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06/06/2023 | FRANCE | N°21/02470

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 06 juin 2023, 21/02470


ARRÊT N°274



N° RG 21/02470



N° Portalis DBV5-V-B7F-GK7P















[A]



C/



[M]

S.C.I. SCI CARNOT























RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 06 JUIN 2023







Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 mai 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de

POITIERS





APPELANT :



Monsieur [P] [A]

né le 18 août 1964 à [Localité 4] (86)

[Adresse 2]

[Localité 4]



ayant pour avocat postulant Me Florent BACLE de la SARL BACLE BARROUX AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS













INTIMÉS :



Monsieur [S] [A]

né le 10 Février 1941 à [...

ARRÊT N°274

N° RG 21/02470

N° Portalis DBV5-V-B7F-GK7P

[A]

C/

[M]

S.C.I. SCI CARNOT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 06 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 mai 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire de POITIERS

APPELANT :

Monsieur [P] [A]

né le 18 août 1964 à [Localité 4] (86)

[Adresse 2]

[Localité 4]

ayant pour avocat postulant Me Florent BACLE de la SARL BACLE BARROUX AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉS :

Monsieur [S] [A]

né le 10 Février 1941 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 4]

ayant pour avocat postulant Me Laurent TRIBOT, avocat au barreau de POITIERS

Madame [Y], [G], [L] [M]

née le 16 Décembre 1943 à [Localité 9]

[Adresse 6]

[Localité 5]

ayant pour avocat postulant Me Laurent TRIBOT, avocat au barreau de POITIERS

S.C.I. CARNOT

[Adresse 1]

[Localité 4]

ayant pour avocat postulant Me Laurent TRIBOT, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller qui a présenté son rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société civile immobilière dénommée 'société civile Carnot' a été constituée le 19 août 1981. Elle a pour objet la location et la gestion d'immeubles.

Les associés d'origine étaient les époux [I] [A] et [C] [U] détenant chacun 30 parts, [S] [A] leur fils et [Z] [N] son épouse détenant chacun 20 parts.

Par acte du 9 octobre 1981, la société civile Carnot a acquis au prix de 323.980 F (49.390,43 €) la propriété d'un bien immobilier situé [Adresse 3]. L'acquisition a été financée par un prêt bancaire et par un apport de 159.980 F (24.388,79 €).

Par acte sous seing privé en date du 1er mars 1987 enregistré le 1er avril suivant, [S] [A] et [Z] [N] ont cédé à [P] [A] les 40 parts sociales qu'ils détenaient dans la société civile Carnot.

[C] [U] épouse [I] [A], gérante de la société civile Carnot, avait confié à diverses agences immobilières la recherche d'un acquéreur du bien. Elle est décédée postérieurement.

[S] [A] a recueilli dans les successions de ses parents les 60 parts qu'ils détenaient.

Par délibération de l'assemblée générale du 22 mai 2015, [Y] [M] ([J]) a été nommée gérante de la société civile Carnot.

Par délibération du 22 juillet 2015, l'assemblée générale des associés de la société civile Carnot a décidé de la vente du bien immobilier. La vente a été réalisée par acte du 29 juillet 2015 reçu par Maître [D] [R], notaire à [Localité 8], au prix de 35.000 €.

Par courriers recommandés en date du 6 mars 2020, [P] [A] a mis en demeure [S] [A] et [Y] [M] de lui payer la somme de 14.000 € correspondant selon lui à sa part dans le prix de vente (35.000 € x 40 %).

Par acte du 8 juin 2020, [P] [A] a fait assigner [S] [A] et [Y] [M] devant le tribunal judiciaire de Poitiers. Par acte du 3 juillet 2020, il a fait assigner la sci Carnot (la société civile Carnot) en intervention forcée. Les procédures ont été jointes.

[P] [A] a, au visa de l'article 1240 du code civil, demandé à être indemnisé de son préjudice selon lui équivalent à la perte de valeur de ses parts, le bien ayant été vendu sans qu'il eût été convoqué à l'assemblée générale ayant décidé de la vente et le prix de vente ayant été remis à [S] [A] sans délibération des associés.

Il a contesté la créance en compte courant de [S] [A] qui avait selon lui perdu la qualité d'associé de la société civile Carnot entre le 1er mars 1987 et le 18 mars 2008 et n'avait dès lors plus pu consentir des avances à la société.

Les défendeurs ont conclu au rejet de ces demandes en l'absence de faute. Ils ont indiqué pour l'un ne pas s'être rappelé de la cession des parts réalisée en 1987, pour l'autre avoir ignoré cette cession. Ils ont ajouté que la totalité du passif de la société civile Carnot avait été supportée par [S] [A].

Par jugement du 4 mai 2021, le tribunal judiciaire de Poitiers a statué en ces termes :

'Condamne la SCI Carnot à payer à Monsieur [P] [A] la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts.

Condamne la SCI Carnot à payer à Monsieur [P] [A] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette les autres demandes.

Condamne la SCI Carnot aux dépens'.

Il a considéré que :

- la faute des défendeurs n'était pas établie ;

- la créance de [S] [A] était justifiée pour un montant de 63.285,04 € ;

- la société civile Carnot avait commis une faute en n'ayant pas convoqué [P] [A] aux assemblées générales.

Par déclaration reçue au greffe le 3 août 2021, [P] [A] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 octobre 2021, il a demandé de :

'REFORMER le jugement rendu le 4 mai 2021 par le Tribunal judiciaire de POITIERS,

CONSTATER que Monsieur [S] [A] et Madame [Y] [J] ont commis des fautes engageant leur responsabilité et que Monsieur [P] [A] a subi un préjudice direct en lien avec ces fautes,

CONDAMNER Monsieur [S] [A] et Madame [Y] [J] solidairement à payer la somme de 14.000 € à Monsieur [P] [A] au titre de son préjudice.

CONDAMNER Monsieur [S] [A] et Madame [Y] [J] solidairement à payer la somme de 3.000 € à Monsieur [P] [A] au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile'.

Il a exposé que le procès-verbal de délibération de l'assemblée générale du 22 juillet 2015 ayant autorisé la vente avait inexactement mentionné que [S] [A] détenait 80 parts et [Z] [N] 20 parts, alors qu'ils avaient cédé leurs parts en 1987, [S] [A] n'étant redevenu associé qu'au décès de ses parents.

Il a soutenu que :

- la vente de l'immeuble ne pouvait être réalisée qu'avec l'autorisation de l'assemblée générale des associés ;

- [S] [A] ne pouvait pas sérieusement soutenir avoir oublié qu'il avait cédé ses parts ;

- la créance alléguée par ce dernier n'était pas prouvée ;

- n'ayant plus été associé entre 1987 et 2008, [S] [A] n'avait plus pu procéder à des avances en compte courant au profit de la société civile Carnot ;

- son préjudice correspondait à la part qu'il aurait dû recevoir sur le prix de vente, au prorata de ses droits d'associé (40 parts sur 100).

Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 janvier 2023, [S] [A] et [Y] [M] ([J]) ont demandé de :

'- INFIRMER le Jugement rendu le 4 mai 2021 ;

En conséquence,

- DEBOUTER Monsieur [P] [A] de ses demandes de dommages intérêts.

- CONDAMNER Monsieur [P] [A] à la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens'.

Ils ont contesté toute faute de leur part.

Ils ont exposé que la cession réalisée en 1987 n'avait pas été mentionnée dans les documents requis du greffe du tribunal de commerce, que le cédant avait oublié cette cession ancienne, que cette erreur avait été partagée par [Z] [N] qui avait été convoquée et n'avait pas fait d'observation. Ils ont ajouté que cette erreur avait en tout état de cause été sans incidence, [S] [A] ayant détenu 60 parts sur 100.

Ils ont ajouté que [P] [A] n'avait pas retiré sa convocation à la dernière assemblée générale de l'année 2019 et n'avait pas participé à l'assemblée générale du 25 juillet 2020.

Selon eux, [P] [A] ne justifiait d'aucun préjudice indemnisable, le préjudice allégué devant différer de la perte de valeur des parts sociales et l'actif ne pouvant être réparti qu'après paiement des dettes sociales. Selon eux, la créance en compte courant de [S] [A] était de 63.285 € à la date de la cession. Ils ont soutenu que la société civile Carnot, société civile familiale et fiscalement transparente, n'était pas soumise à la réglementation du code de commerce et tenue de faire valider sa comptabilité par un expert-comptable. Ils ont ajouté que l'appelant n'avait à aucun moment participé au financement de la société civile Carnot.

L'ordonnance de clôture est du 1er février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR L'AFFECTATION DU PRIX DE VENTE

L'article 1844 alinéa 1er du code civil dispose que : 'Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives' et l'article 1844-1 alinéa 1er du même code que : 'La part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social et la part de l'associé qui n'a apporté que son industrie est égale à celle de l'associé qui a le moins apporté, le tout sauf clause contraire'.

L'article 22 des statuts de la société stipule que : 'Les décisions sont prises par l'assemblée lorsqu'il s'agit de modifier les statuts, de nommer ou de révoquer le gérant, d'approuver les comptes et, plus généralement d'autoriser des actes que le gérant ne peut accomplir seul d'après les articles ci-dessus'.

L'article 23 de ces mêmes statuts stipule en son alinéa 1er que : 'Les décisions collectives sont prises soit en assemblée soit par voie de consultation écrite' et que : 'Les associés seront convoqués une fois par an'. L'alinéa 3 de ce même article rappelle que : 'Les membres disposent d'autant de voix que de parts sociales qu'ils détiennent'.

[C] [A], gérante de la société civile Carnot, a par acte sous seing privé en date du 10 mai 1989 indiqué qu'elle : 'RECONNAIT QUE LA SCI CARNOT EST REDEVABLE DE LA SOMME DE 294 803 FRANCS A MONSIEUR [A] [S] CE MONTANT REPRESENTANT LE COMPTE CREDITEUR DE SON COMPTE COURANT SUR NOTRE FICHE COMPTABLE EN DATE DU 10 MAI 1989". Ni la régularité, ni l'exactitude de cet acte n'ont été contestées.

L'assemblée générale des associés de la société civile Carnot ayant autorisé la vente du bien immobilier est du 22 juillet 2015. [P] [A] n'y avait pas été convoqué. Il n'a toutefois pas contesté la régularité de cette délibération, ni celle de la vente réalisée.

[S] [A] a au procès-verbal été présenté détenir 80 parts et [Z] [N] 20 parts. Cette présentation était erronée, [S] [A] ayant recueilli 60 parts dans la succession de ses parents et [P] [A] ayant acquis les 40 parts que détenaient ses parents. Ce dernier était minoritaire et n'était pas en mesure de faire adopter une décision contraire à celle votée par [S] [A].

Il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale du 25 juillet 2020 que :

- [P] [A] n'y a pas assisté bien que convoqué ;

- le bilan arrêté au 31 décembre 2019 fait apparaître un actif de 169,65 € et un passif de 29.698,82 € ;

- 'L'Assemblée après avoir entendu la lecture des résultats comptables présentés par la Gérante approuve tous les comptes de l'exercice 2019 qui laissent apparaître un Passif de 29698,82 euros' ;

- 'L'Assemblée donne quitus à la gérante et lui demande de procéder à une étude très objective de la situation très particulière laissée par l'ex-associée', [Z] [N].

Les justificatifs de la convocation puis du rectificatif adressés à [P] [A] ont été produits. Ce dernier n'a pas retiré les courriers recommandés qui lui avaient été adressés.

Il n'est pas soutenu que les documents comptables de l'année 2019 produits aux débats (bilan simplifié, compte de résultat simplifié, balance générale provisoire, grand livre général provisoire, journal provisoire) n'étaient pas ceux qui avaient été soumis à l'appréciation de l'assemblée générale des associés du 25 juillet 2020.

Les délibérations de cette assemblée générale n'ont pas été contestées.

La perte temporaire par [S] [A] de sa qualité d'associé ne lui a pas fait perdre sa qualité de créancier de la société civile Carnot qui demeurait tenue du paiement de la créance qu'il détenait, devenue exigible en raison de la clôture du compte courant d'associé. La vente du bien immobilier a été réalisée alors que [S] [A] avait retrouvé la qualité d'associé, ayant recueilli dans leurs successions les parts que détenaient ses parents.

[P] [A] ne justifie quant à lui d'aucun financement de la société civile Carnot.

Il résulte de ces développements que le passif de la société civile Carnot était d'un montant supérieur au prix de vente du bien immobilier qui devait être affecté à son règlement. [P] [A] n'avait pas vocation à recevoir partie du prix de vente, au prorata du nombre de parts détenues dans le capital social.

Il ne peut dès lors soutenir que son défaut de convocation à l'assemblée générale du 22 juillet 2015 l'a privé de la perception d'une part du prix de la vente du bien immobilier dont la société civile Carnot était propriétaire et qu'il a à ce titre subi un préjudice.

Il n'est par ailleurs nullement démontré que les parts sociales détenues par [P] [A] ont, eu égard à l'état d'endettement de la société, perdu de la valeur du fait de la vente intervenue.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation présentée par [P] [A] en lien avec l'affectation du prix de vente.

SUR LE DÉFAUT DE CONVOCATION A L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU 22 JUILLET 2015

Il est constant que [P] [A] n'a pas été convoqué à cette assemblée générale, alors même qu'il détenait 40 parts sur 100.

Ce défaut de convocation, s'il n'était pas de nature à modifier l'équilibre des voix au sein de l'assemblée, l'a privé de la chance de faire valoir son point de vue d'associé et de proposer une solution alternative.

Il n'est pas établi que ce défaut de convocation, qui constitue une faute des organes de la société, est une faute personnelle de la gérante. Dès lors, seule la société est tenue d'indemniser [P] [A] de sa perte de chance.

L'indemnisation de celle-ci, minime, a été exactement appréciée par le premier juge à 2.000 €.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Le premier juge a équitablement apprécié l'indemnité due sur ce fondement par la société civile Carnot.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire droit aux demandes présentée sur ce fondement devant la cour.

SUR LES DÉPENS

La charge des dépens d'appel incombe à l'appelant.

PAR CES MOTIFS,

statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du 4 mai 2021 du tribunal judiciaire de Poitiers ;

REJETTE les demandes présentées en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [P] [A] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/02470
Date de la décision : 06/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-06;21.02470 ?
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