PC/PR
ARRET N°
N° RG 21/00250
N° Portalis DBV5-V-B7F-GFR7
CPAM DE LA CHARENTE MARITIME
C/
S.A.S. [5]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 01 JUIN 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 décembre 2020 rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de SAINTES
APPELANTE :
CPAM DE LA CHARENTE MARITIME
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par M. [G] [N], muni d'un pouvoir
INTIMEE :
S.A.S. [5]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Non comparante, ni représentée
Dispensée de comparution par courrier en date du 31 mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s'y étant pas opposés, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2023, en audience publique, devant :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président qui a présenté son rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseillère
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 25 novembre 2016, Mme [X] [O], salariée (chauffeur poids-lourd, conducteur d'engins de travaux publics) de la S.A.S. [5], a régularisé une déclaration de maladie professionnelle au titre d'une 'sciatique gauche par hernie' à laquelle était annexé un certificat médical initial du 25 novembre 2016 faisant état d'une hernie discale responsable d'une sciatique gauche hyperalgique.
Le 24 mai 2017, la CPAM de Charente-Maritime a notifié à l'employeur sa décision de prise en charge de la maladie déclarée par Mme [O] au titre de la législation sur les risques professionnels.
Par requête du 13 février 2018, la S.A.S. [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de La Rochelle, section de Saintes, d'un recours contre la décision du 21 novembre 2017 par laquelle la commission de recours amiable de la caisse avait rejeté sa contestation de la décision de prise en charge.
Par jugement du 14 décembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Saintes a :
- déclaré recevable le recours formé par la société [5],
- déclaré inopposable à la société [5] la décision de la CPAM de Charente-Maritime de prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels de la pathologie déclarée par Mme [X] [O] le 25 novembre 2016,
- condamné la CPAM de Charente Maritime aux dépens.
Au soutien de sa décision, le tribunal a considéré en substance que :
- telle qu'elle est décrite tant dans le formulaire de déclaration que dans le colloque médico-administratif, l'affection déclarée et prise en charge ne répond pas à la définition du tableau 97,
- qu'en effet, au-delà de l'analyse littérale de ces documents, le colloque médico-administratif qui renvoie pourtant au résultat d'un examen par IRM dont il aurait été possible de citer les conclusions dans trahir le secret médical ne précise ni la localisation de la sciatique ni la localisation de l'atteinte radiculaire alors que le tableau exige une concordance topograhique entre l'anomalie anatomique (hernie) et le trajet radiculaire du membre inférieur.
La CPAM de Charente-Maritime a interjeté appel de cette décision par LRAR du 12 janvier 2021.
L'affaire a été fixée à l'audience du 4 avril 2023 à laquelle la CPAM de Charente-Maritime a développé oralement ses conclusions transmises les 25 janvier 2023, la S.A.S. [5] (ayant transmis ses conclusions le 17 mars 2023) ayant été dispensée de comparaître.
La CPAM de Charente-Maritime demande à la cour :
- de rejeter le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Saintes du 14 décembre 2020,
-de juger que la maladie déclarée par Mme [O] répond à la condition relative à la désignation médicale prévue par le tableau 97 au titre duquel elle a été prise en charge,
- de jugé qu'elle a bien respecté le principe du contradictoire durant l'instruction de la maladie professionnelle,
- de confirmer la décision de la commission de recours amiable et l'opposabilité de la prise en charge de la maladie professionnelle du 25 novembre 2016 de Mme [O] à la société [5],
- de débouter cette dernière de toutes ses demandes.
Elle soutient en substance :
- s'agissant de la caractérisation de la maladie professionnelle :
$gt; que le médecin-conseil, dans le colloque médico-administratif du 2 mai 2017, indiqué que les conditions médicales prévues au tableau relatives à une sciatique par hernie discale L4-L5 étaient remplies au regard d'une IRM lombaire du 4 novembre 2016,
$gt; que cet examen exigé pour objectiver la hernie discale est un examen médical couvert par le secret médical et que seul le médecin-conseil peut en demander communication afin de valider le diagnostic,
$gt; que la désignation de la pathologie par le médecin-conseil est une garantie suffisante permettant à elle seule de prouver que l'assuré est bien atteint de la pathologie concernée, peu important que le médecin-conseil ne reprenne pas précisément le libellé du tableau,
$gt; qu'il doit en effet être considéré que le fait que le médecin-conseil s'est abstenu, s'agissant de l'intitulé de la maladie visée, de préciser 'avec atteinte radiculaire de topographie concordante' n'est pas suffisant pour considérer que la maladie dont il a reconnu l'existence ne correspond pas à celle visée par le tableau 97 dès lors qu'il affirme sans ambiguïté que les conditions médicales réglementaires du tableau en sont remplies,
$gt; que dès lors l'employeur ne peut soutenir qu'elle a méconnu les dispositions de l'article L461-1 al. 4 et 5 du code de la sécurité sociale en ne sollicitant pas l'avis d'un CRRMP,
- s'agissant de la régularité de la procédure d'instruction du dossier, au visa des articles R441-14 al.3 et R441-13 du code de la sécurité sociale :
$gt; qu'une IRM constitue un élément de diagnostic qui ne peut être examiné que dans le cadre d'une expertise, de sorte qu'elle n'a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse dont l'employeur peut demander la communication,
$gt; qu'elle a informé l'employeur par courrier du 3 mai 2017 de la clôture de l'instruction prévue le 24 mai 2017 et de la possibilité de consulter les pièces du dossier avant la prise de décision, que l'employeur a reçu ce courrier le 5 mai 2017 et ne s'est pas manifesté auprès de ses services pour solliciter communication des pièces, que le colloque médico-administratif faisait partie des pièces offertes à la consultation de l'employeur qui, ne les ayant pas consultées, de son propre fait, ne peut soutenir que la pièce était absente du dossier
La S.A.S. [5] demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de débouter la CPAM de toutes ses demandes à son encontre, en soutenant en substance :
- s'agissant de l'identification de la pathologie au regard du tableau 97 :
$gt; que la notion de topographie concordante mentionnée au tableau 97, qui fait référence au trajet de la douleur est importante en ce qu'elle témoigne de ce que la compression d'une racine du nerf sciatique concorde avec le niveau du disque (L4-L5-, L5-S1) qui fait hernie, et le côté atteint,
$gt; que ni la déclaration de maladie professionnelle ni le certificat médical initial ne font état d'une sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante,
$gt; qu'ainsi la désignation d'une maladie prévue par un tableau de maladie professionnelle étant une des conditions essentielles pour la prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle, la pathologie telle que constatée ne pouvait être prise en charge sur le fondement de l'article L461-1 du code de la sécurité sociale ,
$gt; qu'en effet, toute omission ou irrégularité constatée au regard des conditions de désignation de la maladie exigées par le tableau vicie la décision de prise en charge et la rend inopposable à l'employeur, la maladie devant être exactement celle désignée par le tableau,
- s'agissant du non-respect du contradictoire dans le cadre de l'instruction du dossier, au visa de l'article R441-14 al.3 du code de la sécurité sociale :
- que le dossier mis à sa disposition par la caisse, préalablement à la décision de prise en charge ne contenait aucun examen ayant permis de constater la pathologie prise en charge,
- que la caisse ne lui a pas permis de consulter les conclusions de l'IRM visée dans la fiche de colloque médico-administratif tant préalablement que postérieurement à sa décision de prise en charge, à tout le moins le compte-rendu de cet examen ou les conclusions permettant de confirmer la désignation de la maladie, alors que les éléments de diagnostic imposés par un tableau de maladie professionnelle ne sont pas couverts par le secret médical.
MOTIFS
I - Sur la contestation relative à la désignation de la maladie :
Il sera rappelé :
- que l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale édicte une présomption d'origine professionnelle au bénéfice de toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau,
- que chaque tableau précise la nature des travaux susceptibles de provoquer la maladie, énumère les affections provoquées et le délai dans lequel la maladie doit être constatée après la cessation de l'exposition du salarié au risque identifié pour être prise en charge,
- que la maladie déclarée doit correspondre précisément à celle décrite au tableau, avec tous ses éléments constitutifs et doit être constatée conformément aux éléments de diagnostic éventuellement prévus,
- que la charge de la preuve de la réunion des conditions exigées par l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale pèse sur l'organisme social lorsque ce dernier a décidé d'une prise en charge contestée par l'employeur et qu' à défaut, la prise en charge est déclarée inopposable à l'employeur,
- que si le libellé de la maladie mentionnée au certificat médical initial est différent de celui figurant au tableau, les juges du fond doivent rechercher si l'avis favorable du médecin conseil à la prise en charge de cette pathologie était fondé sur un élément médical extrinsèque.
En l'espèce, la maladie professionnelle retenue par l'organisme social, et désignée par le tableau numéro 97 relatif aux affections chroniques du rachis lombaire provoquées par des vibrations de basses et moyennes fréquences transmises au corps entier, consiste en une « sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante ».
Les pièces du dossier établissent que :
- la déclaration de maladie professionnelle du 25 novembre 2016 porte mention de 'sciatique gauche par hernie discale',
- le certificat médical initial du 25 novembre 2016 fait état d'une 'hernie discale responsable d'une sciatique gauche hyperalgique',
- dans sa décision du 24 mai 2017 emportant prise en charge de la maladie professionnelle de la salariée, la caisse fait état d'une 'maladie sciatique par hernie discale L4-L5' inscrite dans le tableau numéro 97 : Affections chroniques du rachis lombaire provoquées par des vibrations de basses et moyennes fréquences transmises au corps entier',
- dans la fiche de colloque médico administratif 'maladie professionnelle' du 2 mai 2017, le médecin-conseil, au titre du libellé complet du syndrome, fait état d'une 'sciatique par hernie discale L4-L5, code 097AAM51A', précise que les conditions médicales réglementaires sont réunies et s'agissant de l'examen complémentaire exigé par le tableau, mentionne une 'IRM lombaire' du 4 novembre 2016.
Il se déduit, de ces éléments que, quels que soient les termes du certificat médical initial, la maladie professionnelle telle que visée par le tableau numéro 97, a bien été objectivée par le médecin-conseil, au vu d'une IRM.
Le fait que le médecin-conseil se soit abstenu, s'agissant de l'intitulé total de la maladie visée, de préciser «avec atteinte radiculaire de topographie concordante», ne saurait suffire à considérer que la maladie dont il a retenu l'existence et le caractère professionnel ne correspond pas à la maladie professionnelle telle que visée par le tableau 97, dès lors qu'il affirme sans ambiguïté, que les conditions médicales réglementaires du tableau en sont remplies, au vu d'une I.R.M., sans aucune réserve sur les doléances du salarié, relativement à la localisation de ses douleurs.
De même, le fait que dans le courrier de notification, l'organisme social se soit abstenu de reproduire en intégralité l'intitulé de la maladie tel que prévu par le tableau 97, est indifférent, dès lors que les termes employés (maladie sciatique par hernie discale L4-L5 inscrite dans le tableau numéro 97) renvoient nécessairement à la sciatique prévue par ce tableau 97, comme étant une sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante.
En conséquence, les éléments du dossier permettent de retenir que la maladie présentée par la salariée correspond bien à la maladie professionnelle visée par le tableau 97 sous l'intitulé : Sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé et la S.A.S. [5] sera déboutée de ce chef de contestation de l'opposabilité de la décision de prise en charge.
II - Sur le moyen de contestation tiré d'un non-respect du principe du contradictoire :
Il doit être rappelé que le dossier mentionné aux articles R. 441-8 et R. 461-9 constitué par la caisse primaire (qui peut, à leur demande être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur) comprend la déclaration d'accident du travail ou de maladie professionnelle, les divers certificats médicaux détenus par la caisse, les constats faits par la caisse primaire, les informations communiquées à la caisse par la victime ou ses représentants ainsi que par l'employeur et les éléments communiqués par la caisse régionale ou, le cas échéant, tout autre organisme (article R441-14 du code de la sécurité sociale).
Une IRM constitue un élément du diagnostic qui ne peut être examiné que dans le cadre d'une expertise, de sorte qu'elle n'a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale et dont l'employeur peut demander la communication.
Par ailleurs, il convient de constater que la caisse justifie (pièces 9 et 10) de l'envoi et de la réception effective par l'employeur (le 5 mai 2017) de la lettre de notification de la clôture de l'instruction et de la possibilité pour celui-ci de venir consulter les pièces du dossier avant la prise de décision programmée pour le 24 mai 2017.
Aucun manquement de la caisse au principe du contradictoire, s'agissant de l'information de l'employeur sur les éléments susceptibles de lui faire grief, n'est caractérisé et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de contestation.
En définitive, il convient :
- de réformer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré inopposable à la société [5] la décision de la CPAM de Charente-Maritime de prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels de la pathologie déclarée par Mme [X] [O] le 25 novembre 2016 et condamné la CPAM de Charente Maritime aux dépens,
- statuant à nouveau : de déclarer opposable à la S.A.S. [5] la décision de la CPAM de Charente-Maritime de prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels de la pathologie déclarée par Mme [X] [O] le 25 novembre 2016 et de condamner la S.A.S. [5] aux dépens de première instance,
- ajoutant au jugement déféré : de condamner la S.A.S. [5] aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Vu le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Saintes en date du 14 décembre 2020,
Réforme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré inopposable à la société [5] la décision de la CPAM de Charente-Maritime de prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels de la pathologie déclarée par Mme [X] [O] le 25 novembre 2016 et condamné la CPAM de Charente Maritime aux dépens,
Statuant à nouveau, déclare opposable à la S.A.S. [5] la décision de la CPAM de Charente-Maritime de prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels de la pathologie déclarée par Mme [X] [O] le 25 novembre 2016 et condamne la S.A.S. [5] aux dépens de première instance,
Ajoutant au jugement déféré, condamne la S.A.S. [5] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,