demande de la société d'ordonner une expertise,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il :

- a déclaré irrecevables ses demandes à l'encontre des consorts [O], en paiement des dettes de la société à son égard ;

- a dit qu'il était toujours associé de la société ;

- a dit qu'il devait à la société la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- a constaté la confusion des deux dettes ;

- a condamné la société à lui payer la somme de 34.357 euros ;

- a rejeté sa demande tendant à voir condamner la société à lui payer la somme de 8.131 euros, au titre de la valeur des 150 parts lui appartenant et cédée à la société ;

- a rejeté ses demandes tendant à voir condamner la société à lui payer la somme de 21.112 euros, au titre du coût de la remise en état des terres exploitées par la société ;

- a rejeté sa demande tendant à voir condamner la société et les consorts [O] à lui restituer ses droits d'irrigation, sous astreinte de 300 euros par jour de retard;

- a rejeté sa demande tendant à voir condamner la société à lui payer la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts;

- lui a ordonné de remettre à disposition de la société les baux ruraux dont il avait la jouissance, en application de la convention du 31 mars 2005n;

- dit n'y avoir lieu à assortir cette obligation d'une astreinte ;

- dit n'y avoir lieu à prononcer de condamnation au titre des frais irrépétibles ;

- l'a condamné avec la société aux dépens qui seraient partagés par moitié entre les parties, en ce compris les frais de l'expertise,

Statuant à nouveau, et faisant droit à l'appel incident,

- juger qu'il n'était plus associé de la société ;

- condamner la société à lui payer la somme de 8131 euros au titre de la valeur de 150 parts lui appartenant et cédée à la société ;

- condamner la société à lui payer la somme de 21 112 euros au titre du coût de la remise état des terres ;

- condamner in solidum la société et les consorts [O] à lui restituer ses droits d'irrigation sous astreinte de 300 euros par jour de retard, à compter de l'arrêt à intervenir ;

- condamner in solidum la société et les consorts [O] à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- juger qu'il n'avait pas à remettre à disposition de la société les baux ruraux dont il avait la jouissance ;

En toutes hypothèses,

- débouter la société et les consorts [O] de l'ensemble de leurs demandes;

- condamner in solidum la société et les consorts [O] à lui verser la somme de 8000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures des parties déposées aux dates susdites.

Le 10 mai 2023, a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.

MOTIVATION :

Sur l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel et la confirmation consécutive du jugement réclamé par l'intimé :

Selon l'article 562 du code de procédure civile,

L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère que pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugements qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

Par ailleurs, l'obligation prévue par l'article 901 4° du code de procédure civile de mentionner, dans la déclaration d'appel, les chefs de jugement critiqués, dépourvue d'ambiguïté, encadre les conditions d'exercice du droit d'appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l'efficacité de la procédure d'appel.

La déclaration d'appel affectée de ce vice de forme peut être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond conformément à l'article 910-4 alinéa 1 du code de procédure civile.

(Cass. 2e civ. , 30 janvier 2020, n°18-22.528, publié).

Il en va de même d'une déclaration d'appel qui ne mentionne que les demandes de l'appelant au lieu et place des chefs du jugement critiqués (Cass. 2e civ. , 2 juillet 2020, n°19-16.954, publié).

Selon l'article 954 du même code, dans ses trois premiers alinéas,

Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqué, une discussion des prétentions et moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentées de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ses prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Une cour d'appel ne peut pas confirmer le jugement entrepris, motif pris que le dispositif des conclusions de l'appelant n'indique pas les dispositions du jugement dont il est sollicité la réformation de sorte que la cour d'appel n'est pas saisie de demande d'infirmation par l'appelant principal, alors que ce dernier, dans le dispositif de ses conclusions, ne se borne pas à demander à la cour d'appel de réformer la décision entreprise, mais formulait plusieurs prétentions, et qu'il n'est pas tenu de reprendre, dans le dispositif, les chefs de dispositif du jugement dont il demande l'infirmation (Cass. 2e civ., 3 mars 2022, n°20-20.017, publié).

* * * * *

Considérant que la portée d'un appel est déterminée d'après l'état des dernières conclusions, Monsieur [P] en déduit que les conclusions qui ne précisent pas les chefs du jugement critiqué sont insuffisantes à maintenir la dévolution de la déclaration d'appel.

Il avance que dans le dispositif de leurs conclusions, les appelants se bornent à solliciter la réformation du jugement entrepris, sans faire état des chefs du jugement qu'ils entendent critiquer.

Alors que la cour n'est saisie que des prétentions énoncées au dispositif, l'intimé estime ainsi que celle-ci ne peut être en mesure de connaître les chefs de jugement dont la réformation est sollicitée.

A son sens, cette conclusion s'impose d'autant plus que les appelants ne formulent selon lui aucune demande dans le cadre de la partie de leurs écritures consacrée à la discussion.

* * * * *

De manière liminaire, il sera observé la contrariété interne grevant l'argumentation de l'intimé, qui entend voir déduire, du constat tenant à l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel de ses adversaires, la confirmation du jugement.

En effet, la cour ne peut entrer en voie de confirmation qu'à la condition préalable d'avoir été valablement saisie des chefs du jugement critiqués.

Et en l'absence de toute saisine de la cour par suite d'une absence d'effet dévolutif, celle-ci ne peut statuer sur aucune des chefs du jugement, ni en prononcer la confirmation.

D'une part, il sera observé que Monsieur [P] ne formule aucune critique sur la déclaration d'appel de la société et des consorts [O].

D'autre part, l'examen de leur déclaration d'appel met en évidence, sous la rubrique objet de l'appel, l'énonciation expresse selon laquelle l'appel est limité aux chefs du jugement expressément critiqués suivants :

- dit que la société devait à Monsieur [P] les sommes de :

- 14.285 euros au titre des sommes dues pour la mise à disposition au cours de l'année 2015 de biens lui appartenant ;

- 24 822 euros au titre du remboursement des fermages qu'il avait réglés ;

- 5250 euros en rémunération de son travail ;

- dit que Monsieur [P] devait à la société la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- constaté la confusion des deux dettes ;

- condamné la société à payer à Monsieur [P] la somme de 34 357 euros ;

- rejeté la demande de la société d'ordonner une expertise.

Dès lors, cette déclaration d'appel, qui énonce expressément les chefs du jugement critiqués, comporte valablement un effet dévolutif.

En outre, il résulte de l'article 562 du code de procédure civile que l'effet dévolutif est déterminé par le seul acte d'appel, et non pas les conclusions ultérieures de l'appelant, de sorte que les éventuelles omissions figurant dans les écritures ultérieures des parties sont insusceptibles d'avoir une quelconque portée sur l'effet dévolutif de la déclaration d'appel.

* * * * *

Les écritures des appelants du 9 février 2023, rappelées plus haut, font ressortir dans leur dispositif qu'ils demandent la réformation du jugement, et qu'ils formulent plusieurs prétentions.

Il est dès lors inexact de prétendre que ceux-ci se sont bornés à solliciter l'infirmation du jugement.

Et il sera ajouté qu'ils n'étaient pas tenus d'énumérer les chefs du jugement dont ils demandaient l'infirmation.

Surabondamment, il sera observé que les motifs des écritures des appelants contiennent un exposé détaillé de leurs prétentions et les moyens y afférents.

En conclusion, il y aura lieu de constater l'effet dévolutif de la déclaration d'appel formée le 24 juin 2021 par la société et les consorts [O].

Pour le surplus, il sera renvoyé aux développements figurant plus bas pour déterminer si le jugement doit être confirmé, ou infirmé, et sur quels chefs.

Sur la recevabilité des demandes présentées par Monsieur [P] directement à l'encontre des consorts [O] en paiement des dettes de la société :

Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Selon l'article 32 du même code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Selon l'article 1857 du Code civil, alinéa un,

A l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements.

Les associés ne peuvent se prévaloir de l'obligation aux dettes sociales instituée au seul profit des tiers par ce texte (Cass. com., 3 mai 2012, n°11-14.844, publié).

Monsieur [P] formule à l'encontre des deux autres associés des demandes de condamnation au titre des dettes de la société.

Il se considère désormais comme un tiers à la société, pour avoir selon lui perdu la qualité d'associé.

L'article 44 des statuts de la société prévoit la possibilité pour un associé de se retirer, soit pas décision unanime des autres associés, soit par décision judiciaire, pour juste motif, en cas de refus des autres associés.

Monsieur [P] rappelle, exactement, avoir informé ses associés de son intention de mettre fin à leur collaboration par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 janvier 2015.

Et le rapport d'expertise (page 26), reprenant la chronologie des relations entre associés à compter de cette date, se borne à rapporter que l'intéressé a manifesté son intention de se retirer de la société, sans que les démarches y afférentes aient été menées à leur terme.

Mais aucune décision unanime des associés, ni aucune décision judiciaire n'a prononcé le retrait de Monsieur [P] de la société.

Et à l'occasion de la présente instance, l'intéressé s'est borné à demander qu'il soit constaté qu'il n'avait plus la qualité d'associé, sans avoir réclamé que la juridiction prononce son retrait de la société.

Il y aura donc lieu de dire que Monsieur [P] est toujours associé de la société, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Subséquemment, il y aura lieu de déclaré irrecevables les demandes de Monsieur [P] à l'encontre des consorts [O], en paiement des dettes de la société à son égard, et le jugement sera aussi confirmé de ce chef.

Sur demande de Monsieur [P] au titre de la mise à disposition à la société des terres dont il est était propriétaire :

Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

C'est à celui qui invoque une exception d'inexécution par son cocontractant, à une de ses obligation suffisamment grave pour justifier qu'il lui-même soit dispensé de l'exécution de ses propres obligations, d'en rapporter la preuve.

Par actes du 31 mars 2005, Monsieur [P] a mis à disposition de la société les biens ruraux dont il était propriétaire, et ce pour ces derniers jusqu'au 29 septembre 2015.

Par acte du 31 mars 2005, il a été convenu que la mise à disposition des bâtiments et des terres appartenant à Monsieur [P] serait compensée à hauteur de 11 500 euros annuellement.

Monsieur [P] réclame de ce chef la somme de 14 285 euros au titre des sommes dues pour la mise à disposition des biens lui appartenant au cours de l'année 2015.

Mais la société lui objecte qu'il a refusé de mettre ses terres à sa disposition, et qu'il a récolté le fruit de son propre travail, de telle sorte qu'elle-même devrait être dispensée de tout paiement à cet égard.

Il est constant que les conventions du 31 mars 2005 n'ont pas été renouvelées, et que Monsieur [P] a ainsi cessé de mettre à disposition de la société les terres dont il était propriétaire à l'échéance de ces conventions le 29 septembre 2015.

Il ressort du rapport d'expertise (page 13) qu'au titre de la mise à disposition de la société des terres dont Monsieur [P] était propriétaire, la première demeurait débitrice envers le second au 29 septembre 2015 d'une somme totale de 14 285 euros (après détermination de la surface exacte et actualisation du loyer).

Et la société ne présente aucun élément démontrant qu'avant le 29 septembre 2015, Monsieur [P] n'aurait plus mis ses terres à disposition.

Elle ne démontre pas plus qu'à cette date, les récoltes n'auraient pas eu lieu, et que la reprise de ses terres par Monsieur [P] aurait eu pour effet de faire bénéficier ce dernier du fruit de son propre travail.

La société sera donc condamnée à payer à Monsieur [P] la somme de 14 285 euros au titre des sommes dues pour la mise à disposition des biens lui appartenant au cours de l'année 2015, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur demande de Monsieur [P] au titre du remboursement des fermages qu'il avait réglés :

Par acte du 31 mars 2005, Monsieur [P] a mis à disposition de la société les baux ruraux dont il était preneur, pour une durée indéterminée, à compter de cet acte et cessant de plein droit,

- soit à l'expiration du bail, mais la mise à disposition serait tacitement reconduite à chaque renouvellement de bail;

- soit en cas de retrait de Monsieur [P].

L'article 4 de cette convention a stipulé que la société rembourserait au preneur sur la seule présentation des quittances d'acquit des fermages le montant de ceux-ci.

Monsieur [P] a réclamé de ce chef la somme de 24 822 euros.

La société lui objecte qu'il ne présente aucun fondement juridique ou factuel à l'appui de cette demande, et qu'en tout état de cause, comme elle a été privée d'exploitation depuis 2015 et que l'intéressé ne respecte pas la convention de mise à disposition, elle doit être dispensée de tout paiement à ce titre.

Mais il ressort de la convention sus rappelée que l'intéressé peut valablement se prévaloir d'un fondement juridique à sa demande.

Et le rapport d'expertise (page 14), à l'encontre duquel la société n'a formulé ni présenté aucun élément technique contraire dirimant, a retenu qu'à ce titre, le montant du remboursement des fermages réglés en 2015 par Monsieur [P] s'élevait à 24 822 euros (au 29 septembre 2015).

Enfin, tout comme s'agissant de la prétention précédente, la société défaille à présenter le moindre élément à l'appui de l'exception qu'elle invoque.

La société sera donc condamnée à payer à Monsieur [P] la somme de 24 822 euros au titre du remboursement des fermages qu'il a réglés, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la rémunération du travail de Monsieur [P]:

Par acte du 31 mars 2005, il a été convenu d'une part que le travail de M. [P] serait rémunéré à hauteur de 7 000 euros annuels, mais réglé mensuellement à hauteur de 583,33 euros à compter du 1er janvier 2006.

La société objecte que l'intéressé, en contrariété avec le pacte social, ne travaille plus sur l'exploitation depuis 2015, l'expert précisant qu'il n'y travaille plus depuis la fin des moissons 2015.

Mais cependant, elle n'a apporté aucun élément à l'appui de cette affirmation.

L'expert a retenu (page 14 du rapport) que du 1er janvier 2015 au 29 septembre 2015, date de cessation de sa collaboration avec la société, le montant de la rémunération de Monsieur [P] devait être fixé à 5249,97 euros.

Il aura donc lieu de condamner la société à payer à Monsieur [P] la somme de 5250 euros en rémunération de son travail, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de Monsieur [P] tendant à la condamnation de la société à lui payer la somme de 8131 euros au titre de la valeur des 150 parts lui appartenant et cédées à la société:

Monsieur [P] rappelle que ses associés n'ont pas donné suite à sa proposition consistant à racheter leurs parts, de telle sorte que, souhaitant mettre fin à leur collaboration, il n'avait pas lui-même d'autre choix que de leur céder ses propres parts.

Il s'appuie sur le rapport de l'expert judiciaire (page 57), selon lequel la valeur de ses 150 parts s'élèvent à 8131 euros.

Mais il ne produit aucun acte de cession de ses parts.

Et alors qu'il a été retenu que l'intéressé demeurait toujours associé de la société, de sorte qu'aucune cession de ses parts n'était intervenue, cette demande ne peut manifestement pas prospérer.

Il y aura donc lieu de rejeter la demande de Monsieur [P], tendant à voir condamner la société à lui payer la somme de 8.131 euros, au titre de la valeur des 150 parts lui appartenant et cédée à la société, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande en restitution des droits d'irrigation présentée par Monsieur [P]:

C'est à celui qui se prévaut d'un contrat qu'il appartient d'en rapporter la preuve.

Monsieur [P] a demandé la condamnation de la société à lui restituer ses droits d'irrigation, sous astreinte de 300 euros par jour de retard.

Il produit un courrier de la chambre départementale d'agriculture en date du 21 avril 2004, l'autorisant à prélever en eaux, ainsi qu'un arrêté préfectoral du 12 mai 2004 l'autorisant à effectuer des prélèvements d'eaux superficielles.

Il soutient que ce droit d'irrigation a été renouvelé tous les ans, et qu'il l'a transmis à la société pour la durée de la convention de mise à disposition des biens ruraux du 31 mars 2005, ayant pris fin le 29 septembre 2015.

Mais aucun de ces éléments ne vient démontrer que Monsieur [P] aurait transmis ses droits d'irrigation à la société.

Il y aura donc lieu de rejeter la demande de Monsieur [P] tendant à voir condamner la société et les consorts [O] à lui restituer ses droits d'irrigation, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le coût de la remise en état des terres de Monsieur [P] par la société :

Il appartient à celui se prévalant d'un préjudice de le démontrer.

Monsieur [P] réclame à ce titre 21 112 euros, motif pris de la carence en phosphore des terres lors de leur reprise, alors qu'il aurait appartenu à la société d'assurer l'entretien des sols.

Il avance que laisser s'appauvrir un sol est une violation du bail de fermage, qui prévoit expressément, pour le locataire, d'assurer l'entretien du sol.

Il soutient que la terre s'est appauvrie par la faute de la société, et que ses rendements ont donc été moindres.

Il produit une analyse de la terre faite en 2015, démontrant à son sens une carence en phosphore, qu'il entend voir comparer avec une analyse faite en 2018, soit 3 ans après qu'il ait repris, exploité, et entretenu les terres antérieurement mises à disposition de la société, mettant selon lui en évidence des mesures normales à cet égard.

Dans son pré-rapport, l'expert judiciaire a retenu un préjudice à ce titre à hauteur de 21 112 euros.

Mais dans son rapport définitif, le technicien a estimé que la carence en phosphore semblait historique sur l'exploitation, et qu'ainsi il n'était pas opportun de retenir une remise en état à ce titre.

A supposer même que ce soit la société qui soit débitrice de l'entretien de la terre, y compris s'agissant de son niveau de phosphore, et non pas Monsieur [P] lui-même, en tant que preneur à bail ou propriétaire des terres mises à disposition, celui-ci ne démontre pas quel était le niveau de phosphore des terres dont il était preneur à bail ou propriétaire, avant leur mise à disposition à la société.

Ainsi, il échoue à faire la preuve d'un quelconque préjudice.

Il y aura donc lieu de rejeter la demande de Monsieur [P] tendant à voir condamner la société à lui payer la somme de 21 112 euros, au titre du coût de la remise en état des terres exploitées par la société, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande indemnitaire présentée par Monsieur [P]:

Les contrats doivent s'exécuter de bonne foi.

Et en vertu de la liberté contractuelle, nul n'est tenu à contracter.

Selon l'article 44 des statuts, relatif au retrait d'associé,

Tout associé peut, pour un motif grave et légitime, se retirer de la société avec l'accord des autres associés donné dans les conditions suivantes:

- les demandes de retrait sont notifiées à la gérance par lettre recommandée avec accusé de réception trois mois au moins avant la date envisagée pour le retrait.

- le retrait doit être autorisé par une décision collective unanime des autres associés, provoquée par la gérance.

- tout retrait peut également être autorisé pour justes motifs par décision de justice, en cas de refus des autres associés.

Les conditions et modalités du retrait, ainsi que la date de prise d'effet sont déterminées par la décision collective prise à l'unanimité des associés autres que le demandeur. Les associés peuvent décider de procéder au remboursement des droits sociaux de celui qui se retire, en rachetant ou en faisant racheter les parts de celui-ci selon la procédure prévue par les statuts.

Ils peuvent autoriser l'associé qui se retire à reprendre tout ou partie de ses apports en nature ou à se faire attribuer des biens sociaux à concurrence de tout ou partie de la valeur de ses droits.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 janvier 2015, adressée au seul Monsieur [U] [O], Monsieur [P] a exprimé son intention de mettre fin à la collaboration, en proposant aux autres associés soit de racheter leurs parts, soit de vendre les siennes, et de se retirer de la société.

Par courrier en date du 10 février 2015, les consorts [O] ont souhaité connaître les conditions de réalisation de l'opération proposée par Monsieur [P].

Par courrier en date du 23 février 2015, Monsieur [P] a proposé aux consorts [O] le rachat de leurs parts à l'issue du dernier exercice en commun, soit le 30 mai 2016, à hauteur du double de la valeur nominale des parts.

Par courrier en date du 27 mai 2015, Monsieur [P] a déclaré aux consorts [O] qu'en l'absence de réponse de leur part, il annulait sa proposition.

Monsieur [P] fait grief à la société et aux consorts [O] de leur mauvaise foi et de leur résistance abusive depuis sa décision de mettre fin aux conventions de mise à disposition et de se retirer de la société, entraînant de son chef des tracas et un préjudice moral, dont il demande l'indemnisation à hauteur de 10 000 euros.

Il reproche aux consorts [O], chacun d'eux étant cogérants, de ne pas avoir convoqué une assemblée générale entre le 25 janvier 2015 et le 27 mai 2015 pour statuer sur sa demande de retrait.

Il soutient avoir exercé son droit de retrait conformément aux dispositions statutaires, et avance que son retrait était parfaitement effectif.

Mais il sera rappelé, au visa des statuts, et en l'absence de toute décision collective de retrait ou décision judiciaire y afférente, que Monsieur [P] est toujours associé de la société.

En outre, il résulte des éléments sus exposés une absence d'accord entre Monsieur [P] d'une part, et les consorts [O], d'autre part, tant sur le principe que sur les modalités du retrait du premier de la société.

Et tant la société que les consorts [O] n'avaient pas l'obligation d'accepter les propositions de Monsieur [P] quant au principe et aux modalités de son retrait.

Ainsi, aucune faute ne peut être reprochée aux appelants.

S'il échet de constater que les consorts [O], associés cogérants, n'ont pas convoqué une assemblée générale pour statuer sur le retrait de Monsieur [P], il est certain qu'en l'absence d'accord des intéressés, l'assemblée générale éventuellement convoquée pour statuer sur le retrait de Monsieur [P] n'aurait pas conduit à un vote favorable des autres associés.

Ainsi, les agissements que Monsieur [P] reproche aux consorts [O] et à la société sont exclusifs de tout lien causalité avec la situation qu'il dénonce.

En tout état de cause, alors que Monsieur [P] avait lui aussi le statut de gérant de la société, il lui était loisible de convoquer une assemblée générale pour statuer sur son propre retrait.

Il échet d'observer qu'il s'en est abstenu, de telle sorte que la situation qu'il dénonce doit être considérée comme imputable à sa propre carence, plutôt qu'à celle de ses associés ou de la société.

A l'issue de cette analyse, il y aura lieu de rejeter la demande de Monsieur [P] tendant à voir condamner la société à lui payer la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Il y sera ajouté pour rejeter la demande de Monsieur [P] tendant à voir condamner les consorts [O] à lui payer la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts.

Sur la demande de la société tendant à l'organisation d'une expertise judiciaire aux fins d'évaluation de son préjudice :

Selon l'article 146 du code de procédure civile,

Une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver.

En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

La société sollicite la réalisation d'une expertise complémentaire aux fins de déterminer le préjudice qu'elle a subi, afférent à la superficie des terres de la jouissance desquelles elle a été privée, par suite de la fin de leur mise à disposition par Monsieur [P].

Mais avec le premier juge, il sera observé que l'intéressée n'avait jamais sollicité une extension de la mission confiée à Monsieur [G], de telle sorte qu'une première carence de sa part est ainsi établie.

En outre, il ressort de l'expertise que le technicien a quantifié un préjudice de 6,85 euros par hectare et par an, en retenant une perte au niveau du bénéfice de la société, mais pas au niveau de chaque hectare cultivé.

Et le rapport d'expertise met en évidence que le technicien s'est prononcé non seulement sur le préjudice de la société pour rupture abusive des conventions (pages 19 et 20), mais encore a répondu à de nombreux dires des parties portant sur l'évaluation des préjudices de la société.

Au surplus, les éléments afférents à la production et au bénéfice qu'apportent à la société les terres de Monsieur [P] mises à sa disposition sont nécessairement en sa possession, et il lui appartenait de les produire dans le cadre de la présente instance, ce dont elle s'est abstenue.

Enfin, en soutenant que son préjudice vaut du produit des hectares (dont les aides européennes) déduction faite des charges nécessaires pour l'obtenir, et en produisant une attestation de son expert-comptable, ayant retenu un préjudice de 401,50 euros par hectare et par an, la société a fourni suffisamment d'éléments pour permettre à la cour de statuer sur sa demande.

Il y aura donc lieu de rejeter la demande de la société d'ordonner une expertise, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes indemnitaires de la société :

Par convention en date du 31 mars 2005, Monsieur [P] s'est engagé à mettre à disposition de la société les 171 hectares de terres dont il était preneur à bail rural, pour une durée courant jusqu'au terme du bail ou jusqu'au retrait d'associé.

Il est établi qu'à compter du 29 septembre 2015, Monsieur [P] a cessé de mettre à disposition de la société les terres dont il était preneur à bail.

C'est vainement que ce dernier se prévaut de son retrait de la société pour justifier la fin de cette mise à disposition, qui, en l'absence de retrait, constitue dès lors une violation de ses obligations contractuelles.

La société réclame de ce chef la somme de 480 595,50 euros, soit la somme de 68 656,50 euros par an depuis les 7 ans de la fin de cette mise à disposition.

Elle se fonde sur ce point sur l'attestation de son expert comptable, chiffrant son préjudice à 401,50 euros par hectare et par an, soit, pour 171 hectares, à 68 656,50 euros par an.

Mais il ressort de l'écrit de ce professionnel du chiffre que ce dernier y précise que pour chiffrer la perte d'excédent brut d'exploitation entre 2016 et 2021, soit 6 années ou 6 récoltes, il n'a pas pu prendre les chiffres de la société, en l'absence de terres et donc de référence pour cette structure.

Il s'en déduit que ce cabinet a pris comme base de calcul l'excédent brut d'exploitation moyen des exploitations spécialisées en grandes cultures, et que cette base ne correspond nullement de manière concrète à celle de la société.

Et la société n'a produit aucun élément relatif à la base de calcul de son excédent brut d'exploitation.

Au surplus, elle n'a produit aucun élément quant à la date de fin de bail de chacune des parcelles mises à sa disposition, de telle sorte qu'en l'absence de cette donnée essentielle, elle ne peut pas étendre son calcul sur la totalité des parcelles depuis la fin de la mise à disposition et ce pendant une durée de 7 ans.

Il sera observé que l'expert avait proposé une évaluation sur la base d'un cash-flow moyen de 6,86 euros par hectare (page 20), après calcul d'un cash-flow moyen calculé sur 217,3091 hectares proratisé chaque année en fonction de l'évolution des terres louées mise à disposition de la société (page 27), proposant à ce titre, sur les 3 années culturales suivant la fin de la mise à disposition, une somme de 2392,87 euros.

Et il a ajouté qu'une estimation, abstraction faite du foncier appartenant à Monsieur [P], et avec retraitement de l'ensemble des éléments comptables, pour ne conserver que les charges et produits affectés au seul foncier mis à disposition de ce dernier au travers des biens ruraux, aboutissant au calcul du résultat net de la société généré par l'exploitation de terres mise à dispositions de la société par Monsieur [P] au travers des baux ruraux, était en pratique totalement impossible.

L'expert a relevé ne pas disposer des éléments de gestion permettant une répartition fiable de charges et des produits entre les deux patrimoines fonciers, de sorte que son évaluation repose:

- sur les éléments mis à sa disposition, à savoir les comptes annuels de la société ;

- sur le calcul d'un résultat dit normatif (résultat net moyen généré dans des conditions normales d'exploitation);

- et avec proratisation de ce résultat en fonction de la surface sur laquelle ce résultat se devait d'être calculé.

Au regard de ces éléments, le préjudice de la société, résultant de la fin fautive de la mise à disposition des terres dont Monsieur [P] était preneur à bail, sera entièrement réparé par une indemnité de 10 000 euros, que Monsieur [P] sera condamné à payer à la société, et le jugement sera confirmé de ce chef.

En outre, il y aura donc lieu d'ordonner à Monsieur [P] de remettre à disposition de la société les baux ruraux dont il avait la jouissance, en application de la convention du 31 mars 2005, de dire n'y avoir lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte, et le jugement sera confirmé de ces chefs.

* * * * *

Il y aura lieu de constater la confusion des dettes respectives de Monsieur [P], d'une part, et de la société d'autre part, ainsi que de condamner la première à payer au second la somme de 34 357 euros, et le jugement sera confirmé de ces chefs.

Aucune considération d'équité ne conduira à allouer des frais irrépétibles de première instance, et le jugement sera confirmé pour avoir dit n'y avoir lieu à condamnation sur ce point.

Il sera encore confirmé pour avoir partagé les dépens par moitié entre Monsieur [P] et la société, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire.

La société et les consorts [O], appelants, mais dont cette voie de recours n'a pas permis de plus faire plus prospérer leurs prétentions qu'en première instance, seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles d'appel, et seront condamnés in solidum aux entiers dépens d'appel et à payer au même titre à Monsieur [P] la somme de 4000 euros.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Constate l'existence de l'effet dévolutif de la déclaration d'appel faite le 25 juin 2021 par Monsieur [U] [O], Monsieur [E] [O], et la société civile d'exploitation agricole Ville des Eaux ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Rejette la demande de Monsieur [P] tendant à voir condamner Monsieur [U] [O] et Monsieur [E] [O] à lui payer la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts ;

Déboute Monsieur [U] [O], Monsieur [E] [O], et la société civile d'exploitation agricole Ville des Eaux de leur demande au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne in solidum Monsieur [U] [O], Monsieur [E] [O], et la société civile d'exploitation agricole Ville des Eaux aux entiers dépens d'appel et à payer à Monsieur [J] [P] la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/01967
Date de la décision : 27/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-27;21.01967 ?
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