PC/PR
ARRET N° 323
N° RG 21/01644
N° Portalis DBV5-V-B7F-GI5Z
[J]
C/
S.C.P. [L] [O]
ès qualités
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE BORDEAUX
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre sociale
ARRÊT DU 01 JUIN 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 mai 2021 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LA ROCHELLE
APPELANTE :
Madame [N] [J]
née le 09 août 1971 à [Localité 6] (24)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Ayant pour avocat Me Alexandra DUPUY de la SELARL DUPUY ALEXANDRA, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
INTIMÉES :
S.C.P. DELPHINE RAYMOND
Ès qualités de mandataire liquidateur de la Société DSC DYNAMIQUE SYSTEME COMMUNICATION
N° SIRET : 383 573 201
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE BORDEAUX
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Ayant toutes deux pour avocat Me Renaud BOUYSSI de la SELARL ARZEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 907 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 avril 2023, en audience publique, devant :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseillère
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [N] [J] a été engagée le 9 avril 2018 par la S.A.S. Dynamique Système Communication (ci-après D.S.C.) en qualité de directrice des ressources humaines groupe, selon contrat à durée indéterminée stipulant une rémunération mensuelle forfaitaire nette de 3 000 € pour une durée hebdomadaire de travail de 40 heures.
Le 18 juillet 2018, Mme [J] a fait l'objet d'un arrêt de travail d'origine non-professionnelle, renouvelé à plusieurs reprises jusqu'au 3 décembre 2018, date d'une visite médicale de reprise à l'issue de laquelle le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude à tous les postes de l'entreprise sans possibilité de reclassement, en précisant que l'intéressée peut travailler en milieu ordinaire de travail et peut bénéficier d'une formation professionnelle.
Mme [J] s'est vue notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par LRAR du 31 décembre 2018.
Soutenant que son inaptitude et son licenciement sont imputables à une situation de harcèlement moral, Mme [J] a, par acte du 23 décembre 2019, saisi le conseil de prud'hommes de La Rochelle d'une action en dommages-intérêts pour harcèlement moral, en nullité de son licenciement et paiement de diverses indemnités subséquentes.
Par jugement du 14 avril 2020, le tribunal de commerce de La Rochelle a ordonné à l'égard de la S.A.S. DSC l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 15 décembre 2020 ayant désigné la S.C.P. [L] [O] en qualité de mandataire liquidateur.
Par jugement du 11 mai 2021, le conseil de prud'hommes de La Rochelle a :
- dit que le licenciement de Mme [J] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- dit que le harcèlement moral n'est pas démontré,
- dit que le contrat de travail a été loyalement exécuté par l'employeur,
- dit que les dispositions relatives à la portabilité ont été respectées,
- débouté Mme [J] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté Me [O] de sa demande au titre de l'article 700 du CPC,
- dit que les dépens et frais d'exécution passeront en frais privilégiés de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société défenderesse.
Mme [J] a interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la cour le 26 mai 2021.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 7 mars 2023.
Au terme de ses dernières conclusions du 18 août 2021 auxquelles il convient à ce stade de se référer pour l'exposé détaillé des éléments de droit et de fait, Mme [J] demande à la cour, réformant le jugement entrepris et statuant à nouveau :
- de fixer son salaire moyen de base à 3 990 €,
- Sur le harcèlement moral et la violation de l'obligation de sécurité et de loyauté : de juger qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur et de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire à la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts, outre 110,46 € à titre de rappel de salaires impayés et 11,05 € au titre des congés payés y afférents,
- Sur le licenciement,
$gt; à titre principal, sur la nullité du licenciement pour inaptitude réactionnelle au harcèlement moral,
- de déclarer son licenciement pour inaptitude nul car réactionnel à une situation de harcèlement moral,
- de fixer sa créance auprès de la liquidation de la société représentée par Me [O] ès qualités de mandataire liquidateur aux sommes de 7 980 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 798 € au titre des congés payés afférents et 23 940 € au titre de l'indemnité spécifique due en cas de licenciement nul réactionnel à une situation de harcèlement moral,
$gt; à titre subsidiaire, sur le licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
- de déclarer son licenciement pour inaptitude dépourvu de cause réelle et sérieuse pour violation de l'obligation de consultation des délégués du personnel et violation de l'obligation de recherche de reclassement,
- de fixer sa créance auprès de la liquidation de la société représentée par Me [O] ès qualités de mandataire liquidateur à la somme de 23 940 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
- Sur les dommages et intérêts pour violation des obligations légales concernant la portabilité de la mutuelle,
- de juger que la société DSC n'a pas respecté ses obligations en matière de portabilité de mutuelle de santé,
- de fixer sa créance auprès de la liquidation de la société représentée par Me [O] ès qualités de mandataire liquidateur à la somme de 749, 96 € à titre de dommages et intérêts pour violation des obligations légales concernant la portabilité de la mutuelle,
- de fixer sa créance auprès de la liquidation de la société représentée par Me [O] ès qualités de mandataire liquidateur à la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du CPC pour la procédure de première instance et à la somme de 3 000 en cause d'appel,
- de juger que le CGEA AGS de Bordeaux garantira l'ensemble des condamnations à intervenir,
- d'assortir l'ensemble des condamnations des intérêts de droit à compter du jour de la demande,
- de juger que les dépens et frais d'exécution passeront en frais privilégiés de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société représentée par Me [O], ès qualités de liquidateur judiciaire.
Au terme de ses conclusions du 18 novembre 2021, auxquelles il convient également à ce stade de se référer pour l'exposé détaillé des éléments de droit et de fait, la S.C.P. [L] [O], ès qualités de mandataire liquidateur de la S.A.S. DSC demande à la cour :
- à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [J] de toutes ses demandes,
- subsidiairement, de juger que Mme [J] a déjà perçu un remboursement de ses frais de santé par la CPAM à hauteur de 304,07 € et, en conséquence, de limiter le montant de la condamnation au remboursement des frais de santé à la somme de 439,52 €,
- de condamner Mme [J] à lui payer la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du C.P.C., outre les dépens.
Au terme de ses conclusions remises et notifiées le 18 novembre 2021, auxquelles il convient également à ce stade de se référer pour l'exposé détaillé des éléments de droit et de fait, l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de Bordeaux demande à la cour :
- à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [J] de toutes ses demandes,
- subsidiairement, de juger que Mme [J] a déjà perçu un remboursement de ses frais de santé par la CPAM à hauteur de 304,07 € et, en conséquence, de limiter le montant de la condamnation au remboursement des frais de santé à la somme de 439,52 €,
- en toute hypothèse, de juger que la décision à intervenir ne lui sera opposable que dans les limites légales et sous réserve d'un recours pouvant être introduit, qu'il ne pourra consentir d'avances au mandataire liquidateur que dans la mesure où la demande entre bien dans le cadre des dispositions de l'article L3253-6 et suivants du code du travail, qu'il ne pourra être amené à faire des avances, toutes créances de la salariée confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L3253-17 et suivants et D3253-5 du code du travail, que les sommes qui pourraient être fixées au titre de dommages et intérêts procéduraux ou ne découlant pas directement de l'exécution du contrat de travail, telles qu'astreintes, dépens, ainsi que sommes dues au titre de l'article 700 sont exclues de la garantie AGS, de sorte que les décisions à intervenir sur de telles demandes ne pourront lui être déclarées opposables et qu'il devra être mis hors de cause.
MOTIFS
Le salaire de référence sera fixé à la somme de 3 990 € brut mensuel ainsi qu'il résulte des bulletins de salaire versés aux débats (comprenant salaire de base et heures supplémentaires forfaitisées), cette évaluation n'étant au demeurant pas contestée par les intimés.
I - Sur les demandes indemnitaires fondées sur une situation de harcèlement moral et un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité :
Il doit être rappelé :
- qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (article L. 1152-1 du code du travail),
- que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel,
- que le harcèlement moral est caractérisé par la constatation de ses conséquences telles que légalement définies, peu important l'intention (malveillante ou non) de son auteur,
- que le régime probatoire du harcèlement moral est posé par l'article L. 1154-1 du code du travail qui prévoit que dès lors que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement,
- que le salarié n'est tenu que d'apporter au juge des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral et qu'il ne supporte pas la charge de la preuve de celui-ci,
- que le juge doit examiner la matérialité des faits allégués par le salarié en prenant en compte tous les éléments invoqués y compris les certificats médicaux, qualifier juridiquement ces éléments en faits susceptibles, dans leur ensemble, de faire présumer un harcèlement moral, examiner les éléments de preuve produits par l'employeur pour déterminer si ses agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et si ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement,
- que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de management par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Mme [J] soutient avoir fait l'objet dès son entrée en fonction de reproches extrêmement dénigrants voire humiliants et d'un management oppressif destiné à la préparer à l'esprit de l'entreprise, se traduisant par des violences physiques et verbales et des sanctions pécuniaires déguisées ayant eu pour conséquence une dégradation de son état de santé.
A l'appui de ses affirmations, elle produit :
- un 'compte-rendu d'activité professionnelle - contexte dégradé' (pièce 5) document dactylographié de quatre pages qu'elle prétend avoir communiqué au médecin du travail
- une attestation de M. [G] [C], VRP, datée du 19 mars 2021 (pièce 20) j'atteste que Mme [J] et beaucoup d'autres salariés de l'entreprise étaient sous l'emprise de M. [F] ce qui nous rendait obéissants au point de ne plus compter nos heures de travail et de ne plus avoir de vie privée. On devait être au bureau dès 5h du matin sans compter les réunions obligatoires le samedi. Comme il aimait le répéter 'la vie privée passe après le travail' que M. [F] surchargeait de travail Mme [J], que sur la fin il ne s'adressait même plus à elle pour lui demander quelque chose, il passait par [X] ou autre et la critiquait aux réunions commerciaux. M. [F] nous donnait rendez-vous plusieurs fois par jour dans des bars pour l'accompagner dans son alcoolisme. M. [F] est une personne homophobe, alcoolique, autoritaire, manipulateur qui n'hésite pas à virer manu militari un salarié qui lui faisait front ou tout simplement qui se laissait pousser la barbe. Il a été même jusqu'à sortir une arme à feu de gros calibre chargée qui était cachée dans le faux-plafond de la salle de pause et nous la pointer sur nous en disant 'je suis là pour vous protéger, rien peut vous arriver, vous voyez'. Je pourrais écrire un livre sur le personnage de M. [F] et son comportement de gourou manipulateur qui pouvait vous détruire psychologiquement et Mme [J], il l'a détruite. Elle qui est arrivée dans l'entreprise avait le sourire et la joie de vivre, elle en est sortie affaiblie mentalement et physiquement. Je tenais à ajouter que lors d'une réunion commerciale où l'on mangeait et surtout buvait dès 10 h du matin en étant obligé de participer aux frais de tout cela, il a parlé de l'arrêt maladie de Mme [J] et qu'il était au courant que Mme [J] souhaitait l'attaquer devant les tribunaux.
Il a dit, je cite 'qu'elle fasse ce qu'elle veut, je m'en tape le coquillard. Je connais le médecin du travail, elle va passer pour une folle. Cette salope a été parler de mon arme. Personne je dis bien personne ne prononce son nom devant moi dorénavant.'
- une attestation de M. [Y] [M], cadre commercial, datée du 13 mars 2021 (pièce 21) : J'ai travaillé de 2015 à 2020 dans la société Stratégie et Communication gérée par M. [F]. Je dois dire que j'ai fait plusieurs allers-retours dans cette société où j'ai eu l'occasion de rencontrer brièvement Mme [J] employée drh. Ce que je peux dire c'est que M. [F] est un grand manipulateur voire un gourou. Il faut croire qu'il n'avait pas de vie privée car il obligeait la plupart de ses salariés à être présent à ses côtés. M. [F] est quelqu'un de très caractériel et très violent verbalement voire irrespectueux envers ses subordonnés. Je n'ai pas travaillé en même temps que Mme [J] au sein de Stratégie mais j'ai vu et entendu M. [F] dire des choses pas gentilles à l'encontre de cette dernière., jusqu'à parler de sa vie privée et de la qualifier d'incompétente ou par des petits mots pas très respectueux. M. [F] est un homophobe et un raciste de premier plan. Ses réunions étaient rarement professionnelles mais plutôt une excuse pour boire un coup. Comme on le dit, le roi aimait être entouré de ses apôtres ou plutôt des serviteurs. Ce que je peux dire c'est que M. [F] a littéralement bouleversé ma vie car je suis en couple depuis 30 ans et il aurait presque fallu que je quitte ma femme pour pouvoir appartenir à sa société et lui,
- son contrat de travail (pièce 1) et ses bulletins de paie (pièce 18) dont la comparaison établit que le taux horaire a été modifié sans son accord et minoré de 110,46 €, résultant manifestement d'une sanction déguisée par la direction,
- les avis d'arrêts de travail d'origine non professionnelle délivrés du 18 juillet 2018 au 4 décembre 2018.
Il doit en l'espèce être considéré que :
- si la caractérisation d'une situation de harcèlement moral suppose la production par le salarié prétendument victime d'éléments dont la matérialité est objectivement vérifiable et qui ne peuvent consister en la seule relation de faits par leur auteur, comme en l'espèce le 'compte-rendu d'activité professionnelle - contexte dégradé' dont Mme [J] ne rapporte pas la preuve de la transmission effective au médecin du travail,
- les faits dénoncés dans ce document sont, à tout le moins partiellement, corroborés par les attestations versées aux débats, s'agissant en particulier de l'exhibition d'une arme à feu (à cet égard, la réaction de l'employeur décrite par M. [C] à la révélation de la dénonciation des faits par Mme [J] confirme leur réalité) et d'un mode de management marqué par une pression et une intimidation constantes sur les salariés,
- par ailleurs, l'appelante justifie, par la production des bulletins de salaire correspondants d'une réduction, certes minime mais réelle, de son taux horaire de rémunération à compter de juillet 2018,
- ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement dont l'effet négatif sur l'état de santé de la salariée est établi au regard des arrêts de travail versés aux débats et de l'avis d'inaptitude 'à tous les postes de l'entreprise sans possibilité de reclassement' précisant cependant que Mme [J] peut travailler en milieu ordinaire de travail.
Les intimés n'apportent aucun élément établissant que cette situation est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, étant considéré que la circonstance qu'antérieurement à l'embauche, les parties entretenaient des relations amicales et chaleureuses est sans incidence sur l'appréciation de la relation de travail.
Il convient dans ces conditions, réformant la décision entreprise, de juger que Mme [J] justifie avoir été victime d'une situation de harcèlement moral pendant la période d'exécution de son contrat de travail au sein de la société DSC et, au vu des justificatifs versés aux débats, compte-tenu de la durée et de l'intensité des faits (étant notamment constaté que Mme [J] ne justifie d'aucun suivi psychologique ou médicamenteux, avant ou après la rupture du contrat de travail, de fixer sa créance indemnitaire à la somme de 3 000 € outre la somme de 110,46 € brut à titre de rappel de salaires impayés et 11,04 € brut au titre des congés payés y afférents (réduction injustifiée du taux horaire).
II - Sur les demandes relatives au licenciement :
Le juge peut prononcer la nullité du licenciement pour inaptitude d'un salarié lorsque cette inaptitude trouve sa cause dans le harcèlement moral qu'il a subi.
En l'espèce, la salariée soutient que son inaptitude totale à son poste de travail, actée le 3 décembre 2018 par la médecine du travail, trouve sa cause exclusive dans le harcèlement dont elle a fait l'objet.
En réponse, les intimés se bornent à reprendre les explications déjà données, contestant l'existence même d'une situation de harcèlement moral.
Au regard des éléments précités, de l'absence d'antécédents psychologiques de Mme [J] et des termes mêmes de l'avis d'inaptitude, l'existence d'un lien direct de causalité entre la situation de harcèlement moral dont elle a été victime et son inaptitude à tout poste dans l'entreprise est établie et justifie le prononcé de la nullité de son licenciement, en application de l'article L1152-3 du code du travail.
Il doit être rappelé que lorsque le juge prononce la nullité du licenciement pour inaptitude d'un salarié et que cette inaptitude trouve sa cause dans le harcèlement moral qu'il a subi, l'employeur peut être condamné au paiement d'une indemnité pour licenciement nul, d'une indemnité compensatrice de préavis assortie des congés payés.
Sur la base du salaire de référence ci-dessus arrêté, de l'ancienneté de service de Mme [J] dans l'entreprise, de la durée et de l'intensité de la situation de harcèlement moral dont elle a été victime, de son âge (47 ans révolus) à la date du licenciement, de sa capacité à retrouver un emploi, la créance de Mme [J] consécutive au prononcé de la nullité de son licenciement sera fixée aux sommes de :
- 23 940 € au titre de l'indemnité prévue par l'article L1235-3-1 du code du travail,
- 3 990 € brut à titre d'indemnité de préavis (ancienneté inférieure à deux ans) et 399 € brut au titre des congés payés y afférents.
III - Sur la demande indemnitaire au titre d'un prétendu manquement de l'employeur à ses obligations relatives à la portabilité de la mutuelle :
Mme [J] expose :
-que, par courrier du 5 mars 2019 (pièce 15) , elle a informé la société DSC du fait qu'elle ne pouvait pas bénéficier de la mutuelle couverture maladie de l'entreprise afin de prendre en charge, notamment, les frais de santé de son fils,
- que la société DSC a reconnu (mail du 13 mars 2019, pièce 16) cette situation et lui a adressé un bulletin d'adhésion au dispositif de portabilité de l'entreprise à compter du 13 mars 2019 seulement (pièce 17)
- qu'elle a été contrainte de prendre une complémentaire santé afin de prendre en charge une partie de ses frais de santé et qu'elle n'a pu être remboursée de l'ensemble de ses dépenses, soit une somme globale de 749,96 € selon décompte détaillé (pièce 19).
En réponse, les intimés soutiennent qu'aucun manquement ne peut être imputé à la société DSC qui, à réception du courrier de Mme [J] le 15 mars 2019, a immédiatement effectué les démarches auprès de la complémentaire santé et que le décompte produit par Mme [J] ne fait pas état des sommes qui lui ont été remboursées par la CPAM et qui sont pourtant mentionnées en pièce 19 (relevés de remboursements) pour un total de 304,07 €.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de ce chef de demande étant constaté que le bulletin de radiation/inscription dispositif de portabilité renseigné par Mme [J] porte mention d'une prise d'effet de la portabilité au 3 janvier 2019 et que Mme [J] ne justifie pas du refus de l'organisme de santé-prévoyance d'assurer le remboursement des frais exposés entre le 3 janvier et le 15 mars 2019.
IV - Sur les demandes accessoires :
Il doit être rappelé que le jugement d'ouverture d'une procédure collective arrête définitivement, à sa date, le cours des intérêts légaux et conventionnels (article L622-28 du code de commerce) de sorte que seules les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal, à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et jusqu'au 11 avril 2020 seulement.
Les dépens de première instance et d'appel seront fixés au passif de la procédure collective de la société DSC dans la mesure où cette créance ne peut pas être qualifiée d'utile au déroulement de la procédure quant à sa finalité de sauvegarde de la société débitrice en procédure collective et où elle ne naît pas en contrepartie d'une prestation fournie à celle-ci après l'ouverture de la liquidation judiciaire.
L'équité commande, réformant le jugement entrepris et y ajoutant, de fixer la créance de Mme [J] en application de l'article 700 du CP.C. à la somme globale de 3 000 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de La Rochelle en date du 11 mai 2021,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande relative à la portabilité de la mutuelle,
Réformant la décision déférée pour le surplus et statuant à nouveau :
Juge que Mme [J] a été victime d'une situation de harcèlement moral dans le cadre de sa relation de travail avec la S.A.S. DSC,
Prononce la nullité de son licenciement, par application de l'article L1152-3 du code du travail,
Fixe la créance de Mme [N] [J] au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.S. Dynamique Système Communication, représentée par la S.C.P. [L] [O], ès qualités de mandataire liquidateur, aux sommes de :
- 110,46 € brut à titre de rappel de salaire et 11,04 € brut au titre des congés payés y afférents,
- 3 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la situation de harcèlement moral subie par Mme [J],
- 23 940 € au titre de l'indemnité prévue par l'article L1235-3-1 du code du travail,
- 3 990 € brut à titre d'indemnité de préavis et 399 € brut au titre des congés payés y afférents,
- 3 000 € au titre des frais irrépétibles par elle exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,
Rappelle qu'en application de l'article L.622-28 et L.641-3 du code de commerce le jugement d'ouverture d'une procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels,
Dit que la présente décision est opposable à l'UNEDIC délégation AGS CGEA de Bordeaux, dans les conditions et limites légales,
Rappelle que :
- la garantie de l'AGS est subsidiaire et que la présente décision est opposable au CGEA d'e Bordeaux dans la seule mesure d'une insuffisance de disponibilités entre les mains du liquidateur,
- que l'AGS ne garantit pas l'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail que dans les limites et conditions posées par l'article L 3253-19 et suivants du même code,
Déboute la S.C.P. [L] [O], ès qualités, de sa demande en application de l'article 700 du C.P.C.,
Fixe les dépens de première instance et d'appel au passif de la procédure collective de la S.A.S Dynamique Système Communication (DSC).
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,